La lettre juridique n°746 du 21 juin 2018

La lettre juridique - Édition n°746

Droit pénal spécial

[Jurisprudence] Trafic de stupéfiants : nouveau recul du principe de légalité

Réf. : Cass. crim., 16 mai 2018, n° 17-84.909, FS-P+B (N° Lexbase : A4413XNR)

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par Yann Bisiou, Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, Université Paul Valéry Montpellier 3, CORHIS EA 7400

Le 21 Juin 2018

Mots-clés : trafic de stupéfiants / éléments constitutifs / légalité / preuve de la nature des produits

L’arrêt rendu le 16 mai 2018 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation confirme la faiblesse du contrôle de légalité dans les poursuites pour usage ou trafic de stupéfiants. La preuve de la nature des produits saisis peut être rapportée par tous moyens et, avec le projet de création d’une amende forfaitaire délictuelle pour usage de stupéfiants, ce rappel est d’une portée qu’il convient de souligner.

 

En l’espèce une personne est interpellée et poursuivie pour usage et trafic par détention offre ou cession de cannabis, faits prévus par les articles L. 3421-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8909HWU) et 222-37 du Code pénal (N° Lexbase : L5527AIK), après que les enquêteurs aient découvert à son domicile et au domicile de son père plus de 130 pieds de cannabis.

 

Des trois moyens soulevés, le dernier est le plus convaincant. Il consiste à reprocher aux enquêteurs de ne pas avoir analysé les produits saisis avant de les détruire et donc de ne pas avoir démontré qu’il s’agissait bien de stupéfiants. La cour de cassation écarte néanmoins le moyen au motif que l’absence d’analyse importe peu, la nature des produits «étant suffisamment établie par le test  chromatique pratiqué par les enquêteurs, l’aspect des plantes d’herbe de cannabis tel qu’il ressort des clichés photographique et leur consommation sur une longue période par des toxicomanes d’habitude».

 

Sur le plan des principes cette décision peut se justifier. La preuve est libre en droit pénal et l’article 427 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3263DGX) rappelle que «hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction». En matière d’usage et de trafic, l’élément matériel des infractions peut donc être prouvé par tous moyens. Dans nombre de procédures d’ailleurs, c’est l’aveu de la personne interpellée qui fonde les poursuites. La Cour a ainsi approuvé une cour d’appel d’avoir sanctionné des prévenus sur leur aveu d’avoir cultivé du chanvre «dans le seul but d’en consommer la substance vénéneuse qu'il contient» [1].

 

L’analyse devient une condition de la répression lorsque la loi le prévoit, comme en matière de conduite après usage de stupéfiants (C. route, art. L.235-1 N° Lexbase : L9683KXW) [2]. Pour cette infraction l’analyse sanguine ou salivaire est même un élément constitutif de l’infraction et le seul fait qu’elle soit positive justifie une condamnation, même si l’auteur a été victime de «cannabisme passif» [3].

 

Mais cette décision de la Cour de cassation est aussi critiquable. Si la preuve est libre en matière pénale, elle doit être, disait la doctrine, «plus claire que le jour à midi», Luce Meridiana clariores. Or, en l’espèce, la Cour de cassation se satisfait d’une lumière crépusculaire, tant le faisceau de présomptions qui a emporté la conviction du juge paraît ténu.

 

La Cour ne dit rien des raisons pour lesquelles il n’a pas été procédé à la prise d’échantillons avant la destruction des plants de cannabis. Or si l’article 99-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5012K87) autorise la destruction anticipée sur décision du juge d’instruction, la loi ne le prévoit pas dans le cadre d’une enquête préliminaire et d’une citation directe par le procureur de la République. Et même lorsqu’elle est admise cette destruction doit respecter, à peine de nullité d’ordre public, les conditions de prise d’échantillon exigées par l’article 706-30-1 (N° Lexbase : L7675IPX) (échantillonnage et présence du prévenu ou de deux témoins) [4].

 

Difficile également de savoir en quoi consistait le «test chromatique pratiqué par les enquêteurs». Dans un arrêt rendu deux jours après, le Conseil d’Etat s’est montré beaucoup plus exigeant en contrôlant la qualité des analyses réalisées. Il a ainsi suspendu l’ordonnance du directeur de l’Ecole nationale de la police qui avait interrompu la scolarité d’une élève gardien de la paix dépistée positif au cannabis au motif que le test pratiqué n’établissait pas «de manière fiable la consommation de substance illicite» [5].

 

Par ailleurs, la culture de cannabis est parfois licite. Comme l’avait souligné le Professeur Caballero, la définition des stupéfiants est une tautologie : «Est un stupéfiant, toute substance inscrite sur la liste des stupéfiants» [6]. C’est l’arrêté du 22 février 1990 maintes fois modifié qui détermine la liste des stupéfiants. Or, si le texte classe le cannabis, la résine de cannabis et de nombreux dérivés du cannabis, l’article R. 5132-86 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9825IWS) prévoit des dérogations. Un second arrêté, du 22 août 1990, autorise ainsi la culture de 21 variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes dont la concentration en THC, le principe actif, est inférieure à 0,20 %. Une analyse aurait pu permettre de déterminer si les variétés saisies étaient ou non inférieures à ce seuil.

 

La quasi-indifférence de la Cour de cassation sur ce point s’inscrit, hélas, dans une jurisprudence aussi ancienne que contestable. La Haute juridiction considère que le classement ne distinguant pas selon les variétés, la culture de cannabis sans autorisation expresse est toujours punissable [7]. Dans une autre affaire, elle a même rejeté un pourvoi alors que le trafiquant, criminel et naïf, s’était fait remettre du bicarbonate de soude en lieu et place de l’héroïne convoitée [8].

 

La Cour de cassation est également critiquable dans l’absence de contrôle de la qualification retenue par les juges du fond. Comme le notait le Professeur Mayaud «le juge a le devoir de retenir la qualification la plus appropriée aux faits qui lui sont soumis» [9]. Or, pour la culture de plants de cannabis, les qualifications les plus appropriées ne sont pas celles très générales de détention, offre ou cession, mais celle, plus précise, de production de stupéfiants. Et la production de stupéfiants est un crime puni de 20 ans de réclusion et de 7 500 000 euros d’amende (C. pén., art.222-35 N° Lexbase : L2118AME) qui relève de la cour d’assises spéciale (C. proc. pén., art. 706-27 LXB=L4109AZ9]). Si cette correctionnalisation est courante [10], elle n’en demeure pas moins injustifiable. Les stupéfiants étant des substances vénéneuses, le juge pouvait d’ailleurs, s’il souhaitait conserver une qualification délictuelle, se fonder sur l’article L. 5432-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L0545IZ9) qui sanctionne, notamment, de 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende la production desdites plantes et substances.

 

Avec la perspective de création d’une amende forfaitaire délictuelle pour usage de stupéfiants dans le cadre de la loi de programmation sur la Justice 2017-2022, cet arrêt de la Cour de cassation prend une dimension particulière. En effet, cette procédure se heurte au problème de la preuve des éléments constitutifs dans une procédure par procès-verbal électronique. En rappelant que l’analyse des produits saisis n’est pas indispensable, la Cour de cassation simplifie l’intervention des forces de l’ordre en cas d’aveu. Qu’il nous soit néanmoins permis de penser que ce n’est pas un progrès pour la légalité criminelle.

 

[1] Cass. crim., 9 mars 1992, n° 90-87.478 (N° Lexbase : A0486ABM).

[2] Cass. crim., 15 février 2012, n° 11-84.607, F-P+B (N° Lexbase : A3847IE9), obs. M. Bombled, D., 2012, p. 817.

[3] Cass. crim., 2 mai 2018, n° 17-85.597, F-D (N° Lexbase : A4295XMZ).

[4] F.-X. Roux-Demare, Pesée non contradictoire de produits stupéfiants : la destruction source de nullité, AJ Pénal, 2018, p. 95.

[5] CE 5ème ch., 18 mai 2018, n° 415915 (N° Lexbase : A4709XNQ).

[6] F. Caballero et Y. Bisiou, Droit de la Drogue, Dalloz, 2000, n° 383.

[7] Cass. crim., 7 octobre -2009, n° 08-88.058, F-D (N° Lexbase : A6184EMY) ; voir également Cass. Crim., 5 février 1998, Bull. n° 49, p. 134.

[8]  Cass. crim., 5 février 1998, n° 97-82.890 (N° Lexbase : A3036ACG) et n° 84-95.547, Lamyline.

[9] Y. Mayaud, Cession vaut détention, du moins dans le trafic de stupéfiants... Essai sur deux qualifications incompatibles, RSC, 2005, 847.

[10] E. Dreyer, 1 et 1 font bien 2, Gaz. Pal., 24 février 2015, n° 55, p. 34 (condamnation pour détention et cession après la découverte de pieds de cannabis).

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Avocats/Honoraires

[Brèves] Versement des honoraires en l'absence de convention : la Cour de cassation se prononce enfin !

Réf. : Cass. civ. 2, 14 juin 2018, n° 17-19.709, F-P+B+I (N° Lexbase : A9312XQX)

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 20 Juin 2018

Le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. Telle est la solution, fort attendue, retenue par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 juin 2018 par sa deuxième chambre civile (Cass. civ. 2, 14 juin 2018, n° 17-19.709, F-P+B+I N° Lexbase : A9312XQX).

 

En effet, l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (N° Lexbase : L4876KEC), impose l'établissement systématique d'une convention d'honoraires entre avocat et client. Et les juridictions du fond divergeaient sur la question du versement d'un honoraire en l'absence de convention. Pour certaines, la disposition de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 n'assortissant l'obligation de convenir d'une convention d'honoraires d'aucune sanction, il n'y a pas lieu de tirer de l'absence d'une telle convention d'honoraires l'impossibilité pour l'avocat de solliciter toute rémunération des diligences accomplies (CA Aix-en-Provence, 19 décembre 2017, RG n° 16/19160 N° Lexbase : A2658W8X ou dernièrement CA Chambéry, 29 mai 2018, n° 18/00011 N° Lexbase : A2302XQC). Pour d'autres, au contraire la solution était lapidaire : pas de conventions, pas d'honoraires (CA Papeete, 2 août 2017, n° 17/00008 N° Lexbase : A6700WRL) ! La position de la Haute juridiction était donc attendue.

 

Dans cette affaire, à la suite d'un différend lié à l'absence de paiement d'honoraires dans un litige relatif à des problèmes affectant une copropriété, un avocat avait saisi le Bâtonnier de son Ordre. Pour débouter l'avocat de ses demandes, l’ordonnance retient qu’à défaut de la convention imposée par la loi, l’avocat n’est pas fondé à réclamer quelque honoraire que ce soit à son client (CA Bordeaux, 11 avril 2017).

L'ordonnance sera en conséquence censurée par la Haute juridiction au visa de l'article 10 précité (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9105ETE).

newsid:464565

Avocats/Procédure

[Jurisprudence] La procédure de taxation en matière d’honoraires soumise au Bâtonnier et les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige : non, rien de rien…

Réf. : Cass. civ. 2, 24 mai 2018, n° 17-18.548, F-P+B (N° Lexbase : A5490XPZ)

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N4639BX4

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par Emmanuel Raskin, Avocat au barreau de Paris, Associé Cabinet SEFJ, Membre du Conseil national des barreaux, Co-Président de la Commission Egalité - Diversité de l’ACE (Association des Avocats Conseils d’Entreprises) - Expert auprès du Conseil des barreaux européens

Le 20 Juin 2018

Par un arrêt de la deuxième chambre civile du 24 mai 2018, la Cour de cassation précise que a réclamation soumise au Bâtonnier en matière d’honoraires, prévue par l’article 175 du décret n° 91-1197, organisant la profession d’avocat (N° Lexbase : L8168AID) qui instaure une procédure spécifique, échappe aux dispositions de l’article 58 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1442I8W).

 

Un particulier a contesté les honoraires qui lui ont été facturés par l’avocat qui avait assuré la défense de ses intérêts dans le cadre de diverses procédures.

