Le Quotidien du 2 juillet 2025

Le Quotidien

Avocats/Responsabilité

[Dépêches] Perte de chance : l’indemnisation est possible même si les parties ne l’ont pas demandée

Réf. : Ass. plén., 27 juin 2025, n° 22-21.812 N° Lexbase : B0879ANU

Lecture: 4 min

N2575B3R

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/120702960-edition-du-02072025#article-492575
Copier

par Marie Le Guerroué

Le 02 Juillet 2025

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a tranché. Lorsque le juge constate qu’une faute a privé la victime d’une chance d’empêcher que son dommage se réalise, il doit condamner le responsable à réparer ce préjudice. Il ne peut refuser cette indemnisation au motif que la victime demandait la réparation de son dommage et non de la perte de chance de l’éviter.

 

Une société assistée d'un avocat avait procédé au licenciement d'un salarié, lequel avait saisi la juridiction prud'homale en paiement de diverses indemnités. Un jugement avait condamné la société à payer au salarié une certaine somme au titre de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis. Un arrêt avait fixé cette somme au passif du redressement judiciaire de la société. La société, soutenant que l'avocat avait manqué à ses obligations d'information et de conseil quant aux conséquences de l'absence de libération de cette clause lors du licenciement, l'avait assigné en responsabilité et indemnisation. L'existence d'un manquement de l'avocat à son obligation d'information et de conseil avait été admise. La société faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles de rejeter ses demandes indemnitaires, considérant que le préjudice était une simple une perte de chance dont cette dernière ne demandait pas réparation alors que la société réclamait la réparation intégrale du préjudice subi.
 

La Cour rend sa décision au visa des articles 4 N° Lexbase : L1113H4Y et 1147 N° Lexbase : L1248ABT, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, du Code civil, et les articles 4 et 5 N° Lexbase : L1114H4Z du Code de procédure civile. Aux termes de l'article 4 du Code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Selon l'article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé. Il résulte de l'article 1147 du Code civil que caractérise une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable. La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage, en demeure dépendant. Il résulte de l'article 4 du Code civil que le juge ne peut refuser de réparer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe.
Pour les juges du droit, il s'en déduit que :

  • le juge peut, sans méconnaître l'objet du litige, rechercher l'existence d'une perte de chance d'éviter le dommage alors que lui était demandée la réparation de l'entier préjudice ; il lui incombe alors d'inviter les parties à présenter leurs observations quant à l'existence d'une perte de chance ;
  • le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.

Or, pour rejeter la demande indemnitaire de la société, l'arrêt relève que le préjudice qui résulte du manquement de l'avocat se limite à la perte de chance de ne pas avoir eu la possibilité de faire un choix éclairé sur la levée ou non de la clause de non-concurrence et que la société ne demandait pas la réparation d'un tel préjudice.
Pour l’Assemblée plénière, en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser un préjudice dont elle a constaté l'existence, a violé les textes susvisés. La Cour censure par conséquent l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles.

newsid:492575

Données personnelles

[Commentaire] Éclairage sur l’appréciation de la conformité au RGPD des données personnelles d’un salarié issues de la vidéoprotection au soutien de la recevabilité de la preuve d’une faute grave

Réf. : Cass. soc., 21 mai 2025, n° 22-19.925, FS-B N° Lexbase : B1631AAN

Lecture: 23 min

N2576B3S

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/120702960-edition-du-02072025#article-492576
Copier

par Valéria Ilieva, Maître de conférences à l’Université de Picardie - Jules Verne, membre du CEPRISCA

Le 01 Juillet 2025

Mots-clés : RGPD • vidéosurveillance • preuve • licenciement • faute grave

Dans un arrêt du 21 mai 2025, la Chambre sociale nous éclaire pour la première fois et de manière didactique, sur son mode d’appréciation de la conformité au RGPD, des données recueillies par un système de vidéoprotection dans un litige où un salarié chargé d’assurer la sécurité des bagages dans un aéroport international, avait été licencié pour faute grave à partir d’une preuve issue de ce dispositif.


Rares sont encore les arrêts de la Chambre sociale mobilisant le RGPD. Le sont encore plus ceux qui rendent compte de l’appréciation des juges quant à la conformité du traitement des données personnelles des salariés à celui-ci. En réalité, l’arrêt du 21 mai 2025 est le premier à révéler un contrôle aussi détaillé. D’où son caractère inédit et remarquable. Alors que jusqu’à peu, le RGPD était surtout exploité au soutien de demandes ou de refus de communication de certaines pièces au nom du droit à la preuve ou du droit à la protection des données personnelles [1], au travers de l’arrêt commenté, la Chambre sociale se livre pour la première fois à une analyse assez minutieuse et didactique de la conformité d’un traitement de données personnelles au RGPD, dans un litige relatif à la justification d’un licenciement disciplinaire.

L’affaire concernait un salarié qui avait été engagé comme opérateur de sûreté dans un aéroport où il était affecté et chargé du contrôle des bagages lors du passage aux rayons X. Après avoir été licencié pour faute grave le 13 janvier 2020, son employeur lui reprochant de ne pas avoir contrôlé le bagage cabine d'un passager en violation des procédures en vigueur, le salarié a contesté cette rupture devant les prud’hommes. Puis, l’affaire a été portée devant la cour d’appel d’Amiens qui, dans un arrêt du 28 avril 2022 a jugé son licenciement justifié, le déboutant ainsi de ses demandes. La solution et la motivation des juges d’appel sont enfin confirmées par la Haute juridiction qui rejette le pourvoi formé par le salarié dans l’arrêt commenté.

La Chambre sociale répond en réalité à deux problématiques juridiques différentes que posait le cas d’espèce. La première était relative à la licéité du système de vidéosurveillance, mis en place dans l’aéroport, ayant servi à prouver la faute commise par le salarié. La seconde portait quant à elle, sur la contestation de la qualification de faute grave, au vu notamment de l’importante ancienneté du salarié et de son absence d’antécédents disciplinaires. Nul doute que le caractère sensible des fonctions occupées par le salarié en termes de sécurité des passagers d’un aéroport dans un contexte de mise en œuvre du plan Vigipirate a joué un rôle crucial dans l’appréciation de la faute grave par les juges. Ces circonstances ont aussi eu un impact sur celle de la recevabilité de la preuve issue de la vidéosurveillance/protection. La lecture de l’arrêt révèle que la licéité de cette dernière repose sur une double conformité : celle au RGPD, d’une part, et celle à la réglementation spécifique de la vidéoprotection dans les lieux publics particulièrement sensibles tels les aéroports, d’autre part [2]. Néanmoins, compte-tenu de la place prépondérante qu’occupe la conformité au RGPD dans la motivation de l’arrêt commenté, l’analyse se concentrera surtout sur celle-ci, d’autant que la réglementation propre à l’installation de la vidéoprotection dans un aéroport en France n’est pas explicitement rappelée par la Cour de cassation. Ainsi, nous examinerons, dans un premier temps, la prééminence des règles issues du RGPD au soutien de l’appréciation de la recevabilité de la preuve de la faute commise par le salarié (I.). Puis, dans un second temps, l’impact du caractère sensible des fonctions du salarié et de son lieu de travail sur la recevabilité de la preuve et la justification du licenciement (II.).

