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par Axel Valard
Le 06 Juin 2025
Hébété et tremblant, le visage remplit quasi tout le champ de l’écran. « Mais putain, les Français ! Réveillez-vous ! Vous allez vous faire bouffer ! Vous allez vous faire bouffer ! » Juste avant d’enregistrer cette vidéo d’un peu plus de deux minutes et de la diffuser sur son compte Facebook, Christophe B. 53 ans, a abattu de cinq balles l’un de ses voisins tunisiens à Puget-sur-Argens (Var). Il a tenté de faire de même avec un autre jeune homme, kurde lui, qui, miraculeusement est parvenu à s’en sortir.
Pour la première fois en France, le parquet national antiterroriste s’est saisi d’investigations sur un homicide raciste lié à l’ultradroite. Simplement parce que Christophe B. est soupçonné d’avoir donné la mort « avec une volonté de troubler l’ordre public par la terreur », comme le précise le Code pénal à propos des actes relevant d’une qualification terroriste. Jusqu’à présent, ce parquet spécialisé n’avait traité que des projets d’attentat liés à cette mouvance et avait laissé aux parquets locaux le soin de gérer d’autres meurtres qui relevaient, selon lui, du droit commun. Encore récemment, la mort d’un homme poignardé dans une mosquée du Gard n’avait pas entraîné sa saisine.
Cinq vidéos au caractère « haineux et raciste ».
Après vingt-quatre heures de garde à vue à Draguignan, Christophe B. a donc été repris en main par les enquêteurs de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et de la Sous-direction antiterroriste (Sdat) à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Il était donc l’un des voisins d’Hichem M., un homme de nationalité tunisienne né en 1979. Et d’Atkif, le jeune homme kurde qui est parvenu à s’en sortir.
Samedi soir, Christophe B. est donc sorti de chez lui avec l’intention de s’en prendre à eux. C’est sa compagne qui a prévenu les forces de l’ordre. Après une nuit d’errance, il a finalement été interpellé par les gendarmes du GIGN d’Orange. De nombreuses armes ont été retrouvées dans sa voiture. Le temps de cette errance, Christophe B. l’a mis à profit pour diffuser plusieurs vidéos donc.
À l’origine, le procureur de Draguignan avait expliqué que le suspect, « adepte du tir sportif » avait diffusé « avant et après son passage à l’acte, deux vidéos (…) au contenu raciste et haineux ». En réalité, ce sont cinq vidéos qui ont été découvertes par les enquêteurs. Vidéos dans lesquelles il laisse entendre son message politique. « Moi, j’ai pas d’enfants, quelque part, j’en ai rien à foutre. Quand les vôtres, quand ils vont embrasser l’islam et qu’ils seront obligés, vous comprendrez », lâche-t-il sur l’une d’entre elles, selon des extraits dévoilés par Le Monde et BFMTV.
Les Barjols, AFO, etc, etc...
« La portée que le mis en cause a lui-même entendu donner à son acte va au-delà de l’action individuelle commise, avec une volonté de troubler l’ordre public par la terreur », a indiqué une source proche du dossier, justifiant ainsi la saisine du parquet national antiterroriste.
Jusqu’ici, s’agissant de l’extrême droite, le parquet national antiterroriste, créé en 2019, s’était surtout saisi de projets d’actions violentes, de la part d’individus isolés mais aussi de plusieurs groupuscules comme les Barjols qui auraient notamment voulu viser Emmanuel Macron. Ou encore l’Action des forces opérationnelles (AFO), soupçonnée de projets terroristes anti-musulmans, et dont le procès doit débuter mardi 10 juin.
Le souvenir de l’attaque de la mosquée de Bayonne et du meurtre de trois kurdes.
Le PNAT avait en revanche systématiquement laissé aux parquets locaux des dossiers de violences, voire de meurtres, pouvant être imputés à une idéologie d’extrême droite, s’attirant même des critiques pour cela. C’était déjà le cas en 2019 avec l’attaque de la mosquée de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) sur fond de racisme anti-musulman par un octogénaire, ancien candidat du Front national.