Ce dernier, après s’être déchargé des intérêts de son client, a saisi le Bâtonnier de son Ordre afin d’obtenir la condamnation de son ancien client à lui payer les honoraires qu’il avait ainsi facturés.

Le Bâtonnier a fait droit à sa demande.

 

Appel fut interjeté de cette décision mais la cour d’appel de Lyon débouta l’appelant de sa demande tendant à voir prononcée l’annulation de la décision du Bâtonnier.

Un pourvoi fut alors formé, le demandeur soulevant en substance que la réclamation soumise au Bâtonnier dans le cadre d’une procédure de contestation d’honoraires doit mentionner, à peine de nullité de cette réclamation, les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Ainsi, selon le demandeur au pourvoi, en décidant qu’il ne pouvait se prévaloir de ce que la réclamation de l’avocat ne mentionnait pas les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, la cour aurait violé les articles 56 (N° Lexbase : L1441I8U) et 58 du Code de procédure civile ainsi que l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

 

La deuxième chambre civile rejeta le pourvoi par un attendu de principe net : «Mais attendu que la réclamation soumise au Bâtonnier en matière d’honoraires, prévue par l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qui instaure une procédure spécifique, échappant aux prévisions de l’article 58 du Code de procédure civile, c’est à bon droit que le premier président a rejeté la demande de nullité présentée par Mme… sur ce fondement».

Si la procédure de contestation des honoraires d’un avocat répond à régime spécifique (1), l’arrêt commentée tend à confirmer l’absence de caractère juridictionnel à la décision rendue par le Bâtonnier en premier ressort (2).

 

1 - La procédure de taxation d’honoraires 

 

L’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 définit les modes de fixation des honoraires de postulation, de consultation, d’assistance de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie, le principe de base étant la fixation avec l’accord du client.

 

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (article 51 V), dite loi «Macron» (N° Lexbase : L4876KEC), a réformé notamment l’alinéa 3 de l’article 10 précité en exigeant la conclusion d’une convention d’honoraires entre l’avocat et son client, quel que soit le mode d’exercice, cette convention devant préciser le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Les dispositions de l’article 53, 6° de la loi précitée disposent que, «dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’Ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d’Etat précisent notamment [...] la procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires des avocats».

 

Ce sont les articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qui régissent les litiges liés à une contestation sur les honoraires et les débours.

Ils donnent compétence exclusive au Bâtonnier pour rendre une décision en matière de fixation d’honoraires.

 

L’article 174 prévoit que cette procédure s’étend aux contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats lesquelles ne peuvent être réglées qu’en recourant à la procédure prévue aux articles suivants.

Selon l’alinéa 3 de l’article 175, le Bâtonnier, ou le rapporteur qu'il désigne, recueille préalablement les observations de l'avocat et de la partie. Il prend sa décision dans les quatre mois. Cette décision est notifiée, dans les quinze jours de sa date, à l'avocat et à la partie, par le secrétaire de l'Ordre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La lettre de notification mentionne, à peine de nullité, le délai et les modalités du recours.

Le délai de quatre mois prévu au troisième alinéa peut être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée du Bâtonnier. Cette décision est notifiée aux parties, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans les conditions prévues au premier alinéa.

 

L’article 176 dispose que la décision du Bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de recours est d'un mois.

Lorsque le Bâtonnier n'a pas pris de décision dans les délais prévus à l'article 175, le premier président doit être saisi dans le mois qui suit.

Le caractère exécutoire de la décision du Bâtonnier ne peut résulter que d’une ordonnance du premier Président du tribunal de grande instance, rendue sur requête de l’avocat ou de la partie concernée, lorsque la décision du Bâtonnier n’a pas été déférée au premier Président de la cour d’appel.

S’agissant de la délimitation du domaine d’application de cette procédure, la Cour de cassation a eu à se prononcer à plusieurs reprises.

Ainsi, la demande qui a pour objet la réparation d’un préjudice constitué par le versement inutile d’honoraires en raison d’une faute de l’avocat, et non la vérification des honoraires de celui-ci, ne s’analyse pas en une contestation d’honoraires [1].

 

En mars 2015, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser qu’est soumise à la prescription biennale de l’article L. 137-2 (ancien) du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3) la demande de l’avocat en fixation de ses honoraires dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n’entrant pas dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale [2] ; l’actualisation de ce principe avec l’article L. 218-2 (nouveau) du Code de la consommation (N° Lexbase : L1585K7T) a été confirmée en septembre 2015 par la même chambre [3].

Les règles en matière d’arbitrage, interne ou international, prévues par les articles 1442 et suivants du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2266IPM) ne s’appliquent pas aux contestations en matière d’honoraires d’avocat [4].

 

Dans un arrêt de principe du 29 mars 2012 [5], la deuxième chambre civile de la Cour de cassation -faisant écho à la décision du Conseil constitutionnel rendue le 29 septembre 2011 [6] prononçant la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions relatives à la définition des règles relatives à la déontologie et la fixation des règles des sanctions disciplinaires et celles afférentes à la contestation d’honoraires- a précisé que les dispositions législatives et réglementaires régissant la procédure de contestation d’honoraires ne sont pas contraires à l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR).

Cette décision prenait le soin de préciser que la procédure de contestation des honoraires d’avocat, très strictement encadrée tant par les textes que par la jurisprudence, est une procédure orale obéissant aux règles de la procédure civile en la matière (orale) et que le Bâtonnier ou son délégué exerce une fonction juridictionnelle avec la possibilité pour le client d’exercer un recours contre la décision devant le premier président de la cour d’appel compétente.

 

Ainsi, il était logique d’en déduire que la procédure civile s’appliquât, sauf texte dérogatoire, à cette procédure spécifique.

Il en est tout autrement avec l’arrêt rendu le 24 mai 2018 par la deuxième chambre civile, dès lors qu’il pose comme principe que la réclamation soumise au Bâtonnier en matière d’honoraires, prévue par l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, échappe aux prévisions de l’article 58 du Code de procédure civile.

 

Cette décision s’inscrit à l’évidence dans un courant malheureusement suivi qui nie à la décision du Bâtonnier tout caractère juridictionnel, alors que, dans son arrêt du 29 mars 2012 précité [7], la même chambre précisait dans un attendu important que le Bâtonnier ou son délégué exerçait un pouvoir juridictionnel…

 

2/ Le refus persistant à reconnaître le caractère juridictionnel de la décision rendue par le Bâtonnier 

 

Les moyens du demandeur au pourvoi soulevaient, en substance, que la nullité de la réclamation de l’avocat requérant devait être prononcée faute pour lui de ne pas avoir respecter les dispositions des articles 56 et 58 du Code de procédure civile.

 

L’article 56 dispose que :

 

«L'assignation contient à peine de nullité [8], outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier.

Elle comprend en outre l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige [9].

Elle vaut conclusions».

 

L’article 58 dispose que :

 

«La requête ou la déclaration est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.

Elle contient à peine de nullité [10] :

1° Pour les personnes physiques : l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;

Pour les personnes morales : l'indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l'organe qui les représente légalement ;

2° L'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

3° L'objet de la demande.

Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige [11].

Elle est datée et signée».

 

La procédure de contestation d’honoraires n’est pas introduite par voie d’assignation mais par réclamation formalisée par lettre recommandée avec accusé de réception (décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, art. 174).

L’article 56 du Code de procédure civile n’était donc pas logiquement applicable, ce qui explique que l’arrêt rendu le 24 mai 2018 n’y fasse pas référence.

En application de l’article 1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1106H4Q), «Seules les parties introduisent l'instance, hors les cas où la loi en dispose autrement. Elles ont la liberté d'y mettre fin avant qu'elle ne s'éteigne par l'effet du jugement ou en vertu de la loi».

Dans le titre quatrième du code de procédure civile consacré à la demande en justice, l’article 53 dispose que la demande initiale est celle par laquelle un plaideur prend l’initiative d’un procès en soumettant au juge ses prétentions. Elle introduit l’instance.

 

L’article 54 délimite 5 modes déterminés de saisine, à savoir :

 

- la présentation volontaire des parties ;

- l'assignation ;

- la requête conjointe ou unilatérale ;

- la déclaration au secrétariat de la juridiction.

 

La réclamation prévue à l’article 174 du décret s’apparente à une requête unilatérale.

 

Alors que la procédure civile a été jugée comme applicable à la procédure de contestation d’honoraires, que l’introduction de l’instance de contestation d’honoraires devant le Bâtonnier prend la forme d’une réclamation via requête transmise par la voie recommandée avec accusé de réception, l’article 58 est exclu du périmètre de la procédure de contestation d’honoraires par l’arrêt commenté du 24 mai 2018.

La position de la Cour de cassation, dans son arrêt du 24 mai 2018, semble donc plus proche de l’institution que des textes.

Sans contestation, le Bâtonnier, dans le cadre de la procédure prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, tranche un contentieux entre les parties, délimité au montant et au recouvrement des honoraires de l’avocat.

Le principe de la contradiction doit être respecté, l’article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG) est applicable et la Cour de cassation a jugé que les règles de la procédure civile venaient à s’appliquer [12], sauf spécificités des textes propres à la procédure de contestation d’honoraires.

Or, aucun des textes propres à cette procédure spécifique ne prévoit de dérogation aux dispositions de l’article 58 dernier alinéa du Code de procédure civile qui pose l’obligation à la charge du demandeur de préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Alors que le Bâtonnier examine la recevabilité de l’action du demandeur et le bien-fondé de sa demande, que la Cour de cassation elle-même précisait dans son arrêt du 29 mars 2012 que «le Bâtonnier ou son délégué exerce une fonction juridictionnelle» et que les garanties procédurales posées par le code de procédure civile sont applicables, le Bâtonnier n’est toujours pas reconnu comme étant une juridiction.

Le Conseil d’Etat a ainsi jugé que «[…] lorsqu'il intervient dans le règlement des contestations en matière d'honoraires et de débours, le Bâtonnier, dont la décision n'acquiert de caractère exécutoire que sur décision du président du tribunal de grande instance, n'est lui-même ni une autorité juridictionnelle ni un tribunal au sens de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales»  [13]

Le Conseil constitutionnel en a jugé de même [14].

L’article 58 prévoit bien en son premier alinéa la saisine d’une juridiction.

Dès lors, sauf à en retirer cet attribut au Bâtonnier, rien ne justifia que cet article fût exclu de la procédure de contestation des honoraires de l’avocat.

Hélas parfois, si “la nature agit, l'homme fait.” [15]

 

 

 

 

[1] Cass. civ. 2, 30 juin 2016, n° 15-22.152, F-P+B (N° Lexbase : A2090RWC ; cf. l’Ouvrage “La profession d’avocat» N° Lexbase : E2705E4X)

[2] Cass. civ. 2, 26 mars 2015, n° 14-11.599, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4643NEP ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E2710E47).

[3]  Cass. civ. 2, 10 septembre 2015, n° 14-24.301, F-D (N° Lexbase : A9432NNN ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E2710E47).

[4] Cass. civ. 2, 13 septembre 2012, n° 10-21.144, FS-D (N° Lexbase : A7467ISD ; cf. l’Ouvrage «La profession d'avocat» N° Lexbase : E2704E4W).

[5] Cass. civ. 2, 29 mars 2012, n° 11-30.013, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9965IG8 ; cf. l’Ouvrage “La profession d'avocat"» N° Lexbase : E2704E4W)

[6] Cons. const., décision n° 2017-630 QPC, 19 mai 2017 (N° Lexbase : A4791WDS ; cf. l’Ouvrage «La profession d'avocat» N° Lexbase : E9180ET8).

[7] Cf. note 5 supra.

[8] Souligné par nous.

[9] Souligné par nous.

[10] Souligné par nous.

[11]  Souligné par nous.

[12] Cf. note 5 supra.

[13] CE 1° et 6° s-s-r, 2 octobre 2006, n° 282028 (N° Lexbase : A6891DRN).