I. La prééminence des règles issues du RGPD au soutien de l’appréciation de la recevabilité de la preuve d’une faute commise par un salarié issue de la vidéosurveillance dans un aéroport international

La primauté du RGPD se manifeste très nettement dans l’arrêt du 21 mai 2025, à travers l’exclusion de certaines règles issues du droit du travail au profit du respect du seul règlement (A.) mais aussi, et c’est ce qui est inédit, par une vérification minutieuse et didactique de la conformité du traitement des données personnelles issues de la vidéosurveillance au RGPD (B.).

A. L’exclusion de certaines règles en droit du travail au profit du respect du RGPD

Cette exclusion est déjà visible dans la motivation de l’arrêt, qui ne se réfère qu’au RGPD. Elle concerne plus précisément le devoir de transparence dont est classiquement redevable l’employeur à l’égard des salariés et des représentants du personnel, préalablement à la mise en œuvre d’un moyen de surveillance. En effet, l’article L. 1222-4 du Code du travail N° Lexbase : L0814H9Z exige que les salariés soient informés préalablement à la décision de mise en œuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés, tandis que l’article L. 2312-38, alinéa 3, du Code du travail N° Lexbase : L8271LGG oblige l’employeur à une information-consultation préalable des représentants du personnel sur tout moyen de contrôle et de surveillance des salariés. Des obligations spécifiques d’information et de consultation à ce sujet sont donc posées par le Code du travail. Or, il se trouve que la vidéoprotection n’avait pas été mise en place en l’espèce, pour contrôler spécifiquement l’activité des salariés, même si elle emportait naturellement un tel effet. Il n’est donc guère étonnant que le pourvoi ait soutenu entre autres, que la cour d’appel avait violé ces deux articles du Code du travail et que partant, la preuve issue de la vidéosurveillance était illicite donc irrecevable pour fonder le licenciement disciplinaire.

Sans réelle surprise, l’argument n’a néanmoins, pas convaincu la Haute juridiction qui, après avoir rappelé que les images issues du dispositif de vidéoprotection sont des données personnelles relevant du champ d’application du RGPD, s’est fondée sur le respect par le responsable du traitement en l’espèce, des articles 13 et 14 de ce règlement, relatif au devoir de transparence, pour juger que le dispositif « n’avait pas été mis en place à l’insu de l’intéressé qui était informé à l'instar des autres personnes concernées, des finalités du dispositif de contrôle et de son droit d'accès aux enregistrements le concernant ». Or, cette obligation, au sens du RGPD, recouvre justement les informations sur les finalités du dispositif de contrôle, le droit d’accès et de rectification ou encore la mise à disposition des coordonnées du DPO, et celle-ci était en l’espèce bien remplie par le responsable du traitement par voie d’affichage.

Quant à la licéité du traitement, la Cour de cassation prend la peine de rappeler qu’en vertu de l’article 6, § 1 du règlement, il suffit qu’un seul fondement légal soit légitime pour justifier le traitement. Ainsi, le fait que le système de vidéoprotection n’ait pas été mis en place pour contrôler spécifiquement l’activité des salariés ne signifie pas qu’il soit nécessairement illicite, dès lors qu’il peut être fondé sur une autre base légale prévue par le règlement. Il en résulte également que le devoir de transparence auquel l’employeur doit être en principe redevable, préalablement à la mise en œuvre d’un dispositif de surveillance, n’a pas lieu d’être. Seule compte à cet égard, la communication des informations précitées en vertu du RGPD. Les salariés sont ainsi appréhendés comme toute partie intéressée dont les données personnelles sont traitées par le dispositif de vidéosurveillance : passager, visiteurs etc…. Il n’y a pas lieu de les informer de manière spécifique et encore moins dans un contexte où le salarié, en l’espèce, exerçait des fonctions cruciales pour la sécurité, dans un lieu public aussi sensible qu’un aéroport international.

L’absence de prise en compte de la situation du salarié par rapport aux autres personnes concernées par le traitement des données personnelles ressort aussi du côté de la problématique de la charge de la preuve que les images et enregistrements ont été bien mis à sa disposition après demande de celui-ci. En effet, là où le salarié soutenait dans son pourvoi que la preuve de la demande à exercer son droit d’accès devait reposer sur l’employeur, la Haute juridiction répond que les juges n’ont pas inversé la charge de celle-ci et qu’il n’y a donc pas eu de violation de l’article 1353 du Code civil N° Lexbase : L1013KZK. La responsabilité de cette preuve incombait donc au seul salarié. Une appréciation qui semble en adéquation avec la logique de responsabilisation innervant le RGPD. Rappelons, en effet, que cette dernière s’applique également aux destinataires du traitement censés s’assurer de la conformité de celui-ci au règlement en exerçant au besoin, les droits qui leur sont conférés à l’instar du droit d’accès. Censés être « souverains » quant à leurs données personnelles, les salariés, comme n’importe quelle personne concernée par le traitement, sont aussi responsables de l’exercice ou de l’absence d’exercice de leurs droits issus du RGPD. S’ils ont demandé à les exercer, ils sont aussi responsables d’en apporter la preuve. Il ne saurait y avoir d’aménagement probatoire particulier, comme ce que l’on a coutume d’observer dans les relations de travail dans certains domaines, comme en matière de preuve du motif de licenciement [3].

La solution s’explique certes par le RGPD mais, elle n’en traduit pas moins un certain effacement des règles du droit du travail, au profit uniquement de celles issues du droit de la protection des données personnelles. En ce domaine, l’information du salarié se dilue dans une communication générale et globale « par voie d’affichage » car destinée à l’ensemble des personnes concernées par le traitement. Et il demeure de la responsabilité des travailleurs d’en déduire qu’un tel traitement peut également servir à les surveiller et, le cas échéant, à prouver une faute disciplinaire qui leur serait imputable, ce qui dans un contexte différent de notre cas d’espèce, peut ne pas relever de l’évidence.

Eu égard aux conséquences potentiellement nuisibles du traitement des données personnelles sur l’emploi, un contrôle fort de la Cour de cassation sur la licéité et la recevabilité de la preuve issue d’un tel traitement, comme en l’espèce, apparaît salutaire.