Le PNAT ne s’était pas saisi, non plus, du meurtre de trois kurdes en plein Paris, en décembre 2022. Le mis en cause, William Malet, a reconnu en interrogatoire avoir voulu « faire un attentat » avant de nuancer ses propos et de confesser « des fantasmes sadiques » couplés à « une envie de se suicider ». À l’époque, le parquet national antiterroriste avait expliqué que William Malet n’avait pas « conçu et perpétré » son acte dans le but de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Les éléments décisifs, donc, pour qualifier juridiquement une action comme terroriste.
L’affaire de Puget-sur-Argens vient donc, ici, donner une nouvelle orientation dans l’analyse des magistrats sur ces affaires particulières. Même si la définition même de l’acte terroriste qui doit « troubler gravement l’ordre public » reste large et, donc, sujette à la libre appréciation des magistrats. Christophe B., quant à lui, a été présenté à un juge d’instruction et mis en examen, jeudi 5 juin.
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Le 05 Juin 2025
Mots clés : associés • collaboration • RSE • intelligence artificielle • catastrophe environnementale
Pour un cabinet comme DS Avocats confronté au quotidien à la concurrence dans tous les domaines du droit, l’excellence au quotidien est une obligation et une pierre incontournable à l’édifice de la crédibilité. Pour ceci, outre son positionnement originel lié à l’international, il a choisi une méthode originale de promotion des associés qui lui permet notamment de rester au contact des aspirations de la clientèle au niveau des nouveaux enjeux « RSE ». Une appréhension fine des nouvelles problématiques liées au développement des intelligences artificielles est également une marque du fonctionnement du cabinet au quotidien. Pour faire le point sur tous ces sujets, Lexbase a interrogé Yvon Martinet, Président de DS Avocats*.
Lexbase : Pouvez-vous nous dire ce qui différencie DS avocat des autres cabinets de la place parisienne ?
Yvon Martinet : DS Avocats est un cabinet français à l’origine, né en 1972 à Paris et qui s'est internationalisé progressivement, notamment en Asie, avec un premier bureau à Pékin en 1986, puis à Shangai en 1997 et ensuite à Singapour et au Vietnam. Ont ensuite eu lieu des développements plus récents en Amérique du Sud et en Amérique du Nord avec nos cinq bureaux au Canada et nos vingt-six associés canadiens.
Donc c'est un cabinet français par origine, international par ambition et socialement responsable par conviction, ce qui est un peu différent effectivement, dans sa dimension internationale, des cabinets français plus traditionnels, mais aussi dans sa structure internationale, puisque nous avons à la fois des bureaux « en propre » DS avocats (c'est le cas en Asie), mais aussi le groupe DS lui-même avec des accords pour la marque, pour les services, pour la stratégie, mais de cabinets qui sont juridiquement indépendants, comme DS Canada, DS Chili, DS Pérou, ou DS Argentine.
Cependant, la roadmap stratégique est identique, à savoir un positionnement sur le mid-market avec trois typologies de services rendus partout, à savoir le droit transactionnel (fiscal, social, restructuring), l'accompagnement de la clientèle chinoise qui est vraiment une spécificité de DS partout dans le monde avec ce qu'on appelle le Desk Chine, puis dans tous les bureaux, une dimension ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) commune aux cabinets du groupe.
Lexbase : Quels sont les critères pour devenir associé ? Pouvez-vous nous éclairer sur la notion de « pré-associé » ?
Yvon Martinet : Nous avons effectivement en notre sein une catégorie existante entre la collaboration et l'association. Est inscrite dans nos statuts une période d’environ trois ans pour qu'un collaborateur devienne en capacité de devenir associé, avec l’acquisition de la capacité technique, de la dimension équipe et de la relation client, qui se développent différemment selon les personnalités.
Cette période de la pré-association dans ce qu'on appelle le « parcours DS » permet finalement une meilleure adaptation pour accéder sereinement au statut d’associé.
