La lettre juridique n°332 du 8 janvier 2009

La lettre juridique - Édition n°332

Éditorial

Lois de finances : les Danaïdes avant les Dardanelles ? Ou 2009, l'année de la "sérénisation" fiscale ?

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N2151BII

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Jadis, la promulgation de la loi de finances rythmait le calendrier chargé des fiscalistes, notaires, comptables et autres spécialistes de l'optimisation fiscale, tant toute l'activité des premiers mois de l'année se tournait vers une décortication des modifications et des nouvelles dispositions fiscales entendant régir, ou du moins profondément orienter, l'activité économique de l'année nouvelle.

Puis, la loi de finances rectificative est venu ajouter à la complexité pour ajuster, certes les prévisions budgétaires, mais pour "l'oeil égocentrique" du fiscaliste, essentiellement pimenter la sauce à laquelle il allait être imposé sur les revenus de l'année écoulée ; si bien que, petit à petit, le contenu des lois de finances rectificatives s'est avéré de plus en plus dense, jusqu'à affirmer sa prédominance sur la loi de finances elle-même qui, de toute manière, appellerait, à n'en pas douter, elle aussi une loi rectificative... Il en va ainsi du cycle fiscal, comme du cycle solaire : au solstice d'été, le soleil de la croissance est au zénith (loi "Tepa" en 2007, la "LME" en 2008)... à celui de l'hiver, la dure réalité de la récession oblige aux ajustements (de près de 9 milliards d'euros pour 2008). "L'histoire [de la fiscalité] est une galerie de tableaux où il y a peu d'originaux et beaucoup de copies" (emprunté à Alexis de Tocqueville, in L'Ancien Régime et la Révolution).

Le collectif budgétaire pour 2009, objet de toute l'attention de nos éditions fiscale et sociale de cette semaine, n'échappe pas à la révolution solaire, mais loin d'être à proprement parler révolutionnaire, il marque l'impéritie gouvernementale en matière fiscale. Au carcan communautaire qui, en matière de fiscalité directe et de TVA, régit l'essentiel de la matière, la crise financière et économique ajoute à l'incapacité gouvernementale à dégager quelconque marge de manoeuvre permettant d'élaborer un véritable outil économique, un levier d'orientation digne d'une planification.

Au menu de la Saint Sylvestre, on ne trouvera qu'une extension du crédit d'impôt recherche, la suppression en trois ans de l'imposition forfaitaire annuelle (IFA), l'aménagement des dispositifs permettant aux contribuables de réduire leur impôt sur le revenu sans limitation de montant (régimes "Malraux", "Outre-mer", des "loueurs en meublé"). Enfin, et surtout, la loi de finances pour 2009 traduit plusieurs des engagements en faveur du développement durable et comporte un important volet sur les logements économes en énergie. La liste des crédits d'impôt pour aménagements, travaux, investissements "basse consommation d'énergie" s'allonge à mesure de la promotion de l'agriculture biologique. Gageons que la loi de finances soit prophète en son pays et que, déshabillant Paul pour habiller Jacques, l'étroitesse des marges de manoeuvre budgétaire accentue la responsabilisation écologique par la promotion de "l'éconologie".

La loi de finances rectificative pour 2008, quant à elle, traduit un énième aménagement de la taxe professionnelle -toute réforme ou suppression s'avérant impossible sauf transfert massif de fonds au profit des collectivités territoriales-. A noter que la loi procède à la refonte de la procédure d'abus de droit. D'une part, elle prévoit, désormais, l'application de cette procédure à l'ensemble des impôts et des actes des contribuables et étend la définition de l'abus de droit aux opérations effectuées dans un but exclusivement fiscal. D'autre part, elle instaure une solidarité de paiement des pénalités entre tous les bénéficiaires de l'abus tout en introduisant une modulation de celles-ci entre 80 % et 40 %. Enfin, pour réaffirmer l'indépendance et l'impartialité du comité de répression des abus de droit celui-ci sera désormais dénommé "comité de l'abus de droit fiscal" et sa composition serait élargie à un expert-comptable, un notaire et à un avocat spécialisé en droit fiscal. Contradictoire quand tu nous tiens... Dans le même sens, la procédure de rescrit est conjuguée à toutes les genres et tous les nombres ; le rendement de l'impôt oblige, à la fois, à lutter contre la fraude à la loi et à renforcer la sécurité juridique des contribuables, désormais frileux d'investir, qui est plus sous le joug de l'épée de Damoclès du "bourreau de Béthune". Rassurer le contribuable-investisseur tel est l'objectif de cette profusion de rescrits ; lavé du "péché originel" de l'habilité fiscale, le contribuable pourra se donner à coeur joie au financement privé de l'économie collective.

Les éditions juridiques Lexbase vous présentent leurs meilleurs voeux pour la nouvelle année.

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Sécurité sociale

[Textes] LFSS 2009 : de quelques réformes des branches maladie, accident du travail/maladie professionnelle et famille

Réf. : Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009 (N° Lexbase : L2678IC8)

Lecture: 18 min

N2160BIT

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

Le 07 Octobre 2010


La loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009, s'inscrit dans un contexte économique particulièrement délicat, qui laisse prévoir des tensions sur les rentrées de cotisations salariales et patronales, alors même que les dépenses (singulièrement, celles de la branche maladie) sont structurellement en phase de croissance. Le pouvoir réglementaire et le législateur ont, exercice de style oblige, mis en place des outils destinés à réduire un écart trop important entre rentrées de cotisations et dépenses. Les efforts attendus les plus importants concernent la branche maladie : les mesures visent la gouvernance, la maitrise médicalisée, l'organisation des dépenses de santé (...). La nouveauté de cette LFSS 2009 tient à la place occupée par les mesures relatives à la branche vieillesse et aux dispositifs de maintien dans l'emploi des actifs seniors. Parmi celles-ci, le recul de 65 à 70 ans de l'âge maximum de demande de bénéfice d'une pension de vieillesse, disposition la plus médiatisée et polémique, pourtant, validée par le Conseil constitutionnel (1). Si la LFSS contient, classiquement, des modifications aux différentes branches de la Sécurité sociale (I), elle apporte quelques innovations marquantes, notamment, en matière de contrôle et de sanctions des prestations indues (II). I - Réformes des prestations et de la prise en charge des différents risques

Pour l'année 2009, les prévisions de recettes ont été fixées, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale et par branche, à 181,8 milliards d'euros pour la branche maladie ; 182,5 milliards d'euros pour la branche vieillesse ; 58,7 milliards d'euros pour la branche famille ; 13 milliards d'euros pour la branche accident du travail/maladie professionnelle ; pour le régime général de Sécurité sociale, à 156 milliards d'euros pour la branche maladie ; 94,7 milliards d'euros pour la branche vieillesse ; 58,2 milliards d'euros pour la branche famille ; 11,2 milliards d'euros pour la branche accident du travail/maladie professionnelle. Pour l'année 2009, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale, entre les prévisions de recettes et les objectifs de dépense, le budget est donc négatif pour la branche maladie (-3,8 milliards d'euros), vieillesse (-7,2 milliards d'euros) et famille (-0,5 milliards d'euros), et à l'équilibre pour la branche AT/MP. Toutes branches confondues, les objectifs de dépense dépassent de 11,4 milliards d'euros les prévisions de recette.

A - Branche maladie

Au titre de l'année 2008, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie rectifié de l'ensemble des régimes obligatoires de base est fixé à 71,5 milliards d'euros, ainsi répartis : dépenses de soins de ville, 48,9 milliards d'euros ; dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l'activité, 18,6 milliards d'euros ; autres dépenses relatives aux établissements de santé, 5,5 milliards d'euros ; contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées, 7,4 milliards d'euros, soit un total de 152,8 milliards d'euros (2).

La loi n° 2008-1330 (art. 36) associe l'UNOCAM (3) aux négociations conventionnelles liant les professionnels de santé et l'assurance maladie. Cette mesure, ainsi que celle visant à majorer la taxe versée par les organismes complémentaires au Fonds de financement de la CMU, est la traduction de la convention d'accord signée le 28 juillet 2008 entre le Gouvernement et la Fédération nationale de la mutualité française.

La LFSS 2009 (art. 37) permet au directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie de réduire, pour l'année 2009, la prise en charge, par ces caisses, d'une part des cotisations d'assurance maladie des chirurgiens-dentistes. Le Conseil constitutionnel (décision n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008 N° Lexbase : A6887EBP) n'a pas prononcé de censure sur ce dispositif. En effet, le pouvoir conféré au directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, établissement public de l'Etat, par la LFSS 2009, ne porte que sur la fixation de la participation des caisses aux cotisations d'assurance maladie d'une seule catégorie de professionnels (les chirurgiens-dentistes) et pour la seule année 2009. L'article 37 de la loi a pour objet de permettre, par une minoration de la part des cotisations prise en charge par les caisses au titre de l'année 2009, de tenir compte des conséquences financières de l'application de la décision du Conseil d'Etat du 16 juin 2008 (CE 1° et 6° s-s-r., 16 juin 2008, n° 296578, Fédération des syndicats dentaires libéraux et autres N° Lexbase : A2359D9A). Pour le Conseil constitutionnel, si la disposition contestée compense les effets de cette décision, elle n'a pas pour effet de rétablir l'acte annulé en ce qu'il méconnaissait le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires. Elle ne porte pas atteinte au dispositif de cette décision et ne méconnaît pas ses motifs. Elle ne peut donc être regardée comme ayant pour objet ou pour effet de censurer une décision de justice.

Enfin, la loi rétablissait la qualification de médecin compétent (art. 40) ; désignait l'autorité compétente pour fixer le montant de la contribution due par les professionnels de santé n'utilisant pas les feuilles de soins électroniques (art. 41) ; prévoyait l'information des patients sur la liste des professionnels et des centres de santé ayant adhéré à des contrats d'amélioration des pratiques (art. 43) ; renvoyait au décret les modalités de participation des patients au système de pharmacovigilance (art. 44) ; précisait les missions et modalités de fonctionnement du groupement d'intérêt public chargé du développement des systèmes d'information de santé partagés (art. 45) ; mettait en place une expérimentation afin de remettre à certains patients un dispositif portable contenant leur dossier médical sous forme numérique (art. 46) ; accroissait les pouvoirs du directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation sur les directeurs des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux et sur ces établissements en cas de difficulté financière ou de dysfonctionnement (art. 55) ; rendait obligatoire la certification des comptes de certains établissements publics de santé (art. 56) ; modifiait les modalités de financement du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (art. 57) ; regroupait trois organismes dans un même groupement d'intérêt public (art. 58) ; faisait participer la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au financement de la formation des aidants et des accueillants familiaux de personnes âgées ou handicapées adultes (art. 65-I) ; et imposait la mention du prix de revente des prothèses et autres dispositifs médicaux dans le devis préalable (art. 72).

Mais, dans la mesure où ces dispositions n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008, en a déduit qu'elles ne trouvaient pas leur place dans une loi de financement de la Sécurité sociale, et donc, en a prononcé la censure.

B - Branche accident du travail/maladie professionnelle (AT/MP)

Après être passé sous le seuil des 700 000 en 2004 et en 2005, le nombre d'accidents de travail ayant occasionné un arrêt de travail s'établit à plus de 720 000 en 2007. L'indice de fréquence des accidents avec arrêt est resté inchangé depuis deux ans, à 39,4 pour 1 000 salariés. Trois grands types d'affections concentrent l'essentiel des cas de maladies professionnelles reconnues : les affections périarticulaires, causées par certains gestes ou postures de travail (soit 70,7 % des maladies professionnelles avec arrêt reconnues en 2007) ; les affections dues à l'inhalation de poussières d'amiante (12,2 % des maladies professionnelles avec arrêt reconnues en 2007) ; les affections chroniques du rachis lombaire (6,4 % en 2007) (4).

  • Amélioration de la prise en charge de certains frais de santé au titre des AT

L'article 98 de la LFSS 2009 (CSS, art. L 431-1, 1° N° Lexbase : L3062ICE) tend à améliorer la prise en charge de certains frais de santé engagés par la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Afin de pallier le faible taux de prise en charge de certains produits, résultant de l'écart entre le prix de vente ou la tarification de la prestation et sa base de remboursement, la loi prévoit de majorer le niveau de prise en charge de certains produits ou prestations. L'article 98 modifie la liste des frais de santé pris en charge par la branche AT/MP en prévoyant, de façon explicite, la liste des produits et prestations ainsi que les prothèses dentaires. Enfin, l'article 98 modifie les modalités de calcul de la prise en charge de ces deux types de produits et prestations : leurs tarifs de remboursement seront majorés en application d'un coefficient déterminé par arrêté, dans la limite des frais réellement engagés, lorsque leur prix n'est pas administré. Cette mesure transpose l'accord des partenaires sociaux du 25 avril 2007, relatif à l'amélioration de la prévention, de la tarification et de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

  • Transmission du rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail en cas de contentieux (art. 99)

L'Assemblée nationale avait adopté un article visant à définir, en cas de contestation d'un taux d'incapacité de travail, les conditions dans lesquels le service du contrôle médical pouvait transmettre au médecin expert le rapport médical ayant contribué à la fixation de ce taux. Or, les dispositions relatives au respect de la vie privée prévues à l'article 226-13 du Code pénal (N° Lexbase : L5524AIG) s'opposent à la transmission de ce rapport. Les tribunaux de l'incapacité déclaraient alors inopposable à l'employeur la décision fixant le taux de l'incapacité de l'assuré en raison du défaut de présentation de ce document et du non respect du contradictoire. La Cour de cassation s'est prononcée, il y a peu, sur ce thème (5) : ni l'accord de la victime, ni son absence d'opposition à la levée du secret médical ne peuvent résulter de la simple sollicitation de prestations. L'assuré social ne peut renoncer aux droits qu'il tient de l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) (droit au respect de la vie privée), ni le médecin se libérer de l'obligation de secret médical (C. santé publ., art. R. 4127-4 N° Lexbase : L8698GTC), institué dans l'intérêt des patients. Les médecins conseils de la CNAMTS sont donc justifiés à refuser de transmettre des données médicales au juge au nom du principe du secret médical.

L'amendement adopté visait à pallier cette situation en prévoyant que les dispositions de l'article 226-13 du Code pénal ne sont pas opposables au médecin expert ou consultant. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification. Mais le Conseil constitutionnel (décision n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008, préc.) a censuré cet article 99 de la LFSS 2009 autorisant, en cas de contestation d'une décision relative à la fixation du taux d'incapacité d'une victime, la transmission du rapport médical à un médecin placé auprès de la juridiction saisie. En effet, ces dispositions n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement : par suite, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la Sécurité sociale.

  • Maintien des indemnités journalières versées à la suite d'un accident du travail ou une maladie professionnelle (art. 100)

L'article L. 433-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3044ICQ) prévoit la possibilité de maintenir le versement d'une indemnité journalière pour accident du travail ou maladie professionnel en cas de reprise d'un travail léger autorisé par le médecin traitant, si cette reprise est reconnue par le médecin-conseil de la caisse primaire comme de nature à favoriser la guérison ou la consolidation de la blessure. L'article 100 de la LFSS 2009 prévoit d'étendre cette possibilité dans deux cas : lorsque la victime demande à accéder, avec l'accord du médecin traitant, aux actions de formation professionnelle ; au cours de la période pendant laquelle la victime d'un accident du travail ne peut plus recevoir de rémunération liée à son activité salariée et pendant laquelle l'employeur n'a pas encore fait part de sa décision de reclassement ou de licenciement de la personne concernée, celui-ci disposant d'un délai de 30 jours. Cette mesure fait, également, suite à une recommandation de l'accord des partenaires sociaux du 25 avril 2007 (6).

C - Branche famille

  • Transfert, à la branche famille, de l'intégralité du financement des majorations de pensions pour les parents de 3 enfants

Depuis le 1er janvier 2003, les dépenses dues aux majorations de pensions accordées en fonction du nombre d'enfants, prises en charge par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au titre de l'article L. 135-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3303HWA), font l'objet d'une contribution à hauteur de 60 % de ces dépenses par la Caisse nationale d'assurance familiale (CNAF) (CSS, art. L. 223-1 N° Lexbase : L3109IC7). Selon les travaux parlementaires, si l'on considère cette majoration de pension comme un élément important de la politique familiale, il serait préférable, du point de vue de la lisibilité des missions des différents organismes, que cet avantage familial soit intégralement pris en charge par la branche famille.

La LFSS 2009 (art. 105) transfert à la branche famille, progressivement, sur 3 ans, le financement des majorations de pensions pour les parents de 3 enfants. A titre transitoire, la loi prévoit que le versement de la CNAF au Fonds de solidarité vieillesse sera de 70 % pour l'année 2009 et de 85 % pour l'année 2010. La prise en charge intégrale des ces dépenses sera effective en 2011. Mais ce transfert de charges, qui permet, avant tout, d'alléger les dépenses du Fonds de solidarité vieillesse (qui retrouve une situation de déficit), pèsera sur l'équilibre de la branche famille avec un coût prévisionnel de 415 millions d'euros. Ce transfert sera majoritairement responsable du déficit prévu pour cette branche en 2009.

  • Modulation du montant du complément de libre-choix du mode de garde en fonction des horaires de travail atypiques des parents

La LFSS 2009 (art. 107) instaure une majoration du complément de libre-choix du mode de garde pour compenser les surcoûts liés à la garde de jeunes enfants lors d'horaires atypiques. En effet, le rapport annuel de la Commission européenne sur la situation de l'emploi en 2006 et l'Enquête Emploi de 2007, ont souligné le développement en France d'horaires de travail décalés ou atypiques (en soirée, de nuit ou le dimanche), qui concernent environ 14 % des familles avec de jeunes enfants. Or, lors de ces périodes, la garde d'enfants est plus coûteuse. La LFSS 2009 propose de remédier à cette situation en modifiant le Code de la Sécurité sociale (CSS, art. L. 351-5 N° Lexbase : L7661DKX) afin de tenir compte des horaires de travail des parents dans l'attribution de l'allocation du complément de mode de garde. Un décret ultérieur devrait préciser les modalités pour bénéficier de cette majoration. Une telle mesure est justifiée par les difficultés croissantes des familles à trouver un mode de garde adapté à leur vie professionnelle.

  • Assouplissement des conditions d'exercice de la profession d'assistant maternel

La LFSS 2009 (art. 108) introduit deux mesures visant à améliorer l'offre d'accueil de jeunes enfants par les assistants maternels, dans le contexte de volonté du Gouvernement de mettre en place, dès 2012, un droit à l'accompagnement à la garde d'enfant, ce qui impliquerait, selon le Centre d'analyse stratégique, la création de 350 000 places d'accueil dans les cinq ans.

La première mesure consiste à permettre aux assistants maternels d'accueillir simultanément, à leur domicile, jusqu'à quatre enfants (au lieu de 3 actuellement). Le texte original permettait que ces 4 enfants soient âgés de moins de 3 ans, mais cette possibilité a été supprimée en première lecture par le Sénat. Le coût de ce premier dispositif est évalué à 50 millions d'euros, dans la mesure où il devrait accroître le nombre de bénéficiaires du complément de libre-choix du mode de garde de la PAJE à raison d'environ 5 000 euros par an et par place créée, ce dernier montant étant estimé à 10 000.

La seconde mesure autorise le regroupement d'assistants maternels en dehors de leur domicile, afin d'accueillir plus d'enfants, dans le cadre d'une convention entre la collectivité locale, la caisse d'allocations familiales et l'assistant maternel concerné et sur autorisation du président du Conseil général. Cette mesure devrait permettre d'accroître l'offre de garde (7).

II - Lutte contre la fraude

A - Révision de la procédure des pénalités financières

L'article 13 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004, relative à l'assurance maladie (N° Lexbase : L0836GT7), a procédé à la réforme de la procédure des pénalités financières en cas d'abus ou de fraude des professionnels, des établissements de santé et des assurés. Ce dispositif a montré des limites, dont témoignent les données chiffrées : en 2006, 48 pénalités ont été prononcées pour un montant total de 66 000 euros, alors que, pour la même année, 4 661 cas de fraude ont été détectés. En 2007, le nombre de pénalités prononcées s'élève à 207, pour un montant total de 307 000 euros (8).

Les causes de dysfonctionnement sont multiples :

- la procédure actuelle ne permet pas de poursuivre un nombre important de comportements, pourtant, répréhensibles (comme les actes fictifs ou les obstacles aux contrôles) ;

- elle prévoit un plafond et un barème fixe applicables, sans distinction, à tous les auteurs d'infraction (assuré ou établissement de santé) et quel que soit le type d'infraction. Ce plafond est fixé à deux fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale (montant trop réduit par rapport à la gravité de certains actes dissuade souvent le directeur de l'organisme local d'assurance maladie de poursuivre la procédure) ;

- le dispositif actuel ne permet pas d'interrompre la procédure pour des cas fautifs ne nécessitant pas forcément de sanction. Une procédure de mise en garde a été introduite par voie réglementaire mais s'est avérée inadaptée ;

- la réunion de commissions spécifiques au sein de l'organisme local d'assurance maladie est une procédure lourde. Les coûts de gestion et d'organisation de cette procédure seraient plus importants que les pénalités prononcées ;

- la procédure s'avère, enfin, inadaptée en cas de dossiers concernant plusieurs organismes locaux d'assurance maladie et longue en cas de fraude lourde.

La LFSS 2009 s'est attachée à répondre à chacune de ces carences. L'article 112-I (CSS, art. L. 162-1-14 N° Lexbase : L3029IC8) définit les personnes ou organismes susceptibles d'être sanctionnées : assuré, employeur, professionnel et établissement de santé. La loi élargit le champ d'application des pénalités à des cas de fraude qui, en l'état actuel du droit, ne peuvent être poursuivies : il s'agit, notamment, des abus en matière de couverture maladie universelle complémentaire, d'aide médicale de l'Etat et d'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé ; il introduit la notion de "fraude en bande organisée".

L'article 115-II de la LFSS 2009 énumère les cas d'infractions ou omissions susceptibles d'être sanctionnés, de façon extensive et plus précise qu'en l'état actuel du droit : l'inobservation des règles du Code de la Sécurité sociale, du Code de la santé publique ou du Code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation ; l'obstacle aux contrôles ou à la bonne gestion de l'organisme ; le défaut de déclaration en cas de changement de situation ; l'agissement visant à obtenir, par une fausse déclaration, la protection complémentaire ou le bénéfice du crédit d'impôt pour bénéficier de cette assurance, ou encore l'aide médicale de l'Etat ; le refus de transmission de certaines informations ; les récidives sous certaines conditions ; les abus constatés en matière de soins et de prescriptions d'arrêt de travail ; le refus par un professionnel de santé de reporter dans le dossier médical personnel les éléments issus de chaque acte ou consultation ; le non-respect par les employeurs des obligations de déclaration des accidents du travail ; et le fait d'organiser ou de participer au fonctionnement d'une fraude en bande organisée.

L'article 115-III définit les différents types de pénalités pouvant être prononcées : une pénalité forfaitaire, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale, pour les abus dont le montant n'est pas déterminé ou difficilement déterminable ; une pénalité proportionnelle, dans les autres cas, dans la limite de 50 % du montant de l'abus constaté. Il est, également, tenu compte des prestations servies au titre de la protection complémentaire en matière de santé et de l'aide médicale de l'Etat. En cas de récidive, le montant de la pénalité est doublé.

L'article 115-IV définit la procédure contradictoire de notification des faits reprochés à la personne mise en cause et précise les droits de la défense. Dans le cadre de cette nouvelle procédure, est ouverte la possibilité pour le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, avant la saisine de la commission, de ne pas poursuivre la procédure et de prononcer, dans certains cas, un avertissement à l'intéressé.