B. Une vérification minutieuse et didactique de la conformité du traitement des données personnelles issues de la vidéosurveillance au RGPD

Dans sa première réponse dédiée à la question de la licéité de la preuve, la Haute juridiction se livre à un contrôle approfondi de la conformité du traitement des données personnelles du salarié au RGPD, preuve que les juges ont pris acte du caractère fondamental du droit à la protection des données personnelles. Tout d’abord, la Chambre sociale prend le soin de rappeler la définition de ce qu’est un traitement et un responsable du traitement, au sens de l’article 4 du RGPD, dès lors qu’en l’espèce, cette qualité était partagée aussi bien par l’employeur que par la société exploitant l’aéroport international. Ces précisions lui permettent d’en tirer une première conclusion au point 11 de l’arrêt, à savoir que les pièces versées par l’employeur pour démontrer la faute du salarié à partir de la captation et du visionnage des images issues du système de vidéoprotection de l'aéroport constituent bel et bien un traitement de données à caractère personnel au sens du RGPD. Dès lors, le responsable du traitement se devait bien de respecter les obligations qui lui incombaient en vertu de ce texte, notamment en ce qui concerne le devoir de transparence, comme exposé précédemment, ainsi que tous les principes régissant la protection des données personnelles, prévus par l’article 5, ou encore la nécessité de justifier le traitement par au moins un fondement légal, conformément à l’article 6, § 1 du règlement.

La Chambre sociale ne s’arrête pas là, elle s’appuie ensuite sur le contrôle opéré par la cour d’appel pour relater minutieusement toutes les précautions prises par le responsable du traitement afin de se conformer au texte ainsi qu’à la réglementation spécifique relative à la vidéoprotection dans un lieu public sensible [4]. En ce qui concerne la conformité au RGPD, outre le respect de l’information due aux destinataires du traitement, dont le salarié [5], la Chambre sociale relève que le responsable du traitement « avait établi une procédure périodiquement mise à jour, relative à l'utilisation et au droit d'accès aux images du système de vidéosurveillance garantissant qu'un nombre limité de personnes fussent autorisées à visionner les images et une durée de conservation des enregistrements limitée à cinq jours », une appréciation qui renvoie également au respect des principes de sécurisation des données personnelles et de minimisation du point de vue des personnes habilitées à accéder à celles-ci. Ainsi, seules les personnes autorisées à accéder à ces images ont pu dresser, en l’espèce, les constats et attestations permettant de prouver la faute disciplinaire.

Concernant l’exercice du droit d’accès par le salarié, dont ce dernier se plaignait d’avoir été privé, la Cour relève que l’employeur l’avait informé, lors de son entretien préalable, des faits reprochés. Et quand bien même l’employeur n’aurait pas rappelé au salarié l’exercice de son droit d’accès à ce moment-là, il en ressort que le responsable du traitement avait bien satisfait, préalablement au recueil des données personnelles, à son exigence de transparence, au sens du RGPD [6]. De surcroît, la Chambre sociale rappelle que le salarié aurait pu également discuter de manière contradictoire des images à partir desquelles la faute était alléguée lors de l’instance prud’homale. L’argument du salarié lié au non-respect de ses droits à la défense et partant, à une violation de la Convention européenne des droits de l’Homme et du RGPD, en raison de l’absence d’information sur l’exercice de son droit d’accès, est donc écarté.

De manière générale, une argumentation fondée sur le non-respect des droits de la défense a peu de chance de prospérer, surtout lorsque l’on se place en amont, au stade des procédures internes, compte-tenu de l’absence d’obligation légale de fournir les pièces au soutien du licenciement projeté lors de l’entretien préalable ainsi que d’informer le salarié, dès la lettre de convocation à cet entretien, des raisons de la rupture envisagée. Une telle argumentation est d’autant plus vouée à l’échec lorsque la preuve repose sur un traitement de données personnelles, compte tenu de la logique de responsabilisation qui sous-tend le RGPD et qui conduit à faire reposer sur les destinataires du traitement le soin de vérifier si le traitement de leurs données personnelles est conforme au texte, en exerçant différents droits dont le droit d’accès.

La solution rendue n’est toutefois pas réellement satisfaisante, dans le sens où tout repose finalement sur la mobilisation du salarié en tant que destinataire du traitement à exercer ses droits liés à la protection de ses données personnelles. Même si, en l’occurrence, au vu des fonctions exercées dans un lieu public sensible, il était de bon sens de considérer que le salarié ne pouvait pas, en l’espèce, ignorer que l’aéroport faisait l’objet d’une vidéoprotection, y compris son poste de travail, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas acquis qu’il ait été sensibilisé en temps utile à la faculté d’exercer ses droits sur ses données personnelles, c’est-à-dire en amont de son licenciement. Même si l’information sur ses droits a été fournie par la voie de l’affichage ainsi que collectivement, à travers les représentants du personnel conformément au RGPD, il n’est pas non plus acquis que tout salarié, quelle que soit sa fonction (sauf à être juriste ou ingénieur spécialiste en matière de RGPD), soit conscient de la possibilité d’exercer son droit d’accès en particulier, pour contester les griefs allégués par son employeur à son encontre à partir du traitement de ses données personnelles, comme en l’occurrence les images enregistrées. Certes, comme le rappelle la Cour de cassation, il a pu en discuter lors de l’instance prud’homale, mais n’est-ce pas déjà trop tard, dès lors que la perte d’emploi était déjà acquise ? L’enjeu d’une telle discussion au stade contentieux ne serait alors qu’indemnitaire…

Bien que la finalité du traitement ayant servi de preuve de la faute du salarié fût, en l’espèce, parfaitement légitime, à savoir comme le relève la Chambre sociale, « assurer la sécurité des personnes et des biens dans l'enceinte d'un aéroport international », et que ce traitement par la société exploitant l’aéroport comme par l’employeur, était conforme au RGPD, rendant ainsi la preuve licite et recevable, il semble à nos yeux que cette analyse n’est satisfaisante qu’en partie, si l’on prend un peu de recul par rapport aux circonstances particulières de la présente affaire et que l’on raisonne de manière plus abstraite.

L’analyse atteste certes de la place prépondérante que le RGPD a vocation à occuper dans le raisonnement des juges pour ce type de litige, mais ce faisant, elle permet aussi à la logique de responsabilisation qui touche également les destinataires du traitement, de se déployer pleinement. Or, lorsque les personnes concernées incluent des salariés et que leur emploi est virtuellement en jeu, la nécessité de les sensibiliser en temps utile à l’exercice de leurs droits relatifs à leurs données personnelles apparaît d’autant plus forte. Cela ne devrait-il pas conduire à aller encore plus loin dans le contrôle, c’est-à-dire au-delà de la seule vérification du respect du RGPD, pour s’assurer que les salariés ont réellement eu connaissance en temps utile de la possibilité d’exercer leurs droits sur leurs données personnelles, y compris pour se défendre dans un conflit avec leur employeur, en amont de toute décision ?