Pour les personnes provenant d’un cabinet externe, nous avons une phase de transition avec un accord qui est défini pendant un ou deux ans avec des objectifs de chiffre d'affaires, de marge et plus globalement de résultats. Il est alors « hors grille ».
Il rentre ensuite dans la grille au bon niveau puisque cela correspond à sa vraie activité, au vrai chiffre d'affaires qu'il a pu développer à la fois en amenant de l'extérieur une nouvelle clientèle ou en traitant chez DS une clientèle que DS peut lui apporter.
C'est cet ensemble-là qui permet de définir un moment donné une position dans la grille d'association, avec ces 12, 24 mois ou 36 mois de « pré-association », pendant lesquels il est associé de plein exercice sans être dans la grille.
Lexbase : De quelle manière accompagnez-vous les entreprises dans les nouveaux enjeux « RSE » ?
Yvon Martinet : Nous sommes une équipe très spécifique sur le marché, puisque l'équipe environnement - développement durable est la seule équipe d'avocats à être accréditée par le Comité français d'accréditation (Cofrac) en tant qu’organisme tiers indépendant depuis 2015.
Nous faisions la revue des déclarations de performance extra-financière ou des politiques des sociétés à mission, avant de basculer avec la Directive « CSRD » (Directive (UE) n° 2022/2464 du 14 décembre 2022, concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises N° Lexbase : L1830MGU), dans ce qu'on appelle aujourd'hui l'audit de durabilité avec une structure « DS durabilité » inscrite auprès de la Haute autorité de l'audit.
Mon associée Patricia Savin et moi-même sommes également inscrits auprès de la Haute autorité de l'audit en tant qu'auditeurs de durabilité vérificateurs, qui est une nouvelle profession réglementée créée depuis le 1er janvier 2024.
Nous opérons soit nous-mêmes, soit en partenariat, puisque nous avons créé une alliance avec le groupe Apave, qui possède une filiale à 100 % dédiée à la RSE (« RSE France »). Nous travaillons également avec le cabinet Arthaud, grand cabinet de comptabilité et de commissaires aux comptes de Lyon avec une présence au plan national très dédiée à la RSE.
Nous avons ainsi opéré une alliance « chiffres, ingénierie et droit » qui nous permet d'adresser le marché aujourd'hui des sociétés cotées, avant de pouvoir attaquer le marché des petites dimensions (ETI, PME) à l’avenir. Nous avons une filiale dédiée aux missions légales d’audit et de durabilité (DS durabilités) mais le conseil est resté du côté de DS avocats, ces deux missions ne pouvant s’exercer simultanément.
Lexbase : Après divers incidents comme AZF ou Lubrizol, le droit en matière de risques industriels s'est-il étoffé selon vous ?
Yvon Martinet : Oui, avec ses textes divers et variés comme la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023, relative à l'industrie verte N° Lexbase : L5999MSY, et toute une série de dispositions de nature à la fois à simplifier les procédures et d’ajouter un certain nombre de prescriptions.
La catastrophe de Lubrizol à Rouen en 2023 en est une parfaite illustration, permettant à l'administration d'exercer un meilleur contrôle sur les sites à risque. Elle a donné lieu à des dispositions légales et réglementaires qui obligent l'exploitant d'installations classées pour l'environnement soumis, notamment, à autorisation ou à autorisation spéciale à communiquer sur leur assurance, soit sur les assurances externes, soit sur l'auto-assurance.
C'est un risque ne pouvant pas être « outsourcé » chez un assureur de la place, parce que si les assurances environnementales existent, elles sont par nature limitées à certains risques. Cela peut donc être la combinaison de l'assurance environnement, de l’assurance « responsabilité civile » et/ou de l'auto-assurance qui permet, par cette communication régulière auprès de l'administration, à cette dernière de savoir ce que l'exploitant dédie aux risques qui sont les siens au plus près de ses activités, lesquelles doivent tenir compte de l'évolution des procédures de production et des process techniques.