L'article 115-VI vise les cas de fraude concernant plusieurs organismes locaux d'assurance maladie et instaure une possibilité de délégation de compétences entre organismes. L'article 115-VII prévoit des pénalités financières renforcées en cas de fraude grave, définie par voie réglementaire : la sanction peut être prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie sans sollicitation de la commission ; les plafonds de pénalités sont majorés, respectivement à 200 % et quatre fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale. Pour la fraude en bande organisée, le plafond est porté à 300 % des sommes indûment présentées au remboursement ; un plancher de pénalité est instauré et modulé en fonction des personnes poursuivies.

B - Renforcement des procédures permettant le recouvrement des indus de prestations sociales

L'article 118 de la LFSS 2009 prévoit d'améliorer le recouvrement des indus : en étendant aux organismes du régime général le pouvoir de contrainte dont disposent déjà les caisses de mutualité sociale agricole ; et en permettant de recouvrer des indus d'une prestation familiale sur d'autres prestations et réciproquement. Le 1° du I de l'article 118 (CSS, art. L. 161-1-5 N° Lexbase : L2949IC9) prévoit de confier des pouvoirs supplémentaires au directeur d'un organisme de Sécurité sociale en vue de recouvrer une prestation indûment versée. Celui-ci pourra, désormais, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère, notamment, le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Cette disposition est rendue possible, sans préjudice des articles L. 133-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4647H9Y) et L. 725-3-1 du Code rural (N° Lexbase : L9654G7P) (qui traitent, notamment, des moyens de contrôle à disposition des organismes de Sécurité sociale pour apprécier le droit aux prestations). Un tel pouvoir de contrainte existe, déjà, dans certains cas : les organismes de sécurité sociale peuvent, ainsi, délivrer des contraintes pour recouvrer les cotisations de sécurité de sociale impayées (CSS, art. L. 244-9 N° Lexbase : L4979ADR) ; les sommes indûment perçues par les professionnels de santé et les établissements de santé qui ne respectent pas les règles de tarification ou de facturation (CSS, art. L. 133-4) ; les pénalités financières sanctionnant l'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations ou l'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le versement des prestations (CSS, art. L. 114-17 N° Lexbase : L2776HIN et L. 162-1-14 N° Lexbase : L3029IC8). Les autres organismes n'ont pas cette possibilité : en cas de non-paiement des sommes dues, ils sont obligés de saisir le tribunal des affaires de Sécurité sociale pour obtenir un titre exécutoire et exercer le recouvrement selon les voies de droit commun. Tous les organismes pourront, désormais, recourir à cette procédure, exorbitante du droit commun, lorsqu'il s'agira de recouvrer des indus de prestations. Elle sera tout particulièrement utile aux caisses d'allocations familiales, qui exercent, chaque année, après échec de la procédure de recouvrement amiable, près de 27 000 recours en répétition d'indus.

L'article 118 de la LFSS 2009 instaure une forme de "fongibilité" des prestations en cas de récupération d'indus. Actuellement, un indu de prestations sociales ne peut être récupéré par les organismes débiteurs que sur les prestations du même fonds : les indus de prestations familiales sont, ainsi, recouvrés sur les seules prestations familiales (CSS, art. L. 553-2 N° Lexbase : L2884ICS), les indus d'allocation de logement sociale sur cette seule allocation (CSS, art. L. 835-3 N° Lexbase : L2852ICM) et les indus d'aide personnalisée au logement sur la seule aide personnalisée au logement (CCH, art. L. 351-11 N° Lexbase : L8404HEY). L'article 118 a pour objectif de faciliter le recouvrement des indus, en permettant aux organismes débiteurs des prestations familiales de recouvrer l'indu d'une allocation sur les autres aides versées à l'allocataire. Cette mesure vise, ainsi, à mettre fin à une incohérence du dispositif actuel où des allocations continuent d'être versées alors que des sommes sont réclamées simultanément au même bénéficiaire mais au titre d'autres prestations. Initialement, ce dispositif ne s'appliquait qu'à trois prestations : prestations familiales, allocation de logement sociale et aide personnalisée au logement. La formule utilisée est, à chaque fois, la même : par exemple, tout paiement indu de prestations familiales est récupéré, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, par retenues sur les prestations à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution. A défaut, l'organisme payeur peut, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues soit au titre de l'allocation de logement sociale, soit au titre de l'APL.

Cette compensation inter-fonds est limitée, dans un premier temps, au fonds national des prestations familiales (FNPF) et au fonds national d'aide au logement (FNAL) et ne concerne donc que les seuls recouvrements des prestations familiales et des aides personnelles au logement. Elle a vocation à être étendue à terme au revenu de solidarité active, dès que les modalités techniques auront été fixées en lien avec les départements. La LFSS 2009 a accéléré cette démarche et a prévu d'inclure dans le champ de cette "fongibilité" l'allocation aux adultes handicapés et le revenu de solidarité active. A défaut de pouvoir être récupéré sur la prestation initiale, un indu de prestations familiales pourra, ainsi, être récupéré sur l'allocation aux adultes handicapés, ainsi que sur le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome (dans la limite de la retenue mensuelle calculée selon le barème de recouvrement personnalisé, qui tient compte de la capacité contributive de l'allocataire) ou sur le revenu de solidarité, et vice-versa. Compte tenu des travaux techniques préalables, la date d'effet des dispositions relatives l'élargissement de ce mécanisme au RSA est fixée au 1er janvier 2010.


(1) Les mesures relatives à l'emploi des seniors et à la branche vieillesse feront l'objet d'une analyse particulière, à paraître dans le prochain numéro de Lexbase Hebdo - édition sociale.
(2) J.-J. Jégou, Avis Sénat n° 84 (2008-2009), pp. 101-159 ; A. Vasselle, Rapport Sénat n° 83 (2008-2009), tome VII, examen des articles, pp. 130-212 ; A. Vasselle, Rapport Sénat n° 83, 2008-2009, tome II, Assurance maladie.
(3) Créée par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004, relative à l'assurance maladie (N° Lexbase : L0836GT7), l'UNOCAM regroupe les représentants des mutuelles, des institutions de prévoyance et les sociétés d'assurance qui offrent des prestations d'assurance maladie complémentaire. Les missions de l'UNOCAM sont définies aux articles L. 182-2 (N° Lexbase : L2870ICB) et L. 182-3 (N° Lexbase : L3046ICS) du Code de la Sécurité sociale. Elles visent à renforcer le dialogue entre l'assurance maladie et les organismes complémentaires. La LFSS 2008 les a élargies, en prévoyant, notamment, une meilleure association de l'UNOCAM, en cas de déclenchement de la procédure d'alerte (loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, de financement de la Sécurité sociale pour 2008 N° Lexbase : L5482H3G).
(4) G. Dériot, Rapport Sénat n° 83 2008-2009, tome VI, Accidents du travail et maladies professionnelles ; A. Vasselle, Rapport Sénat n° 83, 2008-2009, Tome VII, examen des articles, p. 277-287 ; J.-J. Jégou, Avis Sénat n° 84, 2008-2009, p. 203-212.
(5) Cass. civ. 2, 13 novembre 2008, n° 07-18.364, CNAMTS, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2340EBB) et nos obs., Contentieux des accidents du travail : entre procès équitable et secret médical, quel arbitrage ?, Lexbase Hebdo n° 328 du 27 novembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N7623BHS).
(6) J.-J. Jégou, Avis Sénat n° 84, 2008-2009, préc., p. 210.
(7) J.-J. Jégou, Avis Sénat n° 84, 2008-2009, préc., p. 210 ; A. Vasselle, Rapport Sénat n° 83, 2008-2009, tome VII, examen des articles, préc., p. 288-298 ; J.-J. Jégou, Avis Sénat n° 84, 2008-2009, préc., p. 195-202.
(8) J.-J. Jégou, Avis Sénat n° 84, 2008-2009, préc., p. 210 ; A. Vasselle, Rapport Sénat n° 83, 2008-2009, tome VII, examen des articles, préc., p. 305-319 ; J.-J. Jégou, Avis Sénat n° 84, 2008-2009, préc., p. 213-222.

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Sociétés

[Jurisprudence] Indemnités versées à l'ancien président de Rhodia : condamnation de deux dirigeants à rembourser la somme à la société

Réf. : T. com. Nanterre, 3 décembre 2008, aff. n° 2005F01378, SA Valauret c/ M. Yves-René Nanot, M. Jean-Pierre Clamadieu, SA Rhodia (N° Lexbase : A7473EBE)

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Le 22 Octobre 2014

Décision peu mesurée pour les uns, et traduisant, pour les autres, la juste sanction des excès dans la fixation des indemnités de certains dirigeants, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre, en date du 3 décembre 2008, a été commenté dans la presse avec davantage de passion que de recul. Cette "nouvelle affaire Rhodia" intervient, en effet, alors que le Mouvement des entreprises de France (Medef) est en voie de mettre en oeuvre un code de bonne gouvernance concernant les "parachutes dorés" qu'en principe, toutes les sociétés du CAC 40 auront dû adopter, à l'heure où nous écrivons ces lignes. D'aucuns ont fait, ainsi, un lien, un peu rapidement, sans doute, entre ce nouvel encadrement éthique et la sanction que vient de prononcer le tribunal de commerce en condamnant deux des dirigeants actuels de la société Rhodia à rembourser une indemnité transactionnelle versée à son ancien président démissionnaire.
Pourtant, le jugement analysé place résolument cette sanction hors du cadre de ces pratiques dites, selon le terme anglo-saxon, de "golden parachute" puisqu'il s'agissait d'établir la licéité du versement d'une indemnité transactionnelle au titre de la rupture d'un contrat de travail et de la provision, dans les comptes de la société, d'un engagement de retraite y afférant. La question posée ici au juge était, ainsi, fort différente des problématiques relatives aux golden parachutes, puisqu'elle portait sur la source des indemnités versées à un ancien salarié (I), qui n'était, qu'ensuite, devenu dirigeant. En l'espèce, un actionnaire de Rhodia contestait la validité du contrat de travail et demandait au tribunal de commerce de Nanterre d'établir la responsabilité, au titre de la faute de gestion, des auteurs (II) du versement litigieux.

I - Un litige portant sur la source des indemnités versées

La contestation des indemnités versées à l'ancien président de Rhodia (I) trouve son origine dans une controverse entre les dirigeants de la société et un actionnaire qui soulevait l'impossibilité de versement en raison de l'absence de transfert du contrat de travail (II) de Rhône-Poulenc à Rhodia.

A - La contestation des indemnités versées à l'ancien président, ancien salarié du groupe

En 1999, lors de la préparation de l'opération de fusion entre les sociétés Rhône-Poulenc et la société allemande Hoechst, dans l'objectif de créer le groupe pharmaceutique Aventis, Rhône-Poulenc décide de se séparer de son pôle chimie afin de se recentrer sur son coeur d'activité. M. T., auparavant cadre dirigeant puis, directeur général adjoint de Rhône-Poulenc SA en 1992 est placé, à cette occasion, à la tête de ce pôle, étant désigné président directeur général de la société Rhodia, à compter du 25 mars 1997, la filiale devenant définitivement autonome le 15 octobre 1999.

Le 29 janvier 2001, le conseil d'administration de Rhodia souscrit un avenant à un "contrat de règlement de garantie des ressources retraite cadres" (GRCD), conclu, à l'origine, par Rhône-Poulenc. Cet avenant permet de verser un complément de retraite aux salariés ou mandataires sociaux de plus de 50 ans, contre 55 ans auparavant. Le 21 juillet de la même année, le conseil d'administration de Rhodia "constate" que le contrat de travail unissant Rhône-Poulenc et M. T. avait été transféré à Rhodia le 1er novembre 1999, et qu'en conséquence, il s'était trouvé suspendu à cette même date en raison de l'incompatibilité du cumul des fonctions de salarié et de président du conseil d'administration. Il est acté, par ailleurs, que le contrat de travail reprendrait tous ses effets dès la fin du mandat. Le 23 juillet, M. T. donne son accord à l'avenant abaissant l'âge de départ à la retraite et, le 1er août 2001, enfin, il signe un avenant réactualisant son salaire "à la date de la cessation de son mandat" et fixant les modalités financières de rupture de son contrat de travail.

Lors du conseil d'administration de Rhodia du 3 octobre 2003, M. T. démissionne de tous ses mandats avec effet immédiat. MM. C. et N., qui assistaient à la séance, sont nommés, le premier, président du conseil d'administration à titre temporaire et, le second, mandataire spécial avec le titre de vice-président.

Le 15 octobre 2003, M. T. fait l'objet d'une mesure de licenciement et, le 26 février 2004, ce dernier et Rhodia signent un protocole d'accord mettant fin à toutes leurs relations contractuelles, à l'exception des engagements de retraite (GRCD), moyennant le versement de la somme de 2 112 944 euros à titre "d'indemnité transactionnelle globale et forfaitaire pour solde de tout compte". Quelques jours plus tard, M. N. est nommé président du conseil d'administration et M. C. directeur général de la société Rhodia.

A la suite de l'assemblée générale de la société Rhodia du 31 mars 2004, un actionnaire, la société Valauret (Valauret), met M. N. en demeure de prendre les dispositions nécessaires pour obtenir le reversement, par M. T., de la somme de 2 112 944 euros, lui demandant, en outre, de lui confirmer que ce dernier ne pourrait bénéficier de la retraite complémentaire. Rhodia répondra à cette demande en affirmant qu'elle s'était conformée, en tous points, aux exigences légales et conventionnelles. Valauret ayant posé, au surplus, la question du montant de l'engagement de retraite dont bénéficiait l'ancien président, se verra répondre que cet engagement avait été provisionné par la société à hauteur de 5,3 millions d'euros.

Valauret ayant déjà introduit un recours contre MM. N. et C., tant en raison du préjudice subi par elle-même que par celui, dans le cadre d'une action ut singuli, subi par la société Rhodia, faisait principalement porter sa demande sur la réaffectation de l'engagement de retraite provisionné estimant, par ailleurs, que le versement de 2 112 944 euros était constitutif d'une faute. Les prétentions de Valauret reposaient, ainsi, essentiellement, sur deux fondements textuels : d'une part, les dispositions de l'article L. 225-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L5893AI4), qui encadrent le cumul des fonctions de mandataire social et de salarié et, d'autre part, les termes de l'article L. 225-251 du même code (N° Lexbase : L6122AIL), qui établit le régime de responsabilité des administrateurs et du directeur général des sociétés anonymes.

B - Un litige portant, au fond, sur l'existence du contrat de travail de l'ancien président

S'agissant, en premier lieu, de la responsabilité des administrateurs et du directeur général, il était reproché à MM. N. et C. d'avoir commis une série de fautes de gestion en accordant à l'ancien président directeur général des indemnités conventionnelles ainsi qu'en maintenant l'engagement de retraite de la société Rhodia à son profit. Affirmant que constitue une faute de gestion le fait de "conclure une convention contraire aux intérêts de la société ou toute négligence", Valauret invoquait cette contrariété aux intérêts de la société pour voir le tribunal constater la faute du directeur général, M. C., au titre du versement de la somme de 2 112 944 euros à M. T.. Selon ces prétentions, M. C. aurait dû s'opposer à tout versement puisqu'à la date du départ de l'ancien président, il annonçait devoir engager "un vaste plan de redressement", les comptes de la société présentant, à l'époque, une dette de 3 milliards d'euros et, selon le demandeur, un état de quasi-faillite. Ce dernier invoquait, au surplus, la connaissance par M. C. du "montage artificiel" à l'origine du calcul de l'indemnité puisque l'ancien président faisait état dans le quotidien Le Monde, le jour de sa démission (soit avant la fixation de l'indemnité résultant du licenciement ultérieur), de la somme exacte qu'il devait recevoir, ce qui démontrait que ladite indemnité résultait de sa démission des fonctions de mandataire social. A ce titre, enfin, la somme versée ayant été fixée forfaitairement par un avenant du 1er août 2001, M. C., selon Valauret, n'avait aucunement cherché à réduire le montant convenu alors que l'avenant précisait que ce dernier n'était exigible qu'en "absence de toute faute" du bénéficiaire. Se fondant sur des précédents récents du monde des affaires, "à titre de comparaison", il estimait, ainsi, que le directeur général en exercice se devait de solliciter la nullité ou la réduction, selon ses propres termes, du golden parachute ainsi constitué.

Plus encore, au-delà de la contestation de l'indemnité, c'est sa source même que Valauret remettait en question puisqu'il invoquait la nullité du contrat de travail ainsi que de l'avenant fixant l'indemnité. En effet, selon l'actionnaire, le contrat de travail de M. T. n'avait jamais été transféré et, si ce transfert avait pu être réalisé, il aurait dû, en tout état de cause, respecter la procédure des conventions réglementées destinées à protéger la société contre les conflits d'intérêts, en application de l'article L. 225-38 du Code de commerce (N° Lexbase : L5909AIP). En outre, il apparaissait, selon Valauret, qu'il était "invraisemblable" que, compte tenu du niveau d'expertise interne des services des ressources humaines de Rhodia, M. C. n'ait pas été alerté sur l'irrégularité du versement projeté et de la transaction. Quant au comportement de M. N., Valauret s'appuyait sur sa qualité d'administrateur pour engager sa responsabilité à raison des conséquences d'un défaut de surveillance des dirigeants sociaux.

Devant cette série d'arguments, Rodhia, comme MM. C. et N. réfutaient, en bloc, les prétentions du demandeur. S'agissant, d'abord, du contrat de travail, ce dernier, selon eux, avait été transféré de plein droit lors de la fusion, au titre de l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail (C. trav., art. L. 1224-1, nouv. N° Lexbase : L0840H9Y). Ils affirmaient, également, démontrer le contrôle de ses conditions d'exécution par le "comité homme et organisation" interne, ainsi que l'approbation de sa conclusion, conformément à la procédure des conventions réglementées. Quant à la collusion supposée entre l'ancien président et les dirigeants actuels, ils faisaient également valoir la nécessité de conclure un protocole d'accord afin de prémunir la société contre d'éventuels recours. Les dirigeants précisaient, par ailleurs, que M. T., sachant, dès sa démission de mandataire social, qu'il allait être licencié, avait pu communiquer à la presse le montant de l'indemnité qui allait lui être versée avant la transaction puisqu'il s'agissait d'une somme forfaitaire due en cas de rupture du contrat de travail. Les défendeurs, en outre, dans leurs conclusions, faisaient valoir l'absence de faute de gestion, selon eux, d'abord, parce qu'ils n'avaient pas de pouvoir décisionnel à certaines périodes de l'affaire et, ensuite, par l'obligation qui leur était faite de respecter les stipulations des conventions établies entre M. T. et Rhodia.

II - Le remboursement des indemnités prononcé sur le fondement d'une faute de gestion

C'est précisément cette faute de gestion (A), invoquée par Valauret, qui donne sa dimension à l'affaire, même si le jugement prononcé ne paraît constituer qu'une solution d'espèce, rendue en toute rigueur, mais marquée par le particularisme de la situation de Rhodia (B) depuis la fusion de Rhône-Poulenc et de Hoechst.

A - La démonstration, par le juge, de l'existence d'une faute de gestion

Le tribunal de commerce de Nanterre s'est attaché, avec logique, à l'analyse, dans un premier temps, du transfert du contrat de travail. Face à l'argument essentiel des défendeurs, qui consistait à soutenir que ce transfert résultait de l'opération de fusion et avait été opéré de plein droit, au titre des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail (C. trav., art L 1224-1, nouv.) le juge ne pourra que constater l'insuffisance des preuves matérielles produites par les défendeurs. Ces derniers s'appuyaient, en effet, sur des documents émanant de la société Rhône Poulenc Chimie, attestant du transfert des salariés de cette dernière société à Rhodia. M. T., en revanche, étant salarié de Rhône-Poulenc SA, maison-mère du groupe, rien n'attestait du transfert de son contrat de travail. Le juge en déduit que ce dernier n'a pas été transféré sous le régime de l'article L. 122-12 précité. Constatant, par ailleurs, en considération du contenu de "l'avenant" du 1er août 2001, que ledit avenant régularisait le transfert en laissant à M. T. un "délai raisonnable" à l'issue duquel il se trouvait lié à Rhodia "d'un commun accord", le juge en conclut qu'il s'agissait, en l'espèce, d'un transfert conventionnel et non de plein droit.

Ceci étant posé, le tribunal s'attache, ensuite, à l'appui d'un raisonnement sans faille, à examiner le contrôle interne de ce transfert. Le fondement de ce contrôle relève, en effet, de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 225-38 du Code de commerce qui établit que : "toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général [...] doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration". En l'espèce, les dirigeants de Rhodia, invoquant le transfert de plein droit lié à la fusion, avaient écarté l'application de cette procédure, ce que sanctionne le tribunal qui, s'appuyant sur le caractère conventionnel de l'acte, en conclut, lui, au non-respect des dispositions concernant ces conventions réglementées.

C'est, ainsi, après avoir établi la nature des conventions en cause, que la question de la faute de gestion est examinée. A ce titre, le jugement retient que lorsque M. C. avait pris ses fonctions en 2003, l'avenant du 1er août 2001 avait déjà été signé et cette mention est particulièrement importante pour analyser la décision : "ledit avenant présentait l'apparence d'un acte régulier dont il convenait de respecter les termes". Au surplus, M. T. ayant changé d'attitude quant à son licenciement -l'estimant valide, dans un premier temps, puis abusif, dans un second temps- M. C. avait fait en sorte qu'une "indemnité transactionnelle" soit versée en remplacement d'une seule "indemnité de rupture", replaçant ainsi sa conclusion sous l'égide des articles 2044 et suivants du Code civil. Mieux encore, il avait négocié de façon à ce que ladite indemnité ne dépasse pas le montant prévu par l'avenant du 1er août 2001, les seules conséquences pour Rhodia étant l'application de règles fiscales différentes. Ainsi, le juge d'en conclure que la transaction à l'origine du versement ne saurait être qualifiée de golden parachute, comme le prétendait le demandeur, notamment parce qu'elle n'avait pas pour cause la perte d'un mandat social.

Ces deux séries de motivations ne permettent pas, pour autant, selon le juge, d'affirmer que MM. C. et N. n'ont pas commis de faute. En effet, il relève que Valauret avait fait valoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 avril 2004, que "l'indemnité versée à M. [T] ne [pouvait] résulter de son contrat de travail puisque celui-ci n'[avait] jamais existé avec Rhodia" et que M. N. avait répondu à cette remarque en concluant, dans une lettre adressée à l'actionnaire en qualité de président du conseil d'administration, que "la société s'[était] conformée aux exigences légales et conventionnelles". Ainsi, le tribunal décidera que les deux dirigeants poursuivis, ayant eu leur attention attirée par Valauret sur la situation juridique de M T., "n'ont pas rempli leurs obligations générales de compétence de diligence et d'action dans l'intérêt de la société". Il en conclut que, "par la légèreté de leur décision, [ils] ont abusé de la confiance des actionnaires par une forme de complaisance fautive", et "qu'ils ont commis une faute de gestion ayant contribué à la réalisation du préjudice" subi par Rhodia.

Restait au juge à se déterminer sur une autre faute de gestion invoquée, relative à l'attribution du bénéfice de la retraite complémentaire (GRCD). Il avait, en effet, à répondre aux arguments de Valauret qui faisait valoir que le bénéfice d'une retraite était réservé aux salariés, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, et, qu'en outre, l'engagement pris aurait dû être soumis au régime des conventions réglementées. Valauret soutenait, au surplus, que la jurisprudence est constante pour exclure l'octroi d'un complément de retraite dans un environnement financier comparable à celui que connaissait la société Rhodia (1).

