Le Quotidien du 5 mai 2025

Le Quotidien

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Observations] Le taux prévisible d’incapacité n’est pas contestable par l’employeur pour défendre à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable

Réf. : Cass. civ. 2, 10 avril 2025, n° 23-11.731, F-B N° Lexbase : A13710HA

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N2185B3C

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par Bruno Fieschi, Avocat associé, Flichy Grangé Avocats

Le 29 Avril 2025

► Une maladie caractérisée, non désignée dans un tableau des maladies professionnelles, peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué, dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage fixé à 25 % par l'article R. 461-8. Le taux prévisible d’incapacité évalué par le service du contrôle médical dans le dossier constitué pour le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles revêt un caractère provisoire et n’est pas notifié aux parties. Dès lors, il ne peut être contesté par l’employeur pour défendre à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable.

La reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie, dite « hors tableau », est subordonnée à l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles afin qu’il se prononce sur l’existence d’un lien de causalité direct et essentiel entre le travail habituel et la maladie déclarée, mais encore faut-il que la maladie entraîne le décès de la victime ou une incapacité permanente d'un taux évalué, dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L7111IUW, et au moins égal à un pourcentage fixé à 25 % par l'article R. 461-8 du Code la Sécurité sociale N° Lexbase : L0585LQQ [1], comme l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale [LXBL8868LHW] le dispose.

Afin de faciliter la reconnaissance des affections hors tableau, et sous l’impulsion d’une lettre ministérielle du 13 mars 2012, introduisant la notion d’incapacité permanente prévisible évaluée avant consolidation [2], la CNAMTS a diffusé une lettre réseau préconisant un certain nombre de bonnes pratiques afin d’assurer un traitement homogène des demandes de prise en charge des affections psychiques, en raison des difficultés d’appréciation de cette incapacité et en l’absence de critères précis [3].

La réitération de la notion d’incapacité prévisible. Quand bien même les pouvoirs législatif et réglementaire n’ont pas ultérieurement consacré la notion d’incapacité prévisible, bien qu’ils ont édicté différents textes pour améliorer notamment la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles hors tableau [4], la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a jugé de manière prétorienne que, pour l’application des dispositions des articles L. 461-1, R. 461-8 N° Lexbase : L0585LQQ, D. 461-29 N° Lexbase : L0591LQX et D. 461-30 N° Lexbase : L0590LQW du Code de la Sécurité sociale, le taux d’incapacité permanente à retenir pour l’instruction d’une demande de prise en charge d’une maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles est celui évalué par le service du contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et non le taux d’incapacité permanente partielle fixé après consolidation de l’état de la victime pour l’indemnisation des conséquences de la maladie [5]. Ainsi, au stade de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie hors tableau, est retenu un taux d’incapacité prévisible distinct du taux d’incapacité permanente apprécié au jour de la consolidation par le médecin conseil de l’assurance maladie. En cela, l’arrêt commenté du 10 avril 2025 réitère une solution précédemment consacrée.

Le principal apport de l’arrêt commenté. La deuxième chambre civile de la Cour de la cassation de précise se prononce sur la possibilité ou non pour l’employeur de contester ce taux d’incapacité prévisible comme moyen de défense dans le cadre de l’action en faute inexcusable, pour remettre en cause le caractère professionnel de la maladie et obtenir in fine le rejet de la reconnaissance de la faute inexcusable. Ce n’est pas tant la solution juridique que la motivation de la décision adoptée qui retient l’attention.

En effet, dans le cadre d’un contentieux en contestation d’une décision de reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie hors tableau, à l’occasion duquel un employeur demandait au juge de vérifier que le taux d’incapacité prévisible était justifié, la Haute cour avait déjà pu rejeter un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt d’appel ayant déclaré opposable à l’employeur la décision de la CPAM, au motif laconique selon lequel la cour d’appel « n’avait pas à procéder à la recherche prétendument omise » [6]. Aussi, lorsque la deuxième chambre civile de la Cour de cassation juge, en l’espèce, que le taux d’incapacité prévisible ne peut être contesté pour défendre à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable, et que le juge du fond n’avait pas à procéder à une recherche prétendument omise et qu’il a pu exactement déduire que le taux d’incapacité prévisible ne pouvait pas être remis en cause par l’employeur, la solution retenue s’inscrit donc dans une continuité.

