La lettre juridique n°748 du 5 juillet 2018

La lettre juridique - Édition n°748

Avocats/Honoraires

[Jurisprudence] Absence de convention d’honoraires entre l’avocat et son client : quelles conséquences ?

Réf. : Cass. civ. 2, 14 juin 2018, n° 17-19.709, F-P+B+I (N° Lexbase : A9312XQX)

Lecture: 7 min

N4781BXD

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par Hervé Haxaire, ancien Bâtonnier, Avocat à la cour, ancien Président de l'Ecole régionale des avocats du Grand Est (ERAGE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition professions

Le 04 Juillet 2018

Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 14 juin 2018, apporte une réponse à cette question dans un cas d’espèce soumis aux dispositions de l’article 10 de la loi n° 71–1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) dans sa nouvelle rédaction, issue de la loi n° 2015–990 du 6 août 2015 (N° Lexbase : L4876KEC).

La question n’est pas nouvelle, mais ne se posait pas dans les mêmes termes avant l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, laquelle pose, notamment, le principe que l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires.

  • Avant la loi du 6 août 2015

 

Avant la généralisation de ce principe par l’article 10 de la loi n° 71–1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015–990 du 6 août 2015, une convention d’honoraires écrite était déjà rendue obligatoire en matière de divorce, d’aide juridictionnelle partielle et d’assurance de protection juridique.

 

  • Des contentieux sont nés en raison de l’absence de convention d’honoraires

 

Dans un arrêt en date du 20 juillet 2015 (CA Toulouse, 20 juillet 2015, n° 128/2015 N° Lexbase : A9643PEU ; cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E9117ETT), la cour d’appel de Toulouse avait considéré, à propos de l’obligation spécifique d’une convention d’honoraires en matière de divorce, qu’en l’absence de convention, il y avait lieu de fixer les honoraires de l’avocat en fonction des critères énoncés par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, faute de dispositions édictant une sanction en cas d’absence de convention.

 

Par arrêt en date du 14 janvier 2016, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 14 janvier 2016, n° 15-10.130, F-P+B N° Lexbase : A9244N3R ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E9664ET4) a rendu une décision allant dans le même sens, cette fois en matière d’assurance de protection juridique, en jugeant qu’en l’absence de convention, les honoraires de l’avocat sont fixés par référence aux seuls critères de l’article 10.

 

Notons que ces deux arrêts ont été rendus alors qu’étaient applicables aux faits de l’espèce les règles antérieures à l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 modifiant l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Ainsi que l’a relevé Maître Dominique Piau (Règles de la profession d’avocat - Dalloz Action 2018-2019, n° 713-24), l’ancienne rédaction de l’alinéa 2 de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 précisait alors expressément que : «en l’absence de convention d’honoraires, les honoraires sont fixés…» en fonction des critères qu’il précisait.

Or, l’alinéa 4 dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 6 août 2015, s’il reprend les mêmes critères de fixation de l’honoraires de l’ancien article 10, ne reprend plus en introduction de leur énoncé les termes «en l’absence de convention d’honoraires… ».

 

Cette modification dans le nouvel article 10 apparaît logique dès lors que la conclusion d’une convention d’honoraires écrite est érigée en principe dans un alinéa précédent du même article, quand à l’inverse, l’hypothèse d’une absence de convention écrite pouvait être envisagée avant 2015 et alors que la conclusion d’une convention n’était pas la règle.

Selon nous, la problématique était cependant identique dans ces cas d’espèce qui ont donné lieu aux arrêts précités. En effet, dans les domaines considérés, le divorce et l’assurance de protection juridique, la conclusion d’une convention d’honoraires écrite était déjà obligatoire.

 

Ce n’est donc pas l’ancienne rédaction de l’article 10 de la loi de 1971, en ce qu’elle visait le cas de l’absence de convention d’honoraires, qui a donné à ces décisions le fondement de leur motivation. La question posée était déjà : l’avocat peut-il prétendre au paiement de ses honoraires, en l’absence d’une convention pourtant obligatoire ? Et les termes «en l’absence d’une convention d’honoraires…» n’instituaient pas une dérogation à ce caractère obligatoire.

 

  • Depuis la loi du 6 août 2015

 

L’article 10 de la loi n° 71–1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 généralise, dans ses alinéas 3 et 4, la règle selon laquelle l’avocat conclut par écrit une convention d’honoraires avec son client, ceci dans les termes suivants : «Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci». 

 

Le principe est clairement posé par ces dispositions : l’avocat conclut une convention d’honoraires avec son client.

Les exceptions au principe sont également énumérées : l’urgence ou la force majeure (ou le cadre de la mission de l’avocat, selon qu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou des commissions d’office en matière de procédure non juridictionnelle, domaines dans lesquels l’avocat ne peut percevoir de rémunération, sous des réserves qu’il n’y a pas lieu de rappeler ici).

Le contenu de la convention est, sinon précisé, du moins fixé a minima : la convention doit indiquer le montant ou le mode de déterminations des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les frais et débours envisagés.

Mais le nouvel article 10 de la loi de 1971 modifié par la loi de 2015, n’a pas institué comme sanction à l’absence de convention d’honoraires écrite entre l’avocat et son client l’interdiction pour l’avocat de percevoir des honoraires.

 

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  • Une jurisprudence qui a suscité des inquiétudes chez les avocats après l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015

 

Au visa de ces dispositions nouvelles, la cour d’appel de Papeete (CA Papeete, 2 août 2017, n° 17/00008 N° Lexbase : A6700WRL ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9105ETE) a jugé le 2 août 2017 : «…qu’à défaut de convention d’honoraires écrite, que l’article 10 de la loi n° 71–1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi ‘Macron’ du 6 août 2015, rend obligatoire, un avocat ne peut prétendre au paiement d’honoraires qu’aucun accord entre l’avocat et ses clients n’a fixés».

 

  • L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 14 juin 2018

 

Il clôt les incertitudes liées à la jurisprudence de la cour d’appel de Papeete.

Cet arrêt de cassation a été rendu sur pourvoi à l’encontre d’une ordonnance d’infirmation rendue le 11 avril 2017 par le délégué du premier président de la cour d’appel de Bordeaux statuant sur appel d’une décision du Bâtonnier rendue en matière d’honoraires.

 

Selon le moyen présenté au soutien du pourvoi, le client de l’avocat avait requis ses services et ses conseils en lui remettant une longue liste de pièces en original afin de le consulter sur plusieurs éléments et obtenir son avis sur l’éventualité d’une action judiciaire.

Statuant sur l’appel de la décision du Bâtonnier qui accueillait la requête en taxation d’honoraires en son principe, tout en la réduisant dans son montant, le délégué du premier président de la cour d’appel de Bordeaux a jugé «qu’à défaut de la convention imposée par la loi, l’avocat n’est pas fondé à réclamer quelque honoraire que ce soit à son client», précisant qu’une telle solution s’imposait «pour que la loi ait un sens».