C’est réellement un apport de l'affaire Lubrizol. Les crises amènent des évolutions, comme plus globalement la maturité progressive des entreprises en matière de gestion de risques amène aussi une simplification. On assiste à ce double mouvement d’une plus grande amplitude des sujétions des exploitants, mais aussi une d’une meilleure compréhension, d’une meilleure lisibilité et d’une simplification des procédures qu’on vit maintenant depuis six ou sept ans de manière continue.
Lexbase : Que pensez-vous du développement actuel de l’intelligence artificielle ? Comment comptez-vous accompagner vos collaborateurs afin d'éviter les dérives que l'on peut rencontrer avec certaines IA dont chat GPT ?
Yvon Martinet : Nous avons signé un accord avec Prédictice pour l'année 2025, ce qui va nous permettre de faire un retour d'expérience à l'Assemblée générale annuelle des associés qui aura lieu le 20 juin.
Je suis à titre personnel surpris, et je l'ai dit à plusieurs reprises, que l’Ordre n’ait pas pu négocier au nom de l'ensemble des avocats, soit directement, soit au travers d’une centrale de référencement pour tout le barreau. Il existe des accords entre le barreau de Paris et quelques opérateurs, mais plutôt limités à des cabinets de petite taille, accords auxquels nous, DS avocats, n'avons pas accès.
Nous sommes en outre en compétition avec des cabinets internationaux notamment, qui sont plus d'une centaine à Paris et qui ont les moyens par exemple d'avoir des IA plus personnalisées, plus individualisées ou qui ont les moyens d'utiliser tous les outils existants, donc toutes les IA possibles et imaginables, sans avoir à choisir. Nous ne disposons pas des mêmes moyens et je suis frappé de ce déséquilibre concurrentiel qui est en train de s'installer à travers cette disruption technologique.
De notre côté, nous ne pourrons jamais faire du « cherry picking », il nous faudra bien choisir un éditeur, d’où le questionnement sur le fait qu'il n'y ait pas de politique globale de la profession d'avocat et qu’on laisse se créer un déséquilibre concurrentiel important. J’ai aussi une question plus globale sur la sécurité des données bien entendu comme avec ChatGPT, sans parler des fuites de données vers des puissances étrangères qui, jusqu'à présent, étaient considérées comme des alliés de l'Union européenne et qui, peut-être, pourraient à l’avenir ne plus l'être comme auparavant.
Lexbase : Songez-vous dans l'avenir à créer un département spécialisé sur l'IA avec des avocats experts comme le font les cabinets anglo-saxons ?
Yvon Martinet : Tout d’abord, nous avons un département technique PITD (pour propriété intellectuelle, télécommunications et data) avec des avocats qui regardent de très près les questions d’IA, de data privacy et de gestion des datas.
Mais nous avons créé une « mission IA » qui s'appelle IA Project, plus transverse, avec un associé de l'équipe PITD, mais aussi des associés de plusieurs départements. Peut-être un jour disparaîtra-t-elle au profit d’un département dédié à l’IA mais il ne nous apparaît pas aujourd’hui, au niveau de maturité qui est le nôtre, que l’on puisse embarquer des associés qui ne travaillent pas spécifiquement sur la question de la data ou de la protection des data et qui sont externes à l'équipe PITD et se sentent moins légitimes sur ces questions.
*Propos recueillis par Virginie Natkin, chargée d’affaires grands comptes Avocats et Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
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Réf. : Avis, 8 avril 2025, Bulletin officiel du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 5 juin 2025, NOR : MENH2512345V
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par Marie Le Guerroué
Le 06 Juin 2025
Un avocat recruté par contrat à durée déterminée en tant que chargé d’enseignement vacataire par un établissement d’enseignement supérieur ne saurait, sans se placer en situation de conflit d’intérêts ni contrevenir aux dispositions du 3° de l’article L. 123-1 du Code général de la fonction publique N° Lexbase : L5497MGP, engager des actions en justice contre l’établissement qui le rémunère, pour le compte d’usagers et de personnels de cet établissement.