Il n’en demeure pas moins que la motivation de l’arrêt rendu le 10 avril 2025 peut laisser perplexe dans une certaine mesure. La motivation tient en quelques mots. N’étant pas notifié aux parties à raison de son caractère provisoire, le taux d’incapacité prévisible ne peut dès lors pas être contesté par l’employeur pour défendre l’action en reconnaissance de la faute inexcusable. Par analogie, faut-il comprendre de cet attendu que l’assuré n’a plus le droit de contester l’évaluation du service médical de l’assurance lorsqu’il retient une incapacité prévisible inférieure à un taux de 25 % ? Si on peut en douter, la formulation peut être discutée. En pratique, lorsque la CPAM retient que l’incapacité prévisible est inférieure à 25 %, elle notifie à l’assuré une décision de refus de prise en charge qui lui ouvre une voie de recours. En conséquence, ce qui demeurerait contestable pour l’assuré [7] ne le serait pas pour l’employeur, bien qu’il soit exposé à subir la notification d’une décision de prise en charge, étant rappelé que l’avis rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles s’impose à la CPAM en sa décision finale [8].

Une solution juridique restrictive. La difficulté d’appréciation de l’incapacité prévisible fut identifiée dès l’origine, comme cela fut précédemment exposé. Appréciée en considération d’un état pathologique évolutif et provisoire à la date de la déclaration de la maladie professionnelle, l’incapacité prévisible nécessite d’être objectivée, notamment par l’emploi d’une méthode d’évaluation suffisamment rigoureuse. Dès lors, le renoncement à un contrôle juridictionnel à l’initiative de l’employeur, au seul motif que cette incapacité prévisible est provisoire, apparaît assez peu protecteur des droits de la défense dans le cadre de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. En l’état, si l’employeur a toujours la possibilité de contester l’origine professionnelle de la maladie dans le cadre de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable, sa contestation ne peut porter que sur l’existence d’un lien de causalité direct et essentiel entre le travail habituel et la maladie déclarée, sans qu’il ne puisse discuter de la sévérité de l’état pathologique avant consolidation, alors qu’elle reste être une condition nécessaire à la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie hors tableau.

La solution dégagée apparaît d’autant plus restrictive qu’elle restreint la défense de l’employeur en considération de données relatives à l’instruction du caractère professionnel de la maladie, alors que le courant jurisprudentiel dominant opère une distinction nette entre la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, et l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Ainsi, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a déjà pu juger qu’ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident, de la maladie ou de la rechute, la décision prise par la caisse est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur [9] ; mais également que l’employeur a toujours la possibilité de contester l’origine professionnelle de la maladie dans le cadre de l’instance en reconnaissance de sa faute inexcusable, quand bien même la décision de prise en charge notifiée à l’employeur n’a pas été contestée [10].

Finalement, la motivation de l’arrêt rendu tirée du caractère provisoire de l’incapacité prévisible et de son défaut de notification peine à convaincre. Si un assuré peut être amené à subir une minoration excessive de son incapacité provisoire prévisible par le service du contrôle médical [11], l’employeur n’était-il jamais exposé à l’excès inverse ? Les faits têtus établissent que la difficulté n’est pas que théorique pour l’employeur [12].

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La définition de la maladie professionnelle, Les cas d'application, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E3062ETL.

[1] Décret n° 2002-543 du 18 avril 2002, relatif à certaines procédures de reconnaissance des maladies professionnelles N° Lexbase : L3060AZD, art. 1er. Ce taux était antérieurement fixé à 66,66 %.