II. L’impact du caractère sensible des fonctions du salarié et de son lieu de travail dans l’appréciation de la recevabilité de la preuve et de la justification du licenciement

L’impact des fonctions du salarié et de son lieu de travail, dans la solution adoptée, se mesure aussi à travers le contrôle de la conformité aux règles relatives à l’installation d’une vidéoprotection dans un lieu public sensible (A.) ainsi que sur celui de la qualification de la faute grave (B.).

A. Le contrôle de la conformité aux règles sur l’installation d’une vidéoprotection dans un lieu public sensible

Outre la conformité du traitement des données personnelles issues de la vidéosurveillance au RGPD, les juges ont également contrôlé la licéité de l’installation de la vidéoprotection, en l’espèce. Même si la conformité au RGPD occupe une place prééminente dans l’arrêt commenté, des références implicites sont également faite à celle relative à la réglementation spécifique concernant la mise en place de dispositifs de vidéoprotection et ce, à travers le rappel des raisons pour lesquelles la cour d’appel a jugé ce système licite. Ainsi, non seulement ce dispositif a fait l’objet de déclarations successives à la CNIL, conformément à la réglementation applicable avant l’entrée en vigueur du RGPD, mais il a été également dûment autorisé par arrêté préfectoral, en vertu des dispositions applicables, prévues notamment par le Code de la sécurité intérieure [7]. Enfin, les représentants du personnel ont été informés et reçus par la commission départementale de vidéoprotection, chargée de délivrer un avis préalablement à l’autorisation préfectorale [8].

B. L’incidence de l’impératif de sécurisation des personnes et des biens dans un aéroport international sur la qualification de la faute grave

Assurément, l’impératif de sécurisation des personnes et des biens sur un lieu public aussi sensible qu’un aéroport international a joué un rôle prépondérant dans la qualification de faute grave en l’espèce. En effet, l’attitude du salarié n’était pas conforme à la méthodologie de contrôle de tout bagage à laquelle il devait pourtant se plier au vu de ses fonctions. Plus précisément, le reproche lui a été fait de n’avoir pas procédé à la moindre analyse du bagage d’un passager, avec qui en plus, il s’était permis d’entretenir une discussion informelle, relative à un sport bien connu. Ainsi, il a été jugé que « le manquement du salarié à ses obligations contractuelles, en dépit de l'absence d'antécédent disciplinaire, justifie son éviction immédiate de la société Securit'Air qui était dès lors légitime, […] à le licencier pour faute grave ». Compte-tenu des enjeux en termes de sécurité des autres travailleurs et plus généralement des passagers et de l’ensemble des visiteurs de l’aéroport, les arguments développés par le salarié en lien avec son ancienneté, l’absence d’antécédents disciplinaires pour des faits de même nature ou de risque réel quant à la sécurité des biens et des personnes du fait de l’absence de surveillance en l’espèce, n’ont pas convaincu.

Dans sa seconde réponse, la Haute juridiction s’en tient, à l’instar de la cour d’appel, aux éléments de preuve produits par l’employeur, justifiant des manquements du salarié aux règles de contrôle des bagages aux rayons X, y compris le témoignage du passager en question, ayant indiqué avoir discuté football avec le salarié, sans que ses bagages cabine aient été contrôlés par ce dernier. Même si le contrôle opéré sur cette partie de l’arrêt d’appel est plus léger que précédemment, ce qui frappe néanmoins, est le rappel très circonstancié, entre le point 18 et 21 de l’arrêt commenté, des moyens de preuve produits au soutien de la faute, tels que le rapport d'anomalie rédigé par le salarié ayant visionné les images, l’attestation corroborant celui-ci, ainsi que les autres témoignages allant dans le même sens, tout comme le constat rédigé par le fonctionnaire de la police de l'air et des frontières ou encore le témoignage du chef d’équipe, confirmant « qu'un rappel sur son positionnement avait été effectué quelques minutes auparavant auprès du salarié et qu'était versée la fiche intitulée ‘protocole analyse image RX classique’, référence 40, dans sa version applicable au moment des faits et relative à la méthodologie de contrôle de tout bagage à laquelle le salarié devait se plier, les éléments précédemment analysés permettant d'établir que celui-ci ne l'avait pas respectée ». Puis, avant de rejeter le pourvoi et de confirmer l’arrêt d’appel, la Chambre sociale relève « que le filtrage systématique des usagers et de leurs effets dans le respect scrupuleux des procédures applicables faisait partie des missions contractuelles essentielles du salarié qui concourraient à garantir la sécurité du personnel, des passagers et des installations ». Il en ressort que la cour d’appel a souverainement apprécié que le manquement du salarié à ses obligations contractuelles, en dépit de l'absence d'antécédent disciplinaire, rendait impossible son maintien dans l'entreprise.

Plus généralement, on peut en déduire que l’impératif de sécurité dans ce type de contexte est si fort que l’établissement de la cause réelle du licenciement, à savoir la faute, en viendrait à englober le caractère sérieux de celle-ci, alors même qu’il s’agit de deux exigences bien distinctes à démontrer. Au-delà des circonstances de la cause, de nature à légitimer une appréciation aussi sévère à l’égard du comportement du salarié, il est à espérer que pareille analyse ne devienne pas non plus systématique dans d’autres cas. La portée accordée à tout impératif de sécurité mérite la plus grande vigilance dès lors que sa prise en compte accroît le pouvoir disciplinaire de l’employeur, tout en assouplissant l’exigence de démontrer de manière cumulative une cause à la fois réelle et sérieuse de licenciement.


[1] Cass. soc., 26 mars 2025, n° 23-16.068, F-B N° Lexbase : A16060CH ; D. actualité, 7 avril 2025, obs. T. Lahalle ; Cass. soc., 1er juin 2023, n° 22-13.238, F-B N° Lexbase : A64069XK ; Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-12.492, FS-B N° Lexbase : A08929HI, Dalloz IP/IT, 2023, p. 660, obs. G. Haas et C. Paillet.

[2] Voir l’article L. 223-2, 3° du Code de la sécurité intérieure N° Lexbase : L5230ISI, sur la possibilité pour les pouvoirs publics de prescrire la mise en œuvre de systèmes de vidéoprotection, notamment aux exploitants d’aéroports ouverts au trafic international.

[3] C. trav., art. L. 1235-1 N° Lexbase : L8060LGM.

[4] V. infra II. A.

[5] V. supra I. A.

[6] V. supra I. A.

[7] Voir les articles L. 251-1 N° Lexbase : L7160MHN à L. 255-1 N° Lexbase : L7171MH3 du Code de la sécurité intérieure et R. 251-1 N° Lexbase : L4369MKZ à R. 254-2 N° Lexbase : L4384MKL du même code. V. aussi l’article R. 6341-30 du Code des transports N° Lexbase : L1111MKD.

