Le Quotidien du 25 mars 2002

Le Quotidien

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] CJCE : les droits d'apport limités, la portée des décisions de la Cour réaffirmée

Réf. : CJCE du 19 mars 2002, C-426/98, Commission c/ République hellénique (N° Lexbase : A2913AYK)

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par Fabien Girard de Barros, SGR - Droit fiscal

Le 07 Octobre 2010

Aux termes d'un arrêt du 19 mars 2002, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) condamne la Grèce, pour manquement aux dispositions communautaires limitant l'imposition indirecte des rassemblements de capitaux. En effet, la République hellénique avait institué, outre le droit d'apport, d'autres contributions spéciales sur le capital des SA et des SARL, lors de leur constitution, lors de la publication et de la modification de leurs statuts ainsi que lors de l'augmentation de leur capital. La Cour a, par ailleurs, refusé de limiter les effets de sa décision pour des considérations uniquement financières.

Selon l'article 7 de la directive 69/335, les États membres peuvent soit exonérer du droit d'apport certaines opérations de rassemblement de capitaux, telles que les constitutions de sociétés, soit les soumettre à un taux unique ne dépassant pas 1 %. En cas d'augmentation du capital social, faisant suite à une réduction du capital social effectuée en raison de pertes subies, la partie de l'augmentation correspondant à la réduction du capital peut être exonérée, à la condition que cette augmentation intervienne dans les quatre ans après la réduction du capital.

Or, en Grèce, la somme des impôts indirects frappant la constitution des SA et des SARL, la publication et la modification de leurs statuts ainsi que l'augmentation de leur capital social dépassait largement le taux fixé par cette disposition. C'est pourquoi, la Commission a mis la République hellénique en demeure de présenter ses observations dans un délai de deux mois, pour justifier son manquement à cette directive communautaire.

Pour la République hellénique, les charges visées n'étaient pas des impositions indirectes, et constituaient la contrepartie de services fournis aux redevables. Elles avaient donc un caractère rémunératoire.

La Commission n'acceptant pas cette analyse, la CJCE s'est prononcée en faveur du manquement.

La Cour rappelle que l'article 10 de la directive 69/335 prohibe notamment les impôts indirects qui présentent les mêmes caractéristiques que le droit d'apport. Cet article vise, parmi d'autres, les impositions qui, quelle que soit leur forme, sont dues pour la constitution d'une société de capitaux et l'augmentation de son capital ou pour l'immatriculation ou toute autre formalité préalable à l'exercice d'une activité, à laquelle une société peut être soumise en raison de sa forme juridique. La Cour précise que cette dernière interdiction se justifie par le fait que, si les impositions concernées ne frappent pas les apports de capitaux en tant que tels, elles sont néanmoins perçues en raison des formalités liées à la forme juridique de la société, c'est-à-dire de l'instrument utilisé pour rassembler des capitaux (CJCE du 11 juin 1996, C-2/94, Denkavit International e.a N° Lexbase : A0124AWI). Aussi, la directive 69/335 s'oppose au prélèvement de toute imposition, sous quelque forme que ce soit, lors des opérations relevant de son champ d'application et n'interdit pas seulement la perception d'impôts indirects.

En outre, la Cour récuse l'idée selon laquelle ces charges supplémentaires ont un caractère rémunératoire. Une rétribution dont le montant serait dénué de tout lien avec le coût de ce service particulier ou dont le montant serait calculé non en fonction du coût de l'opération dont elle est la contrepartie, mais en fonction de l'ensemble des coûts de fonctionnement et d'investissement du service chargé de cette opération, doivent être regardée comme une imposition relevant de la seule interdiction instituée par l'article 10 de la directive 69/335 (CJCE du 29 septembre 1999, C-56/98, Modelo N° Lexbase : A0581AWG et du 21 juin 2001, C-206/99, SONAE N° Lexbase : A8106ATE).

Enfin, si, à titre exceptionnel, la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter les effets dans le temps d'un arrêt constatant le manquement d'un État membre à une des obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, les conséquences financières qui pourraient découler pour un État d'un arrêt de la Cour n'ont jamais justifié, par elles-mêmes, une telle limitation. Elle précise que limiter les effets d'un arrêt en s'appuyant uniquement sur ce type de considérations aboutirait à réduire de façon substantielle la protection juridictionnelle des droits que les particuliers tirent du droit communautaire (CJCE du 24 septembre 1998, C-35/97, Commission/France N° Lexbase : A0457AWT). Sur ce fondement, la Cour rejette la demande du gouvernement hellénique tendant à la limitation des effets dans le temps de cet arrêt.