 

Il est important de relever que l’arrêt de cassation en date du 14 juin 2018 est intervenu sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, qui était ainsi rédigé : «si l’obligation d’établir une convention d’honoraires imposée jusque-là à l’avocat pour les procédures de divorce et pour l’assurance de protection juridique a été généralisée à toutes les matières et à tout type d’intervention par la loi du 6 août 2015, le défaut de signature d’une convention d’honoraires n’est pas sanctionné légalement par l’interdiction, pour l’avocat, de percevoir des honoraires pour ses diligences dès lors que celles-ci sont établies ; qu’en décidant le contraire 'pour que la loi est ait sens' le délégué du premier président, a violé les dispositions des articles 10 et 10–1 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015–990 du 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi 'Macron'».

 

C’est ainsi que, pour entrer en voie de cassation, la Cour de cassation a rappelé que selon les alinéas 3 et 4 de l’article 10 de la loi de 1971 dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 : «Le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte, selon les usages, la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci».

 

Faut-il déduire des termes de cet arrêt de cassation que l’avocat pourrait s’affranchir de l’obligation de conclure une convention d’honoraires écrite avec son client, dès lors qu’il ne s’exposerait pas à perdre le droit de prétendre au paiement de ses honoraires ?

 

Certainement pas.

 

L’obligation de conclure une convention d’honoraires écrite, même si le mot «obligation» ou tout autre mot similaire, n’est pas inséré dans le texte du nouvel article 10, n’est pas discutable. Les exceptions à la conclusion préalable d’une convention, l’urgence et la force majeure notamment, viennent renforcer s’il en est besoin le caractère obligatoire et l’exigence de la convention d’honoraires.

L’avocat qui ne conclut pas de convention d’honoraires commet assurément une faute déontologique qui l’expose à des poursuites disciplinaires.

Il renonce en outre à tout honoraire de résultat qui doit avoir été prévu dans la convention d’honoraires.

 

Il méconnaît les raisons d’être de la convention d’honoraires qui est destinée à permettre à l’avocat de sécuriser, en toute transparence, l’intention des parties et les modalités de détermination des honoraires de l’avocat. Il en va ainsi de l’intérêt personnel de l’avocat comme de l’image de la profession.

 

L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation commenté, au-delà de ses motifs de droit, a le mérite, dans les faits, de prémunir l’avocat contre la mauvaise foi de son client lorsque celui-ci invoque commodément l’absence de convention d’honoraires pour tenter de se soustraire à toute rémunération de son avocat.

newsid:464781

Baux commerciaux

[Brèves] Précisions sur le droit de préemption du locataire en cas de vente d’un local à usage commercial

Réf. : Cass. civ. 3, 28 juin 2018, n° 17-14.605, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1598XUQ)

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N4790BXP

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par Julien Prigent

Le 04 Juillet 2018

► En application de l'alinéa 1er de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0104I7Y), disposition d'ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation. La vente est parfaite lorsque le preneur fait connaître au bailleur son acceptation d'acquérir au seul prix de vente. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 28 juin 2018 (Cass. civ. 3, 28 juin 2018, n° 17-14.605, FS-P+B+I N° Lexbase : A1598XUQ).

 

En l’espèce, le propriétaire d'un immeuble à usage commercial donné en location avait donné mandat à un agent immobilier de rechercher un acquéreur. Le 12 mai 2015, par l'intermédiaire de cet agent immobilier, un candidat avait fait connaître au propriétaire son intention d'acquérir l'immeuble. Le 20 mai 2015, le propriétaire avait notifié au locataire une offre de vente aux clauses et conditions acceptées par le candidat, à savoir un prix augmenté des honoraires de l'agent immobilier. Le locataire avait accepté l'offre, à l'exception des honoraires. Le propriétaire a ensuite assigné le locataire, l'agent immobilier et le candidat acquéreur aux fins que celui-ci soit autorisé à acquérir l'immeuble.

 

L’arrêt d’appel (CA Douai, 12 janvier 2017, n° 15/07384 N° Lexbase : A6537UIX) ayant condamné le propriétaire à régulariser l'acte de vente sans honoraires de l'agent immobilier, au profit du locataire, le candidat acquéreur s’est pourvu en cassation.

 

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, apportant trois précisions sur les dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce : elles sont d’ordre public (bien que non visées expressément par l’article L. 145-15 du Code de commerce N° Lexbase : L5032I3R), l’offre de vente au locataire ne peut inclure les honoraires de négociation et la vente est parfaite lorsque le preneur a accepté d’acquérir au seul prix de vente (cf. l’Ouvrage «baux commerciaux» N° Lexbase : E4281E7P).

newsid:464790

Baux d'habitation

[Brèves] Décès du preneur : droit du conjoint survivant sur le bail versus droit locatif des héritiers

Réf. : Cass. civ. 3, 28 juin 2018, n° 17-20.409, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1600XUS)

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N4776BX8

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 04 Juillet 2018

L’article 1751 du Code civil (N° Lexbase : L8983IZQ) accorde au conjoint survivant un droit exclusif sur le logement qui servait effectivement à l’habitation des époux avant le décès, sauf renonciation de sa part ; ce droit exclusif prive les héritiers qui vivent dans les lieux au moment du décès du preneur de tout droit locatif en présence d’un conjoint survivant. Tel est l’enseignement délivré par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 28 juin 2018 (Cass. civ. 3, 28 juin 2018, n° 17-20.409, FS-P+B+I N° Lexbase : A1600XUS ; contra : Cass. civ. 3, 8 décembre 1999, n° 98-13.416, publié au bulletin, N° Lexbase : A7015CGW retenant l’existence d’un bail indivis entre le conjoint survivant et les héritiers majeurs, mais rendu sous l’empire de la loi antérieure à la modification de l’article 1751 par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral N° Lexbase : O8216BBW, laquelle loi a ajouté un troisième alinéa à l’article 1751, octroyant ledit droit exclusif sur le bail au conjoint survivant).

 

Dans cette affaire, en 1976, une société d’habitations à loyer modéré avait donné à bail à un preneur un appartement de quatre pièces qu’il avait occupé avec son épouse et leurs enfants ; le preneur était décédé en 2004, et son épouse, en 2013 ; leur fille avait sollicité le transfert du bail à son profit ; la société bailleresse s’y était opposée au motif qu’elle ne remplissait pas la condition d’adaptation du logement à la taille du ménage et l’avait assignée en expulsion comme étant occupante sans droit ni titre ; elle faisait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande. En vain.

 

Elle n’obtiendra pas gain de cause devant la Cour suprême qui approuve la cour d’appel ayant énoncé la règle précitée ; aussi, ayant constaté que, lors du décès de sa mère, la fille ne remplissait pas les conditions de transfert du bail prévues par l’article 40-I de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction applicable (N° Lexbase : L8461AGH), la cour en avait exactement déduit que celle-ci ne pouvait bénéficier du transfert du bail à son profit.

newsid:464776

Copropriété

[Jurisprudence] Caractère perpétuel du droit réel attaché à un lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un autre lot

Réf. : Cass. civ. 3, 7 juin 2018 n° 17-17.240, FS-P+R+I (N° Lexbase : A4490XQD)

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N4848BXT

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par Florence Bayard-Jammes, Professeur associé à Toulouse Business School

Le 04 Juillet 2018

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 juin 2018 est un arrêt majeur en droit de la copropriété qui confirme la possibilité de créer un droit de jouissance spéciale sur un lot de copropriété au profit d’autres lots de l’immeuble collectif. Ce droit, attaché au lot, comme le droit de jouissance exclusif sur une partie commune, est un droit réel et perpétuel.