[8] V. l’article L. 251-4 du Code de la sécurité intérieure N° Lexbase : L7812LPZ.

newsid:492576

Fiscalité internationale

[Questions à...] Pas d’application (a priori) de l’ISF aux résidents luxembourgeois - Questions à Manfred Blot, Avocat associé, Koezyo Avocats

Réf. : Cass. com., 2 avril 2025, n° 23-14.568, F-D N° Lexbase : A12850GP

Lecture: 7 min

N2505B38

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/120702960-edition-du-02072025#article-492505
Copier

Le 27 Juin 2025

Mots clés : convention fiscale • Luxembourg • IFI • sociétés immobilières • assiette de l'impôt

Dans un arrêt rendu le 2 avril 2025, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a dit pour droit que les parts de sociétés civiles immobilières ayant leur siège social en France et propriétaires de biens immobiliers situés en France doivent être regardées comme des biens immobiliers au sens de la convention fiscale franco-luxembourgeoise et sont donc imposables à l’ISF. Manfred Blot, Avocat associé, Koezyo Avocats, nous apporte son éclairage sur cette question.


 

Lexbase : Quelle est la motivation de la Cour de cassation ? Vous apparaît-elle incontestable ?

Manfred Blot : La convention fiscale entre la France et le Grand-duché de Luxembourg du 1er avril 1958 ne contenait aucune définition des biens immobiliers.

La Cour s’est alors livrée à une interprétation de la convention fondée sur des stipulations qui créaient un lien entre le droit de taxer la fortune immobilière et le droit de taxer les gains tirés de l’aliénation d’immeubles ou de droits sociaux de sociétés à prépondérance immobilière,

Elle relève que l'article 20 de la convention de 1958 désignait comme seul compétent pour taxer la fortune consistant en des biens immobiliers, l'État qui était autorisé par cette convention à imposer le revenu qui provient de ces biens.

Elle relève ensuite que l’article 3 de cette convention permet à l’État de situation des immeubles de taxer les gains tirés de l'exploitation ou de l'aliénation d'immeubles réalisés au travers de sociétés et ceux tirés de l'aliénation de droits sociaux de sociétés à prépondérance immobilière.

Elle en conclut que les parts de SCI françaises propriétaires de biens immobiliers situés en France sont des biens immobiliers au sens de la convention.

La motivation apparaît contestable car la Cour de cassation déduit une définition conventionnelle des biens immobiliers d’une règle de désignation de l’État compétent pour taxer la fortune consistant en des biens immobiliers. Cela tient du syllogisme.

Lexbase : Existe-t-il un risque de transposition de cette solution à la convention fiscale du 20 mars 2018 actuellement en vigueur entra la France et le Luxembourg ?

Manfred Blot : Je ne le pense pas.

L’arrêt du 2 avril 2025 est motivé dans des termes qui permettent de penser sérieusement que les parts de SCI françaises détenues par des résidents luxembourgeois ne peuvent pas, en application de la convention entre la France et le Grand-duché de Luxembourg du 20 mars 2018, être assujetties à l’IFI en France.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a pris le soin de préciser que c’est « au sens de la convention » de 1958 que les parts de SCI françaises et propriétaires de biens immobiliers français constituent des biens immobiliers.

Ce sont donc les termes de la convention de 1958 qui ont motivé la décision des hauts magistrats.

La Convention de 2018 est rédigée de manière très différente à la convention de 1958.

En effet, dans son article 21, la convention de 2018 détermine l’État compétent pour taxer les éléments de la fortune des contribuables en fonction de la nature de ces éléments et sans lien avec le droit de taxer les gains tirés de l’aliénation des biens immobiliers.

Ainsi, selon la convention de 2018 (article 21), la fortune constituée de biens immobiliers est imposable dans l’État de situation de ces biens.

Au contraire de celle de 1958, la convention de 2018 ne fait aucun lien entre le droit de taxer la fortune immobilière et celui de taxer les revenus tirés de ces biens.

Par ailleurs, les stipulations de la convention de 2018 relatives aux revenus immobiliers ne reprennent pas les celles des paragraphes 3 et 4 de l’article 3 de la convention de 1958 sur lesquelles l’arrêt du 2 avril 2025 fonde son argumentation.

Pour la définition des biens immobiliers, la convention de 2018 renvoie à la définition de ces biens dans le droit de l’État de situation de ces biens.

Or, en droit français, les droits sociaux des sociétés détenant des immeubles y compris de manière prépondérante, constituent des biens meubles et non des biens immobiliers.

Lexbase : Des solutions antérieures de la Cour de cassation peuvent-elles nous apporter un éclairage sur la présente décision ?

Manfred Blot : La Cour de cassation, dans un arrêt du 2 octobre 2015 rendu par son Assemblée plénière [1], a jugé que les parts d’une société immobilière monégasque propriétaire d’immeubles en France constituaient des biens incorporels de nature mobilière pour l’application de la convention franco-monégasque du 1er avril 1950.

Il n’y a aucune raison de considérer que cette solution ne soit pas applicable à l’impôt sur la fortune et bien que cette décision ait été rendue dans un cas qui concernait une société monégasque, elle est transposable aux parts de sociétés françaises qu’elles soient ou non à prépondérance immobilière.

Cet arrêt du 2 octobre 2015 est d’autant plus important qu’il revenait justement sur une position contraire déjà exprimée par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 octobre 2012 [2].

Lexbase : Cette décision peut-elle soulever des craintes infondées selon vous ?

Manfred Blot : Encore une fois, l’arrêt du 2 avril 2025 ne se prononce que sur la convention de 1958 et sa motivation repose très étroitement sur la rédaction de cette convention.

La convention de 2018 est rédigée très différemment.

Aucune stipulation de la convention de 2018 ne permet de justifier une assimilation des titres de sociétés immobilières à des immeubles.

D’abord, son article 21 relatif à l’impôt sur la fortune ne mentionne aucunement les parts de sociétés immobilières.

À cet égard, la comparaison avec d’autres conventions fiscales signées par la France est intéressante. Ainsi, le deuxième alinéa du 1 de l’article 24 de la convention franco-suisse stipule que : « La fortune constituée par des actions, parts ou autres droits dans une société, une fiducie ou une institution comparable dont l'actif ou le patrimoine est principalement constitué, directement ou indirectement, de biens immobiliers définis au paragraphe 2 de l'article 6 et situés dans un État contractant ou de droits portant sur de tels biens est imposable dans cet État. »

Rien de tel dans la convention franco-luxembourgeoise de 2018.

Par ailleurs, dans son article 13, la convention de 2018 distingue précisément les gains tirés de l’aliénation des biens immobiliers de ceux tirés de l’aliénation de titres de sociétés à prépondérance immobilière.