[14] Cons. const., décision n° 2011-171/178 QPC, du 29 septembre 2011 (N° Lexbase : A1170HYY ; cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E9180ET8).

[15]  Emmanuel Kant - Opus postumum.

 

 

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Expropriation

[Chronique] Chronique de droit de l’expropriation - Juin 2018

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N4589BXA

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par Pierre Tifine, Professeur à l’Université de Lorraine, Directeur adjoint de l’IRENEE, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 20 Juin 2018

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d’actualité de droit de l’expropriation rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l’Université de Lorraine et directeur adjoint de l’Institut de recherches sur l’évolution de la Nation et de l’Etat (IRENEE). Dans la première décision commentée le Conseil d’Etat, qui statue dans le cadre d’un recours dans l’intérêt de la loi, précise quelle est l’autorité compétente pour demander la prorogation d’une déclaration d’utilité publique (CE 2° et 7° ch.-r., 11 avril 2018, n° 409648, publié au recueil Lebon). La chronique revient ensuite sur le problème de la détermination de la date de référence dans l’hypothèse où la déclaration d’utilité publique emporte mise en compatibilité du plan d’occupation des sols en créant des emplacements réservés pour les seuls besoins de l’opération projetée (Cass. civ. 3, 24 mai 2018, n° 17-16.373, FS-P+B+R+I). Enfin, la dernière décision commentée permet de préciser les contours de la condition de doute sérieux sur la légalité de la déclaration d’utilité publique dans le cadre de la procédure de référé suspension (CE 6° ch., 18 mai 2018, n° 415601, inédit au recueil Lebon).

  • Recours dans l’intérêt de la loi et autorité compétente pour solliciter la prorogation d’une déclaration d’utilité publique (CE 2° et 7° ch.-r., 11 avril 2018, n° 409648, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7025XKE)

 

L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 11 avril 2018 présente un double intérêt, du point de vue du contentieux administratif et de celui du droit de l’expropriation. Il précise les conditions de recevabilité du recours dans l’intérêt de la loi ainsi que l’autorité compétente pour solliciter la prorogation d’une déclaration d’utilité publique.

 

I - La recevabilité du recours dans l’intérêt de la loi

 

En l’espèce, ce n’est pas d’un recours pour excès de pouvoir dont est saisi le juge administratif, comme cela est habituel en matière de contestation des actes intervenus dans la phase administrative de la procédure d’expropriation, mais d’un recours dans l’intérêt de la loi. Comme son homologue devant la Cour de cassation [1], ce recours a pour objet non pas d’obtenir l’infirmation d’un précédent jugement, mais de rétablir des principes méconnus. Sa portée est exclusivement doctrinale. Il vise à supprimer des erreurs juridiques entachant un jugement, résultant d’une mauvaise interprétation de la règle de droit, pour éviter que celle-ci ne se perpétue dans les décisions qui seront ultérieurement rendues. Elle n’a en revanche aucun effet sur les parties à l’instance.

 

Compte tenu de son objet, ce recours n’est ouvert que devant les juridictions souveraines ce qui ne concerne -depuis la disparition de la commission supérieure des dommages de guerre et de la commission spéciale de cassation des pensions- que le Conseil d’Etat. Il est ouvert aux seuls ministres et cela sans condition de délai, ce qui permet donc d’agir alors que toutes les autres voies de recours sont épuisées.

 

En l’espèce, le préfet du Morbihan avait prorogé en 2004 la déclaration d’utilité publique d’un projet de désenclavement communal. Un requérant avait exercé un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté de prorogation. Le 12 septembre 2006, le tribunal administratif de Rennes avait rejeté cette demande, tout comme la cour administrative d’appel de Nantes par un arrêt du 16 octobre 2007 [2]. Le Conseil d’Etat avait ensuite rejeté le pourvoi en cassation dans un arrêt «Daniel» du 14 octobre 2009 [3].

 

C’est donc pratiquement quinze ans après cet arrêt que le ministre de l’Intérieur saisit à nouveau le Conseil d’Etat d’un recours dans l’intérêt de la loi dirigé contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 16 octobre 2007. D’un point de vue procédural, la question se posait de savoir si ce recours était recevable, alors que l’arrêt contre lequel il était dirigé avait déjà fait l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’Etat. Dans un considérant de principe, les juges énoncent qu’en vertu «des principes généraux de procédure, un recours peut être formé dans l’intérêt de la loi par un ministre intéressé devant le Conseil d’Etat contre tout jugement d’une juridiction administrative ayant acquis l’autorité de chose jugée, dès lors que ce jugement est devenu irrévocable» et «que, si le jugement ainsi mis en cause avait été déféré au Conseil d’Etat par les parties intéressées, il ne peut être critiqué par le recours formé dans l'intérêt de la loi que dans la mesure où le Conseil d’Etat, statuant sur le recours des parties, ne s’est pas déjà prononcé». Or il apparaît que «la décision rendue le 14 octobre 2009 par le Conseil d’Etat [...] ne s’est pas prononcée sur les motifs de l’arrêt critiqués par le recours formé dans l'intérêt de la loi». En conséquence, le recours du ministre est recevable.

 

II - Eclaircissements sur l’autorité compétente pour solliciter la prorogation d’une déclaration d’utilité publique

 

A l’occasion de l’arrêt «Daniel», le Conseil d’Etat avait admis qu’un recours juridictionnel contre la déclaration d’utilité pouvait suspendre son délai de validité. Plus précisément, dans le cas où un tribunal administratif prononce l’annulation de la déclaration d’utilité publique, et lorsque consécutivement la cour administrative d’appel annule le premier jugement, le délai de validité de cet acte, qui était fixé en l’espèce à cinq ans, est suspendu jusqu’à la date de l’arrêt de la cour. Ce délai recommence à courir à compter de cette date pour la durée qui n’était pas encore écoulée jusqu’à son expiration. C’est là le principal apport de l’arrêt "Daniel", confirmé par la suite par la jurisprudence [4], mais ce n’est pas sur ce point que porte le recours dans l’intérêt de la loi intenté par le ministre de l’Intérieur.

 

Ce qui est mis en cause, en effet, c’est, comme on l’a vu, l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Nantes le 16 octobre 2007 en tant qu’il a jugé que «l’article L. 11-5 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (N° Lexbase : L2894HLR) ne fait pas obstacle à ce que la demande de prorogation de la déclaration d’utilité publique d’un projet routier du département soit présentée par le président du conseil général et non par une délibération du conseil général». Plus précisément, la cour avait considéré que l’ancien article L. 11-5, II du Code de l'expropriation, dont les dispositions ont été reprises par l’article L. 121-5 du Code actuellement en vigueur (N° Lexbase : L7936I4P), imposait seulement que l’acte prorogeant la déclaration d’utilité publique soit pris par la même autorité que celle compétente pour prendre l’acte initial.

 

Le Conseil d’Etat rappelle que selon ces dispositions, «lorsque le délai accordé pour réaliser l’expropriation n’est pas supérieur à cinq ans, un acte pris dans la même forme que l’acte déclarant l’utilité publique peut, sans nouvelle enquête, proroger une fois les effets de la déclaration d’utilité publique pour une durée au plus égale». L’article L. 3211-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8307KGR) précise quant à lui que «le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département […]. En outre, selon l’article L. 3221-1 du même code (N° Lexbase : L6892I7E), «le président du conseil général est l’organe exécutif du département […] Il prépare et exécute les délibérations du conseil général».

 

Pour le Conseil d’Etat, en application de ces dispositions, seul l’organe délibérant de la collectivité expropriante peut demander la prorogation de la déclaration d’utilité publique. Il s’agit là d’une solution qui avait déjà été admise par la juridiction administrative suprême dans un arrêt du 14 avril 1999, «Association de défense des propriétaires et exploitants agricoles du technopôle de Château-Gombert» [5]. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat avait précisé qu’une demande de prorogation d’une déclaration d'utilité publique relative à un projet réalisé dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté ne peut émaner que de l’organe délibérant de la collectivité expropriante

 

Si le recours exercé par le ministre de l’Intérieur donne l’occasion au Conseil d’Etat de réaffirmer cette solution, il n’en est pas moins rejeté. En effet, les juges constatent que les dispositions l’article L. 11-5, II du Code de l’expropriation, dans leur rédaction alors applicable, ne font pas obligation à l’administration, lorsqu’elle entend proroger les effets d’une déclaration d’utilité publique, de procéder aux formalités prévues pour l’édiction de cet acte. Elles impliquent exclusivement que l’acte prononçant la prorogation émane de l’autorité qui était compétente pour déclarer l’utilité publique de l’opération projetée. Il en résulte donc que la cour administrative d’appel de Nantes n’avait pas commis d’erreur de droit dans l’interprétation de ces dispositions qui n’ont pas pour objet de déterminer l’autorité compétente pour demander la prorogation (le conseil général) mais seulement, comme l’indiquait la cour, celle qui est compétente pour prendre l’acte prononçant la prorogation (le préfet).

 

  • Détermination de la date de référence dans l’hypothèse où la déclaration d’utilité publique emporte mise en compatibilité du plan d’occupation des sols en créant des emplacements réservés pour les seuls besoins de l’opération projetée (Cass. civ. 3, 24 mai 2018, n° 17-16.373, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5325XPW)

 

La détermination de la date de référence à laquelle le juge doit se placer pour évaluer les indemnités dues aux personnes expropriées pose un certain nombre de difficultés qu’illustre l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 24 mai 2018. En principe, en application L. 322-2 du Code de l’expropriation (N° Lexbase : L7994I4T) si «les biens sont estimés à la date de la décision de première instance […] est seul pris en considération l’usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique». Toutefois, cette règle générale n’a pas vocation à s’appliquer dans l’hypothèse visée par l’article L. 322-6 du même code (N° Lexbase : L2887KIR). Est ici concerné le cas où est en cause «l’expropriation d’un terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d’urbanisme […], par un document d’urbanisme en tenant lieu, ou par un plan d’occupation des sols». Dans ce cas, «le terrain est considéré, pour son évaluation, comme ayant cessé d'être compris dans un emplacement réservé» et la date de référence «est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme, le document d’urbanisme en tenant lieu ou le plan d’occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l’emplacement réservé». Cette règle spécifique est favorable aux personnes expropriées, les limitations spéciales au droit de construire imposées au bien compris dans un emplacement réservé étant ainsi écartées.

 

La création d’emplacements réservés permet aux auteurs d’un plan d’urbanisme de délimiter des parcelles en vue de la construction de voies et d’ouvrages publics, d’installations d’intérêt général, d’espaces verts ou d’espaces nécessaires aux continuités écologiques. Elle peut permettre aussi, dans les zones urbaines à urbaniser, la réalisation de programmes de logements dans le respect des objectifs de mixité sociale [6].

 

La question qui se pose en l’espèce est celle du champ d’application des dispositions de l’article L. 322-6 dans le cas où la création d’emplacements réservés résulte de la déclaration d’utilité publique elle-même, pour les seuls besoins de l’opération déclarée d’utilité publique, lorsqu’elle emporte mise en compatibilité du plan d’occupation des sols. Dans ce cas, on peut en effet considérer que la création d’emplacements réservés n’a pas de raison d’être en l’absence de cette opération.

 

La Cour de cassation privilégie toutefois une interprétation du texte favorable aux personnes expropriées. Elle considère en effet que la déclaration d’utilité publique emportant mise en compatibilité du plan d’occupation des sols est bien un acte «délimitant la zone dans laquelle est situé l’emplacement réservé» au sens de l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation. Puisqu’il s’agit, toujours au sens de cet article, de «l’acte le plus récent» c’est donc à la date à laquelle il est intervenu que doit être fixée la date de référence. Si cette solution est à notre connaissance inédite elle doit rapprochée de celle retenue dans une affaire plus ancienne où la Cour de cassation avait censuré le raisonnement d’une cour d’appel qui avait décidé qu’il n’y avait pas lieu, pour déterminer la date de référence, de s’attacher à la réserve instituée au plan d’occupation des sols dans la mesure où l'expropriation était poursuivie dans un but différent et que la réserve était donc devenue sans objet. Pour la Cour de cassation, en effet, le «texte n’opère aucune distinction selon le but poursuivi par l’opération d’expropriation» ce qui invalidait le raisonnement des juges du fond [7].