En France, l'article 810 bis du CGI exonère les apports réalisés lors de la constitution de sociétés des droits fixes de 230 € prévus aux articles 809-I-bis et 810 du CGI. Il prévoit également que les différentes dispositions contenues dans les actes et déclarations ou leurs annexes établis lors de la constitution de société sont exonérées du droit fixe de 75 € des actes innomés prévus à l'article 680 du CGI . Une fois n'est pas coutume, la France n'est pas en situation de manquement, en la matière. Par ailleurs, les coûts engendrés par la publication des actes correspondent à la contrepartie d'un service rendu légitime et ne sont donc pas à prendre en compte pour le champ d'application de la directive 69/335.

L'arrêt de la CJCE, ici présenté, passerait inaperçu si la Cour n'avait pas réaffirmé son autorité et écarté toute relativisation de la portée de ses décisions. Les juges de Luxembourg sont conscients que les Etats membres accordent à leurs contribuables, la possibilité de réclamer le bénéfice d'une mesure reconnue par la Cour (Ex : article L. 190 du LPF en France N° Lexbase : L8480AES). Ils n'entendent pas limiter les droits des contribuables imposés à l'encontre du droit communautaire ; d'autant plus que la Cour reconnaît aux Etats membres la possibilité d'encadrer ce droit de recours dans le temps, pour contenir l'ensemble des implications financières relatives à un tel droit (CJCE du 2 décembre 1997, C-188/95, Fantask A/S e.a. N° Lexbase : A1985AWG).

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Institutions

[Evénement] Rapport de la CNCDH : recul global des actes racistes en 2001 qui restent toutefois à un niveau élevé

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N2368AAX

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par Elisabeth Zysberg

Le 07 Octobre 2010

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) vient de publier son rapport dans lequel elle fait état de l'évolution du racisme et de la xénophobie en France (statistiques des actions racistes et antisémites, bilan de l'action judiciaire, mesures de lutte contre le racisme et la xénophobie menées en 2001...). Elle constate ainsi qu'après l'augmentation préoccupante des actes antisémites en 2000, le nombre de ces violences était plutôt en recul en 2001, même s'il demeure au-dessus des chiffres de ces cinq dernières années. Le rapport dresse également un bilan de l'activité de la CNCDH, des travaux des sous-commissions, des manifestations internationales auxquelles la Commission a participé et rappelle l'ensemble des avis adoptés. Enfin, un chapitre entier est consacré à une étude approfondie de l'asile en France.

Le rapport de la Commission s'ouvre sur l'état des actions racistes, xénophobes ou antisémites en France. Les statistiques des actes racistes sont élaborés chaque année à partir des données enregistrées par les services de la police nationale et divisées en deux catégories : les "actions violentes" et les "menaces". Alain Bacquet, président de la CNDH, a souligné que ces statistiques fournissent un bon indicateur car elles regroupent des comportements que l'on peut qualifier de racistes ou antisémites en raison de leur contexte alors même qu'il n'existe pas, pour certains de ces actes, de qualification pénale retenant la motivation raciste.

L'année 2001 a été marquée par une relative décrue des violences racistes, même si les chiffres restent beaucoup plus élevés que la moyenne des cinq années précédentes. Par rapport au "pic vertigineux" de l'année 2000, les données de 2001 sont globalement en recul : 67 "actions violentes" (contre 149 en 2000) et 149 menaces (au lieu de 334 en 2000). La décrue concerne essentiellement les actions anti-juives, tandis que les actes racistes autres qu'antisémites continuent à augmenter. De plus, on observe, tout comme en 2000, une corrélation entre les événements internationaux et la montée des actes racistes. Ainsi, les violences en 2000 étaient liées la "deuxième Intifada" alors que les actions racistes de 2001, qui se sont multipliées au dernier trimestre, sont probablement consécutives aux événements du 11 septembre. Alain Bacquet en conclut que cette poussée d'antisémitisme a, "pour l'essentiel, un caractère conjoncturel", ce qui ne l'empêche pas de juger que cette dérive "dangereuse" de doit pas être banalisée.

Le rapport rend également compte de la statistique des condamnations pénales prononcées par les tribunaux pour des infractions à caractère raciste. Alain Bacquet constate que, comme les années précédentes, le nombre de condamnations prononcées demeure "remarquablement faible et sans aucun doute, aussi peu représentatif de la réalité du racisme en France, notamment en ce qui concerne les discriminations sanctionnées par les articles 225-1 et 225-2 du Code pénal". Le rapport relève toutefois une légère augmentation des condamnations pour discrimination dans l'offre d'emploi, conséquence positive du dispositif d'alerte et de soutien aux victimes de discrimination mis en place récemment.