En 2004, une SCI acquiert, dans un immeuble en copropriété, divers lots à vocation commerciale, dont un à usage de piscine, plage et solarium. Par convention conclue le 20 aout 1970 «valant additif» au règlement de copropriété, les anciens propriétaires du lot à usage de piscine se sont engagés à assumer les frais de fonctionnement de la piscine et à autoriser son accès gratuit aux copropriétaires, à leurs locataires et leurs invités au moins pendant la durée des vacances scolaires. La SCI, acquéreur du lot, a dans un premier temps fait assigner le syndicat des copropriétaires en nullité de la convention. Un arrêt rendu le 12 janvier 2016 par la cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 12 janvier 2016, n° 14/03988 N° Lexbase : A4589N3D), devenu définitif, l’a déclaré valable et a condamné la SCI à procéder, dans les termes de la convention, à l'entretien et à l'exploitation de la piscine.

La SCI a, par la suite, assigné le syndicat des copropriétaires afin qu’il soit constaté que la convention avait pris fin à l’expiration d’un délai de 30 ans, soit depuis le 20 août 2000. La cour d’appel de Chambéry (CA Chambéry, 21 mars 2017, n° 16/02602 N° Lexbase : A7093UEG) a rejeté sa demande. La SCI s’est pourvue en cassation en fondant son argumentation sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle reproche à la cour d’appel d’avoir retenu que les droits et obligations attachés aux lots des copropriétaires par la convention devaient s'exercer tant que les copropriétaires n'auraient pas modifié le règlement de copropriété et que l'immeuble demeurait soumis au statut de la copropriété, ce dont il résultait que ces droits et obligations avaient une durée indéterminée et présentaient donc, pour le propriétaire des lots grevés desdites obligations, un caractère perpétuel ; or, si le propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d'ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale de son bien, ce droit ne peut être perpétuel et s'éteint, s'il n'est pas limité dans le temps par la volonté des parties, dans les conditions prévues par les articles 619 (N° Lexbase : L3206ABD) et 625 (N° Lexbase : L3212ABL) du Code civil, c’est-à-dire à l’expiration d’une durée de 30 ans.

La Cour de cassation ne reprend pas l’argumentation et confirme l’arrêt d’appel par un motif substitué. Elle énonce le principe selon lequel «est perpétuel un droit réel attaché à un lot de copropriété conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale d'un autre lot». La Haute juridiction approuve la cour d’appel d’avoir retenu que les droits litigieux, qui avaient été établis en faveur des autres lots de copropriété et qui constituaient une charge imposée à certains lots, pour l'usage et l'utilité des autres lots appartenant à d'autres propriétaires, étaient des droits réels sui generis trouvant leur source dans le règlement de copropriété et que les parties avaient ainsi exprimé leur volonté de créer des droits et obligations attachés aux lots des copropriétaires et qu'il en résultait que ces droits étaient perpétuels.

En affirmant le caractère perpétuel du droit réel de jouissance spéciale, on pourrait penser que l’arrêt du 7 juin 2018 constitue une nouvelle étape dans la construction prétorienne des droits réels sui generis ; or, selon nous, c’est sous l’angle du droit de la copropriété et plus précisément du droit attaché au lot de copropriété qu’il convient d’analyser cette décision de la troisième chambre civile de la Cour de cassation qui ne manquera pas d’être abondamment commentée.

 

Après avoir mis fin au numerus clausus des droits réels par un arrêt de principe du 31 octobre 2012 connu sous le nom «arrêt Maison de la Poésie» [1], la Cour de cassation a affiné sa jurisprudence relativement à la durée de ces droits réels de jouissance spéciale qui peuvent être consentis par un propriétaire sur son bien.

Par un arrêt du 28 janvier 2015 [2], elle affirme que le droit réel conférant le bénéficie d’une jouissance spéciale sur un bien, consenti par son propriétaire à une personne morale sans limitation de durée, ne peut être perpétuel et s’éteint dans les conditions des articles 619 et 625 du Code civil.  Par la suite, sans revenir sur le caractère non perpétuel du droit réel de jouissance spéciale, elle a considéré qu’un droit réel sui generis, distinct du droit d’usage et d’habitation, pouvait être consenti pour la durée de vie de la personne morale (en l’espèce une fondation) titulaire de ce droit «puisqu’il n’était pas régi par les dispositions des articles 619 et 625 du Code civil, n’était pas expiré et qu’aucune disposition légale ne prévoyait qu’il soit limité à une durée de 30 ans» [3].

S’il est dorénavant admis qu’un propriétaire peut consentir un droit réel de jouissance spéciale sur son bien, en dehors des seuls droits réels nommés par la loi, la durée de ce droit continue de poser difficulté comme le prouvent les commentaires, parfois perplexes, des arrêts de 2015 et 2016 précités. Or, la question posée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 juin 2018 est bien celle de la durée des droits et obligations constitués par la convention du 20 aout 1970 «valant additif» au règlement de copropriété.  

La cour d’appel de Chambéry, qui a rejeté la demande du propriétaire du lot litigieux de voir la durée de la convention limitée à 30 ans, n’affirme pas la perpétuité de ces droits de jouissance spéciale d’accès gratuit à la piscine reconnu par la convention aux propriétaires des lots de copropriété de l’immeuble collectif. Elle les qualifie de droits réels sui generis attachés aux lots de copropriété en vertu du règlement de copropriété auquel la convention a été intégrée et affirme que ces droits pourraient s’exercer aussi longtemps que les copropriétaires n’auraient pas modifié le règlement de copropriété et que l’immeuble demeurerait soumis au statut. Ainsi, elle reprend l’argumentation de la Haute juridiction dans son arrêt du 8 septembre 2016 («Maison de la Poésie 2», précité) qui, sans affirmer le caractère perpétuel du droit réel sui generis, reconnaît la possibilité que celui-ci subsiste aussi longtemps que la durée d’existence d’une personne morale.

Ce qui est intéressant dans l’arrêt commenté c’est que la Cour de cassation rejette le pourvoi par motif substitué considérant «qu’est perpétuel un droit réel attaché à un lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un autre lot». Cet arrêt est une confirmation de jurisprudence.

La décision pérennise le principe de libre création conventionnelle de droits réels sui generis. En l’espèce, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir retenu qu’en intégrant la convention au règlement de copropriété, les parties avaient ainsi exprimé leur volonté de créer des droits et obligations attachés aux lots des copropriétaires.  

Par ailleurs, la Haute juridiction applique au droit de jouissance spéciale accordé à un lot de copropriété sur un autre lot le même régime que celui reconnu au droit de jouissance exclusif sur les parties communes ; dans les deux cas, à défaut de précision particulière dans le règlement de copropriété, ces droits de jouissance spéciale, parce qu’ils sont attachés aux lots de copropriété, ont un caractère perpétuel.

