Réf. : Cass. crim., 7 mai 2025, n° 24-82.093, FS-B N° Lexbase : A22260RU
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N2334B3T
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par Honoré Clavreul, Doctorant au Laboratoire de droit privé et sciences criminelles (EA4690)
Le 09 Juin 2025
En application des dispositions combinées des articles 133-16 du Code pénal N° Lexbase : L6410IS9 et 769 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4585L39, la réhabilitation de plein droit d'une condamnation n'interdit pas à la juridiction de prendre en compte, lors de l'examen de la culpabilité de l'intéressé ou de la peine, cet élément de personnalité figurant régulièrement au dossier de la procédure par sa mention au casier judiciaire.
En date du 4 février 2019, un individu a été mis en accusation devant la cour d’assises de La Réunion pour viols aggravés et agression sexuelle. Le 5 avril 2023, il a été déclaré coupable et condamné à une peine de huit ans d’emprisonnement. Le condamné a alors interjeté appel de cette décision mais il a été condamné à une peine de douze ans de réclusion criminelle et de cinq ans de suivi socio-judiciaire.
Néanmoins, le condamné reproche à ce dernier arrêt d’avoir fait état dans sa feuille de motivation, de deux condamnations qui figuraient dans le casier judiciaire de l’accusé mais qui avaient été réhabilitées de plein droit.
La question qui s’est donc posée devant la Cour de cassation était de savoir si une cour d’assises pouvait prendre en considération des condamnations réhabilitées de plein droit pour motiver la culpabilité retenue ou la peine prononcée.
Par sa décision du 7 mai 2025, la Chambre criminelle de la Cour de cassation reprend une solution constante, à savoir qu’une condamnation réhabilitée de plein droit est un élément de personnalité qui figure au dossier de la procédure par sa mention au casier judiciaire et peut donc être prise en considération lors de l’examen de la culpabilité ou de la peine (Cass. crim., 28 mai 2013, n° 12-81.468 N° Lexbase : A3008KIA).
Pour autant, en restant muette sur le fait pour la cour d’assises d’avoir mentionnée les deux condamnations réhabilitées sur la feuille de motivation de la décision, la Cour de cassation entretien un doute sur la possibilité ou non de le faire. En effet, en 2020, elle avait considéré que s’il s’agissait d’éléments de personnalité complémentaires, la feuille de motivation rendue par la cour d’assises ne devait pas se référer aux condamnations réhabilitées comme éléments l’ayant convaincue lors du délibéré sur la culpabilité et sur la peine (Cass. crim., 18 novembre 2020, n° 19-87.637 N° Lexbase : A509837X). Est-ce un simple oubli de la Chambre criminelle ou l’ouverture de la prise en compte assumée du passé délinquant révolu d’un accusé ?
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Réf. : Communiqué du CNB, 26 mai 2025
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N2404B3G
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par La Rédaction
Le 09 Juin 2025
Fin 2024, trois groupes de travail ont été installés dans le cadre de missions d'urgence consacrées chacune à l'un des chantiers prioritaires du ministère (exécution des peines, déjudiciarisation et audiencement criminel et correctionnel). Les objectifs affichés étaient de recentrer la justice judiciaire sur son rôle, juger dans des délais plus raisonnables et exécuter plus rapidement les peines.
Après la publication de ces rapports le 13 mai 2025 (lire N° Lexbase : N2271B3I), le CNB, dans sa résolution adoptée à lors de l'AG du 23 mai 2025, exprime toute sa préoccupation sur les pistes de travail annoncées par le Garde des Sceaux dans sa lettre adressée le 11 mai 2025 aux magistrats et aux agents du service public de la Justice.
Il dénonce :
L'assemblée générale du CNB renouvelle également sa proposition d'instaurer un mécanisme de régulation carcérale.
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Réf. : Cass. soc., 9 avril 2025, n° 23-14.016, FS-B N° Lexbase : A09870HZ
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N2361B3T
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par Bernard Bossu, Professeur à l’Université de Lille, Directeur du LEREDS (CRDP)
Le 09 Juin 2025
► En vertu de l’article L. 1132-1 du Code du travail, aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunération, en raison de sa situation de famille. Le défaut d’appartenance du salarié à la famille de son employeur, en ce qu’il constitue le motif d’un traitement moins favorable, relève du champ d’application du texte. En conséquence, lorsqu’un employeur entend justifier la différence de traitement en matière de rémunération entre une salariée et la salariée de comparaison par la qualité d’épouse de cette dernière, il y a discrimination en raison de la situation de famille.