Il fait aussi le point sur la pratique du testing à partir du bilan dressé par dix-sept procureurs généraux, interrogés au sujet de la "nuit du testing", organisée par l'association SOS Racisme, le 17 mars 2000, auprès de 88 établissements de loisirs (bars et discothèques). Selon eux, ces pratiques recouvrent une réalité très "disparate" et souvent "peu rigoureuse" : les opérations de testing n'ont jamais été précédées d'un avis préalable aux parquets; les faits n'ont pas toujours été constatés par huissier de justice... Au total, 21 plaintes ont été déposées auprès du procureur de la République ou d'un service de police judiciaire et ont donné lieu : à des enquêtes préliminaires, toujours en cours (7 cas), à des décisions de classements sans suite après enquête (3 cas), à des informations judiciaires clôturées par une ordonnance de non-lieu (3 cas), à des décisions de poursuites après enquête (8 cas ), qui ont abouti à des condamnations dans 3 cas et à des relaxes dans 5 autres cas.

Des premières décisions rendues et sous réserve de la jurisprudence à venir des cours d'appel et de la Cour de Cassation, il est possible néanmoins de dégager plusieurs conclusions. Le rapport établit que "le simple fait, pour des personnes d'origines ethniques différentes, de se présenter à l'entrée de certains établissements de loisirs et de faire constater par huissier le comportement du portier ne saurait, en lui -même, constituer une provocation à commettre l'infraction de discrimination prévue aux articles 225-1 et 225-2 du Code pénal. La démarche susmentionnée s'apparenterait plutôt à une préconstitution de preuve pénale, (...) mais qui, employée seule, s'avère insuffisante pour démontrer la réalité de l'infraction". Pour être d 'une quelconque utilité, le testing suppose la présence d'un tiers par rapport aux plaignants, afin, sinon de constater l'infraction, du moins d'attester les faits dont il a été le témoin direct. Les décisions de condamnations se sont appuyées sur des enquêtes judiciaires vérifiant et corroborant les éléments révélés par le testing, et diligentées sous le contrôle des parquets saisis. La pratique du testing semble donc, sous ces importantes réserves, de nature à contribuer à l'administration de la preuve d'une discrimination.

L'année 2001 a également été marquée par une modification importante du dispositif juridique de lutte contre les discriminations, consécutive à l'adoption de deux directives européennes des 29 juin et 27 novembre 2000 qui visent à mettre en oeuvre l'article 13 du Traité CE. Ces deux textes prévoient notamment la mise en place de mécanismes favorables aux victimes, comme l'aménagement de la charge de la preuve. La législation française a quant à elle été complétée par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, qui introduit de nouvelles dispositions dans le Code du travail, le Code pénal, le Code de l'action sociale, et des familles et le Code de la Sécurité sociale. Les apports les plus marquant concernent l'élargissement du champ des discriminations prohibées, l'aménagement des procédures de recours dans un sens favorable aux victimes, par le réaménagement de la charge de la preuve de la discrimination.

Par ailleurs, le rapport relève que la Commission a émis un nombre d'avis élevé (18), dont 7 à la demande du Gouvernement et 11 sur auto-saisine ; 11 d'entre eux portaient sur des thèmes nationaux et 7 sur des questions européennes ou internationales. Ainsi, la CNCDH a eu à se prononcer sur l'asile, les dispositions législatives proposées par le Gouvernement pour renforcer la lutte contre le terrorisme, l'application de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, les placements d'enfants en France, l'adaptation du droit interne au statut de la Cour pénale internationale, les questions touchant aux droits des malades et des usagers du système de santé, ainsi que l'éthique biomédicale.

Enfin, Alain Bacquet s'est dit très préoccupé, depuis le 11 septembre dernier, par les risques que la lutte contre le terrorisme peut faire courir à l'exercice des droits et libertés fondamentaux. Cette lutte doit, selon lui, être conduite dans le respect de l'Etat de droit et notamment des normes internationales relatives au droit de l'homme et au droit humanitaire. Reprenant les termes de l'avis de la CNCDH sur la situation des personnes détenues après avoir été arrêtées dans le cadre du conflit en Afghanistan, il a déclaré : "ce serait une défaite morale des démocraties si celles-ci abdiquaient leurs propres valeurs dans la lutte contre le terrorisme".

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