On voit bien qu’au sens de la convention 2018, les parts de sociétés à prépondérance immobilière ne sont pas des biens immobiliers. Prétendre le contraire serait considérer qu’en droit français les parts de sociétés immobilières sont des biens immobiliers puisque la convention renvoie à la définition des biens immobiliers de l’État de situation de ces biens.

Or, en droit français, les parts de sociétés détenant des immeubles, y compris de manière prépondérante, ne sont pas des biens immeubles mais des biens meubles. Tel est le sens de la solution de l’arrêt de l’Assemblée plénière du 2 octobre 2015 évoqué précédemment.

C’est également le cas sur le plan fiscal au regard des dispositions du CGI relatives à l’IFI.

L’article 965 du CGI N° Lexbase : L9112LHX qui définit l'assiette de l'IFI distingue les biens et droits immobiliers des parts ou actions des sociétés établies en France ou hors de France détenant des biens ou droits immobiliers, lesquelles ne sont pas intégrées en tant que telles dans l’assiette de l’impôt mais seulement à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société.

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public

[1] Ass. plén., 2 octobre 2015, n° 14-14.256, P+B+R+I N° Lexbase : A0098NSG.

[2] Cass. com., 9 octobre 2012, n° 11-22.023, F-P+B N° Lexbase : A3451IUD.

newsid:492505

(N)TIC

[Focus] L’open data des documents préparatoires aux décisions de justice

Lecture: 15 min

N2578B3U

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/120702960-edition-du-02072025#article-492578
Copier

par Esteban Renaud, doctorant contractuel au Centre de recherches en droit administratif (EA 1477) de l’Université Paris-Panthéon-Assas

Le 01 Juillet 2025

Mots clés : open data • documents préparatoires • avocat général • rapporteur public • jurisprudence

La récente proposition de loi visant à la diffusion en open data des documents préparatoires aux décisions de justice (conclusions des rapporteurs publics dans la juridiction administrative, avis des avocats généraux et rapports publics des conseillers rapporteurs à la Cour de cassation) s’inscrit dans une tendance favorable à la transparence de la justice. Malgré sa destinée incertaine, cette proposition réinterroge les modes de légitimation de la justice tout comme la création du droit jurisprudentiel et sa lisibilité. Si les retraitements algorithmiques qu’elle rendrait possibles laissent entrevoir une démocratisation de l’accès au droit jurisprudentiel, ils présentent aussi un certain nombre de risques que seules les conditions d’application de la proposition de loi seraient susceptibles de circonscrire efficacement.


 

Le 21 janvier 2025 a été déposée à l’Assemblée nationale une proposition de loi « visant à l’ouverture avancée des données judiciaires » (n° 806). Portée par le député Philippe Latombe, et co-signée par trois autres députés de son groupe politique (Les Démocrates), celle-ci a été légèrement amendée et le texte adopté sans heurts par la commission des lois lors de sa réunion de 19 février. Mais depuis, plus de nouvelles... Cette proposition de loi était pourtant susceptible d’intéresser les juristes de tous bords, en ce qu’elle aurait rendu obligatoire la mise à disposition « à titre gratuit, sous forme électronique » et « dans les mêmes conditions que les jugements » des conclusions des rapporteurs publics devant les juridictions administratives, de même que les rapports des conseillers rapporteurs et les avis des avocats généraux à la Cour de cassation. Le texte propose également que les moyens invoqués au soutien du pourvoi soient de nouveau annexés aux arrêts de rejets non spécialement motivés rendus par la Cour de cassation en matière civile [1]. Le texte diffère l’entrée en vigueur de ces différentes dispositions au 1er janvier 2028.

Ce texte n’a pas encore fait l’objet d’une discussion en séance publique, et pourrait ne jamais voir le jour. Il ne s’agira donc pas de faire ici œuvre de fiction. L’initiative politique qui le sous-tend mérite néanmoins que l’on s’intéresse aux questions qu’il soulève. La mise en open data des documents préparatoires aux décisions de justice que sont les conclusions, avis et rapports publics suscite en effet de nombreuses interrogations, relatives tant au statut juridique particulier de ces documents qu’à la motivation des décisions de justice et à l’accessibilité et à la légitimité du droit jurisprudentiel. Elle pose aussi des risques associés à leur potentielle exploitation commerciale par des traitements algorithmiques, notamment ceux reposant sur l’intelligence artificielle générative. Ces risques sont redoublés par l’atteinte potentielle à la nécessaire anonymisation des décisions de justice. Comment appréhender l’hypothèse d’une publication des documents préparatoires aux décisions de justice ? Quelle serait sa véritable utilité ?

I. Une volonté politique s’inscrivant dans une actualité favorable à l’open data

Le terme open data renvoie à la politique de diffusion des données publiques de manière structurée et centralisée, sur une plateforme ouverte, et que l’on pourrait traduire par « ouverture des données ». Plus qu’une simple publication ou même qu’une diffusion, l’open data s’entend, en général, de la publication de véritables « jeux de données » susceptibles d’un traitement informatique.

Visant les données produites et collectées par les services publics, ce mouvement touche bien sûr la justice. La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, pour une République numérique N° Lexbase : L6477MSP, prévoit en effet, selon la formule consacrée, la « mis[e] à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées » tant des décisions issues de la juridiction administrative [2] que des décisions rendues par les juridictions judiciaires [3].

Une mission de préfiguration des dispositions réglementaires d’application de cette loi a été confiée au Professeur Loïc Cadiet, qui a formulé certaines recommandations relatives à la mise en œuvre de l’open data dans un rapport remis en 2017 à la ministre de la Justice [4]. L’objectif de mise en open data a ensuite été décliné dans divers textes réglementaires, et a notamment été précisé dans la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6256MSI. Cette nouvelle loi s’attache ainsi à mieux encadrer le mouvement de diffusion des données juridictionnelles en protégeant les données permettant d’identifier les personnes mentionnées dans les décisions.

Un calendrier progressif de diffusion des décisions a été arrêté : si les décisions des deux cours suprêmes sont déjà intégralement publiées, de même que celles de toutes les juridictions administratives, la publication des décisions de l’ordre judiciaire, notamment en matière pénale, s’échelonne quant à elle jusqu’à fin 2027.

Jusque-là, seules les décisions de justice étaient visées par ce mouvement de mise en open data. C’était sans compter sur la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023, d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 N° Lexbase : L6740LPC. À l’occasion de l’examen du rapport annexé au projet de loi (qui fait partie du texte), un amendement a en effet été déposé par le député Emmanuel Lacresse pour pousser plus loin encore la logique de l’open data, en l’étendant à certains documents préparatoires aux décisions de justice qui ne sont pas couverts par le secret de l’instruction ou du délibéré.