 

  • L’appréciation par le juge du référé suspension de la condition tenant à l’exigence d’un doute sérieux sur la légalité de la déclaration d’utilité publique (CE 6° ch., 18 mai 2018, n° 415601, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4708XNP)

 

L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 18 mai 2018 aborde une question qui demeure somme toute assez inexplorée : celle de l’appréciation par le juge du référé suspension de la condition tenant à l’exigence d’un doute sérieux sur la légalité de la déclaration d’utilité publique. En l’espèce, le litige porte sur une déclaration d’utilité publique relative aux travaux de réalisation d’un bus à haut niveau de service sur plusieurs communes, à l’initiative de Bordeaux Métropole.

 

On rappellera qu’en application de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS), «quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision [...]». L’affaire qui lui est présentement soumise permet au Conseil d’Etat de revenir sur la condition d’urgence et de préciser la condition tenant à l’exigence d’un doute sérieux sur la légalité de la déclaration d’utilité publique.

 

I - Retour sur la condition d’urgence

 

La façon dont le juge du référé suspension appréhende la condition d’urgence a fait l’objet d’éclaircissements peu de temps après que cette procédure a été créée par la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, relative au référé devant les juridictions administratives (N° Lexbase : L0703AIU), en remplacement de l’ancienne procédure de sursis à exécution. Comme l’a précisé le Conseil d’Etat dans son arrêt de «Section Confédération nationale des radios libres» du 19 janvier 2001, «la condition d’urgence […] doit être considérée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate a un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il défend» [8]. Il ressort ensuite de l’arrêt de Section du 28 février 2001 «Préfet des Alpes-maritimes et société sud-est assainissement» que l’urgence s’apprécie «objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce» [9].

 

Cette approche très concrète de l’urgence aboutit nécessairement à une jurisprudence casuistique, et cela d’autant plus que pour le Conseil d’Etat «les conséquences qui s’attachent à une déclaration d’utilité publique ne sont pas par elles-mêmes de nature à caractériser une situation d’urgence» [10]. Contrairement à l’hypothèse où c’est un arrêté de cessibilité qui est contesté [11], l’urgence n’est donc pas présumée en cas de référé suspension dirigé contre une déclaration d’utilité publique. Toutefois, il est évident que si les travaux sont sur le point de commencer -en tout cas s’ils sont susceptibles de débuter avant l’intervention du jugement au fond- la condition d’urgence sera normalement satisfaite [12].

 

Tel est justement le cas en l’espèce. Le Conseil d’Etat relève en effet que la plaquette de présentation au public du projet annonçait un démarrage des travaux pour la fin 2017 et qu’effectivement, dès le mois de mai 2017, des travaux pour la remise en conformité du réseau électrique basse tension souterrain avaient commencé. La condition d’urgence est donc satisfaite.

 

II - Précisions sur l’exigence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée

 

Le Conseil d’Etat, rappelant que le juge des référés est le juge des évidences, censure le raisonnement du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, lequel avait fondé l’admission d’un doute sérieux sur la légalité de la déclaration d’utilité publique contestée sur trois éléments. Au final, toutefois, seul le troisième élément évoqué permet de considérer qu’il existe un doute sérieux sur la légalité de la déclaration d’utilité publique.

 

Tout d’abord, ce juge avait pris en compte la circonstance que l’avis du service des domaines avait été établi postérieurement à l’établissement du dossier d’enquête publique approuvé par délibération du 21 octobre 2016 par Bordeaux Métropole. Or, en application de l’article R. 1211-3 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L8479I4S), «en cas d’acquisition poursuivie par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique, l’expropriant est tenu de demander l’avis du directeur départemental des finances publiques […] pour produire, au dossier de l’enquête […] l’estimation sommaire et globale des biens dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation des opérations prévues». Pour autant, il est loin d’être sûr que l’absence au dossier d’enquête publique de l’estimation sommaire des dépenses constitue un vice de procédure de nature à entacher d’illégalité la déclaration d’utilité publique. En effet, en application de la jurisprudence «Danthony», «si les actes administratifs doivent être pris selon des formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie» [13]. Or, s’agissant de l’obligation de saisir dans certains cas le service des domaines, le Conseil d’Etat a déjà pu constater, dans une décision très critiquée [14], que la consultation de ce service prévue à l’article L. 2241-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2287IEG), préalablement à la délibération du conseil municipal portant sur la cession d’un immeuble ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants, ne présente pas le caractère d’une garantie au sens de la jurisprudence «Danthony». Si l’absence de consultation du service des domaines, dans une hypothèse qui n’est certes pas celle de la présente espèce, n’est pas sanctionnée, on pourrait considérer, a fortiori, qu’il doit en aller de même concernant une consultation tardive de ce même service.

 

Ensuite, le juge des référés avait fait application de la théorie du bilan en considérant que le moyen tiré de ce que les atteintes du projet à la propriété privée, son coût financier et les inconvénients d’ordre social qu’il comporte sont excessifs au regard de l’intérêt qu’il présente était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Le Conseil d’Etat considère ici que le juge des référés avait entaché son ordonnance d’une dénaturation des faits de l’espèce, dès lors qu’il n’avait pas pris en compte les avantages concrets attendus du projet pour les habitants des communes concernées dont la croissance démographique est significative, et en l’absence de doublon avec une future ligne de tramway. Par ailleurs, du point de vue des inconvénients, les juges ont relevé que le projet présente un coût modéré par comparaison avec des projets similaires.

 

Enfin, le Conseil d’Etat considère, à l’opposé, que créée un doute sérieux sur la légalité de la déclaration d’utilité publique le fait que l’étude d’impact ne serait pas conforme aux exigences de l’article R. 112-6 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique  (N° Lexbase : L0536LEL) selon lequel la notice explicative énonce «les raisons pour lesquelles, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l’enquête a été retenu, notamment du point de vue de son insertion dans l’environnement». De fait, la notice explicative n’exposait pas les tracés envisagés et la raison pour laquelle le tracé retenu avait été privilégié, ce qui avait pu nuire à l’information des personnes intéressées. Il est probable que ce vice de procédure ne soit pas neutralisable en application de la jurisprudence «Danthony» et il suffit, lui seul, à considérer qu’il existait un doute sérieux quant à la légalité de la déclaration d’utilité publique, ce qui conduit le Conseil d’Etat à rejeter le recours exercé par Bordeaux Métropole.

 

[1] C. proc. civ., art. 618-1 (N° Lexbase : L2875ADT).

[2] CAA Nantes, 16 octobre 2007, n° 06NT01922 (N° Lexbase : A5000D3L), Rec. CE 2007, Tables, p. 895, AJDA, 2008, p. 684, note D. Artus, JCP éd. A 2008, comm. 2158, chron. R. Vandermeeren, JCP éd. G, 2008, I, comm. 155, n° 8, chron. M. Huyghe.

[3] CE, 11 avril 2018, n° 409648 (N° Lexbase : A7025XKE), Rec. p. 390, Dr. adm., 2009, comm. 161, note D. Bailleul, AJDA, 2009, p. 1919, obs. S. Brondel, JCP éd. A, 2009, comm. 2269, note G. Pellissier, RD imm., 2009, p. 637, obs. R. Hostiou.

[4] CE 6° et 1re ss- r., 19 octobre 2012, n° 343069 (N° Lexbase : A7054IUS), Rec. CE, 2012, Tables, p. 80, BJCL, n° 12, 2012, p. 815, concl. S. Von Coester, RD rur., 2013, comm. 22, note P. Tifine.

[5] CE 5° et 3° ss- r., 14 avril 1999, n° 193497 (N° Lexbase : A4035AXQ), BJDU, 1999, p. 231 et p. 308, concl. F. Salat-Baroux, RD imm., 1999, p. 383, note Morel et B. Ribadeau-Dumas, RGDP, 1999, p. 397, chron. R. Hostiou, Le moniteur, 4 juin 1999, p. 65.

[6] C. urb., art. L. 151-41 (N° Lexbase : L7941K9Y).

[7] Cass. civ. 3, 26 février 1997, n° 90-70.258 (N° Lexbase : A3655XTK), Bull. civ. III, n° 164.

[8] CE, 19 janvier 2001, n° 228815 (N° Lexbase : A6576APA), Rec. CE 2011, p. 29, AJDA, 2001, p. 150, chron. M. Guyomar et G. Collin, LPA, 2001, n° 30, p. 10, note Chahid-Nouraï et Lahami-Depinay, Dr. adm., 2001, 153, note L.T, RFDA, 2001, p. 378, concl. L. Touvet, D. 2001, p. 1414, note B. Seiller, D. 2002, p. 2220, note R. Vandermeeren, RDP, 2002, p. 756, chron. Ch. Guettier.

[9] CE, 28 février 2001, n° 229562, n° 229563, n° 229721 (N° Lexbase : A1498ATN), AJDA, 2001, p. 46, Collectivités-Intercommunalité, 2001, 126.

[10] CE ord., 6° et 1ere ss.- r., 26 décembre 2002, n° 249321 (N° Lexbase : A2337C9G), AJDA, 2003, p. 674, note R. Hostiou.

[11] CE 6° et 1ere ss.- r., 5 décembre 2014, n° 369522 (N° Lexbase : A9062M4E), Dr. adm. 2015, 26, note Eveillard

[12] CE 5° et 7° ss.- r., 3 juillet 2002, n° 245236 (N° Lexbase : A1663AZM), AJDA, 2002, p. 751, concl. Chauvaux, RD imm., 2003, p. 52, obs. F.D., Ann. de la voirie, 2002, n° 72, p. 233, note F. Duval, Collectivités Intercommunalité, 2002, 237, obs. Th. Célérier.

[13] CE Ass., 23 décembre 2011, n° 335033 (N° Lexbase : A9048H8M), Rec. CE, 2011, p. 653, AJDA, 2012, p. 195, chron. X. Domino et A. Bretonneau, p. 1484, étude C. Mialot et p. 1609, tribune B. Seiller, Dr. adm. 2012, 22, note F. Melleray, JCP éd. A, 2012, 2089, note C. Broyelle, RFDA, 2012, p. 284, concl. G. Dumortier et note P. Cassia.

[14] CE Sect., 23 octobre 2015, n° 369113 (N° Lexbase : A0318NUC), AJDA, 2015, p. 2382, concl. B. Bohnert, Contrats-Marchés publ., 2015, 292, note M. Ubaud-Bergeron, RD imm., 2016, p. 36, obs. N. Foulquier.

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[Brèves] Absence de pouvoir du juge des référés pour ordonner un examen comparé des sangs : la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence !

Réf. : Cass. civ. 1, 12 juin 2018, n° 17-16.793, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9131XQA)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 20 Juin 2018

Le juge des référés ne peut ordonner un examen comparé des sangs, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49). Tel est l’enseignement délivré par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 12 juin 2018, promis à la plus large publication (Cass. civ. 1, 12 juin 2018, n° 17-16.793, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9131XQA).  

 

Dans son arrêt, la Cour de cassation prend le soin de procéder à un petit rappel historique pour expliquer la solution retenue qui constitue un revirement de sa jurisprudence antérieure. En effet, en 1994, la Haute juridiction a décidé que le juge des référés peut, en application de l’article 145 du Code de procédure civile, ordonner un examen comparé des sangs s’il existe un motif légitime d’y procéder (Cass. civ. 1, 4 mai 1994, n° 92-17.911 N° Lexbase : A3920AC8, Bull. civ. I, n° 159) ; cependant, cette jurisprudence est antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 16-11 du Code civil (N° Lexbase : L5063K8Z), créé par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 (N° Lexbase : L3102AIQ), qui dispose qu’en matière civile, l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou la suppression de subsides ; faisant application de ce texte, la Cour de cassation, en 2016, a jugé qu’une mesure d’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être ordonnée en référé sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (Cass. civ. 1, 8 juin 2016, n° 15-16.696, FS-P+B N° Lexbase : A7029RS7, Bull. civ. I, n° 131).