Sur ces derniers points, le tribunal de commerce de Nanterre retient, une fois encore, les arguments présentés par Valauret, estimant, d'une part, que l'avenant portant mise en oeuvre du régime de retraite n'avait pu être transféré, faute de validité du contrat de travail unissant M. T. à Rhodia, et, d'autre part, que la convention établissant l'indemnité transactionnelle excluait expressément de son champ d'application la convention GRCD et que, si cette convention "présentait l'apparence" de la validité, les avertissement répétés de Valauret à ce sujet, auraient dû attirer l'attention des dirigeants sur le fait que M. T. ne pouvait en bénéficier.

Le juge, par ailleurs, analysant la décision, prise par MM. N. et C. de provisionner la somme correspondant à l'engagement de retraite à hauteur de 5,3 millions d'euros, estime que ces derniers auraient dû conclure qu'il ne s'agissait pas d'une convention courante conclue à des conditions normales, et qu'elle devait être soumise à la procédure des conventions réglementées. En toute hypothèse, ils auraient également dû, selon le jugement, "dans le cadre d'une bonne gestion, de leur devoir de surveillance et d'information à l'égard des actionnaires", s'informer sur le bien fondé de cette constitution de provision. Ne l'ayant pas fait, ils avaient, ainsi, caractérisé leur "négligence imprudente", ce qui ne permettait pas de les exonérer de leur responsabilité attachée à leur fonction car ils avaient, ce faisant, commis tous deux une faute de gestion.

Les deux dirigeants seront ainsi condamnés, in solidum, à payer à la société Rhodia la somme de 2 112 944 euros versée à M. T. au titre de "l'indemnité de transaction", le juge ordonnant, par ailleurs, la reprise de la provision constituée au titre des engagements de retraite GRCD, privant implicitement, ainsi l'ancien dirigeant de son bénéfice.

B - Une solution d'espèce née du particularisme de la situation de Rhodia

Se pose, alors, la question de la portée à donner à ce jugement, dans un contexte ou la presse financière avait évoqué, dès la solution connue, la mise en oeuvre, par le Mouvement des entreprises de France (Medef), d'un code de bonne conduite visant à encadrer l'attribution et le règlement des "parachutes dorés" au profit des dirigeants. (cf., notamment, Les Echos, 15 décembre 2008). Il nous semble, toutefois, que le jugement du tribunal de commerce de Nanterre s'affranchit, dans sa décision, de toute propension à analyser l'affaire sous d'autres auspices que ceux de la mise en oeuvre rigoureuse et mesurée de la règle de droit objectif.

Une première erreur, en effet, s'agissant de la retraite complémentaire, consisterait à considérer que ce jugement emporte condamnation de la pratique exagérée du golden parachute, le tribunal ayant parfaitement démontré qu'aucune des deux indemnités (de transaction et de retraite) prévue n'avait pour objet de compenser la perte d'un mandat social. La seule question, qui pourrait éventuellement se poser, serait de savoir si lesdites indemnités n'auraient pas eu pour effet d'attribuer, par un artifice de qualification, l'équivalent d'un golden parachute au dirigeant démissionnaire. Aucune circonstance, pourtant, ne va dans le sens de cet argument, pas plus que celui d'une collusion entre le dirigeant sortant et ceux qui étaient en place car, replacée dans l'historique ténébreux de la constitution de Rhodia, l'affaire prend un tout autre aspect. Lors de cette création, en effet, Rhodia s'est vu transférer par l'ancienne mère, Rhône-Poulenc, avec une partie du personnel du groupe, des engagements de retraite considérables. Or, ces engagements étaient, d'une part, destinés aux salariés et, d'autre part, n'avaient pas été souscrits à l'époque ou MM. N. et C. étaient responsables.

Une deuxième erreur serait également commise, à prétendre que M. C. aurait été condamné pour n'avoir pas contesté "l'indemnité transactionnelle" de départ de M. T.. Le juge de première instance établit, en effet, que ce dernier réclamait, après avoir décidé de contester la licéité de son licenciement, 1 million d'euros supplémentaires et que la transaction avait permis de diminuer la somme demandée en revenant à l'indemnité contractuelle prévue dans l'avenant du 1er août 2001.

Une troisième erreur serait de ne pas prendre la mesure de la dimension procédurale de l'affaire. Placée dans le cadre d'une action ut singuli, intentée, ici, par un seul actionnaire au titre de l'article L. 225-252 du Code de commerce, cette action est dite sociale, car, destinée à réparer le préjudice subi par la société, elle vise à la reconstitution ou au maintien de son capital. Elle s'exerce, ainsi, contre les dirigeants de la société, en l'espèce MM. N. et C., condamnés à verser une somme équivalente à l'indemnité transactionnelle à la société, mais non contre le principal intéressé. Au demeurant, comme le souligne le juge, la transaction, "conclue en application des articles 2044 et suivants du Code civil [revêt] le caractère et l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, selon les énonciations de l'acte". La nature de la transaction ne laissait donc à Valauret que l'opportunité de poursuivre les dirigeants en fonction.

Enfin, une dernière erreur tendrait à estimer que la faute de gestion, dont ont été convaincus les dirigeants, avait été commise à l'occasion de la conclusion des différentes conventions. Souvent, dans l'arrêt, le juge souligne, en effet, l'apparence de licéité du contrat de travail et des avenants qui s'y sont trouvés rapportés. En revanche, il sanctionne l'absence de diligence de MM. N. et C. après que Valauret eut porté à leur connaissance que le contrat de travail de M T. n'avait pas été transféré : ce n'est donc qu'après la fixation de l'indemnité litigieuse, pour n'avoir pas vérifié ce point fondamental, que leur faute a pu être reconnue.

Quant à la solution donnée en matière de retraite complémentaire, on ne saurait voir, dans cette espèce, que l'application par le tribunal de commerce de Nanterre de la jurisprudence constante en la matière, en vertu des dispositions légales applicables à l'époque (2), et qui établit que doivent être soumises au régime des conventions réglementées les engagements qui ne constituent pas des compléments de rémunération. Or, ne constituent de tels compléments que les versements qui présentent les trois caractéristiques suivantes : être la contrepartie de services particuliers rendus à la société par le dirigeant pendant l'exercice de ses fonctions, être proportionnés à ces services et ne pas constituer une charge excessive pour la société (3). En l'espèce, ces conditions n'étant pas réunies et l'engagement litigieux n'ayant pas été soumis à la procédure des conventions réglementées, il encourait la nullité, au titre de l'article L. 225-42, car il avait eu des conséquences dommageables pour la société.

Sans nul doute, l'affaire va connaître de nouveaux développements, un appel ayant été formé contre cette décision. On peut augurer, ainsi, d'un nouvel épisode pour l'"affaire Rhodia" d'autant que M. T., déjà condamné, avec Rhodia, en 2007 par l'AMF (4) pour "communication financière inexacte, imprécise et trompeuse" vient d'être mis en examen, en juin, pour "diffusion de fausses informations" par des juges financiers.


(1) Cass. com., 24 octobre 2000, n° 98-18.367, Mme Hugon c/ Société L'Impeccable et autre (N° Lexbase : A9320ATD), Bull. civ. IV, n° 166 ; Cass. com., 14 juin 2005, n° 02-17.719, M. Bertrand See c/ Société Chaîne et Trame, F-D (N° Lexbase : A7449DIQ) ; Cass. com., 11 octobre 2005, n° 02-13.520, Société Ciments Français c/ M. Pierre Conso, F-P+B (N° Lexbase : A0177DL7). L'actionnaire établissait en, effet, que M. C., lui même, avait déclaré que ces engagements de retraite étaient "tellement exceptionnels" qu'ils auraient du rester au sein de Rhône-Poulenc.
(2) La loi du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845, pour la confiance et la modernisation de l'économie N° Lexbase : L5001HGC) soumet, pour les sociétés cotées, tout engagement de ce type à la procédure des conventions réglementées de l'article L. 225-38 du Code de commerce (C. com., art. L. 225-42-1 (N° Lexbase : L9221HZK).
(3) Cass. com., 3 mars 1987, n° 84-15.726, Union de banques à Paris c/ M Lebon (N° Lexbase : A3045AAZ), Gaz. Pal., 1987, p. 264, n. B. Hatoux.
(4) Décision AMF, 24 mai 2007, à l'égard de la société Rhodia et de MM. Jean-Pierre Tirouflet, Patrick Iweins, Pierre Riou et Yves-René Nanot (N° Lexbase : L7503HX8). La cour d'appel de Paris a rejeté les recours formé sur le fonds contre cette décision par Rhodia et par M. Tirouflet (CA Paris, 1ère ch., sect. H, 20 mai 2008, n° 2007/14651, Société Rhodia SA, M. Jean-Pierre Tirouflet N° Lexbase : A8848D89), lesquels ont, tous deux, formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

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Sociétés

[Jurisprudence] L'exercice exclusif du droit de vote par l'usufruitier de droits sociaux : précisions de la Cour de cassation

Réf. : Cass. com., 2 décembre 2008, n° 08-13.185, Société Plastholding, anciennement dénommée société Holding des Boëles, F-D (N° Lexbase : A5368EBG)

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par Bernard Saintourens, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur du Centre d'études et de recherches en droit des affaires et des contrats (CERDAC)

Le 07 Octobre 2010

Le feuilleton jurisprudentiel relatif à l'exercice du droit de vote attaché à des parts ou actions de société faisant l'objet d'un démembrement se poursuit avec l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 2 décembre 2008. Compte tenu de l'importance de la question, tant du point de vue théorique que pratique, chaque épisode doit être suivi avec la plus grande attention. On peut donc accueillir avec intérêt l'arrêt ici analysé pour les précisions qu'il apporte ; mais il est clair qu'il ne constituera certainement (et malheureusement) pas l'épilogue de cette déjà trop longue saga. Les faits de l'espèce se présentent avec la banalité nécessaire pour que l'on puisse estimer au plus juste la réelle portée de la décision. Le litige a surgi à la suite de la donation-partage de parts sociales d'une société civile qu'un père de famille a réalisée au profit de ses enfants. Les statuts de ladite société comportaient une clause aux termes de laquelle le droit de vote appartenait à l'usufruitier pour les décisions ordinaires et extraordinaires et le nu-propriétaire était obligatoirement convoqué aux assemblées générales. On était donc en présence d'une stipulation statutaire attribuant l'exclusivité du droit de vote à l'usufruitier quel que soit l'objet de la délibération à l'ordre du jour. En vertu de cette clause, le père donateur, qui s'était réservé l'usufruit sur l'ensemble des parts sociales données, a pu voter en faveur d'une décision d'assemblée extraordinaire relative à l'absorption par fusion de la société civile. L'un des donataires a soutenu et fait juger par la cour d'appel de Caen (1) que, par un tel vote, la substance même du droit de propriété du donataire de la nue-propriété avait été méconnue par l'abus du droit de vote délibérément commis par l'usufruitier. Pour l'essentiel, le nu-propriétaire faisait observer qu'à la suite de cette décision prise grâce au vote de l'usufruitier, la proportion de droits sociaux détenue dans l'entité issue de la fusion était bien inférieure à celle dont il disposait dans la société civile avant la fusion. Le décompte des droits sociaux existants dans la société issue de la fusion aboutissait, notamment, à lui faire perdre la majorité absolue détenue auparavant.

Sur le pourvoi formé contre cet arrêt, la Haute juridiction prononce la cassation en prenant successivement position sur deux points. En premier lieu, au visa de l'article 1844 du Code civil (N° Lexbase : L2020ABG), la Cour de cassation confirme que les statuts peuvent déroger à la règle selon laquelle, si une part est grevée d'usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, dès lors qu'ils ne dérogent pas au droit de ce dernier de participer aux décisions collectives. En second lieu, au visa du même texte, mais également de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), la Cour de cassation juge que la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision retenant que la substance du droit de propriété du donataire a été méconnue par l'abus du droit de vote délibérément commis par l'usufruitier, sans s'expliquer en quoi l'usufruitier aurait fait du droit de vote que lui attribuaient les statuts un usage contraire à l'intérêt de la société, dans le seul dessein de favoriser ses intérêts personnels au détriment de ceux des autres associés. L'arrêt rapporté mérite donc d'être analysé tant en ce qu'il se prononce sur l'exercice exclusif du droit de vote par l'usufruitier (I), qu'en ce qu'il envisage l'exercice abusif du droit de vote par l'usufruitier (II).

I - L'exercice exclusif du droit de vote par l'usufruitier

A - La confirmation de l'orientation jurisprudentielle

Il faut, en premier lieu, relever que la Cour de cassation réitère sa position selon laquelle, dans la répartition du droit de vote entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, il est licite d'attribuer à l'usufruitier l'exclusivité du droit de vote.

Il a, en effet, été jugé que, à la condition qu'il ne soit pas dérogé au droit du nu-propriétaire de participer aux décisions collectives, les statuts peuvent prévoir qu'en cas de démembrement de propriété, le droit de vote appartient au seul usufruitier (2). On observe, qu'en l'espèce, il en était bien ainsi puisque si l'usufruitier jouissait du droit de vote sans aucune restriction, il était effectivement stipulé que "dans tous les cas les nus-propriétaires étaient obligatoirement convoqués aux assemblées générales".

L'état actuel de la jurisprudence, que vient de confirmer le présent arrêt, aboutit donc à une situation à la fois clarifiée et déséquilibrée. L'usufruitier peut se voir attribuer l'exclusivité de l'exercice du droit de vote, quels que soient la nature de la délibération collective en jeu et le type d'assemblée générale (ordinaire ou extraordinaire) réunie. La validité d'une telle clause est seulement conditionnée par le respect du droit de participer aux assemblées reconnu au nu-propriétaire qui se traduit concrètement par une convocation aux assemblées et l'assistance aux débats avec possibilité de faire part de ses observations. En revanche, l'exclusivité de l'exercice du droit de vote ne peut être envisagée au bénéfice du nu-propriétaire. En effet, a été frappée de nullité la clause des statuts stipulant que, en cas de démembrement de propriété d'une action, le droit de vote aux assemblées tant ordinaires qu'extraordinaires ou spéciales appartient au nu-propriétaire en ce que, en ne permettant pas à l'usufruitier de voter les décisions concernant les bénéfices, elle subordonne à la seule volonté des nus-propriétaires le droit d'user de la chose grevée d'usufruit et d'en percevoir les fruits alors que l'article 578 du Code civil (N° Lexbase : L3159ABM) attache à l'usufruit ces prérogatives essentielles (3).

B - L'extension illimitée du droit de vote de l'usufruitier

C'est bien sur la base de cette conception jurisprudentielle que se situe la Cour de cassation dans l'arrêt analysé. Alors que les juges du fond avaient considéré que la clause statutaire réservant le droit de vote à l'usufruitier était illicite en ce qu'elle méconnaissait les prérogatives essentielles découlant de la propriété et de l'usufruit en ce qu'elle permettait à l'usufruitier de porter atteinte à la substance de la chose sur laquelle porte l'usufruit, la Haute Juridiction estime qu'une telle position constitue une violation de l'article 1844 du Code civil. L'usufruitier peut donc valablement, comme en l'espèce, exercer son droit de vote à propos d'une décision de fusion-absorption de la société. La position ainsi adoptée est importante car il était admis en doctrine que la suppression du droit de vote du nu-propriétaire ne devrait pas être possible lorsqu'est en cause la substance de la chose, par référence aux dispositions de l'article 578 du Code civil (4). Ainsi pouvait-on considérer que le nu-propriétaire devait conserver le droit de vote pour des décisions réalisant des modifications statutaires importantes ou à propos de la dissolution conventionnelle de la société. Une limite était ainsi posée à la liberté statutaire, admise tant pour la généralité des sociétés (C. civ., art. 1844), que pour les sociétés anonymes (C. com., art. L. 225-118 N° Lexbase : L5989AIN). L'usufruitier ne pouvant pas porter atteinte à la substance de la chose sur laquelle porte l'usufruit, il ne pouvait exercer le droit de vote à propos de décisions de nature à provoquer une telle conséquence.

Même si l'arrêt du 2 décembre 2008 peut être rangé dans le sillage des précédentes décisions en ce qu'il vient renforcer la position de l'usufruitier lorsqu'il y a démembrement portant sur des parts sociales ou des actions, il y ajoute incontestablement en faisant sauter le verrou que l'on pouvait croire exister et qui visait le droit de vote sur des décisions susceptibles d'affecter la substance des droits sociaux eux-mêmes. La question demeure alors d'identifier la portée qu'il convient de donner à cette position. Doit-on considérer, sur la base de l'arrêt ici examiné, que, tant que le nu-propriétaire est convoqué aux assemblées et peut y faire part de son avis, l'usufruitier peut participer, à titre exclusif, au vote de délibérations réalisant une modification des statuts (par ex. changement de l'objet social, de la durée, augmentation ou réduction du capital) ou statuant sur la dissolution conventionnelle ? En l'état, rien ne permet de l'écarter et l'on ne saurait, à notre avis, retirer un quelconque argument de l'absence de publication de la décision au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation. Ce choix peut indifféremment refléter la volonté de la Haute juridiction de ne pas donner trop d'écho à une position qu'elle ne considère pas encore comme totalement ajustée ou le fait qu'il s'agit là d'une position tellement évidente qu'il n'est même plus nécessaire de la faire figurer au Bulletin. Le présent arrêt est donc un appel à suivre la jurisprudence à venir avec toujours la même attention.

Si la Cour de cassation valide, sur le principe, l'attribution exclusive du droit de vote à l'usufruitier, même pour une décision telle qu'une fusion-absorption, elle laisse ouverte la possibilité de contester cette décision sur le terrain de l'abus dans l'exercice du droit de vote. Toutefois, sur ce terrain aussi, la présente décision suscite bien des interrogations.

II - L'exercice abusif du droit de vote par l'usufruitier

A - La caractérisation de l'abus

La Cour de cassation n'écarte évidemment pas qu'un abus dans l'exercice du droit de vote puisse être commis par l'usufruitier. La référence, dans le visa, à l'article 1382 du Code civil est pertinente dans la mesure où l'on doit admettre que l'usage abusif par l'usufruitier de son droit de vote permet au nu-propriétaire de disposer d'une action en responsabilité civile contre lui (5). Toutefois, la façon dont, en l'espèce, elle raisonne pour estimer que les juges du fond n'ont pas expliqué en quoi il y aurait eu un tel abus laisse l'interprète dans l'incertitude sur la volonté réelle de la Cour de cassation.

On observe, en effet, qu'assez curieusement la Cour régulatrice fait usage, pour apprécier dans le cas de figure, d'une formulation empruntée au contentieux de l'abus de majorité. L'expression utilisée reprend, en effet pour l'essentiel, la conception jurisprudentielle ancienne (5), fondée sur l'exigence cumulative d'une atteinte à l'intérêt social et d'une attitude privilégiant les intérêts égoïstes des majoritaires.

La pertinence d'une telle démarche n'emporte pas l'adhésion. On peut, en premier lieu, se demander si la référence d'une appréciation du sens du vote au regard de l'intérêt de la société est bien adaptée. Que la décision de procéder à une fusion-absorption puisse être dans l'intérêt de la société n'est en réalité pas le problème. La question est de savoir si l'usufruitier pouvait ou non se prononcer sur une telle décision. En second lieu, la question ne nous paraît pas, non plus, de savoir si l'usufruitier, lorsqu'il a émis son vote, n'a été guidé que par le dessein de favoriser ses intérêts personnels. Enfin, et plus fondamentalement encore, il est indifférent de savoir si le vote a été exercé au détriment des "autres" associés. Peu importe les "autres", les seules personnes dont les droits sont en jeu dans ce cas de figure sont les nus-propriétaires. C'est seulement au regard de leurs droits et intérêts qu'il convient, nous semble-t-il, de se placer pour apprécier si le vote de l'usufruitier est ou non abusif. Les "autres associés", non concernés par le démembrement de propriété, ne sont pas concernés par le litige, ils n'y étaient d'ailleurs fort logiquement ni présents ni représentés. Il ne s'agit pas d'apprécier si un majoritaire a abusé de son droit de vote, au sens où on l'entend dans le contentieux de l'abus de majorité. Il ne s'agit que de savoir si, par l'exercice de son droit de vote, l'usufruitier a outrepassé les droits qu'il tient du démembrement de propriété vis-à-vis des droits du nu-propriétaire. La délibération collective que le vote de l'usufruitier a contribué à faire adopter peut être tout à fait conforme à l'intérêt social, de même qu'elle peut ne pas avoir été prise au détriment des "autres associés". Il n'en demeure pas moins qu'elle peut nuire aux droits et intérêts du nu-propriétaire. En l'espèce, le changement radical dans la situation du nu-propriétaire dans la répartition des parts sociales au sein de la société issue de la fusion-absorption au regard de celle qui était la sienne dans la société antérieurement à cette opération donne une assez bonne mesure de l'effet négatif produit par le vote exercé par l'usufruitier (7).

B - L'impasse d'une telle conception de l'abus

Certes, le droit de l'usufruitier est en définitive le droit des possédants, et il se trouve toujours davantage de soutiens pour en défendre les intérêts alors que le nu-propriétaire est, le plus souvent et comme en l'espèce, un bénéficiaire dont on supporte volontiers qu'il soit réduit à de la figuration et demeure à la merci de l'usufruitier. Sans faire de procès d'intention aux conseillers de la Chambre commerciale, il n'en demeure pas moins que la position adoptée dans l'arrêt ici examiné, et surtout compte tenu de la conception retenue de l'abus dans un tel cas de figure, ne fournira que bien difficilement un moyen efficace de défense des intérêts du nu-propriétaire.

La solution ne serait-elle pas plus directement d'admettre que des décisions emportant modification des stipulations essentielles des statuts (objet, durée, montant du capital, cession des droits sociaux...) ne puissent être votées par l'usufruitier ? La fusion-absorption entrerait à l'évidence dans une telle catégorie, de même que la décision de dissolution conventionnelle de la société. Il nous semble que dans de tels cas, l'atteinte à la substance de la chose démembrée apparaît sans qu'il soit besoin de s'engager dans la recherche, bien délicate, d'un abus dans l'exercice du droit de vote.

En outre, le raisonnement fondé sur l'abus ne paraît guère adapté lorsqu'il s'agit de décisions supposant le consentement unanime des associés (par ex. changement de la nationalité de la société, augmentation des engagements des associés). Il apparaît difficile de considérer que seul l'usufruitier puisse dans de tels cas participer au vote, sous la seule réserve d'un éventuel abus de sa part. Pour l'instant, le nu-propriétaire a tout de même encore la qualité d'associé. Des décisions, telles que celle ici rapportée, finiraient par le faire oublier.


(1) CA Caen, 1ère ch., 19 février 2008, Dr. sociétés, 2008, n° 198, obs. M.-L. Coquelet.
(2)Cass. com., 22 février 2005, n° 03-17.421, M. Guy Gerard c/ M. Alain Gerard, F-D (N° Lexbase : A8706DGK), Rev. sociétés, 2005, p. 353, note P. Le Cannu ; JCP éd. E, 2005, 1046, n° 3, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker.
(3) Cass. com., 31 mars 2004, n° 03-16.694, M. Max Hénaux c/ Mme Jacqueline Filliette, FS-P+B (N° Lexbase : A7593DBT), Rev. sociétés, 2004, p. 317, note P. Le Cannu ; JCP éd. E, 2004, 1510, n° 1, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker, J.-Ph. Dom, L'arrêt "Hénaux" : retour sur le démembrement de propriété des droits sociaux, Lexbase Hebdo n° 122 du 27 mai 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N1723ABG).
(4) V., not., M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 21ème éd., n° 328.
(5) V. Ph. Merle, Droit commercial, Sociétés commerciales, Précis Dalloz, 12ème éd., n° 492.
(6) V., déjà en ce sens, Cass. com., 18 avril 1961, n° 59-11.394, Société des anciens Etablissements Picard et Durey-Sohy et autres c/ Paul Schumann et autres (N° Lexbase : A2561AUE), JCP, 1961, II, 12164, note D. Bastian.
(7) V., en ce sens, les obs. de M.-L. Coquelet, préc..