Le collège de déontologie de l’enseignement supérieur et de la recherche avait été interrogé sur les règles déontologiques applicables à un avocat recruté par une université en qualité de chargé d’enseignement vacataire, s’agissant de la possibilité d’engager des actions en justice contre cet établissement pour le compte d’usagers ou de personnels de celui-ci.
Le collège rappelle, notamment, que le troisième alinéa de l’article 5 du décret du 29 octobre 1987 N° Lexbase : L0198IPZ énonce qu' « à l'exception de ceux qui n'assurent que des vacations occasionnelles, les personnels régis par le présent décret sont soumis aux diverses obligations qu'implique leur activité d'enseignement (…) ». Sous la même réserve ils relèvent, en leur qualité d’agent public non titulaire, des dispositions du Code général de la fonction publique en vertu de son article L. 2 et sont dès lors soumis aux obligations définies au titre II du livre Ier de ce code. Au nombre de ces obligations figure, en application de l’article L. 121-4 N° Lexbase : L7141MB4, celle de « prévenir ou de faire cesser immédiatement les situations de conflit d'intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver », l’article L. 121-5 N° Lexbase : L6216MBT définissant le conflit d'intérêts comme « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions de l'agent public ».
En outre, et dès lors que l’interdiction, énoncée au 3° de l’article L. 123-1 du CGFP, de « donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique (…), sauf si cette prestation s’exerce au profit d’une personne publique ne relevant pas du secteur concurrentiel », n’est pas limitée aux agents publics occupant un emploi à temps complet, il y a lieu de considérer que cette interdiction s’applique à un chargé d’enseignement vacataire.
Le collège en déduit qu’un avocat recruté par contrat à durée déterminée en tant que chargé d’enseignement vacataire par un établissement d’enseignement supérieur ne saurait, sans se placer en situation de conflit d’intérêts ni contrevenir aux dispositions du 3° de l’article L. 123-1 du CGFP, engager des actions en justice contre l’établissement qui le rémunère, pour le compte d’usagers et de personnels de cet établissement.
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Le 02 Juin 2025
►Dans ce LexFlash, Daniel Kadar, Partner chez Reed Smith LLP, décrypte les approches adoptées en droit comparé pour faire face aux règles de conflit de juridictions :
Un épisode essentiel pour tout juriste confronté à la pluralité des ordres juridiques.
► Retouvez cette épisode sur Youtube.
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Le 28 Mai 2025
Mots clés : commande publique • pénal • favoritisme • recel de favoritisme • sourcing
La complexification du cadre réglementaire de la commande publique s’accompagne d’un mouvement de pénalisation. Entreprises privées et acteurs publics doivent être conscients des risques induits afin de les prévenir. Le délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les contrats publics, souvent appelé « favoritisme » peut servir de base aux poursuites tout comme l'ensemble des atteintes à la probité (prise illégale d’intérêt, trafic d’influence, concussion, corruption). Lexbase a interrogé Valérie Munoz-Pons et Vincent Brenot, avocats associés, August Debouzy*.
Lexbase : Quelles sont les principales situations à risque en matière de commande publique ?
Valérie Munoz-Pons : En matière de commande publique, le risque pénal est multiforme. Il existe pour les acheteurs publics mais aussi pour les acteurs privés qui sont leurs fournisseurs et qui peuvent être poursuivis, selon les infractions en cause, à titre principal ou sur le fondement du recel ou de la complicité. Différentes infractions peuvent fonder les poursuites. Le favoritisme est la principale, il sanctionne la violation de dispositions législatives ou règlementaires qui ont vocation à garantir le libre accès, l’égalité des candidats et la transparence des marchés publics. D’autres infractions peuvent également fonder des poursuites en matière de commande publique : la corruption, la prise illégale d’intérêts, le trafic d’influence ou encore la concussion. Les peines encourues sont lourdes. Outre des peines d’emprisonnement pour les personnes physiques, des sanctions financières sont prévues qui peuvent atteindre le double du produit tiré de l’infraction. Des peines complémentaires peuvent également s’appliquer et en particulier celle d’exclusion des marchés publics.