Dans le silence de la loi du 10 juillet 1965, qui ne traite que des parties privatives [4], des parties communes [5] et des parties mitoyennes [6], il est en effet fréquent que les règlements de copropriété réservent aux titulaires de lots la jouissance exclusive de jardin, balcon, terrasse ou cour intérieure. Dès 1992 [7], la Cour de cassation a admis que le droit de jouissance exclusif consenti à un copropriétaire sur une partie commune de l’immeuble en copropriété avait un caractère réel et perpétuel, sauf stipulation contraire du règlement de copropriété. Elle a justifié sa décision par le fait que ce droit conventionnel «constitue l’accessoire» d’un lot de copropriété sur lequel le copropriétaire a lui-même un droit de propriété par nature perpétuel. Ainsi, c’est bien parce qu’il est attaché à un lot de copropriété, que le droit réel de jouissance sur les parties communes a un caractère perpétuel car il s’identifie au droit réel principal de propriété que le copropriétaire exerce sur le lot dont il constitue l’accessoire [8]. Ce caractère empêche l’assemblée des copropriétaires de remettre en cause ce droit par un vote majoritaire. C’est cette argumentation que reprend la Haute juridiction dans l’arrêt du 7 juin 2018, considérant «qu’est perpétuel un droit réel attaché à un lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un autre lot».  En l’espèce, et à la différence des affaires ayant donné lieu aux arrêts de 2015 et 2016, il ne s’agit pas de droits réels sui generis consentis sur un bien au profit d’une personne [9] mais de droits et obligations établis sur un lot de copropriété en faveur des autres lots des copropriétaires, c’est-à-dire entre des biens immeubles appartenant à des propriétaires distincts [10]. Et la Cour de faire un parallèle explicite avec l’article 637 du Code civil (N° Lexbase : L3238ABK) relatif aux servitudes, puisqu’elle approuve les juges du fond d’avoir qualifié les droits établis en faveur des autres lots de copropriété par la convention comme constituant «une charge imposée à certains lots pour l’usage et l’utilité des autres lots appartenant à d’autres copropriétaires» ; or, il est de l’essence d’une servitude consentie entre deux fonds distincts appartenant à des propriétaires différents d’être perpétuelle. La Cour de cassation n’avait donc pas à s’interroger sur la question de savoir si, faute d’avoir été limité dans le temps, le droit ainsi constitué devait voir sa durée fixée à 30 ans ou tant que l’immeuble demeurait soumis au statut. Le rattachement du droit de jouissance spéciale aux lots de copropriété suffisait à justifier son caractère perpétuel. Cette perspective particulière, qui est celle de l’arrêt du 7 juin 2018, permet de justifier le caractère perpétuel reconnu au droit réel de jouissance spéciale créé par convention intégrée au règlement de copropriété et offrant aux propriétaires de lots le droit d’user de la piscine, partie privative d’un autre lot de l’immeuble, droit que les parties auraient tout à fait pu limiter dans le temps. 

 

[1] Cass. civ. 3, 31 octobre 2012, n° 11-16.304, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3197IWC) ; D., 2013, 53, obs. A Tadros ; AJDI, 2013, 540, obs. F. Cohet-Cordey ; RDI, 2013, 80, obs J.-L. Bergel ; RTDCiv., 2013, 141, obs W. Dross ; Defrénois, 2013,  p. 12, note L. Tranchant.  

[2] Cass. civ. 3, 28 janvier 2015, n° 14-10.013, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4120NAT) ; RDI, 2015, 175, obs. J.-L. Bergel ; RTDCiv., 2015, 413, obs. W. Dross ; AJDI, 2015, 304, obs. N. Le Rudulier ; JCP éd. N, 2015, n° 27, 1114, H. Périnet-Marquet ; JCP éd. G, 2015, 252, obs. T. Revet.

[3] Cass. civ. 3, 8 septembre 2016, n° 14-26.953, FS-P+B (N° Lexbase : A5155RZX) ;  D., 2017, 134, note L. d’Avout et B. Mallet-Bricout ; RDI, 2016, 598, obs. J.-L. Bergel ; RTDCiv., 2016, 894, obs. W. Dross.

[4] Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 2 (N° Lexbase : C1409493).

[5] Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 3 (N° Lexbase : C141449A) et 4 (N° Lexbase : C141649C).

[6] Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 7 (N° Lexbase : C145249N).

[7] Cass. civ. 3,  4 mars 1992, n° 90-13.145 (N° Lexbase : A5170AHX) ; Bull. civ. III, n° 73 ; Administrer, janvier 1993, p. 30, obs. E-J. Guillot, D., 1992, juris. p. 386, note C. Atias, Defrénois, 1992, art. 35349, p. 1140, obs. H. Souleau ; IRC, juillet-août 1992, p. 237 obs. P. Capoulade.  

[8] V. en ce sens H. Perinet-Marquet note sous Cass. civ. 3, 28 janvier 2015, JCP éd. N, 11 septembre 2015, Chronique de droit immobilier.

[9] V. en ce sens N. Kilgus, Droit réel de jouissance spéciale et perpétuité : une nouvelle étape ?,  D. Actualités, 25 juin 2018.

[10] Voir en ce sens, Cass. civ. 3,  30 juin 2004, n° 03-11.562, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9055DCD), à propos de l’admission d’un rapport de servitude entre deux lots de copropriété qualifiés par la Cour de cassation «d’héritages appartenant à des propriétaires différents». V. F. Bayard-Jammes, Le principe de compatibilité du régime des servitudes et de la copropriété immobilière, AJDI, 2005, p. 139.

newsid:464848

Fiscalité des entreprises

[Brèves] QPC : non-lieu à renvoi de la question soulevée à l’encontre des commentaires de l’administration fiscale sur les investissements réalisés et exploités par les PME en Corse ouvrant droit à un crédit d’impôt

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 27 juin 2018, n° 419370, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0429XUG)

Lecture: 1 min

N4801BX4

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par Marie-Claire Sgarra

Le 04 Juillet 2018

► En limitant le bénéfice de l'article 244 quater E du Code général des impôts (N° Lexbase : L8434LHT) aux sociétés qui, notamment, sont détenues de manière continue, à 75 % au moins, par des personnes physiques ou par des sociétés elles-mêmes directement détenues, dans la même proportion, par des personnes physiques, le législateur a souhaité restreindre le champ des petites et moyennes entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt à celles détenues de manière prépondérante et suffisamment directe par des personnes physiques. Le critère retenu est objectif et rationnel par rapport à l'objet de la mesure.

Les mêmes dispositions prévoient également que, dans le cas d'un groupe fiscalement intégré, le chiffre d'affaires et l'effectif à prendre en compte s'entendent respectivement de la somme des chiffres d'affaires et de la somme des effectifs de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le législateur a ainsi prévu un régime globalement différent pour les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré, qui ne peut être comparé, s'agissant de la seule condition tenant à la composition du capital, à celui applicable à une société non membre d'un tel groupe.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 27 juin 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 27 juin 2018, n° 419370, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0429XUG).

 

En l’espèce, la société demande l’annulation pour excès de pouvoir de commentaires administratifs par lesquels l’administration fiscale donne son interprétation des dispositions de l’article 244 quater E précité. Elle soulève à l’appui de sa requête une question prioritaire de constitutionnalité.