 

C’est ainsi que, dans son arrêt du 12 juin 2018, la Cour suprême vient préciser que, dès lors que les expertises biologiques en matière de filiation poursuivent une même finalité et présentent, grâce aux évolutions scientifiques, une fiabilité similaire, cette jurisprudence doit être étendue aux examens comparés des sangs.

 

Elle censure alors, au visa des articles 16-11, alinéa 6, et 310-3 du Code civil (N° Lexbase : L8854G9S), ensemble l’article 145 du Code de procédure civile, l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui, pour accueillir la demande en référé, de réalisation d’un examen comparé des sangs, présentée par un homme à l’égard de son prétendu père, dont il soutenait que celui-ci avait entretenu une relation stable et continue avec sa mère à l’époque de sa conception, avait retenu que, si une mesure d’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être ordonnée en référé mais seulement à l’occasion d’une instance au fond relative à la filiation, le juge des référés peut, en présence d’un motif légitime, prescrire un examen comparé des sangs (cf. l’Ouvrage «La filiation» N° Lexbase : E4353EYU).

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Filiation

[Brèves] Absence de pouvoir du juge des référés pour ordonner un examen comparé des sangs : la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence !

Réf. : Cass. civ. 1, 12 juin 2018, n° 17-16.793, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9131XQA)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 20 Juin 2018

Le juge des référés ne peut ordonner un examen comparé des sangs, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49). Tel est l’enseignement délivré par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 12 juin 2018, promis à la plus large publication (Cass. civ. 1, 12 juin 2018, n° 17-16.793, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9131XQA).  

 

Dans son arrêt, la Cour de cassation prend le soin de procéder à un petit rappel historique pour expliquer la solution retenue qui constitue un revirement de sa jurisprudence antérieure. En effet, en 1994, la Haute juridiction a décidé que le juge des référés peut, en application de l’article 145 du Code de procédure civile, ordonner un examen comparé des sangs s’il existe un motif légitime d’y procéder (Cass. civ. 1, 4 mai 1994, n° 92-17.911 N° Lexbase : A3920AC8, Bull. civ. I, n° 159) ; cependant, cette jurisprudence est antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 16-11 du Code civil (N° Lexbase : L5063K8Z), créé par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 (N° Lexbase : L3102AIQ), qui dispose qu’en matière civile, l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou la suppression de subsides ; faisant application de ce texte, la Cour de cassation, en 2016, a jugé qu’une mesure d’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être ordonnée en référé sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (Cass. civ. 1, 8 juin 2016, n° 15-16.696, FS-P+B N° Lexbase : A7029RS7, Bull. civ. I, n° 131).

 

C’est ainsi que, dans son arrêt du 12 juin 2018, la Cour suprême vient préciser que, dès lors que les expertises biologiques en matière de filiation poursuivent une même finalité et présentent, grâce aux évolutions scientifiques, une fiabilité similaire, cette jurisprudence doit être étendue aux examens comparés des sangs.

 

Elle censure alors, au visa des articles 16-11, alinéa 6, et 310-3 du Code civil (N° Lexbase : L8854G9S), ensemble l’article 145 du Code de procédure civile, l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui, pour accueillir la demande en référé, de réalisation d’un examen comparé des sangs, présentée par un homme à l’égard de son prétendu père, dont il soutenait que celui-ci avait entretenu une relation stable et continue avec sa mère à l’époque de sa conception, avait retenu que, si une mesure d’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être ordonnée en référé mais seulement à l’occasion d’une instance au fond relative à la filiation, le juge des référés peut, en présence d’un motif légitime, prescrire un examen comparé des sangs (cf. l’Ouvrage «La filiation» N° Lexbase : E4353EYU).

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Précisions du Conseil d’Etat sur la notion de «holdings animatrices»

Réf. : CE Plénière, 13 juin 2018, n° 395495, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9347XQA)

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par Marie-Claire Sgarra

Le 20 Juin 2018

Une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d'un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe et doit, par suite, être regardée comme une société exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière au sens des dispositions de l'article 150-0 D bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L0119IWC), éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, de finances rectificative pour 2005 (N° Lexbase : L6430HEU) de laquelle elles sont issues.

 

Telle est la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 13 juin 2018 (CE Plénière, 13 juin 2018, n° 395495, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9347XQA).

 

Les faits ont eu lieu en 2006. Quatre actionnaires de la société C. cèdent leurs actions. Ils estiment que les gains nets, retirés de ces cessions, ne devaient supporter aucune taxation à l’impôt sur le revenu, par application de l’abattement prévu aux articles 150-0 D ter (N° Lexbase : L9350LHR) et 150-0 D bis du Code général des impôts. Par suite, les cours administratives d’appel de Nantes (CAA Nantes, 22 octobre 2015, n° 14NT00291 N° Lexbase : A1819NUW) et de Paris (CAA Paris, 25 février 2016, n° 14PA01391 N° Lexbase : A7900QDX ; CAA Paris, 25 février 2016, n° 15PA00515 N° Lexbase : A7925QDU ; CAA Paris, 25 février 2016, n° 15PA01104 N° Lexbase : A7893QDP) jugent que l’administration avait à bon droit refusé l’application de cet abattement aux gains litigieux, «dès lors que la condition tenant à l’activité de la société C., posée tant par la loi fiscale que par l’interprétation qu’en a donnée l’administration dans cette instruction, n’était pas remplie».

 

Le Conseil d’Etat invalide l’interprétation des deux cours : «par suite, en jugeant qu'une société exerçant une telle activité n'entrait pas dans le champ de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. En s'abstenant de rechercher si l'activité de la société C. la faisait entrer dans le champ de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Nantes a, elle aussi, commis une erreur de droit».

 

Pour justifier sa décision le Conseil d’Etat s’appuie sur les faits suivants :

                - le président-directeur général de la société holding était également celui de la société filiale ;

                - des personnalités qualifiées indépendantes étaient membres du conseil d’administration de la société holding ;

                - les procès-verbaux de la société holding attestaient, dès 1999, sa participation, à la conduite de la politique de la société holding et de ses filiales, en faisant état de plusieurs actions concrètes, qui allaient au-delà de l’exercice des attributions qu’elle tirait de sa seule qualité d’actionnaire ;

                - la conclusion d’une convention d’assistance en matière de stratégie et de développement, précisant que la société holding prendrait part activement à la stratégie et au développement de la société filiale.

 

Le contentieux autour de la «holding animatrice» est très important. Le manque d’une définition claire posait un réel problème. Cet arrêt sera regardé de très près à n’en pas douter par les avocats fiscalistes. La balle est dorénavant dans le camp de la Cour de cassation…

 

 

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Exonération des plus-values réalisées à l'occasion d’une cession : quid lorsqu’une activité a été exercée successivement ou simultanément dans plusieurs établissements ?

Réf. : CE Plénière, 13 juin 2018, n° 401942, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2903XRX)

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N4574BXP

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par Marie-Claire Sgarra

Le 20 Juin 2018

Il résulte des dispositions de l'article 238 quindecies du Code général des impôts (N° Lexbase : L1921KGA) que les exonérations totales ou partielles de plus-values qu'elles prévoient sont notamment subordonnées à la condition qu'à la date de la transmission de l'entreprise individuelle ou de la branche complète d'activité, l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans. En revanche, lorsque cette activité a été exercée, successivement ou simultanément, dans plusieurs fonds ou établissements, elles n'imposent pas, en outre, que ceux-ci aient été eux-mêmes détenus ou exploités pendant au moins cinq ans à la date de leur cession.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 13 juin 2018 (CE Plénière, 13 juin 2018, n° 401942, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2903XRX).

 

En l’espèce la société requérante a acquis un fonds de commerce d’optique qu’elle a exploité jusqu’à sa cession. A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a remis en cause l’exonération partielle de la plus-value réalisée lors de la cession de ce fonds de commerce au motif que la condition de durée de détention du fonds pendant au moins cinq ans posée par l’article 238 quindecies du Code général des impôts précité n’était pas remplie.

 

Le Conseil d’Etat juge que la cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 31 mai 2016, n° 14LY02123 N° Lexbase : A1002RSW), en relevant que le fonds au litige avait été acquis moins de cinq ans avant sa cession alors qu’à la date de la cession, la société requérante exerçait depuis plus de cinq ans une activité de commerce de détail d’optique à Saint-Flour, a méconnu les dispositions du Code général des impôts précité (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X7802ALK).

 

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Fiscalité des particuliers

[Focus] Le prélèvement à la source : réponses à toutes les questions que vous vous posez

Lecture: 5 min

N4661BXW

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par Marie-Claire Sgarra, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 20 Juin 2018

L’entrée en vigueur du prélèvement à la source a fait naître de nombreuses questions (inquiétudes). Nous vous proposons cette semaine une série de questions / réponses qui viendront définir les grandes lignes de ce «chamboulement fiscal».

Quels revenus sont concernés par le prélèvement à la source ?

Les salaires ainsi que l’ensemble des «revenus de remplacement» (allocations chômage, pensions de retraite, indemnités maladie, indemnités congé parental, etc.).

 

Quels revenus seront exclus de ce dispositif ?

Seuls trois types de revenus sont exclus du prélèvement à la source, et devront être intégrés à la déclaration de revenus :

- les revenus de capitaux mobiliers,

- les plus-values de cessions de valeurs mobilières,

- les plus-values immobilières.

 

Comment seront imposés les revenus des indépendants ?

Les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), bénéfices non commerciaux (BNC) et bénéfices agricoles des travailleurs non salariés (TNS) feront l’objet d’un acompte mensuel ou trimestriel, lequel sera calculé sur la base de la déclaration du revenu catégoriel de l’année précédente. Les TNS devront régler cet acompte en mettant en place un prélèvement automatique sur leur compte bancaire.

 

Quelles informations seront transmises à votre employeur ?

La DGFIP (Direction générale des Finances publiques) transférera uniquement le taux personnalisé de retenue à la source. En l’absence de transmission de taux, l’employeur appliquera un taux non personnalisé.

 

Quel taux de prélèvement sera appliqué ?

A partir des déclarations de revenus faites au printemps 2017, l'administration fiscale a calculé le taux d'imposition effectif du foyer. Au printemps 2018, les contribuables ont effectué une nouvelle déclaration de revenus sur les gains de 2017 qui aboutira le cas échéant à un nouveau taux applicable à la rentrée avec à la clé, un remboursement en cas de trop-perçu ou un reliquat à payer dans le cas contraire. Ce taux personnalisé pour le foyer est ainsi calculé sur la base de la dernière déclaration de revenus.

Les couples ont la possibilité d’opter pour un taux de prélèvement individualisé afin de prendre en compte des éventuels écarts de revenus entre les conjoints. Le taux est calculé par l’administration fiscale en fonction des revenus de chacun et est donc différent pour chacun des conjoints.

Si le contribuable ne souhaite pas que l'employeur connaisse son taux de prélèvement à la source, il est possible d’opter pour le taux non personnalisé. Cette option ne présente un intérêt que si le contribuable perçoit d’importants revenus en plus des salaires. Dans ce cas, l’employeur appliquera un taux non personnalisé qui dépend uniquement du montant de la rémunération et ne prend pas en compte la situation familiale.

 

Quid du quotient familial ?

Le quotient familial restera intact, l’impôt continue à être calculé au niveau du foyer fiscal. L’imputation de réductions ou l’octroi de crédits d’impôts seront maintenus et le barème de l’impôt sur le revenu n’est pas modifié ; il restera notamment progressif.

 

La déclaration annuelle disparait-elle ?