Vincent Brenot : Les situations qui présentent des risques sont variées. Les tribunaux sanctionnent régulièrement le fractionnement des marchés (« saucissonnage »), la passation de marchés de gré à gré alors que les règles de la commande publique imposaient des procédures formalisées, le recours abusif à des procédures négociées, l’accès pour le fournisseur à des informations privilégiées ou encore le fait de bénéficier de spécifications techniques sur mesure. Le recours à des avenants ou le recours occulte à la sous-traitance constituent également des situations à risque. Les violations peuvent se produire à tout moment de la procédure : en amont, par exemple si l’acheteur public ne procède pas à la phase obligatoire de mise en concurrence, en cours de procédure, s’il attribue un marché malgré un dossier incomplet ou moins-disant ou même en cours d’exécution du marché, s’il en modifie les termes au-delà des possibilités ouvertes par le Code de la commande publique.
Lexbase : Comment se protéger en tant que fournisseur ?
Vincent Brenot : Il faut être particulièrement vigilant dans les relations avec les acheteurs publics. La première question est celle de savoir si l’entité acheteuse est soumise aux règles de la commande publique. Certaines entités soumises aux règles de la commande publique ignorent elles-mêmes qu’elles le sont, créant ainsi les conditions d’un risque pénal pour leurs cocontractants.
Valérie Munoz-Pons : En matière de favoritisme, la question qui peut se poser est celle de savoir si le fournisseur a bénéficié, en connaissance de cause, de l’attribution d’un marché consécutive à une violation des règles de publicité ou de mise en concurrence applicables. Pour se prémunir contre les risques pénaux, les fournisseurs ont intérêt à mettre en place des mesures spécifiques (qui s’inscrivent notamment dans le cadre des mesures de préventions prévues par la loi « Sapin II » (loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 N° Lexbase : L6482LBP) et à documenter leur suivi. Parmi ces mesures, on rappellera l’utilité d’un code de conduite clair à diffuser aux équipes, la cartographie des risques identifiant les principaux écueils en matière de commande publique, des formations régulières du personnel exposé ou encore un suivi spécifique des marchés publics et parapublics. Il est important d’anticiper ces questions et de prendre des mesures en amont. En cas de doute, il faut prendre l’attache d’un conseil spécialisé car une fois que le marché est attribué, il est très difficile de revenir en arrière.
Lexbase : Le sourcing peut-il donner lieu à des poursuites pénales ?
Vincent Brenot : Le sourcing est une procédure encadrée par le Code de la commande publique. Il consiste en des échanges entre l’acheteur public et des fournisseurs. Il intervient en amont de la procédure de passation. L’acheteur public communique de manière officielle, non rémunérée et transparente avec les opérateurs économiques afin de recueillir des informations techniques, des études de marché ou des orientations. Cette démarche active permet à l’acheteur public de repérer dans un domaine précis des procédés émergents ou innovants ou d’aider à la détermination de son besoin.
Valérie Munoz-Pons : Le risque est que, lors de cette phase d’échange préalable, l’acheteur public divulgue des informations sur son projet et rompe ainsi l’égalité requise entre les candidats. Le cas échéant, le sourcing est susceptible de donner lieu à la commission de l’infraction de favoristisme. L’article R. 2111-1 du Code de la commande publique N° Lexbase : L2525LRX précise d’ailleurs que « Les résultats des études et échanges préalables peuvent être utilisés par l'acheteur, à condition que leur utilisation n'ait pas pour effet de fausser la concurrence ».
Vincent Brenot : L’article 5 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, relatif aux marchés publics N° Lexbase : L5199MWH, prévoit que « L’acheteur prend les mesures appropriées pour que la concurrence ne soit pas faussée par la participation [au marché] d’un opérateur qui aurait eu accès (…) à des informations. ». Sur le plan administratif, il arrive que les tribunaux annulent des marchés après avoir constaté que, lors du sourcing, un candidat avait reçu des informations précises sur les critères techniques et financiers de l’attribution d’un marché plusieurs mois avant la publication de l’avis d’appel public à la concurrence, lui procurant un avantage injustifié par rapport à ses concurrents [1]. Les bonnes pratiques vont consister en (i) la mise à disposition au sein de la documentation de l’appel d’offres de l’ensemble des informations communiquées à l’occasion du sourcing et (ii) une analyse des besoins qui expose de manière objective les suggestions faites par les opérateurs (et ne se contente pas de reprendre simplement les propositions des opérateurs). Il est également recommandé de conserver une trace des échanges lors du sourcing.