Une salariée a été engagée en qualité de collaboratrice parlementaire par un député. À la suite des élections législatives, elle est licenciée par son employeur en raison de la cessation de son mandat de député. Elle saisit alors le conseil de prud’hommes, car elle estime avoir été victime d’une discrimination salariale, fondée sur le critère de situation de famille. En effet, sa collègue de travail, également épouse de son employeur, exerçait aussi les fonctions de collaboratrice parlementaire, mais percevait une rémunération nettement supérieure à la sienne. Pour justifier cette différence de traitement, l’employeur a invoqué les fonctions « nombreuses, variées et sensibles » de son épouse. Il fait encore valoir qu’en raison de sa qualité d’épouse, il pouvait exiger de sa femme une disponibilité et une confidentialité totale lorsqu’elle exerçait ses fonctions de collaboratrice parlementaire. En résumé, la différence de traitement entre les collaboratrices parlementaires trouve sa cause dans un critère familial. Or, l’article L. 1132-1 du Code du travail N° Lexbase : L1000LDE interdit les discriminations, notamment en matière de rémunération, qui reposeraient sur la situation de famille.
Mais comment doit-on comprendre l’interdiction des discriminations fondées sur la situation de famille ? Pour l’employeur, le critère de la situation de famille ne concerne que la sphère familiale du salarié et pas la situation familiale de l’employeur. À l’appui de son raisonnement, on peut faire valoir que l’article L. 1132-1 du Code du travail affirme que le salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de « sa situation de famille ». Autrement dit, c’est uniquement la situation de famille du salarié qui est visée par la loi, c’est-à-dire sa situation personnelle, et pas la famille de son employeur. Ainsi, une salariée ne peut pas faire l’objet d’une sanction au motif que son mari travaille dans une entreprise concurrente [1]. De même, un salarié ne peut pas être licencié en raison du lien de filiation l’unissant à un autre salarié de l’entreprise [2].
Dépassant l’interprétation littérale, la Cour de cassation décide que le critère de « situation de famille » englobe le défaut d’appartenance du salarié à la famille de son employeur. La Cour de cassation précise que cette interprétation large de la notion de situation de famille trouve sa cause dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de discrimination. En effet, selon cette dernière, le principe d’égalité de traitement consacré par les directives ne s’applique pas à une catégorie de personnes déterminées, mais en fonction des motifs prohibés par les directives. La discrimination est donc constituée dès lors qu’une personne est victime d’un traitement défavorable en raison d’un motif prohibé, peu importe qu’elle ne soit pas elle-même directement concernée par ce motif. La CJUE a ainsi décidé que si une salariée subit un traitement défavorable en raison du handicap de son fils, la discrimination est constituée, même si elle n’est pas elle-même handicapée [3]. On se trouve dans ce cas en présence d’une discrimination « par association » ou « par ricochet » : une personne est victime d’une mesure discriminatoire pour un motif illicite qui tient à l’un de ses proches [4]. Comme le rappelle la Cour de cassation dans notre affaire, « le principe de l’égalité de traitement consacré par les directives […] s’applique non pas à une catégorie de personnes déterminée, mais en fonction des motifs prohibés » visés par les directives. La CJUE a, par exemple, décidé que, même en l’absence de victime identifiable, il y a discrimination lorsque l’employeur déclare publiquement qu’il ne recrutera pas de salariés étrangers [5] ou de personnes homosexuelles [6].
La décision de la Cour de cassation doit être totalement approuvée, car, au-delà de sa conformité avec le droit de l’Union européenne, elle contribue à renforcer la lutte contre les discriminations.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le principe de non-discrimination, La situation de famille, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E191903H. |
[1] Cass. soc., 10 février 1999, n° 96-42.998, publié N° Lexbase : A4593AG9, Droit social, 1999, p. 410, obs. M. Bonnechère.
[2] Cass. soc., 1er juin 1999, n° 96-43.617 N° Lexbase : A4615AGZ, Droit social, 1999, p. 838, obs. C. Roy-Loustanau.
[3] CJCE, 17 juillet 2008, aff. C-303/06 N° Lexbase : A7107D94, RJS, 11/08, n° 1135 ; RDT, 2009, p. 41, obs. M. Schmitt.
[4] Ch. Radé, Discriminations et inégalités de traitement dans l’entreprise, éd. Liaisons, 2011, n° 75.
[5] CJCE, 10 juillet 2008, aff. C-54/07 N° Lexbase : A5470D9H, RJS, 11/08, n° 1136.
[6] CJUE, 23 avril 2020, aff. C-507/18 N° Lexbase : A96063KY, RJS, 10/20, n° 518.