 

Le Conseil d’Etat juge que l’encouragement des investissements réalisés et exploités en Corse par les petites et moyennes entreprises doit être regardé comme un objectif d'utilité publique. Les critères prévus par l'article 244 quater E en ce qui concerne la structure capitalistique de ces entreprises pouvant bénéficier des dispositions de cet article sont objectifs et rationnels par rapport à l'objet de la mesure. La requête de la société est rejetée (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X9088AL8).

newsid:464801

Licenciement

[Brèves] Imputation à la salariée, sans autre précision, d'un comportement irresponsable : absence de motif de licenciement matériellement vérifiable

Réf. : Cass. soc., 27 juin 2018, n° 16-20.898, FS-P+B sur le deuxième moyen (N° Lexbase : A5673XUN)

Lecture: 2 min

N4793BXS

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par Blanche Chaumet

Le 04 Juillet 2018

►Ne constitue pas un motif de licenciement matériellement vérifiable, l'imputation à la salariée, sans autre précision, d'un comportement irresponsable, «d'une façon de mener ses fonctions», d'un trouble créé au sein de l'association par des événements de sa vie personnelle et par son comportement.

 

►Il résulte de l'article 19.2 de l'accord de branche du 29 mars 2002, annexé à la Convention collective nationale de l'aide à domicile, accompagnement, soins, services du 21 mai 2010, que pour tous les emplois des catégories E, F, G et H le reclassement s'effectuera à ancienneté moins trois ans sans récupération d'ancienneté en 2005, ce qui interdit d'accorder, pour la période du 1er juin au 30 juin 2008, un coefficient correspondant à 5 années d'ancienneté pour la catégorie F.

 

Telles sont les solutions dégagées par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 27 juin 2018 (Cass. soc., 27 juin 2018, n° 16-20.898, FS-P+B sur le deuxième moyen N° Lexbase : A5673XUN).

 

En l’espèce, une salariée, engagée le 23 mars 1988 par l'association Adar Flandre métropole en qualité d'aide-ménagère, a été licenciée le 27 mars 2013.

 

- D’une part, la cour d’appel (CA Douai, 31 mai 2016, n° 15/01128 N° Lexbase : A1925RRQ) a retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l’association au paiement de dommages-intérêts à ce titre.

 

- D’autre part, pour condamner l'association au paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents, la cour d’appel a retenu que la salariée comptait cinq ans d'ancienneté dans son poste au 1er juin 2008 et qu'elle devait bénéficier du coefficient 455 du 1er au 30 juin 2008, 465 du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, 474 du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010, 484 du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, 490 du 1er juillet au 31 décembre 2011, 491 du 1er janvier au 30 juin 2012 et 498 du 1er juillet 2012 au 31 mai 2013.

 

L’association s’est alors pourvue en cassation.

 

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le premier moyen du pourvoi mais casse, en revanche, la décision de la cour d’appel s’agissant du deuxième moyen (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E9117ESH).

newsid:464793

Marchés publics

[Questions à...] Eclairage sur les mutations du droit de la commande publique - Questions à Olivier Guézou, Professeur de droit public à l’Université de Versailles - Saint-Quentin

Lecture: 9 min

N4797BXX

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 04 Juillet 2018

Depuis plusieurs années, notamment avec la publication de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, relative aux marchés publics (N° Lexbase : L9077KBS), et avant la parution prochaine d’un Code de la commande publique, le droit de la commande publique connaît une profonde mutation. Tel est le cas également de son contentieux. Le requérant est désormais placé au cœur de l'action, le contrat étant le point de basculement chronologique d'une logique de protection à une autre. Les concurrents évincés connaissent de la passation et son impact sur le contrat, selon une dynamique de liberté d'accès au marché économique. Le contrat et son exécution, selon une approche centrée sur la protection des consentements et la loyauté contractuelle, relève quant à lui plus particulièrement des parties. Les autres tiers enfin, se reportent sur des considérations variées d'intérêt général (environnement, finances locales, service public, etc.) justifiant l'existence d'un contentieux administratif d'un troisième type, encadré et aménagé. Pour faire le point sur l’ensemble de ces problématiques, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Olivier Guézou, Professeur de droit public à l’Université de Versailles - Saint-Quentin, directeur du Master de «Droit administratif - Droit immobilier public » et directeur scientifique de Droit des marchés publics et contrats publics spéciaux aux éditions du Moniteur et auteur d’un ouvrage de référence sur le sujet, Traité de contentieux de la commande publique, Le Moniteur, coll. Référence juridique, 2è éd., juin 2018.

Lexbase : Quels sont les différents types de recours des concurrents évincés ?

 

Olivier Guézou :  Le premier des objectifs des concurrents évincés peut être de paralyser la procédure de passation afin que le contrat ne soit pas signé. Le référé précontractuel permet aux «entreprises ayant intérêt à conclure» le contrat d’obtenir la correction des manquements du cocontractant public à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, avant même que le contrat ne soit conclu. Ce recours, hier particulièrement redoutable, est désormais beaucoup plus fermé car l’entreprise ne peut plus invoquer tous les manquements mais seulement ceux qui sont susceptibles de l’avoir lésée directement (CE Sect., 3 octobre 2008, n° 305420, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5971EAE). Comme ce recours devient sans objet dès lors que le contrat est conclu, il était indispensable de prévoir un garde-fou lorsque le concurrent évincé en est privé notamment du fait du comportement du cocontractant public (par exemple, parce qu’il signe le contrat sans respecter le délai de suspension). Le référé contractuel a été mis en place dans ce but. Ce recours est très encadré quant aux procédures concernées, aux manquements invocables et aux pouvoirs du juge.

 

Pour saisir le contrat lui-même, il est donc heureux que le concurrent évincé puisse saisir le juge du plein contentieux d’un «recours en contestation de la validité du contrat». Ce recours, initialement réservé aux concurrents évincés par la jurisprudence «Société Tropic Travaux Signalisation» (CE Ass., 16 juillet 2007, n° 291545, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4715DXW) a été étendu à tous les tiers intéressés par la décision «Département du Tarn-et-Garonne» (CE Ass., 4 avril 2014, n° 358994, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6449MIP). Il s’agit là d’un recours sur-mesure pour le contentieux contractuel, offrant aux juges des pouvoirs variés et modulables (régularisation, résiliation, annulation immédiate ou avec effet différé, indemnisation). La condition de recevabilité du recours relativement au requérant et l’opérance des moyens constituent des filtres efficaces pour éviter de fragiliser abusivement les situations contractuelles : «tout ne peut pas être invoqué par tous». Ce recours est aussi encadré dans le temps puisqu’il doit intervenir dans les deux mois de mesures de publicité appropriée (conclusion du contrat et modalités de sa consultation).