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Sécurité sociale

[Textes] De quelques réformes en droit social/protection sociale introduites par la loi de finances 2009

Réf. : Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, de finances pour 2009 (N° Lexbase : L3783IC4)

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N2253BIB

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

Le 07 Octobre 2010

La lecture attentive des lois de financement de Sécurité sociale (1) et de finances, en fin d'année, est un exercice familier pour les premières et plus inattendu pour les secondes (2). La loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, de finances pour 2009, contient essentiellement des mesures qui intéressent les fiscalistes et spécialistes des finances publiques, mais, également, sans souci de cohérence ou de logique, des mesures relevant du droit du travail et de la protection sociale. Les premières ont trait aux aides à l'emploi et, plus précisément, aux exonérations de charges sociales : exonération pour les entreprises implantées dans une zone franche urbaine (ZFU) ou dans les DOM-TOM (I). Les secondes intègrent des réformes de l'allocation adulte handicapé (AAH), de l'allocation temporaire d'attente, de l'allocation de fin de formation et, enfin, de l'allocation de parent isolé (API) (II). Ces réformes visent une multitude d'objectifs : rendre plus efficace un dispositif de protection sociale (réforme de l'AAH), reconduire un dispositif qui a produit des effets positifs sur l'emploi (ZFU), favoriser l'emploi dans les DOM-TOM (nouvelle mesure d'exonération de charges sociales), inciter au retour à l'emploi (réforme de l'AAH), faciliter les démarches des allocataires (réforme de l'API) et, surtout, contenir les dépenses de l'Etat (réforme de l'allocation temporaire d'attente ou de l'allocation de fin de formation). Ce dernier objectif justifie la présence de ces réformes dans une loi de finances et non pas de financement de la Sécurité sociale. I - Exonérations de charges sociales

A - ZFU

La loi de finances 2009 (art. 190) réforme le régime des aides accordées aux entreprises implantées dans une ZFU. L'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville (N° Lexbase : L8850AGU), est modifié. Il prévoit que les salaires sont exonérés des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des allocations familiales, ainsi que du versement de transport et des contributions et cotisations au Fonds national d'aide au logement, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance, majoré de 50 % jusqu'au 31 décembre 2005, et pour les gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2006, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 40 %. En application de la loi de finances 2009, depuis le 1er janvier 2009, le montant de l'exonération décroît de manière linéaire lorsque la rémunération horaire est supérieure au SMIC, majoré de 40 %, et devient nul lorsque la rémunération horaire est égale à 2,4 fois le SMIC du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009, à 2,2 fois le SMIC du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 et à deux fois le SMIC à partir du 1er janvier 2011.

Enfin, la loi de finances 2009 prolonge la durée pendant laquelle les entreprises implantées dans l'une des ZFU (dite de troisième génération) (3) peuvent demander le bénéfice d'exonérations de charges sociales. Initialement, la date du 1er janvier 2009 avait été retenue par le législateur. La loi de finances 2009 prolonge le bénéfice de la mesure jusqu'au 31 décembre 2011 (art. 12 II bis loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, modifié par loi de finances 2009, art. 190).

B - Exonération de cotisations sociales patronales en outre- mer

Le législateur a institué un nouveau dispositif d'aide à l'emploi dédié aux entreprises localisées dans les DOM-TOM (art. 159, CSS, art. L. 752-3-2 N° Lexbase : L0935ICM). En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, les employeurs, à l'exclusion des entreprises publiques et établissements publics (C. trav., art. L. 2233-1 N° Lexbase : L2335H9D), sont exonérés du paiement des cotisations patronales au titre de la législation de Sécurité sociale, à l'exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. L'exonération s'applique aux entreprises, employeurs et organismes (C. trav., art. L. 2211-1, al. 1 N° Lexbase : L5925IAP) occupant dix salariés au plus (4) ; aux entreprises, quel que soit leur effectif, du secteur du bâtiment et des travaux publics, de l'industrie, de la restauration, de la presse, de la production audiovisuelle, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l'information et de la communication et des centres d'appel, de la pêche, des cultures marines, de l'aquaculture, de l'agriculture, y compris les coopératives agricoles et sociétés d'intérêt collectif agricoles et leurs unions, ainsi que les coopératives maritimes et leurs unions, du tourisme, de la restauration de tourisme et de l'hôtellerie ; aux entreprises de transport aérien (5) ; aux entreprises assurant la desserte maritime ou fluviale de plusieurs points de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin, ou la liaison entre les ports de ces départements ou collectivités ou la liaison entre les ports de La Réunion et de Mayotte.

Le montant de l'exonération est calculé chaque mois civil, pour chaque salarié, en fonction de sa rémunération, telle que définie à l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L2700ICY). Lorsque la rémunération horaire est inférieure à un seuil égal au SMIC majoré de 40 %, le montant de l'exonération est égal au montant des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales. A partir de ce seuil, le montant de l'exonération décroît de manière linéaire et devient nul lorsque la rémunération horaire est égale à 3,8 fois le SMIC.

Le montant de l'exonération est égal au montant des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, lorsque la rémunération horaire est inférieure à un seuil égal au SMIC majoré de 60 %, puis décroît de manière linéaire à partir de ce seuil, et devient nul lorsque la rémunération horaire est égale à 4,5 fois le SMIC, pour les entreprises situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique ou à La Réunion respectant les conditions (6).

Le bénéfice de l'exonération est subordonné au fait, pour l'employeur, d'être à jour de ses obligations déclaratives ou de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement (la condition de paiement est considérée comme remplie, dès lors que l'employeur a souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations restant dues et acquitte les cotisations en cours à leur date normale d'exigibilité) ; de ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation pénale passée en force de chose jugée soit pour fraude fiscale, soit pour travail dissimulé, marchandage ou prêt illicite de main-d'oeuvre (C. trav., art. L. 5224-2 N° Lexbase : L2549H9B, L. 8224-1 N° Lexbase : L3622H9Z, L. 8224-3 N° Lexbase : L2519IBW à L. 8224-6, L. 8234-1 N° Lexbase : L3642H9R et L. 8234-2 N° Lexbase : L3644H9T).

Cette nouvelle aide à l'emploi est applicable aux cotisations afférentes aux salaires et rémunérations dus à compter du 1er avril 2009.

II - Protection sociale

A - Chômage

  • Allocation temporaire d'attente (ATA)

Le 1° de l'article L. 5423-9 du Code du travail (N° Lexbase : L2833H9S) est modifié par la loi de finances 2009 (art. 156).

Tout demandeur d'asile non hébergé en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et ayant accepté l'offre de prise en charge peut prétendre à l'allocation temporaire d'attente.

Ne peuvent bénéficier de l'ATA les personnes qui proviennent soit d'un pays pour lequel l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a décidé la mise en oeuvre des stipulations du 5 du C de l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, soit d'un pays considéré comme un pays d'origine sûre, au sens du 2° de l'article L. 741-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5929G4D), à l'exception des cas humanitaires signalés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans des conditions prévues par décret. Le 5 du C de l'article 1er de la Convention de Genève stipule que la convention cesse de s'appliquer aux personnes qui ne peuvent plus refuser la protection du pays dont elles ont la nationalité du fait de l'extinction des circonstances à la suite desquelles la qualité de réfugié leur a été reconnue. Un pays est considéré comme d'origine sûre s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2007, la CIMADE avait demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2006-1380 du 13 novembre 2006, relatif à l'ATA (N° Lexbase : L4863HTB), soulevant, notamment, l'incompatibilité de la base législative dudit décret avec une Directive communautaire. Le Conseil d'Etat a jugé le 1° de l'article L. 5423-9 du Code du travail contraire à la Directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 (N° Lexbase : L4150A9L) (CE 1° et 6° s-s-r., 16 juin 2008, n° 300636, Association La Cimade N° Lexbase : A2370D9N). Selon le juge, les demandeurs d'asile ont droit, dès le dépôt de leur demande et aussi longtemps qu'ils sont admis à se maintenir sur le territoire d'un Etat membre, à bénéficier de conditions matérielles d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, ainsi qu'à une allocation journalière, quelle que soit la procédure d'examen de leur demande. Les étrangers demandant à bénéficier de l'asile qui ont la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la Convention de Genève ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûre ont droit, jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA, à bénéficier de conditions matérielles d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, ainsi qu'une allocation journalière. Il ressort des dispositions qui régissent ces structures que celles-ci ne fournissent ni nourriture, ni habillement et ne servent aucune allocation journalière.

Seule l'ATA, répondant aux conditions fixées par la Directive 2003/9/CE, ne saurait être refusée aux demandeurs d'asile, à l'exception de ceux qui sont hébergés en CADA ou qui ont refusé l'offre de prise en charge (C. trav., art. L. 5423-9, 2° et 3°). L'article 156 de la loi de finances 2009 tire donc les conséquences de la décision du Conseil d'Etat, en supprimant les exclusions jugées non conformes à la Directive.

La loi peut exclure du bénéfice de l'ATA les demandeurs d'asile qui ont déjà introduit une demande en France.

Dans sa décision du 16 juin 2008, le Conseil d'Etat a annulé l'article R. 5423-22 du Code du travail (N° Lexbase : L0354IAD), dans la mesure où il prévoyait que le droit à l'ATA ne pouvait être ouvert qu'une fois. Cela avait pour conséquence d'exclure du bénéfice de l'allocation les demandeurs d'asile qui sollicitaient le réexamen de leur demande sur la base d'éléments nouveaux. Le Conseil d'Etat a jugé que, dès lors que le directeur général de l'OFPRA a décidé qu'il y a lieu de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé, rien dans la loi ne s'oppose au versement de l'ATA. L'article 156 de la loi de finances 2009 introduit donc, dans la partie législative du Code du travail, une nouvelle exclusion du bénéfice de l'ATA, s'agissant des demandeurs d'asile déboutés par une décision devenue définitive et présentant une demande de réexamen à l'OFPRA. Il est prévu une exception pour les cas humanitaires signalés par l'OFPRA, dans des conditions à prévoir par décret. La Directive 2003/9/CE autorise le refus du bénéfice des conditions d'accueil lorsqu'un demandeur d'asile a déjà introduit une demande dans le même Etat membre. De fait, l'article 16 de cette Directive prévoit que les Etats membres peuvent limiter ou retirer le bénéfice des conditions d'accueil lorsqu'un demandeur d'asile a déjà introduit une demande dans le même Etat membre (7).

  • Allocation fin de formation

L'article L. 5423-7 du Code du travail (N° Lexbase : L2828H9M) est abrogée à compter du 1er janvier 2009 (art. 188). Les allocataires qui, à la date du 1er janvier 2009, bénéficient de cette allocation fin de formation continuent à la percevoir jusqu'à l'expiration de leurs droits. Les coûts afférents au maintien du bénéfice de cette allocation restent à la charge du fonds de solidarité (C. trav., art. L. 5423-24 N° Lexbase : L8598IAP). Dans un contexte financier alors très difficile pour l'Unedic, l'Etat avait pris en charge, jusqu'en 2008, le financement de la prolongation de l'indemnisation de certains demandeurs d'emploi en formation, sous la forme de l'allocation de fin de formation (8). La réforme engagée par le loi de finances 2009 devrait inciter à des entrées en formation plus précoces pendant la période d'indemnisation en allocation de retour à l'emploi (donnant droit à une rémunération en allocation de retour à l'emploi-formation), favorisant, ainsi, les parcours de reconversion ou d'adaptation vers les métiers en tension. La réforme simplifie, également, le mode de financement d'une même action de formation (qui a deux financeurs, Assedic et Etat). Cette mesure engendre une économie de près de 169 millions d'euros sur le budget de l'Etat en 2009 (9). Certains parlementaires ont exprimé leur opposition à cette mesure, qui revient à transférer sur les partenaires sociaux une dépense jusque-là assurée par l'Etat (10).

B - Allocation de parent isolé

L'article 181 de la loi de finances 2009 réforme l'allocation de parent isolé (API) sur deux points : il prévoit que les bénéficiaires de l'API aient automatiquement droit à l'allocation de soutien familial (ASF) ; et il aligne en partie les conditions de récupération des indus de l'API sur les modalités en vigueur pour le revenu minimum d'insertion (RMI). Du fait de la généralisation du revenu de solidarité active (RSA) et de la future disparition de l'API, les dispositions de l'article 181 s'appliqueront à l'API en métropole jusqu'au 1er juin 2009 et à l'outre-mer jusqu'au 1er janvier 2011 au plus tard. Après ces dates, ce sont les dispositions de la loi créant le RSA (loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion N° Lexbase : L9715IBG), prévoyant des mesures identiques, qui s'appliqueront. Les dispositions prévues préfigurent donc celles qui seront en vigueur pour le RSA. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 prévoit, également, une modification des règles de récupération du RSA, qui s'appliquera à compter du 1er janvier 2010. Son article 118 dispose que les indus de prestations familiales peuvent être récupérés sur différentes allocations, dont le RSA (11).

  • Instauration d'un lien automatique dans les versements de l'ASF et de l'API

Il existe deux procédures distinctes pour obtenir l'API et l'ASF, alors que ces allocations s'adressent au même public. Ces deux allocations concernent, en effet, les familles dans lesquelles un seul des parents assume la charge des enfants. La majorité des cas concerne un parent qui a la charge de son ou de ses enfants à la suite d'un divorce et qui est dans l'attente du versement d'une pension alimentaire. L'API est accordée à toute personne assumant seule la charge d'un ou plusieurs enfants. L'ASF est versée dans les cas où l'un des parents ou les deux ne peuvent ou ne veulent assurer l'entretien de l'enfant (CSS, art. L. 523-1 N° Lexbase : L5338AD3) (12). Toutefois, en dépit de ce recoupement des critères d'attribution, le bénéficiaire de l'API doit déposer une demande spécifique pour bénéficier de l'ASF (CSS, art. L. 524-4 N° Lexbase : L3424HWQ), demande enserrée dans un délai de deux mois. Pour inciter les bénéficiaires de l'API à demander l'ASF, un dispositif de sanctions est prévu. Les allocataires de l'API qui ne demandent pas l'ASF peuvent être sanctionnés par une diminution de l'API d'un montant au plus égal à celui de l'ASF due au titre d'un seul enfant soit 85 euros au 1er janvier 2008.

La loi de finances 2009 instaure le caractère automatique de l'octroi de l'ASF aux bénéficiaires de l'API qui remplissent les critères. Cet article 181 de la loi de finances 2009 s'inscrit dans la continuité de l'instauration du principe de subsidiarité prévu par la loi de finances pour 2007 (loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 N° Lexbase : L8561HTA) : l'allocataire est obligé de faire valoir prioritairement ses droits à l'ASF et aux créances alimentaires pour bénéficier de l'API.

  • Alignement des règles de l'indu de l'API sur celles du RMI

Les règles de récupération des indus de prestations familiales et, plus particulièrement, d'API (CSS, art. L. 553-2 N° Lexbase : L2884ICS) prévoient qu'en cas d'absence de contestation de l'allocataire, tout paiement indu peut être récupéré par retenue sur les prestations à venir ou par remboursement intégral en une seule fois. Les retenues sont déterminées en fonction, notamment, de la composition de la famille, de ses ressources, ainsi que des charges de logement. Ainsi, après la détermination des revenus de la famille, auxquels sont soustraites les charges de logement, est déterminé un revenu net qui est pondéré par la prise en compte d'un quotient familial. Une fois le revenu mensuel pondéré déterminé par cette équation, un barème permet d'appliquer un taux de récupération adapté aux différentes tranches de revenus. Au total, ce dispositif souffre d'une grande complexité et de l'inconvénient de ne pouvoir récupérer des sommes substantielles en raison, notamment, de la pondération du revenu. En moyenne, les montants de recouvrement d'indus s'établissent ainsi à 8 % du montant de l'allocation.

La loi de finances 2009 applique à l'API certaines règles de récupération des indus applicables au RMI (C. act. soc. fam., art. L. 262-41, al. 1 et 3 N° Lexbase : L0902ICE et art. L. 262-22, al. 2 N° Lexbase : L0977IC8). L'article 181 de la loi de finances 2009 constitue une nouvelle étape dans le processus d'alignement des règles de contrôle appliquées au RMI et à l'API. La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (N° Lexbase : L8128HHI) avait appliqué à l'API le même régime de sanction en cas de fraudes que celui prévalant pour le RMI. Le nouveau dispositif prévoit une récupération des indus dans la limite de 20 % du montant de l'allocation versée. Il n'est donc plus fait application de la formule visant à prendre en compte différents critères de famille ou autre pour calculer le montant à recouvrir. Seule une limite de 20 % de l'allocation versée limite la récupération. La possibilité de récupérer 20 % de l'allocation, comme pour le RMI, ouvre la voie à un taux de récupération de cette proportion, contre une moyenne de 8 % actuellement.

L'article 181 de la loi de finances 2009 ne modifie pas la procédure de recouvrement de l'indu. La LFSS 2009 prévoit une telle modification de la procédure. Pour l'accélérer, la possibilité est ouverte au directeur de la CAF de se délivrer son propre titre exécutoire pour recouvrer l'indu. Cette nouvelle procédure se rapproche de celle applicable au RMI depuis le décret n° 2006-1197 du 29 septembre 2006, relatif à la prime de retour à l'emploi et aux primes forfaitaires dues à des bénéficiaires de minima sociaux (N° Lexbase : L2558HSK), qui dispose que le trésorier-payeur général peut être chargé du recouvrement. La LFSS 2009 prévoit, en outre, la possibilité de récupérer un indu au titre d'une prestation familiale sur le montant versé au titre d'une autre prestation familiale (13).

C - Allocation adulte handicapé (AAH)

L'article 182 de la loi de finances 2009 vise à favoriser l'emploi des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), tout en réformant le mécanisme de revalorisation de cette prestation. Plusieurs mesures sont mise en oeuvre. Les I et II de l'article 182 proposent que l'octroi de l'AAH n'aille pas sans procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et que celle-ci implique systématiquement une orientation vers l'emploi. Le III de l'article 182 met en oeuvre la suppression de la condition d'inactivité d'un an nécessaire aux personnes ayant un taux d'incapacité permanente entre 50 % et 79 % pour bénéficier de l'AAH.

  • Un lien nécessaire entre attribution de l'AAH et retour vers l'emploi

En l'état actuel du droit, l'octroi de l'AAH et l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé font l'objet de procédures distinctes. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé n'est, en effet, pas un préalable au bénéfice de l'AAH. De ce fait, environ 184 000 bénéficiaires de l'AAH (soit près d'un quart du total) n'ont pas de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. La procédure d'octroi de l'AAH (CSS, art. R. 821-2 N° Lexbase : L9118G9L) implique pour le futur bénéficiaire de présenter une demande à une maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Celle-ci transmet la requête à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui statue sur la demande. La qualité de travailleur handicapé est, également, octroyée par les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) (14), mais par le biais d'une procédure séparée.

La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est, en pratique, une condition sine qua non pour trouver un emploi. Elle implique, en effet, des avantages pour les employeurs, notamment, par l'accès à des aides financières de l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). Ces avantages permettent de réduire le coût pour l'employeur de l'embauche d'un employé handicapé, dont la productivité est, en principe, inférieure à un salarié non handicapé. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé offre, en outre, la possibilité à son bénéficiaire d'avoir accès à certaines aides, ainsi qu'à des formations et à l'aide du réseau de placement spécialisé Cap Emploi. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé offre, enfin, l'occasion de procéder à une évaluation des capacités et des incapacités de la personne, dans l'optique de son orientation vers l'emploi. La loi de finances 2009 couple l'octroi de l'allocation et l'engagement de la procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

  • Une orientation automatique vers l'emploi après l'obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé

L'orientation des travailleurs handicapés est l'un des quatre éléments constitutifs des politiques en faveur de l'emploi des handicapés (C. trav., art. L. 5211-1 N° Lexbase : L2405H9X). Elle est assurée par la CDAPH (C. act. soc. fam., art. L. 241-5 N° Lexbase : L8826G8E), qui propose plusieurs solutions à la personne handicapée. Elle évalue le taux d'incapacité de la personne, qui correspond à sa capacité de travail rapportée à celle d'une personne de même qualification non handicapée. Si ce taux est inférieur à un tiers ou s'il est supérieur à un tiers, mais que la personne nécessite un soutien médical, social ou psychologique, la CDAPH propose une orientation vers un établissement ou service d'aide par le travail (ESAT). Dans le cas contraire, la CDAPH oriente la personne handicapée vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle lui permettant d'acquérir une qualification pour s'intégrer in fine au marché du travail. L'article 181 de la loi de finances 2009 associe cette orientation avec la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Celle-ci conduirait donc automatiquement à une orientation vers un emploi.

  • Suppression du délai d'un an sans emploi pour le versement de l'AAH

L'article 821-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3438HWA) prévoyait que l'AAH puisse être versée, par dérogation aux conditions générales de l'article L. 821-1 du même code (N° Lexbase : L5364H9K), à certaines personnes cumulant les trois conditions suivantes : un taux d'incapacité permanente compris entre 50 % et 79 % ; pas d'emploi depuis plus d'un an (condition ajoutée par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées N° Lexbase : L5228G7R) ; la reconnaissance, par la CDAPH, d'une restriction substantielle et durable à l'emploi. Au 31 décembre 2007, 255 00 personnes bénéficient de l'AAH à ce titre. L'article 181 de la loi de finances 2009 retient la suppression de la condition d'absence d'emploi pendant un an. Cette mesure a pour but d'ouvrir l'accès à l'AAH aux personnes handicapées qui, répondant à la première et à la troisième condition, ont, toutefois, occupé un emploi pendant l'année, ce qui les empêche de percevoir l'allocation. Le fait d'occuper un emploi n'est donc plus pénalisant, dans la mesure où cela ne constitue plus un obstacle pour bénéficier de l'AAH. Cette mesure tend donc à inciter ces personnes bénéficiaires de l'AAH à occuper un emploi en leur permettant de percevoir à nouveau l'allocation sans attendre un an après la perte de l'emploi.

  • Revalorisation de l'AAH

En l'état actuel du droit, le montant de l'AAH est identique à celui de l'allocation de solidarité des personnes âgées (CSS, art. D. 821-3 N° Lexbase : L4956IB8), qui a remplacé le minimum vieillesse, ainsi que d'autres allocations semblables en 2006. Son montant est fixé par décret. Sa revalorisation n'est donc pas systématique et le revenu réel provenant de l'allocation peut diminuer chaque année si elle n'est pas revalorisée à hauteur de l'évolution du niveau général des prix.

La loi de finances 2009 prévoit une revalorisation annuelle qui soit, au moins, égale à l'inflation, ainsi qu'un réajustement en cours d'année si celle-ci ne correspond pas à la prévision initialement faite. L'indexation peut être réalisée en une fois ou en plusieurs fois successivement au cours de l'année. L'article 181 ouvre la possibilité de découpler l'évolution de l'ASPA et de l'AAH. Les revalorisations de l'une et de l'autre allocation deviendraient donc indépendantes. Selon les travaux parlementaires (15), jusqu'en 2012, le minimum vieillesse connaîtra, comme l'AAH, une hausse de 25 %.