La réponse est non. Les contribuables devront continuer à remplir leur déclaration chaque année. Certains revenus exceptionnels devront être déclarés à cette occasion. De plus le PAS ne tient pas compte des réductions et crédits d'impôt de l'année. Comme par le passé, les réductions et crédits d'impôt s'appliqueront à l'impôt dû l'année suivant celle de la dépense. Deux exceptions à la règle : l'aide à la personne et la garde d'enfant.

 

Le PAS et l’emploi à domicile : que deviendront les crédits d’impôts ?

Le bénéfice des réductions et des crédits d’impôt (emploi d'un salarié à domicile, garde d'enfant, dons aux associations...) acquis au titre de 2018 sera maintenu. Ceux-ci seront versés au moment du solde de l’impôt à l’été 2019 sur le compte bancaire pour lequel le contribuable aura communiqué ou confirmé les coordonnées préalablement dans sa déclaration de revenus.

Pour les services à domicile et garde d’enfant de moins de 6 ans et les dépenses d'accueil en EHPAD, le versement d’un acompte de crédit et/ou réduction d'impôt est prévu pour janvier 2019. Il sera égal à 30 % du crédit et/ou de la réduction d’impôt de l’année précédente (crédit et/ou réduction payé en 2018 au titre des dépenses 2017). Le solde sera versé en août 2019, après la déclaration de revenus qui permettra de déclarer le montant des dépenses engagées en 2018 ouvrant droit au crédit d’impôt.

 

PAS : quid si le contribuable a plusieurs employeurs ?

Rappelons qu’à partir du 1er janvier 2019, l’employeur sera tenu de collecter, pour le compte de l’administration fiscale, l’impôt sur le revenu dû par les salariés. Le fait d’avoir plusieurs employeurs est sans conséquences sur le montant de l'impôt sur le revenu. L’administration fiscale transmettra à chaque employeur le même taux de prélèvement à la source.

 

Quel taux est retenu pour une personne qui entre dans la vie active courant 2019 ?

Un jeune actif sera prélevé à la source dès son premier salaire et se verra appliquer un taux neutre. Si le prélèvement est supérieur à l’impôt réellement dû, le trop-perçu sera remboursé à l’été 2020 lorsque le taux personnalisé sera transmis à l’employeur.

 

Qu’en est-il des contrats courts ?

Un système spécifique a été mis en place pour les travailleurs temporaires, saisonniers et intermittents qui ont des contrats de moins de deux mois, ou avec un terme imprécis, et dont les employeurs ne connaissent pas le taux de prélèvement à la source. C'est le taux neutre qui s'appliquera alors sur leurs salaires versés au titre d'un contrat à durée déterminée (CDD), dans la limite des deux premiers mois d'embauche. Dans la limite des deux premiers mois d’embauche, les grilles s’appliquent aux versements effectués au titre ou au cours d’un mois après un abattement égal à 50 % du SMIC net imposable mensuel. Les limites mensuelles des tranches des grilles de taux par défaut ne sont pas proratisées, même si la période rémunérée est inférieure au mois.

 

Que faire en cas de changement de situation fiscale ?

Tout changement de situation devra être obligatoirement être signalé auprès de l’administration fiscale sur le site internet impots.gouv.fr. La saisie sera prise en compte dans un délai de trois mois. A noter qu’en fin d’année l’administration procèdera à des vérifications.

 

Prélèvement à la source et défiscalisation

Le prélèvement à la source apparaît comme un coup dur pour la défiscalisation immobilière. Ici c’est la temporalité qui est montrée du doigt. Le prélèvement à la source n’aura pas d’impact sur le montant final de l'impôt, ce qui change c’est la cadence des restitutions des crédits d’impôts.

En effet, le taux de la retenue à la source sera calculé avant réductions et crédits d’impôts. Le taux applicable en début d’année sera donc plus élevé et la régularisation n’interviendra qu’en septembre. Les contribuables concernés par ces dispositifs vont donc subir une grosse perte en trésorerie de janvier à septembre.

 

 

Prélèvement à la source : le calendrier à venir

Voici les différentes étapes du calendrier 2018/2019 du prélèvement à la source :

- au printemps 2018, choix du taux ;

- octobre 2018 : première simulation de l’impôt ;

- janvier 2019 : premier prélèvement ;

- mai/juin 2019 : déclaration de revenus ;

- été 2019 : solde des crédits d’impôts ;

- septembre 2019 : régularisations.

 

 

 

 

 

 

 

newsid:464661

Propriété

[Jurisprudence] L’accession au secours du propriétaire du bien sous-loué via Airbnb : les loyers perçus par le locataire sont des fruits civils devant être restitués au propriétaire

Réf. : CA Paris, Pôle 4, 4ème ch., 5 juin 2018, n° 16/10684 (N° Lexbase : A2680XQC)

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N4632BXT

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par Mélanie Jaoul, Maître de conférences, Laboratoire de droit privé (EA 707), Université de Montpellier

Le 21 Juin 2018

L’économie collaborative qui tend à se développer ces derniers temps génère chaque année des millions d’euros de bénéfices pour les particuliers. On ne compte plus les plateformes permettant de partager des biens meubles ou immeubles, ou encore des services pour un coût moindre que celui qui serait facturé par des professionnels. Les défenseurs de cette nouvelle économie arguent d’un partage des ressources, d’une autre façon de consommer et de vivre, d’une société fondée sur l’humain. Néanmoins, si certains utilisateurs usent de ces services dans une telle perspective, le système semble être dévoyé par ceux qui ont flairé un «bon filon». En effet, on constate une certaine professionnalisation des particuliers qui utilisent ces plateformes régulièrement voire quotidiennement.

Tout le monde n’y gagne pas, loin s’en faut ! Il y a, en effet, des perdants avec le développement de ces nouveaux segments d’activités : tout d’abord, les opérateurs institutionnels et au premier chef, les hôteliers et les transporteurs ; ensuite, l’administration fiscale qui y perd en perception d’impôts ; enfin, dans le cadre de la location de logements, les propriétaires. Ces derniers voient, en effet, leurs biens de plus en plus souvent à la location sur des plateformes telles que Airbnb et constatent avec effroi que leurs locataires réussissent à faire des bénéfices à leur détriment. Si l’on ajoute à cela que les logements qui pourraient être sur le marché ne le sont plus et que la pratique conduit à l’aggravation de la pénurie de biens à usage d’habitation, faisant ipso facto monter le cours du mètre carré à la location, on comprend que la guerre soit déclarée (ainsi à Paris, on estime que 20 000 logements ont été perdus).

Les actualités nous avaient habitués à la guerre contre Airbnb de la part des villes et des opérateurs institutionnels. Ainsi, nombre de villes dans le monde a obtenu si ce n’est l’interdiction de ce type de plateformes (interdiction obtenue un temps à Berlin, ou encore à Niagara Falls par exemple, New-York interdisant la location du logement entier pour une période inférieure à 30 jours consécutifs mais pas les chambres), leur encadrement (outre la déclaration posée par l’article  L. 324-1-1, I et II du Code du tourisme N° Lexbase : L4975LAI, Paris a fixé à 120 jours le plafond de locations pour les particuliers ; à Amsterdam, le plafond est bien plus bas, il est porté à 30 jours) et la soumission aux taxes de séjours. L’administration fiscale veille aussi au grain et entend bien percevoir son dû.

Le développement de ces plateformes a eu aussi un impact majeur sur les propriétaires. Si un certain nombre d’entre eux a retiré ses biens du marché classique -jugé moins rentable et offrant de trop lourdes garanties aux locataires- au profit de la location courte durée, les locataires ont aussi saisi l’opportunité. Certains de manière ponctuelle, le temps d’un week-end ou de vacances, d’autres en professionnels n’habitant plus réellement les lieux. Les propriétaires ont alors aussi à cœur de défendre leur propriété et ont alors commencé à organiser la riposte. L’acte premier consistait à sanctionner le preneur dans le contrat de bail en demandant la déchéance de celui-ci ou, le cas échéant, lui refuser le bénéfice du droit de préemption ou du renouvellement. Dans l’affaire soumise à la cour d’appel de Paris le 5 juin 2018, c’est effectivement de cela dont il est question mais pas seulement ! En effet, le propriétaire a voulu aller plus loin et obtenir les loyers perçus par son locataire via la plateforme ! Jusqu’alors cela n’avait jamais été admis mais la cour d’appel, sensible à l’argumentaire développé, va alors admettre le principe de la restitution de ces sommes au propriétaire du bien.

Dans cette affaire, un couple prend à bail un logement dans le cinquième arrondissement de Paris en 1997. Au cours du contrat, le bailleur décède et la propriété du logement échoit à son fils, qui fait délivrer dans la foulée, en janvier 2014, un premier congé pour reprise à son bénéfice mais au nom de la SCI. En avril de la même année, il fait signifier un second congé pour reprise à son profit -sans mention de la SCI- aux locataires avec prise d’effet au 31 mai 2015. L’année s’écoule et deux mois avant la date de sortie, l’agence qui gère le bien rappelle aux locataires les termes du congé et tente d’obtenir un rendez-vous aux fins d’établir un état des lieux. La réponse des locataires fut, au 4 mai 2015, de contester par courrier la validité du congé et de se maintenir dans les lieux, même après deux sommations de les délaisser. En décembre 2015, le propriétaire assigne les locataires pour obtenir leur expulsion. La situation semblait vouée à durer. Cependant, une fuite du chauffe-eau et trois semaines d’eau froide eurent raison du locataire qui s’enfuit le dernier jour de septembre 2016.

En première instance, le propriétaire obtient gain de cause : le second congé pour reprise est validé et les locataires sont déclarés occupants sans droit ni titre à compter du 31 mai 2015, leur expulsion immédiate est prononcée et ils sont condamnés solidairement à verser une indemnité d’occupation correspondant au loyer et aux charges jusqu’à la libération effective des lieux. En sus de ces condamnations, les deux locataires se voient condamnés à 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir sous-loué irrégulièrement l’appartement et ce depuis 2012. Les locataires ont alors interjeté appel. Mal leur en a pris puisque la cour d’appel a alourdi la sanction.

Deux aspects sont principalement développés par la cour d’appel pour sanctionner les locataires indélicats. Les premiers aspects sont d’ordre contractuel, les seconds relèvent du droit des biens. L’ensemble de l’argumentaire aboutit à une sanction lourde à l’encontre des locataires qui, outre la perte de leur droit au bail, perdent tout le bénéfice de la sous-location. Aussi, cette décision semble sonner l’hallali de la pratique et nul ne doute que les propriétaires auront entendu le chant du cor. Nous aborderons donc en premier lieu, la question du congé pour reprise et du statut du bail avant de nous intéresser, dans un second lieu, à la condamnation à la restitution des fruits fondée sur l’accession.

 

I - Acte 1 : le droit des contrats au secours du propriétaire

 

En premier lieu, la question qui se posait était celle du régime applicable au bail souscrit et de la validité du congé pour reprise Sur le fond, la cour d’appel n’ajoute rien à ce qui avait été décidé lors de la première instance.

Pour valider l’expulsion et toutes les sanctions inhérentes à la violation du bail, les juges ont dû procéder en deux temps. D’une part, ils devaient attester de l’applicabilité de la loi relative aux baux d’habitation. D’autre part, une fois le régime applicable clarifié, ils pouvaient se prononcer tant sur la validité du congé que sur les sanctions prononcées à l’égard de l’occupation sans titre.

 

Les locataires ont fait valoir que le bail dont ils bénéficiaient ne saurait être soumis à la loi du 6 juillet 1989 (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 N° Lexbase : L8461AGH) mais constituait un bail verbal de droit commun dont le régime est posé aux articles 1709 (N° Lexbase : L1832ABH) et suivants du Code civil. Au soutien de cette demande, ils soulignaient que le bail avait été signé par la SCI X, représentée par le père du requérant, alors que la propriété du bien était entre les mains de la SCI Y, gérée par le requérant. Ce faisant, le bail ayant été conclu sur le bien d’autrui, il était inopposable : seul un bail verbal aurait été ainsi conclu. Les juridictions du fond rejettent alors unanimement la prétention des locataires actant que l’absence d’immatriculation de la SCI X avait emporté la disparition de sa personnalité juridique à compter du 1er octobre 2002, reportant ipso facto le droit de propriété sur la tête des associés de la société civile puis, à leur décès, sur celle du requérant en qualité d’héritier. La cour estime donc que le bail conclu en 1997 entre le père du requérant et les locataires était parfaitement valable et qu’étant d’ordre public, la loi du 6 juillet 1989 s’appliquait audit bail.