 

Bien plus tardivement,  alors qu’il est en cours d’exécution, éventuellement depuis de longues années, le contrat peut être fragilisé par un recours d’un nouveau type : face à une décision de refus de résilier le contrat, le tiers peut déposer un recours tendant à ce qu’il soit mis fin à son exécution (CE Sect., 30 juin 2017, n° 398445, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1792WLX). Evidemment, la tardiveté de ce recours conduit à limiter très logiquement les hypothèses de sa mise en œuvre mais aussi les requérants concernés. En pratique, les concurrents évincés ne devraient guère pouvoir l’utiliser (il sera bien plus utile pour d’autres tiers, comme les associations d’usagers, de contribuables, de protection de l’environnement, etc.).

 

Enfin, les concurrents évincés peuvent demander l’indemnisation du préjudice subi du fait de leur éviction irrégulière du marché. Ils peuvent le faire à l’occasion de la contestation de la validité du contrat ou en demandant seulement l’indemnisation. Le préjudice réparable est alors apprécié de manière originale puisque, dès lors que l’entreprise n’est pas dépourvue de toute chance d’obtenir le contrat, elle est indemnisée des frais exposés pour participer à la procédure de passation. Si elle peut en outre démontrer qu’elle avait des chances sérieuses d’obtenir le contrat, elle sera indemnisée de l’intégralité de son manque à gagner (CE, 27 janvier 2006, n° 259374, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6386DMH).

 

Lexbase : Quels sont les recours des parties aux contrats ?

 

Olivier Guézou : Pour les parties, la problématique est différente. Le contrat est vraiment le point de basculement chronologique d’une logique contentieuse à une autre. Entre concurrents évincés et parties, ce ne sont pas les mêmes enjeux ni les mêmes éléments qui doivent être protégés. Pour les concurrents évincés, la passation est au cœur des débats avec la question de son impact sur le contrat, selon une dynamique de liberté d’accès au marché économique. Pour les parties, c’est le contrat lui-même et son exécution qui focalisent l’attention, selon une approche centrée sur la protection des consentements et la loyauté contractuelle. Cette logique générale différente conduit, même lorsqu’il s’agit dans les deux cas d’un recours en contestation de la validité du contrat, à faire apparaître des différences. Ainsi, lorsque les parties contestent la validité du contrat, le juge va d’abord, toujours, se poser la question de la loyauté contractuelle pour déterminer si le manquement peut être invoqué (CE Ass. 28 décembre 2009, n° 304802, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0493EQC). Concrètement, la partie qui est à l’origine de l’illégalité du contrat ou qui l’a acceptée ne peut pas ensuite l’invoquer pour tenter de se libérer de ses obligations contractuelles. La logique est similaire que la contestation de la validité du contrat soit directement l’objet du recours ou que l’illégalité du contrat soit invoquée à l’occasion d’un litige relatif à son exécution ; ce qui est bien plus fréquent en pratique. Le juge administratif prononce la sanction la moins lourde en prenant en compte tous les paramètres de la situation (nature du vice, impact de sa décision pour l’intérêt général, possibilité de régulariser ou de résilier plutôt que d’annuler, etc.).

 

L’entreprise cocontractante peut aussi souhaiter attaquer les actes pris par la personne publique lors de l’exécution du contrat. En principe, ce contentieux n’est qu’indemnitaire. Toutefois, en raison de sa particulière gravité et de son impact sur le contrat, la décision de résiliation peut faire l’objet d’un recours plus sophistiqué, en contestation de sa validité et en reprise des relations contractuelles (CE Sect., 21 mars 2011, n° 304806, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5712HIE). Le juge du contrat est également compétent pour connaître de la contestation de la validité du refus de renouveler un contrat administratif (CE, 29 mars 2017, n° 403257, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4591UPQ).

 

Quel que soit le recours qui aboutit à l’anéantissement du contrat (y compris en cas de recours d’un tiers), la question des conséquences de la disparition du contrat sont très importantes en pratique en termes de restitutions et de remise en l’état, mais aussi s’agissant de l’équilibre entre les anciennes parties. La responsabilité quasi-contractuelle sur le terrain de l’enrichissement sans cause (ou enrichissement injustifié) permet alors à la partie qui les a supportées -le plus souvent l’entreprise- d’obtenir le remboursement de ses dépenses qui ont été utiles à l’autre partie. Cette indemnisation peut être complétée par celle du manque à gagner subi par l’entreprise sur le terrain de la responsabilité pour faute. Ces hypothèses donnent fréquemment lieu à des transactions.

 

Evidemment, s’agissant des parties aux contrats, le contentieux de la bonne exécution des obligations contractuelles doit aussi être mentionné. Le non-respect de ces dernières est saisi sur le terrain de la responsabilité contractuelle. Le contrat prévoit souvent des procédures précontentieuses. A ce titre, l’article 50 du «CCAG Travaux» et la question de la contestation des décomptes est emblématique de l’importance concrète de bien connaître cette procédure préalable.

 

En matière de travaux, l’action du maître de l’ouvrage sur le terrain de la garantie décennale occupe également une place importante en contentieux administratif des contrats.

 

Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le contentieux des pratiques anticoncurrentielles ?

 

Olivier Guézou : Ce contentieux est principalement celui des ententes entre entreprises soumissionnaires. Leurs formes peuvent être variées, du simple échange d’informations ponctuel jusqu’au système généralisé, en passant par le groupement dont l’objet est directement de figer les parts de marchés et de répartir les prestations entre ses membres. Les offres de couverture sont particulièrement efficaces et dangereuses. Il s’agit d’offres volontairement non compétitives destinées à simuler la concurrence alors que l’entreprise attributaire a été prédésignée par l’entente. La gravité de cette pratique, qui conduit généralement à une augmentation artificielle des prix, est encore accentuée par le fait qu’elle suppose, le plus souvent, des contreparties sur d’autres marchés.

 

Ces pratiques anticoncurrentielles donnent lieu à des contentieux divers et complémentaires. Un contentieux spécial, d’abord, devant l’Autorité de la concurrence selon une approche régulatrice du marché économique destinée à protéger l’ordre public économique. L’Autorité de la concurrence peut prononcer des sanctions variées et notamment de lourdes sanctions pécuniaires. Il existe également un volet pénal conduisant à poursuivre les personnes physiques qui ont eu une part personnelle, déterminante et frauduleuse dans la mise en œuvre de la pratique anticoncurrentielle.

 

Les juridictions administratives et judiciaires peuvent également avoir à connaître des pratiques anticoncurrentielles par exemple pour annuler l’acte unilatéral ou le contrat qui a induit ou avalisé la pratique illicite. Le mécanisme de l’opposabilité du droit de la concurrence aux actes administratifs (CE Sect., 3 novembre 1997, n° 169907, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5178ASL) permet ainsi de saisir cet acte dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir ou d’un recours en contestation de la validité du contrat. Les pratiques anticoncurrentielles peuvent également donner lieu à un important contentieux de l’indemnisation qui est appelé à se développer à l’avenir. En effet, même si le terrain du dol anticoncurrentiel a donné lieu à quelques belles décisions devant le juge administratif (CE, 19 décembre 2007, n° 268918, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1460D3H -v. aussi l’affaire des «marchés d’Ile-de-France» et celle de la «signalisation routière verticale»-), dans ces actions en responsabilité, il est souvent difficile d’établir la pratique anticoncurrentielle et de démontrer et chiffrer précisément le préjudice subi (ne pas avoir payé le prix concurrentiel mais un prix majoré par l’entente). Or, l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017, relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles (N° Lexbase : L2117LDR), devrait améliorer grandement la situation du requérant car elle instaure un système de présomptions : du fait dommageable anticoncurrentiel (en cas de décision de l’Autorité de la concurrence), du préjudice et du lien entre les deux. Cette action en réparation présente, notamment pour les acheteurs publics victimes d’ententes, un intérêt certain.