Cet amendement, finalement adopté malgré l’avis défavorable du rapporteur et du gouvernement, visait la mise à disposition du public des documents préparatoires aux décisions de justice afin de « parfaire l’intelligibilité et l’accessibilité de notre justice ». La potentielle réutilisation algorithmique ou à tout le moins commerciale de ces documents était aussi clairement recherchée, comme l’illustre la présentation de l’amendement, qui précise qu’il « a été rédigé en lien avec des acteurs français qui promeuvent la mise en ligne d’informations juridiques ».

La jurisprudence ne reconnaît toutefois pas aux rapports annexés aux lois de programmation la « valeur normative qui s’attache aux dispositions de loi » [5]. La volonté de diffusion des documents préparatoires aux décisions de justice aurait donc pu rester un vœu pieux du législateur.

C’est là qu’intervient la proposition de loi du député Philippe Latombe, qui reprend l’objectif de l’amendement Lacresse mais en l’insérant cette fois dans une proposition de loi ordinaire dont les dispositions seraient véritablement contraignantes. Après une première proposition de loi déposée le 5 décembre 2023, qui n’a évidemment pas résisté à la dissolution de l’Assemblée nationale, une seconde proposition a été déposée le 21 janvier 2025. C’est celle qui nous intéresse ici. La proposition devait initialement être examinée selon la procédure dite de « législation en commission » [6], afin de pouvoir se contenter en séance (lors de la niche parlementaire du groupe Les Démocrates) d’un vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission des lois. Mais l’opposition à cette procédure, formulée par un président de groupe à l’issue de l’examen du texte par la commission [7], a empêché, à ce stade, l’inscription du texte à l’ordre du jour d’une séance.

Mais pourquoi une mise en open data de documents préparatoires à première vue dénués de toute portée normative ? Comme pour l’amendement de 2023, le député fonde sa proposition sur une volonté d’améliorer l’intelligibilité des décisions de justice. Il est clair que la loi doit être compréhensible. C’est ce qui ressort de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, que le Conseil constitutionnel fait découler des articles 4 N° Lexbase : L1368A9K, 5 N° Lexbase : L1369A9L, 6 N° Lexbase : L1370A9M et 16 N° Lexbase : L1363A9D de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 [8]. Comme son nom l’indique, ce principe constitutionnel ne s’applique pas en tant que tel aux décisions de justice. Celles-ci sont toutefois soumises à une obligation de motivation qui découle de textes législatifs [9] comme de dispositions conventionnelles [10]. Cette exigence de motivation imposée aux juges du fond est contrôlée par les juges de cassation, susceptibles de censurer une décision pour défaut de motivation.

Les décisions sont donc motivées, et cette motivation est désormais pleinement accessible dès lors qu’elles font l’objet d’une publication en open data. Certes, mais cela n’interdit pas au législateur de souhaiter ajouter à cette motivation souvent laconique les éléments de justification contenus dans les documents préparatoires que vise la proposition de loi Latombe. Il est en effet bien connu que les conclusions servent souvent de support d’interprétation à l’arrêt à l’occasion desquelles elles ont été prononcées, comme en atteste la diffusion élargie des conclusions des rapporteurs publics au Conseil d’État. Même si leur diffusion est moins systématique, les avis des avocats généraux et les rapports publics des conseillers-rapporteurs peuvent jouer le même rôle.

Mais en ce cas précis, plus de transparence et d’ouverture des données, n’est-ce pas vouloir un « mieux » qui serait en réalité l’ennemi du bien ?

II. Les objections diverses à l’open data des documents préparatoires

La proposition de loi a en effet suscité plusieurs réactions. Si les LegalTech, les universitaires et les journalistes juridiques y sont favorables (comme la majorité des députés de la commission des lois), il semblerait que cela ne soit pas le cas des principaux concernés, du moins dans la juridiction administrative.

Les deux syndicats de magistrats administratifs se sont en effet opposés publiquement à la publication en open data des conclusions des rapporteurs publics dans les juridictions du fond. Elle engendrerait, selon eux, une surcharge de travail par le nécessaire retraitement de toutes leurs conclusions (parfois écrites rapidement comme simple trame d’un discours oral). Le coût serait donc élevé pour un bénéfice en réalité minime, puisque les conclusions ne sauraient d’après eux remplacer la motivation contenue dans la décision juridictionnelle, qui seule est dotée de l’autorité de la chose jugée.

Ces arguments sont tout à fait audibles : les « conclusions » renvoient matériellement tant à ce que dit le rapporteur public lors de l’audience (faudrait-il alors retranscrire exactement sa parole ?), qu’au support écrit dont il se sert pour ce faire, mais aussi à l’éventuelle version retravaillée (souvent pour publication) de ce support. Le soin de définir les modalités concrètes de la mise en open data des documents préparatoires (dans le cadre des conditions d’application de la proposition) est pourtant laissé à un décret, ce qui ne permet pas de savoir exactement ce que la proposition de loi entend par le terme « conclusions ». Ce doute est moins permis concernant les avis des avocats généraux et les rapports publics des rapporteurs à la Cour de cassation, puisque ce sont des documents communiqués aux parties lors de la procédure et qu’ils existent donc matériellement sous une forme aboutie (ce qui n’est pas toujours le cas des conclusions, du moins dans les juridictions du fond).

Il est également vrai que ces documents n’ont aucun caractère obligatoire. Cela ne les empêche pas d’être dotés d’une normativité certaine. La systématisation que les rapporteurs publics ou avocats généraux opèrent des solutions jurisprudentielles dégagées par les juridictions suprêmes, le cadrage qu’ils proposent du cadre jurisprudentiel dans lequel s’inscrit la décision, permettent justement le travail de retraitement du produit brut des décisions, nécessaire à l’avènement de la norme jurisprudentielle. En ce qu’ils sont des interprètes particulièrement légitimes des règles jurisprudentielles contenues dans les arrêts tant du Conseil d’État que de la Cour de cassation, ces acteurs de la procédure contentieuse contribuent donc à la production des normes jurisprudentielles. Une publication de leurs écrits pourrait donc être intéressante, surtout pour la doctrine universitaire et les praticiens.

On comprend certes la critique selon laquelle toutes les conclusions « ne se valent pas » : celles prononcées devant le Conseil d’État sur des affaires à haute portée jurisprudentielle sont évidemment plus normatives que celles prononcées devant les juridictions du fond. Les deux syndicats des juges du fond ont d’ailleurs insisté sur le fait que les conclusions qui valaient la peine d’être publiées (notamment celles sur des affaires importantes) l’étaient déjà en pratique. Il serait toutefois favorable de ne pas laisser cette sélection à la main des seuls juges. C’est bien là le pari derrière l’open data des décisions : permettre, par une possibilité assumée de retraitement algorithmique des décisions, de ne pas laisser au juge le monopole de l’édiction du droit jurisprudentiel, en faisait apparaître des tendances se dégageant de la masse des décisions [11]. Alors pourquoi ne pas tenter la même chose avec les documents préparatoires connus pour prolonger la motivation des décisions ?