[2] Ch. Willmann, Risques psychosociaux : une reconnaissance comme maladie professionnelle, mais progressive, octobre 2015, n° 630 N° Lexbase : N9613BUL.

[3] Cnam, Lettre-réseau LR-DRP-01/2013, 4 janvier 2013 [en ligne].

[4] Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, de financement de la Sécurité sociale pour 2018 N° Lexbase : L6540MSZ, art. 27 ; décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, relatif à l’amélioration de la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles et du fonctionnement des CRRMP N° Lexbase : L2784MWZ.

[5] Cass. civ. 2, 19 janvier 2017, n° 15-26.655, FS-P+B N° Lexbase : A7223S9E ; Cass. civ. 2, 24 mai 2017, n° 16-18.141, F-D N° Lexbase : A0921WET ; Cass. civ. 2, 9 mai 2018, n° 17-17.323, F-D N° Lexbase : A6215XM7.

[6] Cass. civ. 2, 21 octobre 2021, n° 20-13.889, F-D N° Lexbase : A996749Z.

[7] Cass. civ. 2, 20 juin 2019, n° 18-17.373, F-P+B+I N° Lexbase : A2917ZG7.

[8] CSS, art. L. 461-1 N° Lexbase : L8868LHW.

[9] Cass. civ. 2, 26 novembre 2015, n° 14-26.240, F-P+B N° Lexbase : A0798NY9 ; Cass. civ. 2, 11 février 2016, n° 15-10.066, F-P+B N° Lexbase : A0347PLG.

[10] Cass. civ. 2, 5 novembre 2015, n° 13-28.373, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7339NUD.

[11] CA Bordeaux, 27 juillet 2023, n° 20/00430 N° Lexbase : A07411DS.

[12] CA Amiens, 7 novembre 2023, n° 20/04245 N° Lexbase : A92171YZ.

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Baux d'habitation

[Observations] Irrecevabilité de la demande en recouvrement d’une indemnité au titre de réparation locatives suivant la procédure d’injonction de payer

Réf. : Cass. civ. 3, 27 mars 2025, n° 23-21.501, FS-B N° Lexbase : A42260CI

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N2136B3I

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par Virginie Pezzella, Maître de conférences en droit privé (Université Jean Moulin Lyon 3), Directrice adjointe de l’Institut de droit patrimonial et immobilier de la faculté de droit, Avocate associée du cabinet Olympe Avocats

Le 29 Avril 2025

Le recouvrement d’une créance réclamée au titre de dégradations locatives ne peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer dès lors que son montant n’est pas déterminé en vertu des seules stipulations du contrat de bail.

Dans la décision étudiée, rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 27 mars 2025, les Hauts magistrats avaient à se prononcer sur la recevabilité d’une demande de recouvrement d’une créance au titre de réparations locatives suivant la procédure d’injonction de payer prévue à l’article 1405 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6337H7T. La particularité de l’affaire - ayant certainement conduit les juges du fond à juger cette demande recevable - tenait en l’espèce au fait que l’indemnisation avait été fixée et payée au bailleur par une compagnie d’assurance auprès de laquelle il avait souscrit une police garantissant les obligations locatives des locataires. L’action était alors menée par la compagnie d’assurance, subrogée dans les droits du bailleur, contre les locataires. Considérant que la créance avait un caractère contractuel et qu’elle était déterminée, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux avait rendu une ordonnance portant injonction de payer, contre laquelle les locataires ont formé opposition soulevant l’irrecevabilité des demandes de la compagnie d’assurance au motif que la créance résultant de dégradations locatives n’était pas susceptible d’être recouvrée suivant la procédure d’injonction de payer. Déboutés en première instance, les locataires ont formé un pourvoi en cassation. La troisième chambre civile de la Cour de cassation leur donne raison en jugeant que le recouvrement d’une créance réclamée au titre de dégradations locatives ne peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer dès lors que son montant n’est pas déterminé en vertu des seules stipulations du contrat de bail.

Il résulte de l’article 1405 du Code de procédure civile que la procédure d’injonction de payer (non-contradictoire, c’est là tout son intérêt) permet, notamment, le recouvrement d’une créance lorsque cette dernière « a une cause contractuelle et s'élève à un montant déterminé ». Le texte précise : « en matière contractuelle, la détermination est faite en vertu des stipulations du contrat ». Cette disposition pourrait laisser entendre que les dommages et intérêts résultant de l’inexécution d’un contrat entreraient dans le champ d’application de l’injonction de payer, mais ce serait faire fi de son interprétation téléologique. L’objectif du législateur, à travers cette procédure, est de permettre un recouvrement simplifié des créances qui paraissent indiscutables. Indiscutables quant à leur principe certes, mais également quant à leur montant. La clef de lecture de l’article 1405 du Code de procédure civile est alors la suivante : les deux conditions que pose cette disposition sont indissociables. La créance doit être de nature contractuelle et déterminée ou déterminable par le seul contrat.

Il s’agit précisément du principe posé par la Cour de cassation dans la décision étudiée : le recouvrement d’une créance contractuelle ne peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer que si son montant est déterminé en vertu des seules stipulations du contrat. Autrement dit, le juge doit trouver dans le contrat, et lui seul, les éléments lui permettant de fixer le montant de la créance, ce qui n’est évidemment pas le cas de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle, sauf à ce que leur montant ait été fixé par les parties dès la conclusion de l’acte (v. déjà en ce sens Cass. com.,14 juin 1971, Bull. civ. IV, n°169, D. 1971.629). Appliquée aux faits de l’espèce, la solution est des plus évidentes : les réparations locatives – qui sont nécessairement fonction d’éléments factuels postérieurs à la conclusion du bail – ne peuvent entrer dans le champ d’application de la procédure d’injonction de payer. Les sommes dues par un locataire au titre des réparations locatives correspondent en effet à la réparation d’un manquement contractuel, qui donne lieu à des dommages et intérêts évalués en fonction de l’appréciation que le juge aura du préjudice subi par le bailleur en cours d’exécution du contrat (Cass. civ. 3, 14 décembre 2023, n° 21.19-488, F-D N° Lexbase : A255419H, Gaz. Pal. 23 avril 2024. 48, note J.-D. Barbier).

La portée de cette décision interroge toutefois quant à l’hypothèse inverse, c’est-à-dire celle dans laquelle le locataire recourt à la procédure d’injonction de payer pour obtenir restitution de son dépôt de garantie. De telles demandes sont courantes et jugées recevables. Elles permettent ainsi à des locataires d’obtenir un titre exécutoire sans avoir à rapporter de preuve de la restitution des lieux en bon état de réparations locatives. Peut-on pourtant considérer que le montant de la créance est ici déterminé par le contrat lui-même puisqu’il est fonction de l’état dans lequel le local sera restitué ? Peut-on même considérer que la créance existe réellement ici ? Le montant du dépôt de garantie est fixé par le contrat de bail, mais il ne constitue pas nécessairement une créance pour le locataire. Reste à espérer une saisine de la Cour de cassation sur cette question.

newsid:492136

Fiscalité internationale

[Dépêches] Le Conseil de l’Union européenne adopte la Directive « DAC 9 »

Réf. : Conseil de l’UE, communiqué de presse, 14 avril 2025

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N2131B3C

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par Marie-Claire Sgarra

Le 30 Avril 2025

Le Conseil de l’Union européenne a adopté le 14 avril la Directive « DAC9 » qui étendra la coopération et l'échange d'informations dans le domaine de l'imposition minimale effective des sociétés.

L'objectif de cette Directive est de mettre en œuvre des dispositions spécifiques de la directive relative au Pilier Deux qui a appliqué dans l'UE l'accord mondial du G20 et de l'OCDE sur la réforme de la fiscalité internationale.

Que prévoit le texte ?

  • actualisation de la Directive européenne relative à la coopération administrative (DAC) en élargissant les règles en matière de transparence fiscale ;
  • simplification de la déclaration pour les grandes entreprises en permettant le dépôt central d'une déclaration d'information pour l'impôt complémentaire (DIIC)
  • introduction d’un formulaire type pour le dépôt de la DIIC dans l'ensemble de l'UE
  • extension du  cadre de l'échange automatique entre États membres pour couvrir les DIIC

Prochaines étapes

  • les États membres devront adopter et publier, au plus tard le 31 décembre 2025, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette Directive,
  • la première déclaration pour l'impôt complémentaire doit être soumise au plus tard le 30 juin 2026.

 

 

 

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Marchés publics

[Jurisprudence] Irrecevabilité du candidat en redressement judiciaire ne justifiant pas être autorisé à poursuivre ses activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché

Réf. : TA Bordeaux, 28 mars 2025, n° 2501623 N° Lexbase : A31700E7

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par Laurent Bidault, avocat au barreau de Paris, Novlaw Avocats et Nicolas Machet, élève avocat

Le 30 Avril 2025

Mots clés : commande publique • redressement judiciaire • exclusion du marché • poursuite d'activité • mise en concurrence

Doit être déclarée irrecevable la candidature d’une entreprise en situation de redressement judiciaire, qui ne présente ni plan de redressement, ni autorisation à exercer ses activités durant la durée d’exécution du marché public.


 

La commune de Lège-Cap-Ferret : ses plages, ses pistes cyclables, son phare…et son marché ! Qui donne lieu à un contentieux en référé précontractuel (quand on vous dit que le droit public est partout).

En l’occurrence, la commune a lancé une procédure adaptée de passation pour l’attribution d’un marché public d’assistance pour l’exploitation du marché municipal du Cap-Ferret (entretien et encaissement des droits de place) pour les années 2025 et 2026.

À l’issue de la procédure, ce marché a été attribué à la Société Lombard et Guérin Gestion.

Son offre étant arrivée en seconde position, la Société Les Fils de Madame Géraud n’a pas manqué d’introduire un référé précontractuel devant le tribunal administratif de Bordeaux pour obtenir l’annulation de cette procédure de passation.

Et son argumentaire a fait mouche.

I. Candidat en redressement judiciaire : exclusion de plein droit à tout stade de la procédure

Précisément, l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique N° Lexbase : L0688LZI sanctionne par une exclusion de la procédure les candidats qui ont été admis à la procédure de redressement judiciaire qui ne bénéficient pas d’un plan de redressement ou qui ne justifient pas avoir été habilités à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché.

C’est un cas d’exclusion de plein droit [1], au même titre qu’une condamnation pénale définitive pour certaines infractions ou que le non-respect par le candidat de ses obligations en matière fiscale et/ou sociale.

Autrement dit, l’acheteur qui constate qu’un candidat entre dans l’un des cas d’exclusion prévus par l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique doit directement écarter sa candidature comme étant irrecevable.

Et, l’acheteur n’a pas à requérir au préalable des observations de la part de ce candidat, à la différence des cas d’exclusion qui sont à l’appréciation de l’acheteur [2].

La société placée en redressement judiciaire doit donc justifier, dès le dépôt de son offre, qu’elle a été dûment habilitée par le jugement prononçant son placement en redressement judiciaire à poursuivre son activité pour toute la durée prévisible d’exécution du marché.

L’acheteur n’est pas tenu de lui demander de produire un tel document avant d’écarter sa candidature.

Et dans l’hypothèse où le placement en redressement judiciaire interviendrait après la date limite de dépôt des offres, la société doit en informer sans délai le pouvoir adjudicateur, lequel doit alors apprécier si sa candidature reste recevable [3].

Si la candidature de cette société n’est plus recevable, le pouvoir adjudicateur ne peut pas poursuivre la procédure avec elle.