(1) Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009 (N° Lexbase : L2678IC8) et nos obs., LFSS 2009 : de quelques réformes des branches maladie, accident du travail/maladie professionnelle et famille, Lexbase Hebdo n° 332 du 8 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N2160BIT).
(2) Lire nos obs., Dispositions de la loi de finances pour 2006 relatives à l'emploi et à l'indemnisation chômage, Lexbase Hebdo n° 199 du 26 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3607AKS) et Aspects de droit social de la loi de finances pour 2008, Lexbase Hebdo n° 288 du 17 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8029BDQ).
(3) Nos obs., Réforme des ZFU par la loi du 31 mars 2006, Lexbase Hebdo n° 210 du 13 avril 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N6869AKM).
(4) Si l'effectif vient à dépasser le seuil de dix salariés, le bénéfice intégral de l'exonération est maintenu dans la limite des dix salariés précédemment occupés ou, en cas de départ, remplacés. Un décret fixe les conditions dans lesquelles le bénéfice de l'exonération est acquis dans le cas où l'effectif d'une entreprise passe au-dessous de onze salariés.
(5) Assurant la liaison entre la métropole et la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon ou Mayotte ; La liaison entre ces départements ou collectivités ; la desserte intérieure de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin. Seuls sont pris en compte les personnels de ces entreprises concourant exclusivement à ces dessertes et affectés dans des établissements situés dans l'un de ces départements, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin.
(6) 1° Employer moins de deux cent cinquante salariés et avoir réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros ; 2° Avoir une activité principale relevant de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du Code général des impôts (N° Lexbase : L3571HLT) ou correspondant à l'une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises, recherche et développement ou technologies de l'information et de la communication ; 3° Etre soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition ; 4° A l'exception des entreprises situées en Guyane, dans les îles des Saintes, à Marie-Galante et à la Désirade, exercer leur activité principale dans l'un des secteurs suivants : tourisme, environnement ou énergies renouvelables pour les entreprises situées en Martinique et en Guadeloupe ou tourisme, agro-nutrition ou énergies renouvelables pour les entreprises situées à La Réunion ; 5° Ou avoir signé avec un organisme public de recherche ou une université une convention, agréée par l'autorité administrative, portant sur un programme de recherche dans le cadre d'un projet de développement sur l'un de ces territoires si les dépenses de recherche, définies aux a à g du II de l'article 244 quater B du Code général des impôts (N° Lexbase : L3718ICP), engagées dans le cadre de cette convention représentent au moins 5 % des charges totales engagées par l'entreprise au titre de l'exercice écoulé ; avoir réalisé des opérations sous le bénéfice du régime de transformation sous douane, défini aux articles 130 à 136 du Règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le Code des douanes communautaire (N° Lexbase : L6102AUK), si le chiffre d'affaires provenant de ces opérations représente, au moins, un tiers du chiffre d'affaires de l'exploitation au titre de l'exercice écoulé.
(7) B. Pavy, Rapport Assemblée nationale n° 1198, 16 octobre 2008, annexe 27, Immigration, Asile et Intégration.
(8) L'allocation de fin de formation (AFF) a été créée par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, portant diverses dispositions d''ordre social, éducatif et culturel (N° Lexbase : L1823ATP) (C. trav., art. L. 5423-7 N° Lexbase : L2828H9M). L'AFF prolonge l'indemnisation des demandeurs d'emploi au-delà de la durée de leurs droits à l'assurance chômage, si la formation qualifiante qu'ils ont engagée sur prescription de l'ANPE n'est pas terminée. Le régime de l'AFF a été réformé par le décret n° 2006-1631 du 19 décembre 2006. L'objectif était de recentrer l'AFF sur les formations inscrites sur les listes régionales de métiers en fonction des besoins locaux, donc ayant une forte probabilité de déboucher sur un emploi. Désormais, l'AFF est accordée pour une durée maximale de 4 mois aux demandeurs d'emploi ayant des durées d'indemnisation inférieures ou égales à 7 mois relevant des filières courtes et qui entreprennent une action de formation permettant d'accéder à un emploi pour lequel sont identifiées des difficultés de recrutement au niveau régional. Le montant journalier de l'AFF est égal au dernier montant journalier de l'allocation d'aide au retour à l'emploi formation (AREF) perçu par l'intéressé à la date de l'expiration de ses droits à cette allocation. Son coût unitaire mensuel est de 730 euros.
(9) F. Lefebvre, Rapport Assemblée nationale n° 1198, 16 octobre 2008, annexe 45, Politiques du travail et de l'emploi ; v., aussi, S. Dassault, Rapport spécial Sénat n° 99 (2008/2009), Tome III, annexe 31, Travail et emploi, p. 42.
(10) G. Cherpion, Avis Assemblée Nationale n° 1199, 16 octobre 2008, tome XIII, Travail et emploi ; v., aussi, A. Gournac, Avis Sénat n° 103 (2008/2009), Tome VII, Travail et emploi, p. 41.
(11) Nos obs., LFSS 2009 : de quelques réformes des branches maladie, accident du travail/maladie professionnelle et famille, préc.. Lexbase Hebdo n° 332 du 8 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N2160BIT).
(12) Un tel cas peut se retrouver, notamment, en cas d'impossibilité ou de refus par un des parents d'assurer le versement d'une pension alimentaire mise à sa charge par décision de justice. L'ASF concerne, également, les enfants qui n'ont pas été reconnus par leur père ou dont les parents sont décédés ou sont dans l'incapacité de subvenir à leurs besoins. L'allocation de soutien familial s'établit à 85 euros par mois pour un enfant privé de l'aide de l'un de ses parents.
(13) J.-M. Binetruy, Rapport Assemblée nationale n° 1198, 16 octobre 2008, annexe 43, Solidarité, insertion et égalité des chances ; v., aussi, A. Cazalet et A.-L. de Montgolfier, Rapport spécial Sénat n° 99 (2008/2009), Tome III, annexe 29, Solidarité, insertion et égalité des chances, p. 40 ; P. Blanc, Rapport spécial Sénat n° 103 (2008/2009), Tome VI, Solidarité, insertion et égalité des chances, p. 73.
(14) Les CDAPH, mentionnées à l'article L. 241-5 du Code de l'action sociale et des familles, sont issues de la fusion, prévue par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) et des commissions départementales d'éducation spéciale (CDES).
(15) J.-M. Binetruy, Rapport Assemblée Nationale n° 1198, 16 octobre 2008, annexe 43. V., aussi, A. Gournac, Avis Sénat n° 103 (2008/2009), Tome VII, Travail et emploi, p. 39 ; A. Cazalet et A.-L. de Montgolfier, Rapport spécial Sénat n° 99 (2008/2009), Tome III, annexe 29, Solidarité, insertion et égalité des chances, p. 43 ; P. Blanc, Rapport spécial Sénat n° 103 (2008/2009), Tome VI, Solidarité, insertion et égalité des chances, p. 76.

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Procédures fiscales

[Textes] Refonte de la procédure d'abus de droit

Réf. : Loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 (N° Lexbase : L3784IC7)

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Le 07 Octobre 2010

A été publiée au Journal officiel du 31 décembre 2008 la loi de finances rectificative pour 2008 (loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008). Les dispositions fiscales s'articulent selon trois axes : les mesures de soutien à l'économie, la lutte contre la fraude, l'amélioration de la sécurité juridique des contribuables. A ce dernier titre, l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 opère une refonte de la procédure d'abus de droit. Texte : loi de finances rectificative pour 2008, art. 35

I. - L'article L. 64 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Les quatre premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

"Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles." ;

2° Le cinquième alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est supprimée ;

b) A la deuxième phrase, les mots : "consultatif pour la répression des abus de droit" sont remplacés par les mots : "de l'abus de droit fiscal" ;

c) A la dernière phrase, les mots : "dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel" sont supprimés ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

"Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public. "

II. - L'article L. 64 A du même livre est abrogé.

III. - A l'article L. 64 B du même livre, les mots : "contrat ou d'une convention" sont remplacés par les mots : "ou plusieurs actes".

IV. - L'article 1653 C du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : "consultatif" est supprimé ;

2° Le c est ainsi rédigé :

"c) Un avocat ayant une compétence en droit fiscal ;"

3° Après le d, sont insérés des e, f et g ainsi rédigés :

"e) Un notaire ;

"f) Un expert-comptable ;

"g) Un professeur des universités, agrégé de droit ou de sciences économiques." ;

4° Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

"Les membres du comité sont nommés par le ministre chargé du budget sur proposition du Conseil national des barreaux pour la personne mentionnée au c, du Conseil supérieur du notariat pour la personne mentionnée au e et du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables pour la personne mentionnée au f.

"Des suppléants sont nommés dans les mêmes conditions.

"Le ministre chargé du budget désigne en outre un ou plusieurs agents de catégorie A de la direction générale des finances publiques pour remplir les fonctions de rapporteur auprès du comité."

V. - Après l'article 1653 C du même code, sont insérés deux articles 1653 D et 1653 E ainsi rédigés :

"Art. 1653 D. - I. - Tout membre du comité de l'abus de droit fiscal doit informer le président :

"1° Des intérêts qu'il a détenus au cours des deux ans précédant sa nomination, qu'il détient ou vient à détenir ;

"2° Des fonctions dans une activité économique ou financière qu'il a exercées au cours des deux ans précédant sa nomination, qu'il exerce ou vient à exercer ;

"3° De tout mandat au sein d'une personne morale qu'il a détenu au cours des deux ans précédant sa nomination, qu'il détient ou vient à détenir.

"Ces informations ainsi que celles concernant le président sont tenues à la disposition des membres du comité.

"Aucun membre du comité ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux ans précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a ou a eu un intérêt au cours de la même période. Il ne peut davantage participer à une délibération concernant une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux ans précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a représenté une des parties intéressées au cours de la même période.

"Le président du comité prend les mesures appropriées pour assurer le respect de ces obligations et interdictions.

" II. - Les membres et les personnels du comité de l'abus de droit fiscal sont tenus au respect des règles de secret professionnel définies à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales.

"Ce secret n'est pas opposable à l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale.

" III. - Nul ne peut être membre de ce comité s'il a été condamné au cours des cinq années passées, selon les modalités prévues à l'article 131-27 du code pénal, à une peine d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

"Art. 1653 E. - Lorsque le comité de l'abus de droit fiscal est saisi, le contribuable et l'administration sont invités par le président à présenter leurs observations."

VI. - L'article 1729 du même code est ainsi modifié :

1° Le b est ainsi rédigé :

"b) 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;"

2° Il est ajouté un c ainsi rédigé :

"c) 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis."

VII. - Au II de l'article 1740 B du même code, la référence : "au b" est remplacée par les références : "aux b et c".

VIII. - Le 1 du V de l'article 1754 du même code est ainsi rédigé :

"1. En cas d'abus de droit ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat, toutes les parties à l'acte ou à la convention sont tenues solidairement, avec le redevable de la cotisation d'impôt ou de la restitution d'une créance indue, au paiement de l'intérêt de retard et de la majoration prévue à l'article 1729."

IX.- Les I, II, III, VI, VII et VIII s'appliquent aux propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2009. Le IV s'applique à compter du 1er avril 2009.

Ce qu'il faut savoir :

L'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 opère une refonte de la procédure de répression des abus de droit, qui fait suite au Rapport "Fouquet" remis au ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique en juin 2008. Cette mesure poursuit le double objectif de clarifier la procédure, en précisant le concept de l'abus de droit et en améliorant ainsi la sécurité juridique, et de renforcement du traitement équitable du contribuable par un aménagement des conditions d'application et de paiement solidaire des pénalités et de la composition du comité consultatif pour la répression de l'abus de droit.

Ainsi, aux termes du nouvel article L. 64 du LPF, sont passibles de la procédure de l'abus de droit, quel que soit l'impôt contrôlé, les situations de fictivité juridique qui sont dans le champ du texte en vigueur, de même que les opérations effectuées dans un but exclusivement fiscal par le contribuable et désignées comme porteuses de fraude à la loi par la jurisprudence.

Pour servir à la démonstration de l'abus de droit, est pris en compte l'ensemble des actes matérialisant soit une fictivité juridique soit un intérêt à agir guidé par l'obtention d'un avantage exclusivement fiscal. Par acte s'entend tout document ou évènement qui manifeste une volonté de produire des effets de droit, que cette manifestation soit écrite ou non écrite, et qu'elle soit bilatérale ou multilatérale, dans le cadre de contrats ou conventions, ou qu'elle caractérise unilatéralement l'intention de son auteur.

Concernant les pénalités assortissant les rectifications proposées dans le cadre de la procédure de l'abus de droit, le VI de l'article 35 introduit à l'article 1729 du CGI (N° Lexbase : L6792HWH) une modulation des pénalités assortissant les rectifications pour inexactitude ou omissions dans une déclaration, afin de se conformer au principe de proportionnalité des sanctions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Deux hypothèses sont ainsi prévues dans le cadre de l'abus de droit :

- l'application d'une majoration de 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du LPF ;

- l'application d'une majoration de 40 %, s'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale de l'acte constitutif d'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire.

La majoration de 80 % est conservée en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat, en application des dispositions de l'article 792 bis du CGI (N° Lexbase : L6781HW3) qui prévoit la sanction fiscale applicable en cas d'utilisation de la fiducie à des fins de libéralités.

S'agissant du recouvrement de l'intérêt de retard et de la majoration pour abus de droit dont le contribuable contrôlé est le redevable légal, un dispositif de paiement solidaire s'exerce auprès des parties à l'acte constitutif de l'abus de droit. Dès lors que la démonstration de l'abus de droit peut reposer sur des actes auxquels ce contribuable n'est pas partie quand bien même il en est bénéficiaire, il est précisé que le contribuable contrôlé est tenu au paiement des pénalités, les parties à l'acte ou aux actes constitutifs de l'abus de droit en étant solidairement responsables.

La composition du comité comprenant des magistrats est étendue à un avocat, un notaire et un expert-comptable honoraires pour parfaire l'appréhension des situations complexes et renforcer l'indépendance du comité vis-à-vis de l'administration. De même, la composition est étendue à un professeur des universités, agrégé de droit ou de sciences économiques, à la suite de l'adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale.

L'intervention en toute indépendance du comité est plus fidèlement traduite par la dénomination épurée de "comité de l'abus de droit fiscal" qui ne fait plus référence au caractère répressif de la procédure de l'abus de droit.

Enfin, à la suite d'un amendement adopté par le Sénat, dans la mesure où le comité de l'abus de droit fiscal intègre des professionnels, une procédure de prévention des conflits d'intérêts est introduite par le V de l'article 35, qui insère deux articles 1653 D et 1653 E au CGI.

Les dispositions de l'article 35 de la loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2009, à l'exception des règles relatives à la composition du Comité de l'abus de droit fiscal, qui n'entrent en vigueur qu'en avril 2009.

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Environnement

[Jurisprudence] Condamnation de la France pour durée importante de persistance de manquement dans la transposition de la Directive "OGM"

Réf. : CJCE, 9 décembre 2008, aff. C-121/07, Commission des Communautés européennes c/ République française (N° Lexbase : A5514EBT)

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N2178BII

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 07 Octobre 2010

La nécessité de transposer les Directives européennes dans les délais impartis est souvent présentée, au-delà de l'obligation juridique, comme une obligation morale et politique. Si, en ce sens, la France se doit de tenir les engagements souscrits, cela ne l'empêche pas de figurer régulièrement parmi les "mauvais élèves" du classement établi par la Commission européenne. Pour autant, des progrès incontestables ont été enregistrés ces dernières années, que ce soit en France ou dans d'autres Etats membres. C'est, environ, tous les six mois que la Commission européenne publie un tableau d'affichage du marché intérieur permettant de faire état de l'avancement de la transposition des Directives dans tous les Etats membres de l'Union européenne, qui est en soi un instrument précieux de comparaison entre les Etats membres et de motivation des administrations en charge de la transposition. Il ressort, aujourd'hui, du dernier tableau d'affichage du marché intérieur publié par la Commission européenne le 19 juillet 2008 (1), que les Etats membres n'ont jamais fait mieux en matière de transposition, en droit national, de règles du marché intérieur arrêtées d'un commun accord. En moyenne, seul 1 % des Directives relatives au marché intérieur dont le délai de mise en oeuvre a expiré n'ont pas encore été transposées en droit national. Ce chiffre est en baisse par rapport à décembre 2007 (1,2%). Les Etats membres satisfont donc, déjà, au nouvel objectif de 1 % fixé par les chefs d'Etat, qui doit être atteint d'ici à 2009, au plus tard. Dix-huit Etats membres affichent un déficit de transposition égal ou inférieur au nouvel objectif, la Bulgarie étant le premier Etat membre à pouvoir se targuer d'un déficit de 0 %. Dix Etats membres ont obtenu leur meilleur résultat à ce jour, dont la France avec un taux de transposition de 0,9 %.

La tendance générale est, également, positive en ce qui concerne l'application correcte des règles du marché intérieur : quinze Etats membres sont parvenus à réduire le nombre de procédures d'infraction engagées à leur encontre. Néanmoins, le nombre total de ces procédures demeure relativement élevé, et la mise en conformité prend trop de temps et ce sont les dispositions en matière d'environnement qui demeurent à l'origine du plus grand nombre de procédures (23 %), suivies par celles en matière de fiscalité et d'union douanière (18 %).

Aujourd'hui, à côté de l'accroissement de la pression politique, les administrations françaises sont conduites à renforcer leur vigilance en matière de transposition, du fait de la plus grande fermeté des autorités juridictionnelles communautaires et nationales. Ainsi, par exemple, dans sa décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 (2), le Conseil constitutionnel a, opportunément, souligné que la transposition en droit interne d'une Directive communautaire résultait d'une "exigence constitutionnelle".

Les autorités communautaires se veulent, également, plus fermes dans l'application correcte du droit communautaire et n'hésitent plus, aujourd'hui, à condamner réellement les Etats membres en cas de non application du droit communautaire. Utilisée d'abord avec parcimonie par la Commission pour exercer une sorte de pression juridico-politique sur l'Etat membre, la procédure de condamnation au paiement d'une sanction pécuniaire a, depuis, en certains cas et malgré une procédure contentieuse lourde permettant largement à l'Etat fautif de se mettre en conformité, été menée à son terme. A ce jour, quatre sanctions ont été prononcées dont deux concernent la France (3). Dans l'affaire dite des "poissons sous taille" (non-respect de la taille minimale des poissons pêchés), la France s'est acquittée d'une somme forfaitaire de 20 millions d'euros et d'une astreinte semestrielle de 57,8 millions d'euros payée une fois (4). Quelques mois plus tard, le 14 mars 2006, la CJCE condamnait, de nouveau, la France au paiement d'une astreinte de 31 650 euros par jour de retard pour ne pas avoir mis en oeuvre correctement les mesures figurant dans la Directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (5). Au total, cette astreinte a coûté 700 000 euros à la France, qui s'est mise en conformité avec le droit communautaire grâce à l'article 2 de la loi n° 2006-406 du 5 avril 2006 (6).

L'on doit, aussi, souligner que l'astreinte exigée dans l'affaire dite "poissons sous taille" a été la plus lourde jusque là infligée par la CJCE et que c'était, également, la première fois qu'une amende forfaitaire était imposée à un Etat membre : la CJCE ayant estimé, à cette occasion, que le cumul des deux types de sanctions (amendes et astreintes) était possible. Certes, dans les deux cas, la condamnation ne sanctionnait pas à proprement parler un défaut de transposition d'une Directive : dans le premier exemple, c'était l'inexécution de règlements qui était en cause et, dans l'autre affaire, il s'agissait plus d'une mauvaise transposition que d'une absence de transposition ; toutefois les arrêts en question permettaient, ainsi, de préciser la menace.

C'est dans ce contexte de plus grande fermeté et, une nouvelle fois, à travers la France, que la Cour de justice, dans son arrêt en date du 9 décembre 2008, a fixé une nouvelle ligne de jurisprudence relative, cette fois, aux condamnations pécuniaires d'un Etat membre de l'Union européenne consécutives à l'inexécution d'un arrêt de manquement pour non-transposition de Directives.

La requête de la Commission était fondée sur l'inexécution d'un arrêt du 15 juillet 2004 (7), qui constatait le manquement français relatif à la non transposition de la Directive 2001/18/CE du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés (OGM) (8). Cette Directive aurait du être transposée au plus tard le 17 octobre 2002.

Dès le 5 novembre 2004, la Commission demandait aux autorités françaises de l'informer des mesures adoptées pour faire exécuter l'arrêt. Celles-ci arguaient de la création d'une mission parlementaire d'information sur les OGM, et de la mise en place de décrets concourant partiellement à assurer la transposition (9). Non convaincue par ses mesures, la Commission adressait à la France, le 13 juillet 2005 et conformément à l'article 228 du Traité CE , une lettre de mise en demeure l'informant de l'insuffisance des mesures prises (10). Le délai de deux mois requis n'ayant toujours pas permis la prise de mesures jugées suffisantes, la Commission, conformément à la procédure prévue, adressait un avis motivé à la France lui indiquant son manquement aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 228 §1 du Traité CE. En réaction, les autorités françaises transmettaient à la Commission, le 20 février 2006, le texte d'un projet de loi visant à transposer la Directive 2001/18, dont elle escomptait la publication pour la fin du second semestre 2006. Le 8 mai 2006, ces mêmes autorités l'informaient que le projet de loi avait été adopté par le Sénat le 23 mars 2006, et qu'il avait été déposé à l'Assemblée nationale le 24 mars 2006.

Au final, la Commission a estimé que la France n'avait toujours pas exécuté l'arrêt et a introduit, en conséquence, le 28 février 2007, un recours en manquement sur manquement devant la CJCE fondé sur l'article 228 § 2 du Traité CE, en vue d'imposer la condamnation de la France pour la non transposition, pendant plus de 5 ans, de la Directive sur les OGM, constatée par deux fois par la CJCE mais qui ne prévoyait pas de sanctions financières. Cette fois, la Commission a clairement souhaité condamner la France à verser une somme forfaitaire de 38 millions d'euros (11) et une astreinte journalière de 366 744 euros par jour de retard dans l'exécution de la décision qui sera prise par la Cour de justice.

L'audience a eu lieu le 12 mars 2008 et le 5 juin suivant, l'Avocat général rendait ses conclusions (12) dans lesquelles il reconnaissait les manquements de la France (sur la clause de sauvegarde, notamment), mais dans lesquelles, et de manière assez surprenante, il ne proposait pas à la Cour de condamner la France à une somme forfaitaire. Il n'y avait, en effet, pour lui, pas de "circonstances aggravantes" car la non-transposition n'avait pas "affecté des intérêts publics ou privés de manière inacceptable". Il proposait donc à la Cour de ne condamner la France qu'à une astreinte de 235 764 euros par jour de retard, courrant à compter du jour du prononcé de la décision dans l'affaire en cours.

La Cour de justice va, dans sa décision, prendre le contre-pied des conclusions de son Avocat général. Elle n'a, d'abord, eu aucune peine à constater le manquement de la France à ses obligations de mise en oeuvre de l'exécution d'un arrêt de manquement, dans la mesure où, à la date de l'avis motivé, soit près de 19 mois après l'arrêt du 15 juillet 2004, seul un décret "de portée extrêmement limitée au regard de l'obligation de transposition" avait été adopté.