III. Des modalités renouvelées d’édiction du droit jurisprudentiel et de légitimation des décisions de justice

Lors de la remise du rapport intitulé « Motivation enrichie et opinion séparée : renforcer la confiance dans le processus de décision à la Cour de cassation », le 5 mai 2025, le procureur général de la Cour de cassation évoquait le fait que les avis des avocats généraux pouvaient jouer un rôle analogue à celui des opinions séparées. Celles-ci peuvent contribuer à légitimer les arrêts rendus par la Cour comme les normes jurisprudentielles qu’elle crée, en supplément de la motivation - certes déjà enrichie - de certaines décisions importantes.

Les documents préparatoires ont donc un potentiel de légitimation de la décision qu’ils précèdent, en ce qu’ils permettent de comprendre un peu mieux le processus et les arguments ayant présidé à son adoption. Ce n’est toutefois pas la posture classique des juridictions françaises. La crainte est au contraire que la publication d’éléments tendant à « justifier » la décision nuise à la concision de la motivation et à l’autorité naturelle dont sont revêtues les formulations laconiques des considérants et attendus de principe. La publication des documents préparatoires induirait selon cette logique plus de confusion que d’adhésion et risquerait de nuire à la sérénité de la justice.

Il est vrai que la tendance actuelle à l’amélioration de la motivation des décisions de justice en général pourrait rendre superflue la publication systématique de ces documents. Elle pourrait également avoir pour effet de monopoliser l’analyse des décisions, en se substituant aux commentaires doctrinaux.

On peut néanmoins faire le pari qu’élargir le champ de l’open data aux documents préparatoires permettrait une réappropriation du droit « par la base » via un accès généralisé à l’information juridique. Encore faut-il pour cela que les outils de traitement de ces masses de données ouvertes soient justement accessibles aux citoyens et pas seulement à certains praticiens. La doctrine pourrait alors également y trouver son compte, en disposant de plus d’éléments pour commenter et le cas échéant critiquer les décisions rendues. Peut-être cela renforcerait-il justement la qualité de ces documents préparatoires, par l’anticipation d’une publication ultérieure, bien que le risque d’une standardisation de leur contenu soit également bien présent. La publication quasi systématique de leurs conclusions par certains rapporteurs publics au Conseil d’État ne semble toutefois pas avoir fait apparaître de standardisation particulière de celles-ci.

Le risque d’une monopolisation de la fabrication du droit jurisprudentiel par l’intelligence artificielle générative semble enfin limité, a fortiori si l’on inclut dans leurs bases de données les documents préparatoires. Il risque alors d’être difficile pour ces algorithmes, en tout cas à ce stade, de distinguer les suggestions jurisprudentielles contenues dans ces documents des règles jurisprudentielles posées par les juridictions suprêmes. Un exemple l’illustre indirectement : une IA générative bien connue considère par exemple comme règle jurisprudentielle les moyens reproduits dans certaines décisions de rejet non spécialement motivé de la Cour de cassation...

Quoi qu’il advienne de cette proposition de loi ou des futures initiatives en ce sens, elles soulignent en tout cas une redéfinition certaine des modes de légitimation de la justice, rendue « au nom du peuple français » et sommée par les parlementaires de faire œuvre de transparence pour rendre compte de la construction de ses arrêts et des règles jurisprudentielles. Cela n’est pas le synonyme d’une remise en cause, mais plutôt d’une confiance dans la capacité de la justice à susciter l’adhésion à ses décisions par la transparence de tous leurs éléments de justification plus que par l’autorité qui découlerait de leur laconisme.

Mais là aussi, tout est une question d’équilibre pour que le mieux ne devienne pas l’ennemi du bien : il faut ouvrir sans affaiblir, diffuser sans dénaturer, rendre visible sans exposer à des utilisations dévoyées (notamment de réidentification des requérants ou de profilage des juges). Un tel équilibre ne pourra être atteint qu’en portant une grande attention aux modalités techniques de la diffusion des documents préparatoires, qui mériteraient d’être plus clairement définies.

 

[1] En application de l’article 1014 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5917MBR.

[2] CJA, art. L. 10 N° Lexbase : L7370LPN.

[3] COJ, art. L. 111-13 N° Lexbase : L7368LPL.

[4] L’open data des décisions de justice, rapport de la Mission d’étude et de préfiguration sur l’ouverture au public des décisions de justice, novembre 2017, dirigé par Loïc Cadiet.

[5] Voir par exemple CE, 19 mars 2024, n° 490347, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A22972WY.

[6] Prévue aux articles 107-1 à 107-3 du règlement de l’Assemblée nationale.

[7] Comme le permet l’alinéa 6 de l’article 107-1 du règlement de l’Assemblée nationale.

[8] Voir Cons. const., décision n° 2009-592 DC du 19 novembre 2009, Loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie N° Lexbase : A6693EN9.

[9] CJA, art. L. 9 N° Lexbase : L2616ALH et CPC, art. 455 N° Lexbase : L6565H7B.

[10] Notamment de l’interprétation de l’article 6§1 par la Cour européenne des droits de l’homme (voir par ex. CEDH, 30 novembre 1987, Req. 1/1986/99/147, H. contre Belgique N° Lexbase : A3825AU9).

[11] M.-A. Frison-Roche et S. Bories, La jurisprudence massive, Dalloz, 1993, p. 287-290.

newsid:492578

Social général

[Podcast] Télétravail et indemnité d’occupation du domicile : réelle avancée jurisprudentielle ?

Réf. : Cass. soc., 19 mars 2025, n° 22-17.315, FP-B N° Lexbase : A503168T

Lecture: 1 min

N2541B3I

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/120702960-edition-du-02072025#article-492541
Copier

Le 25 Juin 2025

► Dans cet épisode de Lexflash, Maître Corinne Baron-Charbonnier, avocate associée, Vivant Avocat, décrypte un arrêt important rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 19 mars 2025.

Au programme :

  • un salarié peut-il obtenir une indemnité d’occupation de son domicile lorsqu’il télétravaille ?
  • que change l’arrêt du 19 mars 2025 en matière de prescription et de conditions d’indemnisation ?
  • télétravail « convenu » vs absence de local : que recouvre désormais le droit à indemnité ?
  • et surtout : quelles zones d’ombre restent à éclaircir dans les mois à venir ?

Un épisode essentiel pour les juristes, DRH, avocats en droit social et toutes celles et ceux qui suivent les mutations du travail post-Covid.

► À retrouver sur Youtube, Spotify, Deezer et Apple Podcasts.

newsid:492541

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus