Le Quotidien du 19 mai 2025

Le Quotidien

Affaires

[Dépêches] Obligation d’information du conseiller en gestion de patrimoine à l'égard de l'investisseur

Réf. : Cass. com., 30 avril 2025, n° 23-23.253, F-B N° Lexbase : A15840QQ

Lecture: 2 min

N2254B3U

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef

Le 16 Mai 2025

Le conseiller en gestion de patrimoine est tenu, à l'égard de l'investisseur, d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, de l'opération proposée, ainsi que sur les risques qui lui sont associés.

Dans cette affaire, un investisseur a apporté des fonds a des sociétés créées au sein de deux programmes de défiscalisation. L'administration fiscale a remis en cause les réductions d'impôt escomptées. Soutenant notamment que le CGP avait manqué à son obligation de lui fournir un investissement lui permettant d'obtenir l'avantage fiscal escompté, l’investisseur l’a assigné en responsabilité.

La cour d’appel rejette la responsabilité du CGP (CA Paris, 5-10, 11 septembre 2023, n° 20/03404 N° Lexbase : A15891MS). L’investisseur se pourvoit alors en cassation. Plusieurs moyens sont développés, un seul retiendra ici notre attention. Il s’agit de celui emportant cassation de l’arrêt d’appel. En effet, les juges d’appel avaient notamment estimé qu’« en dépit d'une présentation flatteuse, l'ensemble des documents énoncent les caractéristiques du produit, son montage en son principe, les différentes phases de l'opération projetée mais aussi les risques de redressement fiscal dans les chapitres dédiés présentés comme le corollaire de l'avantage offert ».

La Haute juridiction énonce qu’il résulte de l’ancien article 1147 du Code civil N° Lexbase : L1248ABT que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu, à l'égard de l'investisseur, d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, de l'opération proposée, ainsi que sur les risques qui lui sont associés. Ainsi, elle censure la cour d’appel jugeant que celle-ci s’est déterminée par des motifs impropres à établir que les informations fournies faisaient clairement et complètement état des risques des opérations de défiscalisation.

Un autre arrêt du même jour énonce la même solution Cass. com., 30 avril 2025, n° 24-10.471, F-D N° Lexbase : A76630QU).

newsid:492254

Contrôle fiscal

[Dépêches] Renseignements obtenus de tiers : exclusion des documents établis à partir de la base « VIES »

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 13 mars 2025, n° 490897, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A701364I

Lecture: 1 min

N2137B3K

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par Marie-Claire Sgarra

Le 16 Mai 2025

Le Conseil d’État a jugé dans un arrêt du 13 mars 2025 qu’un document établi par l'administration à partir d'une base de données alimentée par les administrations fiscales des États membres de l'Union européenne et aux informations de laquelle elle a un accès automatisé, n'est pas au nombre des documents obtenus de tiers, au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 76 B du LPF.

À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration a remis en cause l’application de la TVA sur la marge pratiquée par le requérant pour certains véhicules revendus, entraînant un rappel de TVA.

Rappelons qu’aux termes de l’article L. 76 B du LPF N° Lexbase : L7606HEG, l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition.

En l'espèce, la question portait sur la communication d’un document issu d’une base de données européenne concernant la TVA.

Réponse du Conseil d’État. Un document produit par l’administration à partir d’une base de données alimentée par les autorités fiscales des États membres de l’UE, à laquelle elle a un accès automatisé, ne constitue pas un document obtenu d’un tiers au sens de l’article L. 76 B du LPF. C’est notamment le cas d’un document résultant de la consultation des données sur la TVA enregistrées dans un système électronique  et accessibles automatiquement par l’administration.

newsid:492137

Droit pénal de l'environnement

[Podcast] L’intervention de l’avocat face au dommage environnemental : quelle responsabilité ?

Lecture: 1 min

N2285B3Z

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Le 16 Mai 2025

À la croisée du droit civil, du droit administratif et du droit pénal, le dommage environnemental soulève des questions complexes de responsabilité. Dans cette vidéo, Hassan Ben Hamadi, Avocat associé, cabinet Adlane avocats, explore le rôle stratégique de l’avocat en la matière.
► Retouvez cette épisode sur Youtube, Deezer, Apple et Spotify.
 

newsid:492285

Propriété intellectuelle

[Questions à...] Liberté d’expression vs droit des marques - Questions à Clara Viguié, avocate au barreau de Paris

Lecture: 7 min

N2284B3Y

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Le 16 Mai 2025

Mots clés : droit des marques • contrefaçon • propriété intellectuelle • imitation • exception de parodie

À l’occasion récent d’un conflit entre la marque Rolex et un artiste plasticien ayant repris ses cadrans les plus célèbres dans une collection d’œuvres intitulée « 3D Watches », représentant des cadrans de montres intégrant des villes, diffusée sur les réseaux sociaux et exposée au Royal Monceau, s’est rejouée l’éternelle bataille entre entreprises soucieuses de leur image de marque (et donc de leur modèle économique) et les créateurs s’inspirant d’œuvres connues du grand public pour stimuler leur imagination. Pour faire le point sur ce hiatus dont l’on peut deviner qu’il n’est pas prêt de disparaître, Lexbase a interrogé Clara Viguié, avocate au barreau de Paris, co-Présidente de la commission Propriété Intellectuelle et Droit des Marques de l’ACE*.


 

Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les conditions d'usage d'une marque dans une œuvre artistique ?

Clara Viguié : Le dépôt d’une marque confère à son titulaire un monopole d’exploitation, de sorte que toute réutilisation non autorisée est en principe interdite.

Cependant, cette interdiction ne s’applique que si le signe est utilisé dans la vie des affaires, à titre de marque, c’est-à-dire pour désigner l’origine d’un produit ou d’un service (CPI, art. L. 713-6 N° Lexbase : L5886LT8).

Dans un contexte artistique, l’usage d’une marque peut être admis, à condition qu’il ne crée pas de risque de confusion dans l’esprit du public, ne porte pas atteinte à sa fonction distinctive ou ne cherche pas à tirer indûment profit de sa notoriété.

Une attention particulière s’impose en matière de marques de renommée, dont l’usage peut être sanctionné s’il vise à tirer indûment profit de leur notoriété ou à s’inscrire dans leur sillage.

La jurisprudence illustre cet équilibre. Il a été admis que la reprise du nom « Rolex » dans le titre d’une œuvre artistique relevait de la liberté de création. En revanche, l’utilisation de cette marque à des fins promotionnelles a été sanctionnée, puisqu’il pouvait laisser croire à l’existence d’un partenariat avec la maison horlogère et tirait indûment profit de la notoriété de sa marque [1].

De même, l’exploitation d’un monogramme similaire à celui de Louis Vuitton sur des pochettes de disques a été jugée illicite, la Cour de cassation ayant considéré qu’il s’agissait d’une exploitation injustifiée de la renommée de la marque à des fins commerciales [2].

À l’inverse, plusieurs décisions ont reconnu la légitimité d’usages critiques de marques dans un cadre militant, comme les noms de domaine jeboycottedanone.com ou le détournement du signe « E$$O » par Greenpeace. Ces utilisations ont été considérées comme relevant de la liberté d’expression, dès lors qu’elles n’induisaient pas le public en erreur et ne visaient pas à concurrencer les marques [3].

Lexbase : Comment concilier respect de la propriété intellectuelle et liberté artistique ? 

Clara Viguié : La liberté d’expression, protégée par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L4743AQQ, comprend la liberté de création. Elle peut néanmoins entrer en conflit avec les droits de propriété intellectuelle, qui confèrent un droit exclusif à leur titulaire. L’enjeu réside alors dans la recherche d’un équilibre entre, d’un côté, la protection d’une œuvre ou d’un signe, et, de l’autre, la possibilité de les détourner, de les réinterpréter ou de les critiquer dans une démarche artistique.

En droit des marques, un usage non commercial, purement artistique et sans confusion possible, peut être toléré. Les juridictions examinent l’intention de l’auteur, le contexte d’exploitation de la marque et les effets produits sur le public.

En droit d’auteur, les juridictions appliquent le test dit en trois étapes : la restriction à la liberté d’expression doit notamment poursuivre un intérêt légitime, et être nécessaire et proportionnée.

Plusieurs décisions illustrent cette mise en balance. Dans l’affaire « Dialogue des Carmélites », la Cour d'appel statuant sur renvoi, à la suite d'une décision rendue par la Cour de cassation, a admis qu’une mise en scène librement interprétée ne portait pas atteinte au droit moral de l’auteur, dès lors qu’elle respectait les thèmes essentiels de l’œuvre. La liberté créative du metteur en scène a primé puisque l’intégrité de l’œuvre n’avait pas été altérée de manière manifeste [4].

À l’inverse, dans une affaire impliquant l'artiste Jeff Koons, la Cour d’appel de Paris a jugé qu’une sculpture reproduisant les éléments caractéristiques d’une photographie protégée portait atteinte aux droits de l’auteur : l’œuvre avait été reprise sans autorisation, ni citation, et la démarche artistique ne justifiait pas cette utilisation [5].

Ces décisions rappellent que la liberté artistique n’est pas absolue : cela dépend principalement du degré de transformation, de la finalité poursuivie et du respect des droits en présence.

Lexbase : Qu’en est-il de l’exception de parodie ?

Clara Viguié : L’exception de parodie est expressément prévue en droit d’auteur (CPI, art. L. 122-5 N° Lexbase : L6540L7D), permettant, sous conditions, la réutilisation d’une œuvre à des fins de parodie, de pastiche ou de caricature. En revanche, cette exception n’existe pas en droit des marques, ce qui a conduit à une construction jurisprudentielle progressive.

Dès 2000, dans une affaire relative aux « Guignols de l’info », la Cour de cassation a reconnu que la marque « Citroën » pouvait être parodiée dans le cadre d’une émission satirique, sur le fondement de la liberté d’expression [6]. Certains usages parodiques sont tolérés, à condition qu’ils ne dévalorisent pas la marque, ni ne créent de risque de confusion.

Pour exemple, la parodie de la marque « Camel » par une association de lutte contre le tabac a été jugée licite, car relevant d’un message humoristique et critique [7].

Cela étant, ces cas restent peu importants. Les tribunaux examinent avec rigueur la finalité de l’usage : en présence d’une exploitation commerciale, la parodie est en principe écartée. Ainsi, dans l’affaire « Petit Chavire » [8], l'apposition sur un un t-shirt parodiant la marque « Petit Navire » a été jugée illicite, car l’usage visait manifestement à tirer profit de la notoriété attachée à cette marque. L'analyse est similaire dans l’affaire « Tranche Dimanche » [9], où l’utilisation jugée dévalorisante de la marque « France Dimanche » a été sanctionnée et n'a donc pas pu être justifiée sur le fondement de la liberté d’expression.

Enfin, une évolution notable est intervenue en matière de dessins et modèles : la Directive (UE) n° 2024/2823 du 23 octobre 2024, sur la protection juridique des dessins ou modèles N° Lexbase : L5676MRN, consacre une exception de parodie. Entrée en vigueur le 1er mai 2025, elle devra être transposée prochainement en droit français.

Lexbase : Avec le développement de l’IA, ne risque-t-on pas d’assister à une multiplication des contentieux ?

Clara Viguié : C’est une question très actuelle, mais le cadre juridique reste encore en construction. Aux États-Unis, plusieurs affaires ont déjà émergé autour d’œuvres générées par l’IA, comme « A single piece of American cheese », reconnue comme protégeable par le droit d’auteur [10].

En France, les débats actuels se concentrent notamment sur l’utilisation d’œuvres existantes pour entraîner des modèles d’IA.

Il n’existe pas à mon sens, de vide juridique en la matière. Le droit européen prévoit une exception de « fouille de données » encadrée par la Directive (UE) n° 2019/790 du 17 avril 2019, sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique N° Lexbase : L3222LQE. Ce texte permet aux titulaires de droits de s’opposer à l’utilisation de leurs œuvres à des fins d’entraînement d’IA, sous réserve de manifester explicitement leur refus (opt-out).

En pratique, les questions portent sur la mise en œuvre concrète de cette exception, notamment sur le périmètre du consentement des ayants droit et les modalités techniques d’opposition. Le 12 mars 2025, trois syndicats français (SGDL, SNAC et SNE) ont engagé une action contre Meta devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon et parasitisme. Il s’agit du premier contentieux connu en France sur ce sujet.

Cette affaire ouvrira sans doute la voie à d’autres actions, mais pour l’heure, le cadre juridique demeure mouvant, à la croisée du droit d’auteur, de la régulation des données et des enjeux technologiques liés à l’IA.

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public

[1] TJ Paris, 2 avril 2025, 23/044114 N° Lexbase : A322008R.

[2] Cass. com., 11 mars 2008, n° 06-15.594 N° Lexbase : A3921D7D.

[3] CA Paris, 30 avril 2003, n° 2001/14371 N° Lexbase : A9199B4H ; CA Paris, 16 novembre 2005, n° 04/12417 N° Lexbase : A0612EAW.

[4] Cass. civ. 1, 22 juin 2017, n° 15-28.467 N° Lexbase : A1052WK8 ; CA Versailles, 30 novembre 2018, n° 17/08754 N° Lexbase : A7160YNI.

[5] CA Paris, 17 décembre 2019, n° 17/09695 N° Lexbase : A3886Z8G.

[6] Ass. Plén., 12 juillet 2000, n° 99-19.004 N° Lexbase : A2600ATH.

[7] Cass. civ. 2, 19 octobre 2006, n° 05-13.489 N° Lexbase : A9647DRQ.

[8] CA Rennes, 27 avril 2010, 09/00413 N° Lexbase : A0583EXU.

[9] TJ Paris, 29 octobre 2021, 20/199 N° Lexbase : A42557U7.

[10] Site publicrecords.copyright.gov.

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Urbanisme

[Jurisprudence] Les pouvoirs du maire face aux travaux irréguliers

Réf. : Cass. civ. 3, 20 mars 2025, n° 23-11.527, FS-B N° Lexbase : A530368W

Lecture: 8 min

N2181B38

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par Thibault Fromentin, avocat, Gide Loyrette Nouel

Le 12 Mai 2025

Mots clés : autorisation d’urbanisme • infraction • travaux irréguliers • régularisation • mise en conformité

Par une décision du 20 mars 2025, la Cour de cassation a confirmé que le maire d’une commune peut agir en référé pour obtenir la démolition d’un ouvrage réalisé sans autorisation. Ce rappel d’importance invite à préciser les contours des dispositifs répressifs qu’il peut utiliser face aux occupations du sol et travaux non autorisés.


 

Le droit de l’urbanisme encadre la possibilité de construire, de démolir ou de modifier l’affectation du sol.

Par son essence même, il restreint les prérogatives du propriétaire immobilier qui n’est donc pas libre d’utiliser son bien comme il l’entend sans s’assurer que son projet est conforme aux règles d’urbanisme et, le cas échéant, sans accomplir certaines formalités préalables.

Cette limite à l’utilisation des sols étant justifiée par l’intérêt général, l’administration dispose d’un important panel d’actions afin de combattre sa transgression.

Ainsi, les travaux exécutés sans autorisation d’urbanisme, alors qu’ils y étaient soumis, ou en violation de l’autorisation obtenue sont qualifiés d’irréguliers.

Deux séries de conséquences en découlent.

D’une part, sans régularisation de la situation, l’évolution de la construction concernée est, en principe, restreinte voire interdite [1].

D’autre part, le maire est fondé à mettre en œuvre les pouvoirs qui lui ont été attribués pour, d’abord, prévenir l’aggravation de la situation et inciter à sa mise en conformité ; ensuite, mettre un terme à l’infraction, le cas échéant par la contrainte ; enfin, faire sanctionner le responsable des travaux.

I. Les mesures extrajudiciaires pour obtenir la mise en conformité des travaux

Lorsque le maire a connaissance de travaux irréguliers, il est tenu d’en faire dresser un procès-verbal et de le transmettre sans délai au ministère public [2].

En pareil scenario, dans l’attente d’éventuelles poursuites judiciaires, il peut également ordonner l’interruption des travaux par arrêté motivé et, pour assurer l’application effective de cette décision, saisir les matériaux approvisionnés ou le matériel de chantier [3].

Pourtant, il n’a longtemps pas été autorisé à prolonger cette action en imposant à l’administré concerné de se mettre en conformité avec le droit de l’urbanisme.

Cette situation a été corrigée par la loi n° 2018-1461 du 27 décembre 2019, relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique N° Lexbase : L6378MSZ, qui a créé un mécanisme extrajudiciaire à la main du maire en complément du dispositif existant de répression pénale des travaux irréguliers.

Désormais, le maire [4] peut « indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée (…) après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu'[il] détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation » [5].

En dépit de la précision selon laquelle ce texte s’applique aux « travaux », le Conseil d’État a jugé qu’il doit englober l’ensemble des opérations soumises à autorisation d’urbanisme et celles qui, bien que dispensées de formalité, n’en sont pas moins exécutées irrégulièrement (par exemple en violation du document d’urbanisme applicable) [6].

Concrètement, lorsqu’il est informé de l’existence d’une construction ou occupation du sol irrégulière, le maire doit en dresser procès-verbal et le transmettre au ministère public.

En complément, s’il entend faire usage de ses pouvoirs de police de l’urbanisme, il doit inviter l’administré mis en cause à présenter ses observations sur cette situation.

Passé cette première étape amiable, il peut alors le mettre en demeure de procéder aux régularisations requises, dans un délai qu’il détermine en fonction de la nature de l’infraction (ce délai peut être prolongé pour tenir compte des difficultés rencontrées par l’intéressé pour s’exécuter, sans toutefois pouvoir excéder un an).

Enfin, si l’administré récalcitrant ne défère pas à cette mise en demeure, alors le maire peut prendre des mesures coercitives à son encontre.

À ce titre, il est par exemple en droit d’exiger la démolition des aménagements irréguliers [7].

De plus, pour le contraindre à se conformer auxdites mesures, il peut également prononcer une astreinte, dont le montant (déterminé selon l’ampleur des travaux à réaliser et des conséquences de leur éventuelle non-exécution) ne peut excéder 500 euros par jour et 25 000 euros au total [8].

Enfin, il peut obliger l’administré concerné à consigner entre les mains du comptable public une somme équivalant au montant des travaux de régularisation (celle-ci lui est alors restituée au fur et à mesure de leur mise en œuvre) [9].

La question de la prescription de ces actions extra-judiciaires n’a, à ce jour, pas été formellement tranchée.

Cependant, en créant ce nouveau dispositif, le législateur a entendu « court-circuiter l’action du juge pénal » et créer une « voie parallèle à celle de la procédure pénale » [10].

L’esprit même du texte impose donc d’exclure son application sans limite temporelle : il s’agit d’un dispositif conçu pour le temps court afin d’offrir à l’autorité administrative la faculté de « réagir rapidement » lorsqu’elle a connaissance d’une infraction [11].

Il faut donc a minima considérer que ces sanctions administratives ne peuvent pas être mises en œuvre au-delà d’un délai raisonnable.

Il serait en effet contradictoire d’appliquer ce dispositif au-delà de la durée de l’action pénale (prescrite par six ans [12]) alors même qu’il a vocation à s’y substituer.

II. Le recours au juge civil pour mettre un terme à l’infraction

Dans les 10 ans suivant l’achèvement des travaux, le maire peut saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner « la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8 N° Lexbase : L1045MMN » [13].

En d’autres termes, le maire peut demander en justice qu’il soit mis fin à une occupation du sol ou des travaux irréguliers.

Cette faculté d’action, qui peut être alternative ou complémentaire aux mesures extrajudiciaires susvisées, lui est ouverte même si la compétence en matière de plan local d’urbanisme a été transférée à un établissement public de coopération intercommunale [14] et même en l’absence de préjudice quelconque pour la commune [15].

Par ailleurs, elle peut prendre la forme tant d’un recours au fond qu’en référé.

En effet, le juge de l’urgence est non seulement compétent pour ordonner l’interruption de travaux irréguliers [16] mais aussi pour prescrire l’ensemble des mesures conservatoires et de remise en état qui s’imposent pour faire cesser le trouble résultant de la violation de la règle d’urbanisme et prévenir le dommage imminent qui en découle [17].

L’objectif étant de rétablir la situation, il appartient au juge judiciaire de prononcer une sanction proportionnée à l’infraction caractérisée, c’est-à-dire d’ordonner la mise en conformité de l’ouvrage lorsque celle-ci est possible et acceptée par son propriétaire ou, à défaut, sa démolition [18].

III. L’intervention du juge pénal pour sanctionner l’auteur de l’infraction

Outre les volets administratif et civil ci-dessus analysés, il ne faut pas perdre de vue que les occupations du sol et travaux irréguliers sont obligatoirement signalés par le maire au ministère public via la transmission du procès-verbal d’infraction et qu’ils sont sévèrement réprimés par le droit pénal de l’urbanisme.

En effet, leur régularisation spontanée ne fait pas disparaître l’infraction, ce qui ne fait donc, théoriquement, pas obstacle aux poursuites [19]. Néanmoins, dans l’hypothèse où elles seraient tout de même initiées, cette régularisation est de nature à alléger le quantum de la peine prononcée [20].

En particulier, les utilisateurs du sol, bénéficiaires des travaux, architectes, entrepreneurs ou autres responsables de leur exécution s’exposent à une amende dont le montant est compris entre, d’une part, 1 200 euros et, d’autre part, soit 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable, soit 300 000 euros dans les autres cas [21] ; étant précisé que ces montants sont multipliés par cinq lorsque l’infraction est reprochée à une personne morale [22].