Lexbase : L'entreprise est-elle protégée si l'acheteur public considère à tort qu'il n'est pas soumis aux règles de la commande publique ?
Valérie Munoz-Pons : Le favoritisme et le recel de favoritisme sont des délits intentionnels. Cela signifie qu’ils ne peuvent être réprimés en l’absence d’intention de les commettre. Cette intention est analysée par les tribunaux au regard de la connaissance qu’avait l’auteur de l’irrégularité de ses actes : s’il a accompli en connaissance de cause un acte contraire aux dispositions légales et réglementaires garantissant la liberté d’accès et l’égalité dans les marchés publics, le prévenu pourra être condamné pour favoritisme. L’erreur est bien une cause d’irresponsabilité pénale mais elle est appréciée très restrictivement. En pratique, la simple invocation d'une méconnaissance des règles ou d'une erreur dans la procédure de mise en concurrence ne suffit pas. La personne poursuivie doit apporter la preuve de l'erreur invincible sur le droit au sens de l’article 122-3 du Code pénal N° Lexbase : L2316AMQ, autrement dit impossible à éviter même en se renseignant auprès de tiers compétents. Cela signifie que cette erreur ne peut naître ni d’une tolérance, ni d’une simple carence. La Cour de cassation considère de façon constante que les élus ou agents publics ayant une longue expérience dans la passation des marchés publics ou qui disposent de moyens d’information ne peuvent pas utilement invoquer l’erreur de droit, sauf circonstance exceptionnelle. Ainsi, il est souvent tenu compte de la situation de l’élu ou de l’agent public (son ancienneté, son expérience), du fait qu’il ne pouvait ignorer les règles, ou d’autres circonstances de fait (le recours à une procédure irrégulière après avertissement, l’absence d’élection d’une commission, l’ouverture des plis par des élus candidats à l’attribution, la demande d’établissement d’un devis à une entreprise liée à un élu) pour justifier la condamnation.
Le recel de favoritisme sanctionne la personne qui bénéficie, en connaissance de cause, d’un avantage tiré d’une infraction de favoritisme. L’intention du receleur n’est pas non plus présumée : elle doit être démontrée, c’est-à-dire qu’il doit être établi que la personne poursuivie avait connaissance de l’origine illicite de l’avantage dont elle a bénéficié. L'erreur du receleur permet d’écarter sa responsabilité uniquement si la preuve en est rapportée selon des critères précis : elle doit porter sur le droit et non sur un fait et elle doit être invincible ou inévitable même en faisant preuve de la diligence attendue d’une personne normalement prudente et informée. Or, là encore, les tribunaux se montrent souvent très stricts dans l’appréciation de l’erreur et tendent à l’écarter sur le fondement d’éléments purement factuels : par exemple, la qualité professionnelle ou l’expérience du bénéficiaire, les circonstances dans lesquelles l’avantage a été obtenu ou encore la participation à des actes laissant supposer la connaissance de l’irrégularité de l’attribution.
Vincent Brenot : Des décisions récentes [2] pourraient laisser que l’absence d’élément moral est un argument de nature à justifier la relaxe. Dans un dossier de favoritisme, le tribunal correctionnel de Paris a notamment reconnu l’erreur de droit à propos d’un document élaboré par la direction juridique d’une société importante. Toutefois, les tribunaux sont généralement plus exigeants et tendent à écarter quasi-systématiquement l’erreur de droit en matière de favoritisme, ce qui incite à la plus grande prudence.
*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
[1] Par exemple CAA Versailles, 16 juin 2022, n° 19VE03858 N° Lexbase : A748377B.
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