 

Une fois ce point éclairci, il convenait de s’interroger sur la fin de ce bail et les appelants firent feu de tout bois sur cette question.

Tout d’abord, ils invoquent la nullité du congé sur deux fondements. Le premier fondement tient à l’auteur du congé. Ils invoquent la nullité en soulevant que le congé a d’abord été délivré par une personne morale -laquelle ne jouit pas du bénéfice du congé pour reprise- et qu’ensuite, il fut délivré au nom du requérant, lequel n’est pas propriétaire du bien. Ici, la confusion quant à la délivrance du congé venait de l’envoi de deux congés successifs : le premier au nom de la SCI mais au profit du requérant, le second avec la seule mention de ce dernier. Les juges écartent la première critique puisque le seul congé invoqué par le requérant est le second, signifié aux locataires en son nom propre plus d’un an avant l’échéance du contrat et donc valable sur la forme. Sur le fond, la cour écarte l’argument de l’absence de propriété du requérant fondée sur la production de la matrice cadastrale. Deux observations peuvent alors être faites. La première est que la matrice cadastrale ne saurait être considérée comme une preuve permettant de contredire l’attestation de propriété dressée par un notaire. Ainsi, bien que le cadastre ait enregistré le bien comme appartenant à la SCI, l’attestation de propriété émanant d’un officier ministériel prime. La seconde est que la SCI ne peut être considérée comme propriétaire que pour autant qu’elle soit inscrite au RCS et bénéficie de la personnalité juridique. A défaut, la société ne fait pas écran envers ses membres et ce sont ses derniers qui doivent être considérés comme propriétaires des biens immobiliers de la SCI. Aussi, il s’agit d’une invitation à opérer un contrôle tant des inscriptions au cadastre qu’au greffe du tribunal de commerce avant de réfuter la légitimité du congé pour reprise.

Le second fondement invoqué fut balayé plus succinctement : au moyen de leur demande, les requérants arguaient que le congé était frauduleux car le propriétaire n’avait jamais entendu occuper les lieux. Ils appuient l’affirmation par deux éléments : d’une part, le fait qu’il vive dans un autre logement du même arrondissement et d’autre part, que l’appartement soit désormais à nouveau en location. La cour écarte la prétention montrant que la situation de fait invoquée n’était que le résultat de leur maintien dans les lieux au-delà du terme du bail, comportement qui avait conduit le propriétaire à prendre ses dispositions.

Une fois le raisonnement mené à son terme, la solution coulait de source : de locataires, les appelants devenaient occupants sans titre au-delà du préavis, s’exposant logiquement à une expulsion et à une condamnation à une indemnité d’occupation correspondant à la jouissance, à savoir le loyer et ses charges. Rien de bien original jusqu’ici. Là où la décision d’appel a soulevé l’intérêt des commentateurs, c’est dans la sanction relative à la sous-location.

 

II - Acte 2 : le droit de propriété au secours du propriétaire

 

Le propriétaire dans cette affaire s’est tourné vers le droit des biens afin que lui soient versées les sommes dont ses locataires avaient bénéficié depuis 2012 grâce à la sous-location.

La cour ayant exclu le bail verbal et retenu la soumission du contrat à la loi de 1989, elle retient très logiquement que la sous-location n’était pas admise. De surcroît, le bail contenait une clause l’interdisant et les locataires n’apportaient aucune preuve de l’accord verbal allégué. Dès lors, il convenait de s’intéresser à la sanction à appliquer. En première instance, le juge avait retenu une indemnisation du préjudice à hauteur de 5 000 euros de dommages-intérêts. Le fondement était alors en responsabilité. Ingénieux, l’avocat du propriétaire décide de ne plus fonder sa demande sur l’indemnisation d’un préjudice mais sur les conséquences attachées au droit de propriété. L’idée est habile car sur le plan de l’indemnisation, le préjudice ne saurait s’élever au montant des loyers de sous-location : en effet, ayant loué le bien, il n’y a pas perte de jouissance. Le bailleur reçoit déjà la contrepartie de cette mise à disposition de la jouissance via le loyer ! Aussi, le préjudice ne pouvait être chiffré de façon à capter le montant total des sommes perçues via Airbnb.

Les appelants font alors valoir un moyen procédural pour écarter l’argument : invoquer l’accession constituerait une nouvelle demande irrecevable au sens de l’article 564 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0394IGP). La cour écarte l’argument soulignant que, si le fondement juridique est nouveau, il est pleinement efficient, au sens de l’article 565 du même Code (N° Lexbase : L6718H7X), puisqu’il tend aux mêmes fins qu’en première instance : la condamnation au versement des sommes indûment versées. Une fois ce point éludé, restait la démonstration fondée sur l’accession.

 

Le propriétaire invoquait les articles 546 (N° Lexbase : L3120AB8) et 547 (N° Lexbase : L3121AB9) du Code civil qui prévoient, d’une part, que la propriété immobilière donne droit sur tout ce qu’elle produit, et, d’autre part, que les fruits civils appartiennent au propriétaire par accession. En application de ces textes, la cour vient admettre que les sommes perçues par les locataires, lesquelles sont issues d’une sous-location prohibée, sont des fruits civils. Ce faisant, l’accession jouerait au profit du propriétaire.

 

Ici, l’argumentaire semble imparable et pourtant, il appelle quelques observations. Le premier élément est relatif aux fondements. La cour écarte l’argument des locataires qui tendaient à invoquer qu’une telle restitution constituerait un enrichissement sans cause. L’argument n’était pas dépourvu de logique, la jouissance perdue par le propriétaire étant indemnisée par le versement de leur loyer. Cependant, les juges l’écartent du fait de l’interdiction de la sous-location et arguent que la cause réside dans le droit de propriété du demandeur.

Observons maintenant plus avant le fondement retenu. La confusion est perceptible.

La cour d’appel rappelle que, contrairement à ce qui prévaut en matière de bail commercial, le sort des loyers de la sous-location dans un bail d’habitation n’est pas réglé par le statut. Ce qui, eu égard à l’interdiction de principe, n’est pas incohérent. Remontant à la source même du droit qui justifie la location, la propriété, la cour considère alors que seul le propriétaire peut faire siens les fruits civils en vertu des articles 546 et 547. En effet, l’article 584 du Code civil (N° Lexbase : L3165ABT) est clair sur ce point, les loyers des maisons sont des fruits civils. Les magistrats considèrent alors que les locataires ne pouvaient pas payer au bailleur leur loyer avec d’autres fruits civils produits par l’appartement, car les fruits reviennent tous au propriétaire par accession. Ainsi, le détournement fautif de ces sommes se fait nécessairement au détriment du propriétaire de fruits civils produits par la sous-location de la propriété immobilière, lui causant nécessairement un préjudice financier. Les juges retiennent, en conséquence, que les fruits de la sous-location appartenaient au propriétaire et que les locataires devaient ainsi être solidairement condamnés à lui rembourser les sommes qu’ils avaient perçues à ce titre.

 

Ici, il semble que la solution ne soit pas très claire. L’accession est un mode d’acquisition originaire qui permet d’étendre la propriété du bien aux éléments extérieurs qui s’y joignent, ou dans le cadre de l’article 547, des biens nouveaux qu’elle produit. Ce mécanisme est étranger à une logique de préjudice ou d’indemnisation mais est une simple conséquence attachée au droit de propriété tel que défini à l’article 544 du Code civil (N° Lexbase : L3118AB4). Dire que la sous-location lui cause nécessairement un préjudice financier, laisse penser que la restitution des sommes aurait une vertu indemnitaire. De deux choses l’une, soit elle résulte du droit de propriété et on considère que les locataires n’en n’ont jamais été propriétaires, soit elle résulte de la violation du contrat qui interdit la sous-location et elle vient indemniser le préjudice subi, lequel est alors calqué sur les montants perçus grâce à cette violation -ce qui en soit peut être contesté- !

Le mécanisme de l’accession offre une porte de sortie aux juges qui sont assez réfractaires à ce type de plateforme : c’est la préservation du droit de propriété, droit inviolable et sacré, qui est en jeu ! Cependant, la formulation générale n’est pas sans nous poser problème. Si la vente de la chose d’autrui est interdite, il n’en est pas de même de la location sauf disposition légale ou contractuelle. Ici, le bail excluait la sous-location, ce qui explique la sévérité des juges. Néanmoins, en voulant se fonder sur l’accession, sans référence au contrat qui ne permettait pas la sous-location, elle semble aller dans le sens d’une application large. L’accession, si l’on applique strictement la lecture de la décision, a vocation à jouer pour l’ensemble des fruits civils…

Si l’on comprend aisément le choix opéré, l’argument pouvant séduire, nous n’adhérons pourtant pas à l’argument. En effet, nous considérons que l’accession est un mécanisme inapproprié en ce qui concerne les sommes qualifiées de fruits civils ou des revenus. L’accession suppose que le bien adjoint soit l’accessoire d’un autre bien, afin de faire jouer le principe Accessorium sequitur principale. Or, les fruits civils ne sont pas l’accessoire du bien mais le prix dans le contrat passé sur la chose. Ces sommes ne devraient donc pas être soumises à l’accession car elles font l’objet d’un transfert de propriété entre les patrimoines des contractants. Il nous semble inopportun d’appliquer l’accession aux fruits civils bien que l’article 547 en dispose autrement. A aucun moment le bien et les fruits civils ne forment qu’un seul bien susceptible d’être soumis au principe de l’accessoire. L’accession ne peut pas jouer ni par incorporation car les sommes ne sont pas intégrées au bien, ni par production car les fruits civils sont générés par le contrat de mise à disposition et non par le bien. Les fruits civils sont appropriés par la personne par le biais du contrat.

Au-delà de la critique de la règle de l’accessoire, la solution n’est pas satisfaisante. C’est sur le plan contractuel que cette affaire aurait dû être réglée. L’opportunité d’un fondement aussi absolu que le droit de propriété était tentante. Elle permet, en opportunité, de punir le comportement des locataires. Mais elle semble constituer une sanction qui ne dit pas son nom dévoyant un peu plus encore, par opportunisme, un mécanisme déjà inapproprié.

newsid:464632

Responsabilité

[Brèves] Paris sportifs et gains manqués : un but inscrit en position de hors-jeu n’est pas de nature à entraîner la responsabilité du club ou de son footballeur envers le parieur sportif déçu !

Réf. : Cass. civ. 2, 14 juin 2018, n° 17-20.046, F-P+B+I (N° Lexbase : A9313XQY)

Lecture: 2 min

N4566BXE

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par June Perot

Le 20 Juin 2018

► Seul un fait ayant pour objet de porter sciemment atteinte à l’aléa inhérent au pari sportif est de nature à engager la responsabilité d’un joueur et, le cas échéant, de son club, à l’égard d’un parieur.

 

Et à supposer qu’un joueur ait été en position de hors-jeu lorsqu’il a inscrit le but litigieux, cette transgression de la règle sportive ne constitue pas un fait de nature à engager sa responsabilité, ou celle de son club, envers un parieur. Telle est la solution énoncée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 juin 2018 (Cass. civ. 2, 14 juin 2018, n° 17-20.046, F-P+B+I N° Lexbase : A9313XQY).