De plus, en cas de condamnation, le tribunal peut ordonner la mise en conformité des lieux ou la démolition des ouvrages irréguliers, le cas échéant sous astreinte, ainsi que la publicité du jugement dans plusieurs lieux et journaux locaux [23].

Enfin, dans l’hypothèse où le contrevenant ne se plierait pas à son obligation judiciaire de mise en conformité de la construction, celle-ci peut être exécutée d’office, à ses frais, par le maire [24].


[1] CE, 9 juillet 1986, n° 51172 N° Lexbase : A4786AM9 ; v. néanmoins C. urb., art. L. 421-9 N° Lexbase : L7106L7C, qui prévoit, sauf dans certains cas, la prescription par 10 ans de cette obligation de régularisation.

[2] C. urb., art. L. 480-1 N° Lexbase : L0742LZI, qui vise l’ensemble des infractions « de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1 », c’est-à-dire les travaux non autorisés, exécutés en violation de l’autorisation obtenue ou, alors qu’ils sont dispensés d’autorisation, en violation des règles d’urbanisme qui leur sont néanmoins applicables. Par ailleurs, lorsque c’est l’EPCI qui est compétent en matière d’urbanisme, c’est à son président que revient l’obligation de faire constater les infractions dont il a connaissance.

[3] C. urb., art. L. 480-2 N° Lexbase : L5007LUY.

[4] Ou l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme visée aux L. 422-1 N° Lexbase : L9324IZD à L. 422-3-1 du Code de l’urbanisme.

[5] C. urb., art. L. 481-1 N° Lexbase : L1046MMP.

[6] CE, 23 mars 2023, n° 468360 N° Lexbase : A50149KW.

[7] CE, 22 décembre 2022, n° 463331 N° Lexbase : A738383T.

[8] Le juge administratif peut suspendre l’astreinte lorsqu’elle n’est pas proportionnée à la situation du mis en cause (v. par exemple TA Toulon, 18 octobre 2021, n° 2102691).

[9] C. urb., art. L. 481-1 et L. 481-3 N° Lexbase : L5025LUN.

[10] Ch. Wiels, Les nouvelles dispositions sur le contentieux en matière d'astreinte résultant de la loi engagement dans la vie locale et proximité, un renforcement des pouvoirs de police en matière d'urbanisme, BJDU, 2020, n° 3, p. 155.

[11] CE, 5 septembre 2019, n° 398312, avis sur la lettre rectificative au projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique N° Lexbase : A89686DI.

[12] C. proc. pén., art. 8 N° Lexbase : L9542I3S.

[13] C. urb., art. L. 480-14 N° Lexbase : L5020LUH.

[14] Cass. civ. 3, 21 janvier 2021, n° 20-10.602 N° Lexbase : A24934E3.

[15] Cass. civ. 3, 16 mai 2019, n° 17-31.757 N° Lexbase : A4718ZBD.

[16] Cass. civ. 3, 4 avril 2019, n° 18-11.207 N° Lexbase : A3273Y8Q.

[17] Cass. civ. 3, 20 mars 2025, n° 23-11.527 N° Lexbase : A530368W.

[18] Cons. const., décision n° 2020-853 QPC du 31 juillet 2020 N° Lexbase : A89603RB.

[19] Cass. crim., 8 mars 2017, n° 15-87.422 N° Lexbase : A4469T3W ; Cass. crim., 16 janvier 2018, n° 17-81.157 N° Lexbase : A8768XAY.

[20] Le prononcé de la sanction en droit pénal est guidé par le principe de personnalité de la peine. Autrement dit, le comportement du prévenu est un élément pris en compte dans la détermination du quantum de la sanction (v. pour l’exemple de l’obstination du prévenu malgré les mises en garde du maire sur la nécessité d’obtenir un permis de construire : Cass. crim., 20 juin 2000, n° 00-80.065 N° Lexbase : A6525CXX). On peut donc penser que les diligences accomplies par le prévenu afin de procéder à la régularisation de l’infraction qui lui est reprochée seront prises en compte par la juridiction lors du prononcé de la sanction.

[21] C. urb., art. L. 480-4.

[22] C. urb., art. L. 480-4-2.

[23] C. urb., art. L. 480-5 N° Lexbase : L6812L7G et L. 480-7 N° Lexbase : L5018LUE.

[24] C. urb., art. L. 480-9 N° Lexbase : L5014LUA.

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