En revanche, s'agissant de la sanction pécuniaire, la Cour a pu constater que l'astreinte ne s'imposait plus dans la mesure où, entre-temps, la France avait, le 27 juin 2008, informé la Cour et la Commission de l'adoption de la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008, relative aux organismes génétiquement modifiés (13). La Commission ayant averti la Cour, le 30 juin 2008, qu'elle considérait que cette loi assurait la complète transposition de la Directive précitée. La condamnation à une astreinte ne se justifiait donc plus. Mais, s'agissant de la somme forfaitaire, la Cour a considéré qu'elle pouvait être imposée, même après que l'Etat ait mis fin au manquement, dès lors qu'elle repose, davantage que l'astreinte, sur l'appréciation des conséquences du défaut d'exécution des obligations de l'Etat, particulièrement lorsque le manquement a persisté pendant une longue période. C'est en ce sens que la France a été condamnée, en conséquence, à payer une somme forfaitaire de 10 millions d'euros pour manquement sur manquement à la réglementation communautaire.

C'est, à ce titre, la première fois que la Cour de justice condamne un Etat à une amende alors que la première décision de la Cour a été complètement exécutée (ce qui est bien le cas, puisque la Directive en question a été finalement complètement transposée). La Cour justifie cette décision forte par le fait qu'elle a déjà rendu plusieurs décisions à l'encontre de la France dans le domaine des OGM, et que rien ne justifie la non-exécution de ces décisions. Elle souligne, en outre, que le défaut d'exécution d'arrêt de la Cour "est de nature à porter préjudice à l'environnement et à mettre en danger la santé de l'homme". Au final, si cette décision s'apparente plutôt à une mauvaise nouvelle pour le contribuable français, elle représente certainement une bonne nouvelle pour tous ceux qui prônent une application rigoureuse et diligente de la législation environnementale. La décision étant clairement le témoignage d'un durcissement de la politique communautaire à l'égard des Etats réfractaires dans la transposition des Directives, l'obligation de résultat des Etats membres étant, de la sorte, renforcée (I), mais la décision est aussi le témoignage de l'importance du pouvoir d'appréciation autonome de la Cour de justice dans ce type de contentieux, appréciation qui amène à nuancer le renforcement de l'obligation de résultat dans son application systématique, même si elle est confirmée en l'espèce (II).

I - Une obligation de résultat renforcée pour les Etats membres dans la transposition des Directives

La procédure de sanction financière prévue aux articles 226 et 228 du Traité CE a d'abord été un instrument de persuasion aux mains des autorités communautaires, qui en ont eu un usage avant tout mesuré et sélectif (A). Elle est aujourd'hui plus effectivement utilisée, la Commission comme la Cour de justice souhaitant, davantage, sanctionner les retards prolongés ou les Etats membres défaillants pour une application effective du droit communautaire (B).

A - Une procédure de sanction financière devant d'abord s'analyser comme un instrument de persuasion mesuré et sélectif

Il convient d'abord de rappeler que ce sont les articles 226 et 228 du Traité CE qui fournissent à la Commission les moyens de s'assurer de l'application effective du droit communautaire. L'article 226 du Traité CE dispose, ainsi, que "si la Commission estime qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent Traité, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations". En pratique, la première étape de cette phase précontentieuse passe par l'envoi d'une lettre de mise en demeure, invitant l'Etat membre à présenter ses observations, dans un délai généralement fixé à deux mois. Si la réponse ne parvient pas dans les délais ou si la Commission la juge insuffisante, elle peut, alors, décider d'adresser à l'Etat membre considéré un avis motivé, par lequel elle lui expose les manquements et les actions correctrices à apporter, là encore, en général, dans un délai de deux mois.

A l'issue de cette phase précontentieuse, si l'Etat membre considéré ne s'est pas mis en conformité avec le droit communautaire, la Commission, en application de l'article 226 du Traité CE, peut saisir la Cour de justice, qui rend un arrêt auquel les parties doivent se conformer. Comme le précise le premier paragraphe de l'article 228 du Traité CE, "si la Cour de justice reconnaît qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent Traité, cet Etat est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice".

L'arrêt de manquement n'établit pas seulement un constat, il détermine une contrainte. L'autorité de chose jugée qui s'y attache aurait pu suffire à obliger l'Etat condamné à en tirer les conséquences, mais l'article 228 § 1 du Traité CE existe pour le préciser sans équivoque. Il reste que le dispositif de l'arrêt, pas plus qu'il ne comporte d'injonction, ne détermine les solutions à adopter. Dans un arrêt de manquement, la Cour de justice est uniquement tenue de constater qu'une disposition du droit communautaire a été violée sans avoir rien à ajouter. L'Etat membre condamné pour manquement doit déterminer lui-même, exclusivement et pleinement, les mesures à prendre. C'est aux autorités nationales qu'il revient de déterminer, elles-mêmes, les mesures d'exécution à prendre et de le faire dans les plus brefs délais. L'article 228 du Traité CE ne précise pas le délai dans lequel l'exécution d'un arrêt doit intervenir mais "il résulte d'une jurisprudence constante que l'intérêt qui s'attache à une application immédiate et uniforme du droit communautaire exige que cette exécution soit entamée immédiatement et qu'elle aboutisse dans des délais aussi brefs que possible" (14).

Les autorités nationales ne peuvent se retrancher derrière les difficultés propres à leurs ordres juridiques. La France invoquait, notamment, pour justifier son retard, "la circonstance effectivement étayée par le dossier soumis à la Cour que la culture en plein champ d'OGM a suscité, et continue de susciter en France des manifestations violentes, notamment d'arrachage en plein champ, et au fait que le retard mis à exécuter l'arrêt du 15 juillet 2004, Commission c/ France, précité, s'expliquerait notamment par le souci d'éclairer le travail parlementaire et de mener une réforme plus ambitieuse que celle que requiert la Directive 2001/18". La Cour va rejeter cet argument en rappelant une jurisprudence constante selon laquelle "un Etat membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l'inobservation des obligations résultant du droit communautaire", ce qui englobe le cas de résistances de particuliers.

Le deuxième paragraphe de l'article 228 du Traité CE complète cette procédure et en renforce l'efficacité en traitant du cas des Etats qui ne se conforment pas à un premier arrêt de la Cour de justice. En effet, si la Commission estime que l'Etat membre concerné n'a pas pris les mesures requises, elle émet, après avoir donné à cet Etat la possibilité de présenter ses observations, un avis motivé précisant les points sur lesquels l'Etat membre concerné ne s'est pas conformé à l'arrêt de la Cour de justice (cas dit de "manquement sur manquement"). La procédure initiale est donc dans ce cas la même que celle précédemment mentionnée : lettre de mise en demeure, puis nouvel avis motivé et, le cas échéant, nouvelle saisine de la Cour de justice.

La Cour de justice, sur proposition de la Commission, dispose, désormais, de la possibilité d'exercer, au moment du second arrêt de manquement (arrêt de manquement sur manquement), une pression financière sur l'Etat membre défaillant, consistant en l'imposition d'une astreinte ou d'une somme forfaitaire.

L'article 228 du Traité CE précise, ainsi, que "si l'Etat membre concerné n'a pas pris les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour dans le délai fixé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice. Elle indique le montant de la somme forfaitaire ou de l'astreinte à payer par l'Etat membre concerné qu'elle estime adapté aux circonstances. Si la Cour de justice reconnaît que l'Etat membre concerné ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte". Cette seconde phase contentieuse, introduite par le Traité de Maastricht, diffère donc de la première, dans la mesure où le Traité prévoit, dans ce cas, la possibilité de sanctions financières à l'encontre des Etats membres qui ne se sont pas conformés à un précédent arrêt de la Cour de justice. En ce sens et au final, la procédure de sanction financière se voulait assez longue, à la fois dans la phase précontentieuse et la phase contentieuse, celle-ci devant, avant tout, servir d'instrument de persuasion vis-à-vis des Etats en infraction.

B - Une procédure de sanction financière qui vise à sanctionner effectivement les retards prolongés ou les Etats membres défaillants

Jusqu'en 2005, dans les procédures engagées au titre de l'article 228 du Traité CE, la Commission ne demandait à la Cour que de condamner l'Etat membre soit à une astreinte, soit à une somme forfaitaire, mais jamais aux deux sanctions en même temps. La commission considérait aussi que l'astreinte était l'instrument le plus adapté pour garantir l'exécution la plus rapide de l'arrêt et elle réservait les sommes forfaitaires à des cas exceptionnels.

Le libellé de l'article 228 est, à ce sujet, assez ambigu, dans la mesure où il peut faire l'objet de lectures différentes. Il prévoit que la Cour "indique le montant de la somme forfaitaire ou de l'astreinte à payer par l'Etat membre". La question s'est posée quant à l'interprétation alternative ou cumulative de la disposition en cause. L'emploi de la conjonction "ou" au sein de l'article 228 peut être entendu dans un sens disjonctif et admettre que la disposition n'a pas un caractère punitif mais incitatif. En outre, retenir une interprétation cumulative de l'article 228 serait contraire au principe non bis in idem, interdisant qu'un même comportement fasse l'objet d'une double peine.

L'on peut aussi estimer qu'il convient de focaliser l'interprétation de l'article 228 sur sa raison d'être et sa finalité. En ce sens, les deux types de sanctions remplissent une finalité commune consistant en l'application effective du droit communautaire. Mais, tout en poursuivant une finalité commune résidant dans l'effet utile du droit communautaire, ces deux mesures remplissent des fonctions différentes liées aux circonstances de l'espèce.

C'est ce raisonnement téléologique que retient la Cour, raisonnement courant dans la pratique de la Cour de justice et qui la conduit à conclure à la possibilité de cumul de ces deux types de sanctions à visées différentes, notamment pour la première fois dans l'affaire précitée dite des "poissons sous taille" en 2005. Ce qui est déterminant pour apprécier si l'article 228 § 2 du Traité CE permet d'imposer de manière combinée une somme forfaitaire et une astreinte, c'est la finalité et la raison d'être de cette disposition. Dans certaines situations, le fait d'imposer soit une somme forfaitaire, soit une astreinte, peut apparaître comme n'étant pas une réponse adéquate à un manquement persistant au droit communautaire, en sorte que la combinaison de ces deux instruments est requise.

Il faut tenir compte des fonctions différentes des astreintes et des sommes forfaitaires, de sorte qu'il n'est pas exclu de recourir aux deux, notamment lorsque le manquement aux obligations découlant du droit communautaire, à la fois, a perduré une longue période et tend à persister. L'opportunité de cumuler les deux sanctions doit, ainsi, être déterminée en tenant compte de la nature, de la gravité et de la persistance du manquement constaté.

C'est dans une optique de sécurité juridique et d'application effective du droit communautaire que la Commission demande, désormais, systématiquement à la Cour la condamnation de l'Etat membre défaillant au paiement, non seulement d'une astreinte mais d'une somme forfaitaire. Il y a là une volonté de condamnation de la part de la Commission qui est le témoignage d'un durcissement de sa politique à l'égard des Etats réfractaires dans la transposition des Directives, celle-ci souhaitant sanctionner davantage les retards prolongés (15). Par ailleurs, un montant minimal de somme forfaitaire est fixé pour chaque Etat membre (celui-ci s'élève pour la France à 10,9 millions d'euros). A cela, s'ajoute la décision de la Commission de ne plus se désister en cas de régularisation en cours d'instance, afin d'inciter les Etats à se mettre en conformité le plus rapidement possible. Enfin, un effort est fait par la Commission dans le sens du respect du principe de proportionnalité dans la méthode de calcul des sanctions proposées à la Cour, c'est-à-dire une adaptation des montants, lorsque les circonstances le permettent, en fonction, notamment, des griefs et de la périodicité requise pour apprécier des résultats ou juger de l'efficacité de certaines mesures. La procédure engagée contre la France, à travers l'arrêt d'espèce et les revendications de la Commission, procède de cette nouvelle fermeté imposée par les autorités communautaires dans la transposition des Directives, fermeté affichée ouvertement par la Commission, mais peut-être plus nuancée au niveau de la Cour de justice.

II - Une obligation de résultat nuancée mais réaffirmée par l'appréciation autonome de la Cour de justice

Si la Commission a pu détailler et préciser les orientations de sa politique en matière de sanctions financières à l'égard des Etats membres, ces orientations ne lient pas les autres autorités communautaires et, notamment, la Cour de justice. L'arrêt d'espèce permet, ainsi, de mesurer l'appréciation souveraine du juge communautaire en la matière, appréciation autonome qui complète alors la doctrine classique de la Commission (A), et qui fait naître une approche nouvelle dans la fixation du montant de la sanction pécuniaire (B).

A - Une appréciation souveraine de la Cour qui complète la doctrine classique de la Commission

La pratique que la Commission tend à adopter dans les règles relatives aux sanctions pécuniaires infligées aux Etats membres qui n'exécutent pas les arrêts de la Cour de justice ne lie, évidemment, pas les autres institutions. Est clairement réaffirmée, en l'espèce, le pouvoir de pleine juridiction de la Cour en matière de fixation de sanctions pécuniaires. Seule la Cour de justice, dans sa fonction juridictionnelle, est, en effet, compétente pour décider de l'opportunité de condamner un Etat membre à une astreinte, à une somme forfaitaire ou aux deux, et pour déterminer le montant effectif de la sanction.

Il ressort de l'arrêt et de l'appréciation de la Cour, qu'il lui appartient, "dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l'espèce dont elle se trouve saisie, ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui parait requis, d'arrêter les sanctions pécuniaires appropriées pour assurer l'exécution la plus rapide possible de l'arrêt ayant précédemment constaté un manquement, et prévenir la répétition d'infractions analogues au droit communautaire" (point 59 de l'arrêt). La Cour rappelant que "si des lignes directrices, telles que celles contenues dans les communications de la Commission, peuvent effectivement contribuer à garantir la prévisibilité et la sécurité juridique de l'action menée par la Commission, il n'en reste pas moins que de telles règles ne sauraient lier la Cour dans l'exercice du pouvoir qui lui est conféré par l'article 228 paragraphe 2, CE" (point 60).

C'est en ce sens que la Cour ne retient pas le cumul de sanctions en l'espèce, rejetant l'astreinte mais retenant la somme forfaitaire pour sanctionner les agissements fautifs des autorités françaises. Il y a là, néanmoins, un raisonnement qui suit celui développé par la Commission en la matière.

Le cumul des astreintes et des sommes forfaitaires vise à mettre fin à la pratique selon laquelle les Etats membres ne s'exécutent souvent que tardivement, parfois seulement à l'extrême fin de la procédure de l'article 228 du Traité CE. La pratique antérieure de la Commission, qui consistait à ne demander à la Cour de prononcer une astreinte qu'en cas de non-exécution après l'arrêt rendu en vertu de l'article 228 du Traité CE, avait pour effet qu'une exécution tardive, mais avant l'arrêt, ne donnait lieu à aucune sanction, de sorte que les Etats membres n'étaient pas efficacement dissuadés de manquer à leurs obligations. La somme forfaitaire est demandée dans l'optique de punir la poursuite de l'infraction entre l'arrêt constatant le manquement et l'arrêt rendu en vertu de l'article 228 du Traité CE.

Cette nouvelle approche de la somme forfaitaire a pour conséquence logique que, lorsqu'un Etat membre met fin à l'infraction après la décision de saisir la Cour, mais avant le prononcé de l'arrêt au titre de l'article 228 du Traité CE, la Commission ne se désistera plus pour cette seule raison. Dans un tel cas, bien que la Cour de justice ne puisse plus décider d'infliger une astreinte puisqu'une telle décision serait devenue sans objet, elle peut, néanmoins, condamner l'Etat membre au paiement d'une somme forfaitaire sanctionnant la durée de l'infraction effective, cet aspect de l'affaire demeurant d'actualité.

Il n'est pas exclu, enfin, dans des cas très particuliers, de ne recourir qu'à la somme forfaitaire. Une telle solution s'avère utile dans des cas exceptionnels de récidive d'infractions caractérisées, ou lorsqu'un Etat membre a pris toutes les mesures requises pour se conformer à l'arrêt, mais que le résultat exigé n'intervient pas avant un certain temps. C'est le cas en l'espèce. Mais si la Cour, ici, dans son appréciation autonome rejoint le raisonnement développé par la Commission, elle va aussi plus loin en fixant une approche nouvelle moins rigide dans la fixation du montant de la sanction pécuniaire.

B - Une approche nouvelle dans la fixation du montant de la sanction pécuniaire

La France a été condamnée, en l'espèce, à payer une somme forfaitaire de 10 millions d'euros pour manquement sur manquement à la réglementation communautaire. C'est à ce titre la première fois que la Cour de justice condamne un Etat à une amende, alors que la première décision de la Cour a été complètement exécutée (ce qui est bien le cas, puisque la Directive en question a été finalement complètement transposée). Il y a là un pas important de franchi par les juges communautaires, d'autant plus que ces derniers n'ont pas suivi les conclusions de l'Avocat général. Celui-ci invitait la Cour à rejeter le paiement d'une somme forfaitaire et à maintenir la pratique de la Commission consistant à appliquer des sanctions "de manière mesurée et sélective". Selon ces conclusions, l'approche systématique consistant à imposer le paiement d'une somme forfaitaire "pourrait être tout à fait disproportionnée au regard des circonstances d'une affaire donnée" (point 74).

Il y avait là, par la présente, une approche plus nuancée dans l'appréciation de la somme forfaitaire, qui dénotait par rapport à la vision plus systématique de la Commission. L'Avocat général estimait, ainsi, que la somme forfaitaire "vise à sanctionner un Etat membre pour son comportement dans le passé [...] lorsque le comportement de l'Etat en cause est caractérisé par des circonstances exceptionnelles qui aggravent le défaut d'exécution pleine et rapide" (point 76 du premier arrêt en manquement).

Ces circonstances aggravantes seraient établies en cas de "défaut de coopération loyale de l'Etat membre avec la Commission en vue de mettre fin à l'infraction en temps opportun" (point 76), ou lorsque le manquement affecte de manière inacceptable des intérêts publics ou privés, a des répercussions sur des domaines d'intérêts communautaires contraignants, ou met en danger un principe fondamental de la communauté.

Sur le fondement de cette conception de la somme forfaitaire, l'Avocat général en déduit "que la méthode de calcul de la somme forfaitaire proposée par la Commission [...] qui est, entre autres, fondée sur le même coefficient que l'astreinte en ce qui concerne la gravité du manquement et le nombre de jours pendant lesquels un tel manquement perdure ne reflète pas ces circonstances spécifiques" (point 78) (16) et que, "dans la présente affaire, la Commission n'a pas établi l'existence de circonstances aggravantes de nature à justifier l'imposition d'une sanction sous la forme d'une somme forfaitaire", notamment quant à la coopération des autorités françaises, l'existence de manoeuvres dilatoires et l'affectation des intérêts publics et privés de manière inacceptable.

Tel n'est pourtant pas l'avis de la Cour de justice qui, si elle confirme l'approche plus nuancée de l'imposition de la somme forfaitaire (17), témoigne de l'existence de plusieurs circonstances justifiant de l'imposition d'une somme forfaitaire. En premier lieu, elle souligne la répétition "de comportements infractionnels" dans un secteur spécifique de l'action communautaire et la persistance du manquement depuis le prononcé de l'arrêt (la Cour souligne, notamment, que les premières mesures conséquentes adoptées en mars 2007 n'ont été prises qu'une année après le délai d'expiration imparti dans l'avis motivé). En second lieu, elle relève que le défaut d'exécution d'arrêt de la Cour présente un degré particulier de gravité en ce qu'il ne permet pas de garantir des objectifs essentiels poursuivis par le législateur communautaire, le défaut d'exécution étant "de nature à porter préjudice à l'environnement et à mettre en danger la santé de l'homme dont la préservation fait partie des objectifs mêmes de la politique communautaire dans le domaine de l'environnement" (point 77).

Finalement, la Cour a, également, tenu compte du fait que, en dépit de l'absence de toutes mesures "conséquentes", les autorités françaises n'ont pas manqué à leur obligation de coopération loyale, ni adopté de mesures délibérément dilatoires. A cet égard, la Cour considère, notamment, que, malgré leur caractère tardif, les mesures d'exécution de mars 2007 ont assuré une transposition tout à fait conséquente de la Directive, seules trois dispositions de cette dernière étant demeurées, selon la Commission, imparfaitement transposées jusqu'à la date du 27 juin 2008. Ceci a conduit la Cour à faire preuve d'une certaine mansuétude à l'égard de la France en ne la condamnant qu'à 10 millions d'euros, la somme forfaitaire minimale, en faisant ainsi une juste appréciation des circonstances de l'espèce. Il y a là, au final, un dépassement remarquable de l'approche systématique de la Commission par une appréciation autonome de la Cour de justice qui, si elle apporte des nuances dans la fixation des sanctions pécuniaires affectant les Etats membres, n'en constitue pas moins une réaffirmation de la sévérité accrue des autorités communautaires pour faire respecter le droit communautaire.


(1) Texte intégral de la dernière édition du tableau d'affichage du marché intérieur.
(2) Cons. const., décision n° 2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique (N° Lexbase : A6494DCI), JO, 22 juin 2004, p. 11182.
(3) Les deux autres affaires concernant la Grèce en 2000 (CJCE, 4 juillet 2000, aff. C-387/97, Commission des Communautés européennes c/ République hellénique N° Lexbase : A5902AYA), et l'Espagne en 2003 (CJCE, 25 novembre 2003, aff. C-278/01, Commission des Communautés européennes c/ Royaume d'Espagne N° Lexbase : A2987DAU).
(4) CJCE, 12 juillet 2005, aff. C-304/02, Commission des Communautés européennes c/ République française (N° Lexbase : A1671DK4), JO C 217, 3 septembre 2005, p. 3.
(5) CJCE, 14 mars 2006, aff. C-177/04, Commission des Communautés européennes c/ République française (N° Lexbase : A5146DNW), JO C 131, 3 juin 2006, p. 10.
(6) Loi n° 2006-406 du 5 avril 2006, relative à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux (N° Lexbase : L9953HH4), JO, 6 avril 2006, p. 5198.
(7) CJCE, 15 juillet 2004, aff. C-419/03, Commission des Communautés européennes c/ République française (N° Lexbase : A0935DDY), non publié au recueil, JOCE 2004, C-228, p. 15.
(8) Directive 2001/18/CE du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés (N° Lexbase : L8079AUR), JO n° I 106, 17 avril 2001.
(9) Par une note du 20 mars 2007, les autorités françaises ont transmis à la Commission divers textes dont les décrets n° 2007-357 (N° Lexbase : L7243HUS), n° 2007-358 (N° Lexbase : L7244HUT), n° 2007-359 (N° Lexbase : L7245HUU) du 19 mars 2007 (JO, 20 mars 2007, p. 5085, p. 5095, p. 5100) respectivement relatifs à la modification du décret n° 93-774 du 27 mars 1993, fixant la liste des techniques de modification génétique et les critères de classement des OGM (N° Lexbase : L4118ICI), à la dissémination volontaire à tout autre fin que la mise sur le marche de produits composés en tout ou partie d'OGM, à la procédure d'autorisation de mise sur le marché de produits non destinés à l'alimentation composés en tout ou partie d'OGM.
(10) A noter que la France avait, également, été avertie concernant la non-exécution d'un arrêt du 27 novembre 2003 et la non-transposition de la Directive 90/219 sur l'utilisation d'OGM en milieu confiné (CJCE, 27 novembre 2003, aff. C-429/01, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A2991DAZ).
(11) 46 000 euros par jour de retard à compter du jour où l'arrêt de 2004 a été rendu jusqu'à sa pleine exécution qui sera prise par la CJCE.
(12) Conclusions de l'Avocat général M. Jn Mázák présentées le 5 juin 2008 dans l'affaire C-121/07, Commission des Communautés européennes c/ République française (N° Lexbase : A5514EBT).
(13) Loi n° 2008-595 du 25 juin 2008, relative aux organismes génétiquement modifiés (N° Lexbase : L4998H7A), JO, 26 juin 2008, p. 1021.
(14) Voir, notamment, points 21 et 27 de l'arrêt CJCE, 25 novembre 2003, aff. C-278/01, Commission des Communautés européennes c/ Royaume d'Espagne (N° Lexbase : A2987DAU), Rec. P. I-14141.
(15) Cf. Communication en date du 13 novembre 2005 : Mise en oeuvre de l'article 228 Traité CE SEC/2005/1658.
(16) La Commission détermine le montant des sommes forfaitaires selon une méthode en deux étapes : en arrêtant une somme forfaitaire minimale fixe déterminée pour chaque Etat membre selon le facteur "n" (fondé sur le PIB et sur les droits de vote au Conseil), et en appliquant un montant journalier multiplié par le nombre de jours qu'aura duré l'infraction (ce dernier montant sera appliqué si le résultat est supérieur à la somme forfaitaire minimale).
(17) La Cour rappelle, notamment, que "l'imposition éventuelle d'une somme forfaitaire doit, dans chaque cas d'espèce, demeurer fonction de l'ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté, qu'à l'attitude propre à l'Etat membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l'article 228 CE" (point 62).