Le juge du référé précontractuel peut ainsi annuler une procédure de passation d’un marché qui a été attribué à une société placée en redressement judiciaire après la sélection de son offre s’il constate que cette dernière n’était pas recevable, eu égard à l’absence d’autorisation de cette société à poursuivre son activité pour toute la durée prévisible d’exécution du marché.

Ce contrôle juridictionnel approfondi sur les capacités financières du candidat vise à garantir au pouvoir adjudicateur que le marché sera conclu avec une société qui dispose des capacités financières nécessaires à sa bonne exécution.

Cela permet également d’assurer le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.

II. L’importance de justifier d’être autorisé à poursuivre son activité pour la durée prévisible d’exécution du marché

Dans l’affaire ici commentée, la société Lombard et Guérin Gestion avait été placée en redressement judiciaire en vertu de l’article L. 631-1 du Code de commerce N° Lexbase : L3683MBZ par un jugement du 17 juillet 2024 du tribunal de commerce de Nanterre [4], soit antérieurement à la date de remise des offres fixée le 27 janvier 2025.

La société requérante, Les Fils de Madame Géraud, soutenait que l’offre de sa concurrente aurait dû être écartée dans la mesure où elle ne justifiait pas avoir été autorisée à poursuivre son activité pour toute la durée prévisible d’exécution du marché, à savoir une période initiale courant du 2 avril 2025 au 4 janvier 2026.

En effet, le tribunal de commerce de Nanterre n’avait autorisé le 17 juillet 2024 une poursuite d’activité que pour une durée de 6 mois.

Bien que cette période initiale ait été prolongée de 6 mois supplémentaires par un jugement du 14 janvier 2025 (soit jusqu’au 17 juillet 2025), cette nouvelle période ne couvrait pas l’intégralité de la durée prévisible d’exécution du marché.

Par ailleurs, la société Lombard et Guérin Gestion ne justifiait d’aucun plan de redressement judiciaire ni à la date limite de remise des offres ni à la date à laquelle le juge s’est prononcé.

Dans les faits, son mandataire judiciaire indiquait simplement qu’un plan de redressement judiciaire était en cours d’élaboration et serait vraisemblablement adopté en juillet 2025.

Partant, la société Lombard et Guérin Gestion ne disposait pas d’une autorisation à poursuivre son activité pour la durée prévisible d’exécution du marché de sorte qu’elle entrait dans le cas d’exclusion de plein droit prévu par l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique.

C’est donc en toute logique que le Juge des référés a considéré que l’offre de cette société aurait dû être écartée comme irrecevable et que la commune de Lège Cap-Ferret a manqué à ses obligations de mise en concurrence en la déclarant recevable.

Ensuite, pour retenir que la société Les Fils de Madame Géraud s’est trouvée lésée par ce manquement, le juge des référés a fait application d’une jurisprudence constante selon laquelle le fait pour l’acheteur public de retenir une offre irrégulière est susceptible d’avoir lésé le candidat évincé, quel qu’ait été son propre rang de classement à l’issue du jugement des offres [5].

Par conséquent, le juge des référés annule la procédure de passation du marché au stade de l’examen des candidatures.

Un jugement qui rappelle l’importance pour l’acheteur public de vérifier que le candidat qui présente une offre en vue de l’attribution d’un marché public est bien recevable pour ce faire.

 

[1] Cas prévus par les articles L. 2141-1 N° Lexbase : L1524MHW à L. 2141-6-1 du Code de la commande publique.

[2] Cas prévus par les articles L. 2141-7 N° Lexbase : L4441LRW à L. 2141-11 du Code de la commande publique.

[3] CE, 26 mars 2014, n° 374387 N° Lexbase : A2310MIE.

[4] Devenu Tribunal des affaires économiques au 1er janvier 2025.

[5] CE, 11 avril 2012, n° 354652 N° Lexbase : A6183IIT ; plus récemment, CE, 21 octobre 2024, n° 491665 N° Lexbase : A70216BN.

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