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Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 20 mai 2025, n° 493452, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B2970AAA
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N2402B3D
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par Goulven Le Ny, Avocat au barreau de Nantes
Le 09 Juin 2025
Pour les entreprises, la prise à bail de locaux est une opération importante et la possibilité d’occuper les locaux est souvent essentielle à la pérennité de l’activité. Il est désormais acquis que la location de locaux dans une pépinière d’entreprise ou dans un « technopole » appartenant à une collectivité territoriale constitue une occupation du domaine public. De ce fait, l’entreprise est occupante à titre précaire et révocable des locaux qu’elle loue et ne peut se prévaloir du statut des baux commerciaux et d’un quelconque droit au renouvellement de son titre.
Les critères de l’appartenance d’un immeuble au domaine public sont désormais bien connus, pour être affirmés par les textes et éclairés par la jurisprudence.
Deux hypothèses peuvent être relevées :
Dans cette affaire, le Conseil d’État devait déterminer si l’immeuble appartenant au département relevait du domaine public. Une société occupait l’immeuble en vertu de conventions d’occupations précaires, qui avaient pris fin, et le département avait obtenu du tribunal administratif qu’il enjoigne à cette société de quitter les lieux sans délai. Pour s’y opposer, la société faisait valoir que l’immeuble relevait du domaine public du département si bien que les statuts des baux commerciaux et son droit au renouvellement étaient applicables à la convention (CAA Bordeaux, 15 février 2024, n° 21BX02891 N° Lexbase : A66982MZ).
En effet, selon une jurisprudence désormais bien établie, le statut du bail commercial et en particulier le droit au renouvellement du titre qu’il comporte, est incompatible avec la domanialité publique (CE, 24 novembre 2014, n° 352402, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2574M44 ; CE, 19 janvier 2017, n° 388010 N° Lexbase : A7234S9S), et tout l’argumentaire de la société reposait donc sur la domanialité privée des lieux.
Le Conseil d’État écarte l’argumentaire de la société occupante et donne raison au département. Il retient en premier lieu que « les locaux en cause, qui ont vocation non seulement à accueillir temporairement des entreprises et à être régulièrement remis par le délégataire à la disposition de nouveaux porteurs de projets et créateurs d'entreprises dans le secteur agroalimentaire, mais aussi à permettre, par le biais de prestations matérielles et immatérielles, l'accompagnement de ces entreprises nouvelles de façon à favoriser leur création et leur essor, et qui s'inscrivent dans l'ensemble plus large des équipements et fonctions de la technopole, outil de développement économique départemental, étaient affectées au service public du développement économique départemental ». Il ajoute qu’ « en en déduisant, après avoir relevé par des motifs non critiqués par le pourvoi qu'ils étaient en outre spécialement aménagés pour cette mission, l'appartenance des locaux objet du litige au domaine public de la collectivité délégante, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits ». De ce fait, sont caractérisés tout à la fois l’affectation des locaux à une mission de service public et l’existence des aménagements requis pour affirmer que l’immeuble relève du domaine public du département.
La décision est d’autant plus intéressante que le Conseil d’État avait affirmé par le passé, s’agissant d’ateliers-relais également affectés au développement économique et donc à une mission de service public, les locaux ne pouvaient être considérés comme incorporés au domaine public de ce seul fait, faute d’aménagements spéciaux (CE, 11 juin 2004, n° 261260, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7651DCD). Il en avait été déduit qu’en l’espèce, le bail conclu était un contrat de droit privé.
Par ailleurs, le Conseil d’État confirme sa jurisprudence selon laquelle l’appartenance des locaux au domaine public fait obstacle à ce que les conventions d’occupation puissent être qualifiées de baux commerciaux.
Entreprises locataires ou occupantes comme gestionnaires du domaine public doivent en conséquence réinterroger les qualifications appliquées jusqu’ici à ces locaux mis à disposition d’entreprises, pour lesquelles la domanialité publique et partant la précarité du titre n’est pas exclue.
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N2403B3E
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Le 09 Juin 2025
Dans cet épisode, Me Olivier Bongrand, avocat en droit du travail, revient sur une affaire marquante qu’il a récemment remportée devant la Cour d’appel de Paris.
Un licenciement jugé nul pour atteinte à une liberté fondamentale… et une indemnisation record de 272 000 euros à la clé pour son client.
Autant de questions que Me Bongrand aborde dans cet épisode aussi technique que concret. Un éclairage précieux pour tous les professionnels du droit et les justiciables concernés.
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