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Famille et personnes

[Jurisprudence] Mère porteuse : la Cour de cassation soutient l'action du ministère public

Réf. : Cass. civ. 1, 17 décembre 2008, n° 07-20.468, Procureur général près la cour d'appel de Paris, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8646EBT)

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N2211BIQ

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 07 Octobre 2010

Le tollé suscité par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 octobre 2007 (1), qui avait admis l'effet en France d'une convention de mère porteuse valablement souscrite à l'étranger, ne pouvait qu'inciter, s'il en était besoin, le ministère public à former un pourvoi en cassation. C'est ce pourvoi que la Cour de cassation accueille dans un arrêt du 17 décembre 2008, dont la solution, au demeurant logique, ne résout cependant pas le fond du problème. La cassation porte, en effet, seulement sur l'irrecevabilité de l'action du ministère public en annulation de la transcription des actes de naissance californiens des enfants (I), et ne préjuge pas du bien fondée de cette action (II). I - La recevabilité certaine de l'action du ministère public

Cour d'appel de Paris. La cour d'appel de Paris avait considéré que l'action du ministère public, fondée sur une contrariété à l'ordre public, n'était pas recevable puisqu'il ne contestait ni l'opposabilité en France du jugement américain, ni la foi à accorder, au sens de l'article 47 du Code civil (N° Lexbase : L1215HWW), aux actes dressés en Californie, dans les formes usitées dans cet Etat. Elle avait, en outre, fait valoir que l'intérêt supérieur des enfants était de ne pas se voir priver d'actes d'état civil indiquant leur filiation.

Défense de l'ordre public. Une telle solution, même si elle ne manquait pas d'audace, résistait difficilement à l'analyse. On voit mal, en effet, comment fermer cette action au ministère public. L'argument fondé sur l'article 423 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2662ADX) selon lequel le ministère public peut agir dans tous les cas pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci, paraissait imparable dès lors qu'il était conjugué avec les dispositions civiles -on aurait pu invoquer également les dispositions pénales- prohibant la gestation pour autrui, et que, comme le note la Cour de cassation "les énonciations inscrites sur les actes d'état civil ne pouvaient résulter que d'une convention portant sur la gestation pour autrui". L'article 1049 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1360H47), selon lequel l'action en rectification et annulation des actes de l'état civil est ouverte au ministère public, aurait pu fournir un argument plus spécifique. A l'évidence, le ministère public a, à la fois, qualité et intérêt pour agir et obtenir l'annulation de la transcription, ou plus exactement la mention en marge de l'acte transcrit qui est annulé. C'est d'ailleurs, sans doute, dans ce but que le ministère public a sollicité, lui-même, la transcription des actes de naissance sur les registres d'acte civil français...

Renvoi. Même si l'opération paraît quelque peu machiavélique et ne se distingue pas par son humanité pour les deux enfants concernés, le ministère public paraît être dans son rôle en veillant au respect d'une prohibition essentielle de notre droit de la filiation. Il ne faut, cependant, pas donner à la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris une portée qu'il n'a pas, rien dans cette décision ne permettant de préjuger de la solution de la cour de renvoi qui n'est autre que... la cour d'appel de Paris autrement composée !

II - Le bien fondé incertain de l'action du ministère public

Exception d'ordre public. A priori, la cour d'appel de renvoi ne pourra qu'admettre la recevabilité de l'action du ministère public. Elle est, toutefois, libre de la réponse à apporter à la question du bien fondé de cette action. Le ministère public invoquera, sans nul doute, l'argument de l'exception d'ordre public qui permet d'écarter les effets en France d'une décision étrangère lorsque celle-ci contrevient aux règles françaises d'ordre public ; un tel raisonnement paraît tout à fait admissible compte tenu de la prohibition pénalement sanctionnée des conventions de gestation pour autrui en droit français. Reconnaître le jeu de l'exception d'ordre public aurait sans conteste l'avantage de la cohérence et du respect du droit français en attendant une éventuelle réforme légalisant le recours à la gestation pour autrui (Rapport d'information, fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, n° 421 (2007-2008) - 25 juin 2008, et les obs. de A.-L. Blouet Patin, Mères porteuses : le Sénat rend sa copie et ouvre la voie à une légalisation de la pratique, Lexbase Hebdo n° 314 du 24 juillet 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N6731BGE)

Intérêt supérieur de l'enfant. Mais la cour d'appel de renvoi peut, également, privilégier, cette fois sur le fond, l'intérêt supérieur des enfants en cause, sur le fondement de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL) et considérer que ceux-ci doivent bénéficier d'un état civil français conforme à leur état civil américain. Une telle solution porterait certes une atteinte indirecte à la prohibition française de la gestation pour autrui, et donc à l'ordre public, mais comporterait l'avantage non négligeable de ne pas placer les enfants dans une situation juridique complexe et bancale.

Il s'agit, en réalité, d'un choix politique entre l'intérêt concret des enfants et l'intérêt général, mais abstrait. Il semble, toutefois, que les termes de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, selon lequel dans toutes décisions le concernant l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale, est suffisamment clair... les enfants ne doivent pas subir les conséquences préjudiciables des bricolages juridiques des adultes même, et surtout, si ceux-ci ont abouti à leur naissance !


(1) CA Paris, 1ère ch., sect. C, 25 octobre 2007, n° 06/00507, Ministère public c/ M. M. (N° Lexbase : A4624DZB) et lire les obs. de N. Baillon-Wirtz, L'intérêt supérieur de l'enfant et la maternité pour autrui, Lexbase Hebdo n° 286 du 20 décembre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N5577BDW).

newsid:342211

Fiscalité immobilière

[Textes] Dispositifs "Malraux", "Monuments historiques", et des investissements réalisés outre-mer : aménagement des dispositifs et plafonnement des niches fiscales

Réf. : Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 (N° Lexbase : L3783IC4)

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N2190BIX

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Le 07 Octobre 2010

A été publiée au Journal officiel du 28 décembre 2008 la loi de finances pour 2009 (loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, et rectificatif publié au JO du 31 décembre 2008). Les principales dispositions fiscales s'organisent autour de trois objectifs : stimuler la compétitivité des entreprises, promouvoir le développement durable et améliorer l'équité du système fiscal. Au titre des mesures visant à améliorer l'équité du système fiscal, les articles 84, 85 et 87 aménagent respectivement les dispositifs "Malraux", "Monuments historiques", et des investissements réalisés outre-mer.
  • Dispositif "Malraux"

Texte : loi de finances pour 2009, art. 84

I. - Le b ter du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :

"Le présent alinéa n'est pas applicable aux dépenses portant sur des immeubles pour lesquels une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux a été déposée à compter du 1er janvier 2009."

II. - Les deux premières phrases du troisième alinéa du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts ne sont pas applicables aux déficits résultant de dépenses portant sur des immeubles pour lesquels une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux a été déposée à compter du 1er janvier 2009.

III. - Après l'article 199 duovicies du code général des impôts, il est inséré un article 199 tervicies ainsi rédigé :

"Art. 199 tervicies. - I. - Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des dépenses qu'ils supportent en vue de la restauration complète d'un immeuble bâti :

"- situé dans un secteur sauvegardé créé en application du I de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme, soit lorsque le plan de sauvegarde et de mise en valeur de ce secteur est approuvé, soit lorsque la restauration a été déclarée d'utilité publique en application de l'article L. 313-4 du même code ;

"- situé dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application des articles L. 642-1 à L. 642-7 du code du patrimoine lorsque la restauration a été déclarée d'utilité publique.

"La réduction d'impôt s'applique aux dépenses effectuées pour des locaux d'habitation ou pour des locaux destinés originellement à l'habitation et réaffectés à cet usage ou pour des locaux affectés à un usage autre que l'habitation n'ayant pas été originellement destinés à l'habitation et dont le produit de la location est imposé dans la catégorie des revenus fonciers.

"Elle n'est pas applicable aux dépenses portant sur des immeubles dont le droit de propriété est démembré ou aux dépenses portant sur des immeubles appartenant à une société non soumise à l'impôt sur les sociétés dont le droit de propriété des parts est démembré.

"II. - Les dépenses mentionnées au I s'entendent des charges énumérées aux a, a bis, b, b bis, c et e du 1° du I de l'article 31, des frais d'adhésion à des associations foncières urbaines de restauration, ainsi que des dépenses de travaux imposés ou autorisés en application des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux secteurs et zones mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du I du présent article, y compris les travaux effectués dans des locaux d'habitation et ayant pour objet de transformer en logement tout ou partie de ces locaux, supportées à compter soit de la date de délivrance du permis de construire, soit de l'expiration du délai d'opposition à la déclaration préalable et jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivante. Le cas échéant, cette durée est prolongée du délai durant lequel les travaux sont interrompus ou ralentis en application des articles L. 531-14 à L. 531-16 du code du patrimoine ou par l'effet de la force majeure.

"Ouvre également droit à la réduction d'impôt la fraction des provisions versées par le propriétaire pour dépenses de travaux de la copropriété et pour le montant effectivement employé par le syndic de la copropriété au paiement desdites dépenses.

"Lorsque les dépenses de travaux sont réalisées dans le cadre d'un contrat de vente d'immeuble à rénover prévu à l'article L. 262-1 du code de la construction et de l'habitation, le montant des dépenses ouvrant droit à la réduction d'impôt, dans les conditions et limites prévues au présent article, est celui correspondant au prix des travaux devant être réalisés par le vendeur et effectivement payés par l'acquéreur selon l'échéancier prévu au contrat.

"III. - La réduction d'impôt est égale à 30 % du montant des dépenses mentionnées au II, retenues dans la limite annuelle de 100 000 euros.

"Ce taux est majoré de dix points lorsque les dépenses sont effectuées pour des immeubles situés dans un secteur sauvegardé créé en application du I de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme.

"IV. - Lorsque les dépenses portent sur un local à usage d'habitation, le propriétaire prend l'engagement de le louer nu, à usage de résidence principale du locataire, pendant une durée de neuf ans. Lorsque les dépenses portent sur un local affecté à un usage autre que l'habitation, le propriétaire prend l'engagement de le louer pendant la même durée.

"La location ne peut pas être conclue avec un membre du foyer fiscal, un ascendant ou un descendant du contribuable ou, si le logement est la propriété d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés, à l'un de ses associés ou un membre de son foyer fiscal, un ascendant ou un descendant d'un associé. Les associés de la société s'engagent à conserver leurs parts jusqu'au terme de l'engagement de location.

"La location doit prendre effet dans les douze mois suivant l'achèvement des travaux.

"V. - Un contribuable ne peut, pour un même local ou une même souscription de parts, bénéficier à la fois de l'une des réductions d'impôt prévues aux articles 199 decies E à 199 decies G, 199 decies I ou 199 undecies A et des dispositions du présent article.

"Lorsque le contribuable bénéficie à raison des dépenses mentionnées au I de la réduction d'impôt prévue au présent article, les dépenses correspondantes ne peuvent faire l'objet d'aucune déduction pour la détermination des revenus fonciers.

"VI. - La réduction d'impôt obtenue fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle intervient :

"1° La rupture de l'engagement de location ou de l'engagement de conservation des parts mentionné au IV ;

"2° Le démembrement du droit de propriété de l'immeuble concerné ou des parts. Toutefois, aucune remise en cause n'est effectuée lorsque le démembrement de ce droit ou le transfert de la propriété du bien résulte du décès de l'un des membres du couple soumis à imposition commune et que le conjoint survivant attributaire du bien ou titulaire de son usufruit s'engage à respecter les engagements prévus au IV, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, pour la période restant à courir à la date du décès.

"VII. - Un décret précise, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article.

"VIII. - Le présent article s'applique aux dépenses portant sur des immeubles pour lesquels une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux a été déposée à compter du 1er janvier 2009."

Ce qu'il faut savoir :

Au terme d'une longue discussion en séance publique, de l'adoption de six sous-amendements, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des finances, et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement modifiant totalement le dispositif proposé initialement par le projet de loi, qui prévoyait un plafonnement à 140 000 euros du montant des déductions pouvant être imputées sur le revenu global, en tant que déficit foncier résultant du dispositif dit "Malraux".

L'article 84 de la loi de finances pour 2009 vient ainsi transformer l'avantage fiscal du régime "Malraux" en réduction d'impôt, assise sur le montant des dépenses déductibles, retenue dans la limite annuelle de 100 000 euros, et dont le taux est de 30 % en ZPPAUP et de 40 % en secteur sauvegardé.

Ainsi le I. et le II. du présent article, issus de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, prévoient :

- l'extinction du régime "Malraux" tel qu'il existe ;

- et que les articles fixant actuellement ce régime (soit le b ter du 1° du I de l'article 31 du CGI N° Lexbase : L3907IAX et les deux premiers alinéas du 3° du I de l'article 156 du même code) ne sont pas applicables aux dépenses portant sur des immeubles pour lesquels une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux a été déposée à compter du 1er janvier 2009.

A compter de cette date entrent en vigueur les dispositions d'un nouvel article du CGI, l'article 199 tervicies créant une nouvelle réduction d'impôt.

Selon ce dispositif, les bénéficiaires de la réduction d'impôt sont les contribuables domiciliés en France. Les dépenses éligibles sont, en cas de restauration, complète et déclarée d'utilité publique, d'un immeuble bâti situé en ZPPAUP ou en secteur sauvegardé :

- destinées aux locaux d'habitation, aux locaux réaffectés à cet usage ou n'ayant jamais servi à cet usage et dont le produit de location est imposé dans la catégorie des revenus fonciers. L'extension aux locaux commerciaux est donc maintenue ;

- les dépenses de réparation et d'entretien supportées par le propriétaire, les primes d'assurance, les dépenses d'amélioration (hors construction, reconstruction ou agrandissement) pour les locaux d'habitation ou à usage professionnel ou commercial (dans ces derniers cas, les dépenses relatives à la lutte contre les effets de l'amiante, et à l'amélioration de l'accueil des personnes handicapées sont ajoutées), les impositions perçues au profit des collectivités territoriales, autres que celles incombant à l'occupant, et les frais de gestion ;

- les frais d'adhésion à des associations foncières urbaines de restauration, les dépenses de travaux imposés ou autorisés en application des dispositions réglementaires et législatives des zones protégées précédemment citées, supportées entre la date de délivrance du permis de construire et jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivante. La durée de réalisation des dépenses est ainsi rallongée d'une année par rapport au dispositif initial, afin de compenser le niveau relativement bas du plafonnement de la réduction d'impôt. Il est prévu le cas échéant de prolonger ce délai en cas de découvertes fortuites prévues par le Code du patrimoine ou par l'effet de la force majeure ;

- les fractions des provisions versées par le propriétaire pour des dépenses de travaux de la copropriété ;

- les travaux devant être réalisés par le vendeur et effectivement payés par l'acquéreur dans le cas d'un contrat de vente d'immeuble à rénover prévu par l'article L. 262-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1974HPS).

A noter que la réduction d'impôt n'est pas applicable en cas de démembrement du droit de propriété.

La réduction d'impôt est égale à 30 % (et non 25 % tel que prévu dans le dispositif initialement adopté par l'Assemblée nationale) du montant des dépenses éligibles, ci-dessus énumérées, dans la limite annuelle de 100 000 euros.

Ce taux est majoré de 10 points, pour atteindre 40 % du montant des dépenses éligibles pour les immeubles situés dans un secteur sauvegardé. La hiérarchisation des avantages fiscaux selon que les travaux concernent des immeubles situés en secteur sauvegardé ou en ZPPAUP est ainsi maintenue, comme dans le dispositif initialement proposé par le Gouvernement.

Comme le prévoyait le dispositif initialement proposé par le Gouvernement, le propriétaire doit s'engager à louer le bien au titre duquel il a bénéficié de la réduction d'impôt pendant neuf ans. La location doit prendre effet dans les douze mois suivants l'achèvement des travaux.

La location à un membre du foyer fiscal, un ascendant ou un descendant est exclue, y compris lorsque le logement est la propriété d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés.

Le cumul de cette réduction d'impôt est interdit avec :

- les réductions d'impôts suivantes (prévues par les articles 199 decies E N° Lexbase : L3546HLW à 199 decies G, 199 decies I N° Lexbase : L3778HWT et 199 undecies A N° Lexbase : L3781IAB du CGI) : pour investissement dans l'immobilier de loisir, pour investissement dans un logement faisant partie d'une résidence hôtelière à vocation sociale, pour investissement immobilier outre-mer ;

- les déductions de charges foncières de droit commun lorsque le contribuable a demandé leur déduction dans le cadre du nouveau dispositif "Malraux".

Une reprise de la réduction d'impôt obtenue est prévue au titre de l'année au cours de laquelle intervient une rupture de l'engagement de location ou de conservation des parts de société possédant le bien loué, et en cas de démembrement (exception faite du cas du décès d'un conjoint d'un couple soumis à imposition commune et sous condition de reprise des engagements courants à la date du décès par le conjoint survivant).

Ces nouvelles dispositions s'appliquent aux dépenses portant sur des immeubles pour lesquels une demande de permis de construire ou de déclaration de travaux aura été déposée à compter du 1er janvier 2009.

  • Dispositif des "Monuments historiques"

Texte : loi de finances pour 2009, art. 85

I. - Après l'article 156 du code général des impôts, il est inséré un article 156 bis ainsi rédigé :

"Art. 156 bis.-I. - Le bénéfice des dispositions de l'article 156 propres aux immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, ayant fait l'objet d'un agrément par le ministre chargé du budget en raison de leur caractère historique ou artistique particulier ou ayant reçu le label délivré par la Fondation du patrimoine en application de l'article L. 143-2 du code du patrimoine, est subordonné à l'engagement de leur propriétaire de conserver la propriété de ces immeubles pendant une période d'au moins quinze années à compter de leur acquisition, y compris lorsque celle-ci est antérieure au 1er janvier 2009.

"II. - Le bénéfice des dispositions de l'article 156 propres aux immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, ayant fait l'objet d'un agrément par le ministre chargé du budget en raison de leur caractère historique ou artistique particulier ou ayant reçu le label délivré par la Fondation du patrimoine en application de l'article L. 143-2 du code du patrimoine, n'est pas ouvert aux immeubles détenus par des sociétés civiles non soumises à l'impôt sur les sociétés.

"Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux immeubles détenus par des sociétés civiles non soumises à l'impôt sur les sociétés et ayant fait l'objet d'un agrément du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de la culture, lorsque l'intérêt patrimonial du monument et l'importance des charges relatives à son entretien justifient le recours à un tel mode de détention ni aux immeubles détenus par des sociétés civiles non soumises à l'impôt sur les sociétés dont les associés sont membres d'une même famille, à la condition que les associés de ces sociétés prennent l'engagement de conserver la propriété de leurs parts pendant une période d'au moins quinze années à compter de leur acquisition.L'engagement de conservation des associés d'une société constituée entre les membres d'une même famille n'est pas rompu lorsque les parts sont cédées à un membre de cette famille qui reprend l'engagement précédemment souscrit pour sa durée restant à courir.

"III. - Le cas échéant, le revenu global ou le revenu net foncier de l'année au cours de laquelle l'engagement mentionné au I ou au II n'est pas respecté et des deux années suivantes est majoré du tiers du montant des charges indûment imputées.

"Il n'est pas procédé à cette majoration en cas de licenciement, d'invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale ou du décès du contribuable ou de l'un des époux soumis à une imposition commune, non plus qu'en cas de mutation à titre gratuit de l'immeuble ou des parts à la condition que les donataires, héritiers et légataires reprennent l'engagement précédemment souscrit pour sa durée restant à courir à la date de la mutation à titre gratuit de l'immeuble.

"IV. - Le premier alinéa du II n'est pas applicable aux immeubles acquis avant le 1er janvier 2009 par des sociétés non soumises à l'impôt sur les sociétés, y compris lorsque cette acquisition ne porte que sur un droit de propriété démembré.

"V. - Le bénéfice des dispositions de l'article 156 propres aux immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, ayant fait l'objet d'un agrément par le ministre chargé du budget en raison de leur caractère historique ou artistique particulier ou ayant reçu le label délivré par la Fondation du patrimoine en application de l'article L. 143-2 du code du patrimoine, n'est pas ouvert aux immeubles ayant fait l'objet d'une division à compter du 1er janvier 2009 sauf si cette division fait l'objet d'un agrément délivré par le ministre du budget, après avis du ministre de la culture, lorsque l'intérêt patrimonial du monument et l'importance des charges relatives à son entretien la justifient."

II. - Le présent article est applicable à compter de l'imposition des revenus de 2009.

Ce qu'il faut savoir :

L'article 85 de la loi de finances pour 2009, adopté à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, tendait, initialement, à plafonner l'avantage fiscal dont bénéficient les monument historiques non ouverts au public à 200 000 euros par an, d'une part, et à subordonner l'avantage fiscal relatif aux monuments historiques à un engagement de conservation de quinze ans et à l'absence de mise en copropriété non agréée, d'autre part.

Après examen par le Sénat, sur proposition de la commission des finances du Sénat, le plafonnement a été supprimé tout en retenant les conditions posées au bénéfice de l'avantage fiscal. En effet, il a été soutenu que le régime des monuments historiques ne constitue pas un outil d'optimisation patrimoniale, autrement dit une niche fiscale, mais la contrepartie d'une mission d'intérêt général : la protection des monuments historiques en vue de leur sauvegarde et de leur transmission.

Un nouvel article 156 bis du CGI impose donc la conservation pendant quinze ans des monuments et interdit, sauf cas particuliers, leur transformation en copropriété afin d'éviter que ce régime ne devienne un produit d'optimisation fiscale susceptible d'être vendu à plusieurs porteurs.

L'imputation sans plafonnement des déficits fonciers issus des travaux réalisés sur les monuments historiques est ainsi subordonnée à la condition de conserver pendant quinze ans la pleine propriété de l'immeuble concerné.

Ces dispositions sont également applicables aux immeubles détenus par des sociétés civiles non soumises à l'impôt sur les sociétés et ayant fait l'objet d'un agrément du ministre chargé du Budget, après avis du ministre chargé de la Culture, lorsque l'intérêt patrimonial du monument et l'importance des charges relatives à son entretien justifient le recours à un tel mode de détention ou aux immeubles détenus par des sociétés civiles non soumises à l'impôt sur les sociétés dont les associés sont membres d'une même famille, à la condition que les associés de ces sociétés prennent l'engagement de conserver la propriété de leurs parts pendant une période d'au moins quinze années à compter de leur acquisition.

Si l'engagement de conservation n'est pas respecté, le revenu global ou le revenu foncier est majoré du tiers du montant des charges indûment imputées pendant trois années successives. Des exceptions sont toutefois prévues à l'application de cette majoration :

- en cas de licenciement, d'invalidité ou de décès du contribuable ou de l'un des époux soumis à une imposition commune ;

- en cas de mutation à titre gratuit de l'immeuble ou de part de l'immeuble, si les donataires, héritiers et légataires reprennent l'engagement de conservation pour la durée restant à courir.

Par ailleurs, l'imputation sans plafonnement des déficits fonciers issus des travaux réalisés sur les monuments historiques est subordonnée, par l'article 156 bis nouveau du CGI, à la condition que les immeubles classés monuments historiques, inscrits à l'inventaire supplémentaire, ayant fait l'objet d'un agrément par le ministère chargé du Budget en raison de leur caractère historique ou artistique particulier, ou ayant reçu le label de la Fondation du patrimoine n'aient pas fait l'objet d'une division.

Une exception est toutefois prévue si la division fait l'objet d'un agrément délivré par les ministres chargés du Budget et de la Culture lorsque l'intérêt patrimonial du monument et l'importance des charges relatives à son entretien la justifient.

  • Dispositif des investissements réalisés outre-mer

Texte : loi de finances pour 2009, art. 87

I. - Après l'article 199 undecies C du code général des impôts, il est inséré un article 199 undecies D ainsi rédigé :

"Art. 199 undecies D.-I. - 1. La somme des réductions d'impôt sur le revenu mentionnées aux articles 199 undecies A et 199 undecies B et des reports de ces réductions d'impôts, dont l'imputation est admise pour un contribuable au titre d'une même année d'imposition, ne peut excéder un montant de 40 000 euros.

"2. Pour l'appréciation de la limite mentionnée au 1, la réduction d'impôt au titre des investissements mentionnés à la première phrase des vingt-sixième et vingt-septième alinéas du I de l'article 199 undecies B ainsi que les reports résultant d'une réduction d'impôt au titre des mêmes investissements sont retenus pour 40 % de leur montant.

"3. Pour l'appréciation de la limite mentionnée au 1, la réduction d'impôt au titre des investissements mentionnés à la deuxième phrase du vingt-sixième alinéa du I de l'article 199 undecies B ainsi que les reports résultant d'une réduction d'impôt au titre des mêmes investissements sont retenus pour la moitié de leur montant.

"4. Les fractions des réductions d'impôt et des reports qui ne sont pas retenues en application des 2 et 3 peuvent être imputées dans la limite annuelle :

"- d'une fois et demie le montant mentionné au 1 pour la fraction non retenue en application du 2 ;

"- du montant mentionné au 1 pour la fraction non retenue en application du 3.

"II. - Lorsque le contribuable personne physique réalise directement des investissements mentionnés au I de l'article 199 undecies B au titre et pour les besoins de l'activité pour laquelle il participe à l'exploitation au sens du 1° bis du I de l'article 156, le montant total de la réduction d'impôt et des reports résultant de ces investissements, dont l'imputation est admise au titre d'une même année d'imposition, ne peut excéder deux fois et demie la limite mentionnée au 1 du I ou un montant de 300 000 euros par période de trois ans.

"III. - Par dérogation aux I et II, le montant total des réductions d'impôt sur le revenu mentionnées aux articles 199 undecies A et 199 undecies B et des reports de ces réductions d'impôt, dont l'imputation est admise pour un contribuable au titre d'une même année d'imposition, peut être porté, sur option du contribuable, à 15 % du revenu de l'année considérée servant de base au calcul de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues au I de l'article 197."

II. - Le I de l'article 199 undecies B du même code est ainsi modifié :

1° Le vingt et unième alinéa est ainsi rédigé :

"Lorsque le montant de la réduction d'impôt excède l'impôt dû par le contribuable ayant réalisé l'investissement, le solde peut être reporté, dans les mêmes conditions, sur l'impôt sur le revenu des années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement." ;

2° Au vingt-deuxième alinéa, les mots : "dans la limite de 40 % du crédit d'impôt et d'un montant d'investissement de 1 525 000 euros" sont remplacés par les mots : "dans la limite d'un montant de 100 000 euros par an ou de 300 000 euros par période de trois ans" ;

3° A la première phrase du vingt-cinquième alinéa, les mots : "au dix-neuvième alinéa" sont remplacés par les mots : "aux dix-neuvième et vingt-septième alinéas" ;

4° Sont ajoutés six alinéas ainsi rédigés :

"La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements réalisés par une société soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés dont les actions sont détenues intégralement et directement par des contribuables, personnes physiques, domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société. L'application de cette disposition est subordonnée au respect des conditions suivantes :

"1° Les investissements ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies ;

"2° Les investissements sont mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location respectant les conditions mentionnées aux quatorzième à dix-septième alinéas du I de l'article 217 undecies et 60 % de la réduction d'impôt sont rétrocédés à l'entreprise locataire sous forme de diminution du loyer et du prix de cession du bien à l'exploitant ;

"3° La société réalisant l'investissement a pour objet exclusif l'acquisition d'investissements productifs en vue de la location au profit d'une entreprise située dans les départements ou collectivités d'outre-mer.

"Les associés personnes physiques mentionnés au vingt-septième alinéa ne peuvent bénéficier, pour la souscription au capital de la société mentionnée au même alinéa, des réductions d'impôt prévues aux articles 199 undecies A, 199 terdecies-0 A et 885-0 V bis et la société mentionnée au vingt-septième alinéa ne peut bénéficier des dispositions prévues aux articles 217 bis et 217 undecies.

"Le 11 de l'article 150-0 D n'est pas applicable aux moins-values constatées par les contribuables mentionnés au vingt-septième alinéa lors de la cession des titres des sociétés mentionnées à ce même alinéa. Le 2° du 3 de l'article 158 ne s'applique pas aux revenus distribués par ces sociétés."

III. - Les I et II s'appliquent aux réductions d'impôt et aux reports qui résultent des investissements réalisés et des travaux achevés à compter du 1er janvier 2009.

Toutefois, ils ne sont pas applicables aux réductions d'impôt et aux reports qui résultent :

1° Des investissements pour l'agrément ou l'autorisation préalable desquels une demande est parvenue à l'administration avant le 1er janvier 2009 ;

2° Des acquisitions d'immeubles ayant fait l'objet d'une déclaration d'ouverture de chantier avant le 1er janvier 2009 ;

3° Des acquisitions de biens meubles corporels ou des travaux de réhabilitation d'immeubles pour lesquels des commandes ont été passées et des acomptes égaux à au moins 50 % de leur prix versés avant le 1er janvier 2009.

Ce qu'il faut savoir :

L'article 87 de la loi de finances pour 2009 prévoit de plafonner le montant des réductions d'impôt sur le revenu pouvant être obtenues au titre des investissements réalisés en outre-mer, issues de la loi de programme pour l'outre-mer, dite "loi Girardin", du 21 juillet 2003 (N° Lexbase : L0092BIA) : d'une part, la défiscalisation des investissements productifs et, d'autre part, la défiscalisation des investissements dans le secteur du logement et au capital de certaines sociétés.

L'article 87 prévoit ainsi un plafonnement global du montant des réductions d'impôt sur le revenu pouvant être obtenues, au titre d'une même année, pour un foyer fiscal, du fait des dispositifs de défiscalisation prévus par les articles 199 undecies A (N° Lexbase : L3781IAB) et 199 undecies B (N° Lexbase : L5566H9Z) du CGI. Ainsi, il est inséré un article 199 undecies D au CGI, qui prévoit un plafond correspondant à une somme de 40 000 euros.

A la suite d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, le plafond de 40 000 euros ne s'applique qu'après prise en compte de la rétrocession d'une partie de l'avantage fiscal à l'entreprise exploitante. Cet aménagement vise à ne pas traiter le dispositif de défiscalisation outre-mer de manière discriminatoire par rapport aux autres dispositifs qui, eux, ne contiennent aucun dispositif de rétrocession.

Ainsi, l'article 199 undecies D prévoit, à travers un dispositif particulièrement complexe, deux cas distincts, en fonction du taux de rétrocession minimal imposé par la loi :

- si la loi impose un taux de rétrocession minimal de 60 %, le montant global de la réduction d'impôt, obtenue au titre de l'article 199 undecies B du CGI, sera imputable annuellement dans la limite d'un plafond fixé à 100 000 euros, ce qui correspond à un plafond de 40 000 euros après rétrocession ;

- si la loi impose un taux de rétrocession minimal de 50 %, le montant global de la réduction d'impôt, obtenue au titre de l'article 199 undecies B du CGI, sera imputable annuellement dans la limite d'un plafond fixé à 80 000 euros, ce qui correspond à un plafond de 40 000 euros après rétrocession.

Par ailleurs, si le contribuable le souhaite, il pourra opter pour un plafond de 15 %, qui continuera à s'appliquer avant rétrocession, afin de ne pas élever de manière trop importante le niveau de réduction d'impôt pouvant être obtenu pour les contribuables aux revenus les plus élevés. Ce taux de 15 % avant rétrocession correspond à un taux de 6 % du revenu fiscal de référence après rétrocession dans le cas général d'un pourcentage de rétrocession de 60 %.

Par ailleurs, après adoption d'un amendement par le Sénat, il est prévu un dispositif spécifique pour les investissements réalisés par les entrepreneurs qui travaillent dans l'entreprise de manière personnelle, directe et continue : l'investissement n'est pas réalisé par un épargnant en métropole, mais par un entrepreneur ultramarin ; le plafond est alors relevé à 100 000 euros.

Enfin, le II de l'article 87 de la loi, issu d'un amendement adopté par le Sénat, vient faciliter le recours à la procédure d'appel public à l'épargne, pour les opérations qui nécessitent de nombreux investisseurs. Ce recours est subordonné au respect de trois conditions : un agrément ministériel ; la rétrocession de 60 % de la réduction d'impôt à l'entrepreneur recevant l'investissement ; enfin, à ce que la société ait pour objet exclusif l'acquisition d'investissements productifs en vue de la location au profit d'une entreprise située en outre-mer.

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Sécurité sociale

[Questions à...] Soumission des dividendes perçus par les associés des sociétés d'exercice libéral aux cotisations sociales : entretien avec Jean-Yves Mercier, avocat associé du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre

Lecture: 5 min

N2252BIA

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par Anne Lebescond - Journaliste juridique et relations publiques

Le 07 Octobre 2010

L'article 20 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour l'année 2009 (LFSS 2009) (N° Lexbase : L2678IC8), publiée au Journal officiel du 18 décembre 2008, modifie l'article L. 131-6 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8948HWC), qui détermine l'assiette des cotisations sociales (dont la CSG et la CRDS) dues par les travailleurs non salariés des professions non agricoles. Alors que seul le revenu professionnel retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu entrait dans cette assiette, la loi y soumet, désormais, dans les sociétés d'exercice libéral (SEL), "la part des revenus mentionnés aux articles 108 (N° Lexbase : L2059HLT) à 115 du Code général des impôts [...] et des revenus visés au 4° de l'article 124 (N° Lexbase : L2139HLS) du même code qui est supérieure à 10 % du capital social, des primes d'émission et des sommes versées en compte courant".
Autrement dit, les dividendes perçus par les associés des SEL entrent pour partie dans l'assiette des cotisations sociales. Or, ce faisant, la loi supprime l'outil d'optimisation fiscale que représente la SELARL pour la rémunération des gérants associés. Lexbase a interrogé Maître Jean-Yves Mercier, avocat fiscaliste, associé du cabinet d'avocats CMS Bureau Francis Lefebvre, sur cette modification législative, qui suscite encore de vives émotions de la part des professionnels concernés, dont, notamment, beaucoup d'avocats et à l'encontre de laquelle il est fort à parier que des contentieux vont naître. Lexbase : En quoi la SELARL était-elle un outil d'optimisation fiscale et sociale des sommes perçues par les gérants associés ?

Jean-Yves Mercier : Les sommes perçues par le gérant associé d'une SELARL le sont, soit au titre de la rémunération de son activité professionnelle, soit au titre des dividendes distribués.

La rémunération perçue par le gérant au titre de son activité professionnelle entre dans l'assiette des cotisations sociales en tant que revenu d'activité professionnelle non salariée, en application de l'article L. 131-6 du Code de la Sécurité sociale (1).

Les dividendes distribués sont prélevés sur des bénéfices qui ont supporté l'impôt sur les sociétés, au taux de 15 % sur la fraction du résultat annuel n'excédant pas 38 120 euros, au taux de 33,33 % sur la fraction du résultat annuel excédant cette somme. Seule la rémunération du gérant associé au titre de son mandat, dans cette configuration, était soumise aux cotisations sociales. Les dividendes ne donnaient prise qu'aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (12,1 % à compter du 1er janvier 2009).

Lexbase : Quelles sont les motivations du législateur à soumettre les dividendes perçus par les associés des SEL aux cotisations sociales ?

Jean-Yves Mercier : Cette modification législative a été motivée par la protestation des caisses de retraite des professionnels libéraux (2) qui subissaient un manque à gagner à ne pouvoir appeler de cotisations sur les dividendes que se versaient les associés de SEL. Des abus ont, en effet, été commis, mais de façon très ponctuelle, qui consistaient, pour le gérant majoritaire de la SELARL, à se verser une rémunération dérisoire au titre de son activité professionnelle et à laisser le surplus dans la caisse de la société, afin d'en récupérer une partie sous forme de dividendes.[NDLR : cette pratique était d'autant plus facilitée, que la déclaration de revenus n° 2042 ne permet pas de distinguer les dividendes versés à l'occasion d'une activité professionnelle de ceux qui résultent de la simple possession mobilière, ainsi que le souligne le rapport "Fouquet" (3)]. De cette façon, le gérant associé les fait échapper aux cotisations sociales.

[NDLR : un cas soumis à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (4) illustre parfaitement cette dérive. Un chirurgien dentiste, qui avait exercé sa profession à titre individuel, constitue une SELARL dont il est, en réalité, l'associé unique (détenant 499 des 500 parts sociales). Il se verse une rémunération au titre de ses fonctions de gérant mais affecte l'intégralité des revenus provenant de son activité de chirurgien-dentiste à sa société. Il répond à la CARCD, à laquelle il n'est pas affilié et qui lui réclame le paiement des cotisations, qu'il dépend uniquement du régime de retraite des professions industrielles et commerciales et du régime maladie des travailleurs indépendants, en sa qualité de gérant associé non salarié de la SELARL. La Cour de cassation, approuvant la cour d'appel, fait, toutefois, droit aux demandes de la caisse de retraite, énonçant que "les bénéfices de la société qui ont été distribués à un associé majoritaire d'une SELARL, qui consistaient le produit de son activité professionnelle de chirurgien dentiste, devaient entrer dans l'assiette des cotisations litigieuses". La Haute cour considère qu'en réalité le chirurgien dentiste n'a jamais cessé son activité à titre indépendant, mais l'a simplement déguisée sous la forme d'une exploitation en société.]

Lexbase : La modification de l'article L. 131-6 du Code de la Sécurité sociale par la LFSS 2009 vous semble-t-elle justifiée d'un point de vue juridique ?

Jean-Yves Mercier : Cette modification législative a le mérite de faire barrage à la jurisprudence de la Cour de cassation issue d'un arrêt du 16 mai 2008 (5), jurisprudence dont aurait pu résulter l'assujettissement automatique et sans limite de l'ensemble des dividendes prélevés dans les sociétés de toute forme par les associés exerçant leur activité professionnelle dans la structure, dès lors qu'ils ont le statut social de travailleur indépendant. Cette conséquence extrême aurait été particulièrement difficile à justifier alors que, dans le même temps, le Conseil d'Etat avait retenu une position diamétralement opposée (6).

[NDLR : dans cet arrêt, la Haute cour administrative, saisie de la validité de la décision d'une caisse de retraite d'intégrer les dividendes distribués aux associés des SELARL dans l'assiette des cotisations sociales, a souligné que ceux-ci, n'étant pas des revenus d'activité professionnelle, n'entrent pas dans cette assiette. La position du Conseil d'Etat a été renouvelée dans un arrêt du 30 mai 2008 (7), relatif à la déductibilité des intérêts d'emprunt : un professionnel ayant acquis les parts de la société au sein de laquelle il exerce, s'il est autorisé à déduire les intérêts d'emprunt du montant de la rémunération qui lui est versée par la société, n'est pas en droit de le faire des dividendes que cette société lui verse, la rémunération étant un revenu professionnel, alors que les dividendes sont un revenu patrimonial privé. Ce clivage entre les deux juridictions suprêmes aboutissait à une différence de traitement des dividendes selon la nature du prélèvement.]

La réponse apportée par la LFSS 2009 n'est, cependant, pas la plus appropriée.

La loi soulage tous les associés autres que ceux des SEL. C'est appréciable, mais le sort fait à ceux qui entrent dans ses filets n'est pas satisfaisant.

La loi aurait dû préserver de l'assujettissement ceux des associés concernés qui s'octroient une rémunération normale, puisque l'objectif recherché est de sanctionner la substitution indue d'un dividende à une rémunération. Ce critère essentiel est ignoré par le texte.

La loi fonde l'assujettissement des dividendes aux cotisations sur des données -montant des apports faits en capital à la société, montant des fonds apportés en compte courant à celle-ci- qui sont sans lien avec l'effort financier consenti par l'associé pour acquérir ses titres, hormis le cas où il serait le fondateur. Les dividendes sont les produits d'un investissement. Si une limite doit être fixée, elle doit être en rapport avec le montant de cet investissement.

Une loi qui ne se donne pas le moyen d'atteindre précisément l'objectif qu'elle prétend poursuivre en pénalisant anormalement des assujettis qui auraient dû rester en dehors de son atteinte n'est pas un bon texte.

Une loi qui, de surcroît, traite différemment des personnes placées dans des situations identiques est porteuse de discriminations injustifiées. Tel est le cas d'un texte qui frappe, au sein d'une même profession, les associés ayant fait le choix de la SEL et épargne ceux qui ont retenu la forme commerciale de droit commun (SARL plutôt que SELARL, comme il est permis aux experts-comptables et aux notaires) ou ont eu recours à la SCP assujettie à l'impôt sur les sociétés (avocats, notaires, par exemple).

On a, en outre, grandement surestimé les attraits du dividende. Pour les titulaires de revenus d'activité d'une certaine importance, le dividende est davantage taxé que la rémunération, puisqu'il est prélevé sur un bénéfice soumis à l'IS au taux de 33,33 %, puis assujetti à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Percevoir un dividende est alors plus coûteux que de percevoir une rémunération, la loi ne faisant qu'augmenter encore cette charge.


(1) CSS, art. L. 131-6 : "Les cotisations d'assurance maladie et maternité et d'allocations familiales des travailleurs non salariés non agricoles et les cotisations d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles ou commerciales sont assises sur le revenu professionnel non salarié".
(2) Dont la CARCD -Caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes-, la CARMF -Caisse autonome de retraite des médecins de France- et la CNBF -Caisse nationale des barreaux français-.
(3) Cotisations sociales : stabiliser la norme, sécuriser les relations avec les Urssaf et prévenir les abus, rapport au ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, présenté par M. Olivier Fouquet, président de Section au Conseil d'Etat, juillet 2008.
(4) Cass. civ. 2, 15 mai 2008, n° 06-21.741, M. Patrice Lagravière, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5228D87).
(5) Arrêt de principe préc. : Cass. civ. 2, 15 mai 2008, n° 06-21.741, M. Patrice Lagravière, FS-P+B+R.
(6) CE 1° et 6° s-s-r., 14 novembre 2007, n° 293642, Association nationale des sociétés d'exercice libéral (ANSEL) (N° Lexbase : A5808DZ7).
(7) CE 3° et 8° s-s-r., 30 juin 2008, n° 274480, M. et Mme Henri (N° Lexbase : A4466D9B).

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Fiscalité des entreprises

[Textes] Suppression de l'IFA sur trois ans

Réf. : Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 (N° Lexbase : L3783IC4)

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Le 07 Octobre 2010

A été publiée au Journal officiel du 28 décembre 2008 la loi de finances pour 2009 (loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, et rectificatif publié au JO du 31 décembre 2008). Les principales dispositions fiscales s'organisent autour de trois objectifs : stimuler la compétitivité des entreprises, promouvoir le développement durable et améliorer l'équité du système fiscal. Au titre des mesures destinées à relancer la compétitivité des entreprises, l'article 14 prévoit la suppression de l'IFA sur trois ans. Texte : Loi de finances pour 2009, art. 14

I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les deuxième et troisième alinéas de l'article 223 septies sont supprimés ;

2° Les quatrième et cinquième alinéas du même article sont supprimés ;

3° a) Les articles 223 M, 223 octies, 223 nonies, 223 nonies A, 223 decies, 223 undecies, 1668 A et le 5 de l'article 1920 sont abrogés ;

b) Le premier alinéa ainsi que les sixième à douzième alinéas de l'article 223 septies sont supprimés ;

c) La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 223 A et, dans le huitième alinéa du même article, les mots : ", de l'imposition forfaitaire annuelle" sont supprimés ;

d) Au quatrième alinéa du c du 6 de l'article 223 L, les mots : "de l'article 223 M et" et les mots : "l'imposition forfaitaire annuelle et" sont supprimés ;

e) Aux IV de l'article 234 duodecies et de l'article 235 ter ZC, les mots : "et l'imposition forfaitaire annuelle mentionnée à l'article 223 septies" sont supprimés ;

f) La troisième phrase du premier alinéa de l'article 239 octies est supprimée ;

g) Au 1 de l'article 1681 septies, les mots : "l'imposition forfaitaire annuelle et" sont supprimés.

II. - Les 1°, 2° et 3° du I s'appliquent, respectivement, à compter des 1er janvier 2009, 1er janvier 2010 et 1er janvier 2011.

Ce qu'il faut savoir :

L'article 14 de la loi de finances pour 2009 prévoit de relever progressivement le seuil minimal d'imposition à l'imposition forfaitaire annuelle des entreprises, pour aboutir à sa suppression en 2011.

Afin d'étaler le coût pour les finances publiques, cette suppression a lieu en trois étapes, soit en 2009 pour les entreprises relevant des deux premières tranches du barème, en 2010 pour celles relevant des troisième et quatrième tranches, et en 2011 pour les entreprises restantes.

L'IFA est ainsi supprimé dès le 1er janvier 2009 pour les PME dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1,5 million d'euros, soit 210 000 entreprises. Le A du I du présent article supprime donc les deuxième et troisième alinéas de l'article 223 septies (N° Lexbase : L3719ICQ), correspondant aux deux premières tranches du barème, et le II fixe l'entrée en vigueur de la suppression au 1er janvier 2009.

A compter du 1er janvier 2010, la suppression sera étendue aux 129 000 entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 15 millions d'euros. Le B du I du présent article supprime donc les quatrième et cinquième alinéas de l'article 223 septies, et le II fixe l'entrée en vigueur de cette deuxième étape au 1er janvier 2010.

Enfin les 22 500 entreprises encore imposées à l'IFA ne le seront plus à compter du 1er janvier 2011. Le C du I supprime donc l'ensemble des dispositions du CGI relatives à l'IFA, c'est-à-dire les derniers alinéas de l'article 223 septies et les autres articles, alinéas ou mots du CGI relevant de mesures de coordination.

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