 

Lexbase : Qu'en est-il du contentieux pénal du favoritisme ?

 

Olivier Guézou : Né dans les années quatre-vingt-dix, l’objectif de ce nouveau délit était d’instituer une incrimination sur-mesure, adaptée aux caractéristiques et aux procédures des marchés publics, mais aussi de sanctionner plus efficacement les autres manquements au devoir de probité. Il s’agissait de créer un «délit obstacle», facile à saisir notamment au regard de ses éléments constitutifs et permettant de bloquer le processus de corruption avant qu’il ne puisse se développer et produire ses pleins effets. Le délit de favoritisme a ainsi vocation à faire obstacle à des pratiques souvent considérées comme moralement plus graves, notamment parce qu’elles conduisent à un enrichissement personnel, comme la concussion, la corruption ou le trafic d’influence. Désormais, avec la réforme de la commande publique de 2015/2016, tous les marchés publics et contrats de concession sont visés (pour la situation antérieure, voir Cass. crim 17 février 2016, n° 15-85.363  FS-P+B+I N° Lexbase : A3358PLX, précisant que les contrats soumis à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 N° Lexbase : L8429G8P entrent également dans le champ de l’incrimination).

 

Le contentieux pénal fait peur. Il est donc d’abord efficace par son caractère dissuasif. Il l’est également par les éléments constitutifs de l’infraction conçus de manière à saisir tous les avantages injustifiés accordés à autrui par un acte contraire à certaines dispositions législatives et réglementaires, l’intention étant caractérisée par la simple conscience d’avoir commis un tel acte. Enfin, le délit est efficace quant à son champ d’application. Les catégories de personnes physiques auteur principal de l’infraction sont définies largement par le texte et, du côté de l’acheteur public, dès lors qu’une personne dispose d’un pouvoir de décision ou d’intervention effective dans la procédure de passation, elle peut être poursuivie. Avec la complicité et le recel, les personnes susceptibles d’être inquiétées sont plus nombreuses encore et peuvent ainsi être rattrapées, par exemple, les dirigeants de l’entreprise attributaire.

 

En conclusion, même si nous n’avons pu évoquer le devenir du recours pour excès de pouvoir, le rôle du préfet, la place des membres des organes délibérant, etc., ces brefs échanges suffisent à montrer la variété et la richesse d’un contentieux de la commande publique qui a connu ces dernières années des mutations profondes.

 

 

 

 

newsid:464797

Procédure

[Brèves] Lettre informant un militaire de l'intention de l'administration de procéder à une retenue sur sa solde : obligation d’un RAPO devant la commission des recours militaires

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 25 juin 2018, n° 419227, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9112XTN)

Lecture: 1 min

N4773BX3

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par Yann Le Foll

Le 04 Juillet 2018

La lettre par laquelle l'administration informe un militaire de son intention de procéder à une retenue sur sa solde n'est pas au nombre des exceptions énumérées au III de l'article R. 4125-1 du Code de la défense (N° Lexbase : L4443LIE) et doit donc faire l'objet d'un recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires. Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 25 juin 2018 (CE 2° et 7° ch.-r., 25 juin 2018, n° 419227, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9112XTN).

 

Dans l'hypothèse où l'administration procéderait directement à une retenue sur la solde d'un militaire sans information préalable, la décision révélée par cette opération de dépense devrait également être précédée d'un recours devant cette commission.

 

En revanche, en cas de notification au militaire d'un titre de perception, l'opposition à ce titre, émis en application des dispositions de l'article 117 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 (N° Lexbase : L3961IUA), doit être précédée, conformément aux dispositions du 2° du III de l'article R. 4125-1 du Code de la défense, d'une réclamation au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer, et non d'un recours devant la commission des recours des militaires.

 

newsid:464773

Procédures fiscales

[Brèves] Règles applicables au délai spécial de reprise en cas d’omissions ou d’insuffisances révélées par une instance devant les tribunaux

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 27 juin 2018, n° 411301, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0417XUY)

Lecture: 2 min

N4775BX7

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par Marie-Claire Sgarra

Le 02 Octobre 2018

La circonstance que les renseignements recueillis par l'administration fiscale, avant le début d'une instance devant les tribunaux, au sens de l'article L. 170 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L8523AEE), ne pouvaient suffire à fonder les redressements correspondant aux insuffisances d'imposition qui pouvaient être présumées n'établit pas, par elle-même, que ces insuffisances doivent être nécessairement regardées comme ayant été révélées par cette instance.

 

►Pour l'application de l'article L. 170 du Livre des procédures fiscales précité aux omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux répressifs, seul l'engagement de poursuites, qui inclut la phase de l'instruction conduite par le juge d'instruction, doit être regardé comme ouvrant l'instance. L'ouverture d'une enquête préliminaire, en revanche, n'a pas un tel effet.

 

Telles sont les solutions retenues par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 27 juin 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 27 juin 2018, n° 411301, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0417XUY).

 

En l’espèce, le requérant, gérant et associé majoritaire de deux SCI fait l’objet d’une plainte pénale et d’une procédure judiciaire d’enquête préliminaire. Ces deux sociétés font l’objet de procédures de contrôle sur pièces, à la suite desquelles l’administration a rehaussé leurs revenus fonciers. Parallèlement, le requérant et son épouse font l’objet d’un contrôle sur pièces à la suite duquel l’administration a rehaussé leurs revenus fonciers issus des deux SCI et leur a notifié à ce titre des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, assorties de majorations pour manœuvres frauduleuses. Le requérant se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 6 avril 2017, n° 16PA00245 N° Lexbase : A3359UY3), qui a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et pénalités.

 

Le Conseil d’Etat juge dans un premier temps que pour apprécier si l'administration fiscale peut se prévaloir du délai spécial de reprise, le juge doit, dès lors qu'il est saisi d'une argumentation en ce sens, rechercher si l'administration disposait, avant l'ouverture de l'instance devant les tribunaux, dans le délai normal de reprise ou même après son expiration, d'éléments suffisants pour lui permettre, par la mise en oeuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir les insuffisances ou omissions d'impositions.

Par suite, il établit également que lorsque des insuffisances ou omissions d'impositions sont révélées à l'administration fiscale postérieurement à l'ouverture d'une instance, le délai spécial de reprise qu'elles prévoient est applicable, alors même que les insuffisances ou omissions d'impositions sont mises en évidence par des pièces de la procédure établies au stade d'une enquête préliminaire (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X4232ALC).