 

Dans cette affaire, un parieur sportif avait validé une grille du jeu «loto foot» en pariant sur les résultats de quatorze matchs de football. Seul le résultat de la rencontre ayant opposé le club lillois à une autre équipe n’avait pas été pronostiqué par lui avec succès. Ayant parié sur un match nul alors que le score, confirmé par les instances sportives, avait été d’un but à zéro en faveur du club lillois, l’intéressé a perçu un gain pour treize pronostics exacts.

 

Estimant que le résultat de cette rencontre avait été faussé par la prise en compte du but inscrit en position de hors-jeu à la fin du match par un des joueurs du club, le parieur les a assignés en dommages-intérêts en raison du gain manqué au titre de quatorze bons pronostics.

 

En cause d’appel, le parieur a été débouté de ses demandes. La cour d’appel a en effet estimé que la position de hors-jeu ayant faussé le résultant d’une rencontre sportive ne saurait constituer une faute civile de nature à fonder l’action en responsabilité d’un parieur mécontent (CA Riom, 19 avril 2017, n° 15/03002 N° Lexbase : A0113WAG).

 

Le parieur sportif a alors formé un pourvoi, au soutien duquel il arguait que dans le domaine du pari sportif, toute faute résultant d’une transgression de la règle sportive commise par un joueur dans le cours du jeu, fût-elle sans influence sur la sécurité des pratiquants ou sur la loyauté de l’affrontement sportif, engage sa responsabilité et celle du club dont il dépend dès lors qu’elle a indûment faussé le résultat de la rencontre et causé la perte de chance d’un parieur de réaliser un gain.

 

Cette argumentation n’emporte pas la conviction de la Cour de cassation qui énonce la solution susvisée et rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage «Responsabilité civile» N° Lexbase : E5893ETG).

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Responsabilité

[Brèves] Paris sportifs et gains manqués : un but inscrit en position de hors-jeu n’est pas de nature à entraîner la responsabilité du club ou de son footballeur envers le parieur sportif déçu !

Réf. : Cass. civ. 2, 14 juin 2018, n° 17-20.046, F-P+B+I (N° Lexbase : A9313XQY)

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par June Perot

Le 20 Juin 2018

► Seul un fait ayant pour objet de porter sciemment atteinte à l’aléa inhérent au pari sportif est de nature à engager la responsabilité d’un joueur et, le cas échéant, de son club, à l’égard d’un parieur.

 

Et à supposer qu’un joueur ait été en position de hors-jeu lorsqu’il a inscrit le but litigieux, cette transgression de la règle sportive ne constitue pas un fait de nature à engager sa responsabilité, ou celle de son club, envers un parieur. Telle est la solution énoncée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 juin 2018 (Cass. civ. 2, 14 juin 2018, n° 17-20.046, F-P+B+I N° Lexbase : A9313XQY).

 

Dans cette affaire, un parieur sportif avait validé une grille du jeu «loto foot» en pariant sur les résultats de quatorze matchs de football. Seul le résultat de la rencontre ayant opposé le club lillois à une autre équipe n’avait pas été pronostiqué par lui avec succès. Ayant parié sur un match nul alors que le score, confirmé par les instances sportives, avait été d’un but à zéro en faveur du club lillois, l’intéressé a perçu un gain pour treize pronostics exacts.

 

Estimant que le résultat de cette rencontre avait été faussé par la prise en compte du but inscrit en position de hors-jeu à la fin du match par un des joueurs du club, le parieur les a assignés en dommages-intérêts en raison du gain manqué au titre de quatorze bons pronostics.

 

En cause d’appel, le parieur a été débouté de ses demandes. La cour d’appel a en effet estimé que la position de hors-jeu ayant faussé le résultant d’une rencontre sportive ne saurait constituer une faute civile de nature à fonder l’action en responsabilité d’un parieur mécontent (CA Riom, 19 avril 2017, n° 15/03002 N° Lexbase : A0113WAG).

 

Le parieur sportif a alors formé un pourvoi, au soutien duquel il arguait que dans le domaine du pari sportif, toute faute résultant d’une transgression de la règle sportive commise par un joueur dans le cours du jeu, fût-elle sans influence sur la sécurité des pratiquants ou sur la loyauté de l’affrontement sportif, engage sa responsabilité et celle du club dont il dépend dès lors qu’elle a indûment faussé le résultat de la rencontre et causé la perte de chance d’un parieur de réaliser un gain.

 

Cette argumentation n’emporte pas la conviction de la Cour de cassation qui énonce la solution susvisée et rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage «Responsabilité civile» N° Lexbase : E5893ETG).

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Rupture du contrat de travail

[Brèves] Bénéfice d’un nouveau délai de rétractation en cas de signature d’une nouvelle convention de rupture conventionnelle après un refus d’homologation

Réf. : Cass. soc., 13 juin 2018, n° 16-24.830, FS-P+B (N° Lexbase : A3249XRR)

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N4594BXG

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par Charlotte Moronval

Le 21 Juin 2018

► Une partie à une convention de rupture ne peut valablement demander l'homologation de cette convention à l'autorité administrative avant l'expiration du délai de rétractation de quinze jours prévu par l’article L. 1237-13 du Code du travail (N° Lexbase : L8385IAS), y compris lorsque cette convention a été conclue après une première qui a fait l’objet d’un refus d’homologation par l’autorité administrative.

 

Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 13 juin 2018 (Cass. soc., 13 juin 2018, n° 16-24.830, FS-P+B N° Lexbase : A3249XRR ; sur le respect du délai de rétractation, voir également Cass. soc., 14 janvier 2016, n° 14-26.220, FS-P+B N° Lexbase : A9536N3L).

 

En l’espèce, une salariée signe avec son employeur une première rupture conventionnelle le 27 juin 2013. L’autorité administrative refuse d’homologuer cette convention au motif que l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle était inférieure au minimum conventionnel. A la suite de ce refus et après correction de l’indemnité, les parties ont signé un second formulaire de rupture conventionnelle, indiquant une date d’entretien au 26 juillet 2013 et une date de rupture du contrat de travail au 9 octobre 2013.

 

La salariée décide de saisir la juridiction prud’homale d’une contestation de la validité de la rupture. La cour d’appel (CA Douai, 30 septembre 2016, n° 15/01538 N° Lexbase : A4177SQR) estime que la rupture du contrat de travail de la salariée équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l’employeur au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Enonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Elle considère que la cour d'appel, qui a relevé que la première convention avait fait l’objet d’un refus d’homologation par l’autorité administrative, a exactement décidé que la salariée devait bénéficier d’un nouveau délai de rétractation et que, n’en ayant pas disposé, la seconde convention de rupture était nulle (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E0220E7B).

 

newsid:464594

Protection sociale

[Brèves] Publication de l’ordonnance procédant au regroupement et à la mise en cohérence des dispositions du Code de la Sécurité sociale applicables aux travailleurs indépendants

Réf. : Ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018, procédant au regroupement et à la mise en cohérence des dispositions du Code de la Sécurité sociale applicables aux travailleurs indépendants (N° Lexbase : L6987LKY)

Lecture: 3 min

N4558BX4

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par Laïla Bedja

Le 20 Juin 2018

► Publiée au Journal officiel du 13 juin 2018 l’ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018 (N° Lexbase : L6987LKY), procède au regroupement et à la mise en cohérence des dispositions du Code de la Sécurité sociale applicables aux travailleurs indépendants, conséquence de la réforme d’ampleur de la protection sociale des travailleurs indépendants prévue par l’article 15 de loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, de financement de la Sécurité sociale pour 2018 (N° Lexbase : L7951LHX).

 

Pour rappel, cet article a supprimé le régime social des indépendants et a élargi le champ du régime général qui couvrira, à côté de certaines catégories particulières, non seulement les salariés mais aussi désormais les travailleurs indépendants non agricoles. Néanmoins, au regard des spécificités qui leur sont propres, un nombre limité de dispositions législatives continuent de venir préciser quand cela est nécessaire les règles particulières s'appliquant aux travailleurs indépendants en matière de Sécurité sociale, en complément ou en substitution de celles prévues à titre général pour les autres assurés sociaux.

 

L’ordonnance a ainsi pour objet d’apporter les mesures nécessaires pour assurer la pleine cohérence et la meilleure lisibilité à la réforme de fond de la Sécurité sociale mise en œuvre à l'occasion de la suppression du régime social des indépendants en regroupant notamment l'ensemble des dispositions qui leur sont propres dans le livre VI du Code de la Sécurité sociale.

 

Détail des articles :

 

L'article 1er de l'ordonnance transfère la section relative au dispositif dit des «micro entrepreneurs» dans le chapitre du livre VI consacré aux dispositions relatives au recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants.
L'article 2 transfère le chapitre relatif à la protection maternité et décès des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, actuellement inclus dans un livre intitulé : «Régimes divers - dispositions diverses» pour le placer dans le livre VI au sein duquel existe déjà des dispositions relatives à l'assurance vieillesse des mêmes personnes.
L'article 3 retire quant à lui du livre VI la section comportant les dispositions applicables à la contribution sociale de solidarités des sociétés (C3S). La section correspondante est transférée au sein de la partie du livre Ier du Code de la Sécurité sociale qui est consacrée au financement des régimes.
L'article 4 tire les conséquences de la suppression du régime social des indépendants sur les dispositions relatives à la bonification de retraite des présidents et aux administrateurs de la Caisse nationale du régime social des indépendants, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et de la Caisse nationale des barreaux français.
L'article 5 procède à des évolutions similaires à celles de l'article 2 en ce qui concerne l'assurance vieillesse et invalidité-décès des avocats.
L'article 6 clarifie, en lien avec les modifications effectuées à l'article suivant, l'articulation des dispositions relatives à l'indemnisation des parents exerçant une activité indépendante en cas de maternité, de paternité, d'accueil d'un enfant ou d'adoption.
L'article 7 regroupe, au sein du titre 6 nouvellement créé dans le livre VI, l'ensemble des dispositions, jusqu'ici éparses, applicables aux conjoints associés et collaborateurs des différentes catégories de travailleurs indépendants.
L'article 8 complète «en miroir» les articles du livre II du Code de la Sécurité sociale, relatif à la composition des conseils ou conseils d'administration des organismes du régime général pour y mentionner, en accord avec les dispositions des articles L. 612-3 (N° Lexbase : L8905KUD) et L. 612-4 (N° Lexbase : L5080I3K) du même code, les représentants du conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants.
L'article 9 regroupe des dispositions diverses de toilettage, notamment en lien avec le changement de nom des caisses nationales d'assurance vieillesse et de l'assurance maladie des travailleurs salariés qui, en raison de la réforme, sont devenues respectivement la caisse nationale d'assurance vieillesse et la caisse nationale de l'assurance maladie.
L'article 10 fixe les conditions d'entrée en vigueur de l'ordonnance.

 

Sauf exceptions justifiées par des impératifs de sécurité juridique, l'ordonnance est d'application immédiate.

newsid:464558

Urbanisme

[Brèves] Pas de violation du principe de non-régression par une réglementation dispensant les projets d'installation d'éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale de l'obtention d'un permis de construire

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 14 juin 2018, n° 409227, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9353XQH)

Lecture: 1 min

N4596BXI

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par Yann Le Foll

Le 03 Janvier 2019

Ne méconnaît pas le principe de non-régression une réglementation dispensant les projets d'installation d'éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale de l'obtention d'un permis de construire. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 14 juin 2018 (CE 5° et 6° ch.-r., 14 juin 2018, n° 409227, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9353XQH).

 

Si l'article R. 425-29-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7208LCX) dispense les projets d'installation d'éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale de l'obtention d'un permis de construire, il n'a, en revanche, ni pour objet, ni pour effet, de dispenser de tels projets du respect des règles d'urbanisme qui leurs sont applicables.

 

En outre, l'autorité administrative, à l'occasion de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, a la charge de l'examen de la conformité des projets d'installation d'éoliennes aux documents d'urbanisme applicables.

 

Le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le principe de non-régression posé par l'article L. 110-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7743K9N) au motif qu'il dispenserait ces projets du respect des règles d'urbanisme qui leurs sont applicables ne peut donc qu'être écarté. 

newsid:464596

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