 

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Rémunération

[Brèves] Convention de forfait en jours et niveau de rémunération

Réf. : Cass. soc., 28 juin 2018, n° 16-28.344, FS-P+B (N° Lexbase : A5797XUA)

Lecture: 2 min

N4892BXH

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par Blanche Chaumet

Le 04 Juillet 2018

► Si les salariés qui ne bénéficient pas d'une rémunération supérieure d'au moins 50 % au salaire minimum conventionnel du coefficient ne peuvent être valablement soumis à une convention de forfait en jours, ni l'accord de branche du 25 juin 1999, ni celui du 20 février 1979 ne font obligation à l'employeur d'assurer à ces salariés un tel niveau de rémunération. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 28 juin 2018 (Cass. soc., 28 juin 2018, n° 16-28.344, FS-P+B N° Lexbase : A5797XUA).

 

En l’espèce, un salarié a été engagé en qualité de directeur, niveau I, 1er échelon, coefficient 510, par l’Ecole des avocats de la région Rhône-Alpes, à compter du 3 septembre 2007. Les parties ont convenu d’une convention de forfait fixant la durée annuelle de travail à 218 jours. Le salarié a été licencié pour faute grave estimant ne pas avoir perçu la rémunération qui lui était due. Ce salarié a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement de diverses sommes.

 

Pour faire droit à la demande du salarié en paiement d'une somme à titre de rappel de salaire pour non-respect des «minima sociaux», ainsi qu'à titre de congés payés afférents, la cour d’appel  (CA Grenoble, 25 octobre 2016, n° 14/05466 N° Lexbase : A9087R9G) énonce :

- que le contrat de travail stipule que le salarié est un cadre autonome rémunéré au forfait jours, forfait impliquant, au sens de la Convention collective applicable, une rémunération mensuelle minimale ;

- que le fait que l'employeur n'ait pas respecté cette rémunération minimale conventionnelle ne permet pas de retenir que les stipulations de la convention collective ne s'appliquaient pas au salarié et il appartient à l'employeur de justifier qu'elle lui a servi, conformément aux dites stipulations, une rémunération conforme aux minima prévus par la convention collective ;

- que l'article 12 de la Convention collective applicable prévoit, en outre, : «il est alloué à tout le personnel sans aucune exception un 13ème mois» ;

- que le salarié sera dès lors jugé fondé en son affirmation que le treizième mois constitue un élément de salaire qui doit entrer chaque mois dans le calcul du salaire minimum conventionnel et que l'employeur doit calculer sur le minimum conventionnel majoré de 50 % et non sur le salaire mensuel effectivement versé qui ne respecte pas ce minimum ;

- que la demande sera par conséquent jugée fondée. A la suite de cette décision, l’Ecole des avocats de la région Rhône-Alpes s’est pourvue en cassation.

 

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa de l'article 6 de l'avenant n° 57 du 25 juin, 1999 relatif au temps de travail, annexé à la Convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979 (N° Lexbase : X0633AE8). Elle précise dans son attendu de principe qu’il résulte de ce texte que seuls les cadres de niveau I, coefficients 510 et 560, dont la rémunération globale brute est supérieure d'au moins 50 % au salaire minimum conventionnel du coefficient, sont susceptibles de conclure une convention de forfait en jours (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E4318EX9).

newsid:464892

Santé publique

[Brèves] Conditions de recrutement des aumôniers hospitaliers : possibilité d’imposer une obligation de détention d'un diplôme de formation civile et civique

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 27 juin 2018, n° 412039, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0418XUZ)

Lecture: 1 min

N4779BXB

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par Yann Le Foll

Le 04 Juillet 2018

Le pouvoir réglementaire peut imposer une obligation de détention d'un diplôme de formation civile et civique comme condition de recrutement des aumôniers hospitaliers. L'institution d'une telle condition n'a par ailleurs pour effet ni d'encadrer l'exercice des cultes au sein des armées ou des formations rattachées, des établissements hospitaliers et des établissements pénitentiaires, ni de substituer l'appréciation de l'administration à celle de l'aumônier national ou des autorités cultuelles, auxquels il appartient de proposer les candidats aux fonctions d'aumônier. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 27 juin 2018 (CE 2° et 7° ch.-r., 27 juin 2018, n° 412039, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0418XUZ).

 

La mission des aumôniers militaires, des aumôniers hospitaliers et des aumôniers pénitentiaires est d'assurer le libre exercice du culte ainsi qu'un soutien spirituel auprès des militaires des armées et des formations rattachées, des patients des établissements hospitaliers et des personnes détenues.

 

La formation en matière civile et civique visée par le décret n° 2017-756 du 3 mai 2017 (N° Lexbase : L1701LEQ), qui ne porte pas sur leur ministère religieux, mais sur l'environnement social, institutionnel et juridique dans lequel s'exerce leur activité d'aumônier et n'implique pas que l'administration, comme les enseignants y participant, porte une appréciation sur le contenu des croyances concernées, peut, par suite, être assurée, financée ou réglementée par une collectivité publique sans méconnaître le principe posé par l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Eglises et de l'Etat (N° Lexbase : L0978HDL).

newsid:464779

Voies d'exécution

[Brèves] Modification du montant de la mise à prix d’un bien immobilier : seul le débiteur peut en faire la demande

Réf. : Cass. civ. 2, 28 juin 2018, n° 17-11.076, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5532XUG)

Lecture: 1 min

N4791BXQ

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par Aziber Seïd Algadi

Le 04 Juillet 2018

► Le montant de la mise à prix d’un immeuble, fixé par le créancier poursuivant dans le cahier des conditions de vente, ne peut être modifié qu’à la demande du débiteur.

 

Telle est la solution retenue par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 28 juin 2018 (Cass. civ. 2, 28 juin 2018, n° 17-11.076, FS-P+B+I N° Lexbase : A5532YUG ; il convient de préciser également que le juge de l'exécution, qui retient l'insuffisance manifeste de la mise à prix fixée par le créancier poursuivant apprécie souverainement le montant auquel la mise à prix doit être réévalué pour être en rapport avec la valeur vénale du bien saisi et les conditions du marché ; en ce sens, Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-22.407, F-D N° Lexbase : A8234NPN).

 

En l’espèce, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par une banque à l’encontre du débiteur et du liquidateur à la liquidation judiciaire, un juge de l’exécution a ordonné la vente forcée des biens saisis sur la mise à prix modifiée de 700 000 euros.

 

La banque a ensuite fait grief à l'arrêt (CA Aix-en-Provence, 28 octobre 2016, n° 16/11886 N° Lexbase : A2480SCT) d’infirmer le jugement entrepris et de la débouter de sa demande de modification à la baisse de la mise à prix fixée dans le cahier des conditions de vente à une somme de 2 900 000 euros, alors,  qu’en rejetant la demande, aux motifs que seul le débiteur pourrait solliciter la réduction du montant de la mise à prix lorsque celle-ci est manifestement insuffisante, la cour d'appel aurait ajouté à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas et méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation des articles L. 322-6, alinéa 2 (N° Lexbase : L5884IRD) et R. 322-11 (N° Lexbase : L2430IT8) du Code des procédures civiles d'exécution.

 

A tort. Rappelant le principe susvisé, la Haute cour retient que c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a statué comme elle l’a fait (cf. l’Ouvrage «Voies d’exécution» N° Lexbase : E9546E83).

newsid:464791

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