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par Axel Valard
Le 29 Avril 2025
Evidemment, c’est sur Instagram que Nadia El Bouroumi a livré sa première réaction. Et a annoncé sa volonté de faire appel de la peine qui l’a frappée, mercredi 23 avril. L’avocate avignonnaise a été condamnée à un an d’interdiction d’exercer sa profession par le conseil régional de discipline des barreaux de la cour d’appel de Nîmes (Gard). Très connue dans le sud de la France, cette robe noire était devenue célèbre lors du procès de Dominique Pélicot, l’an dernier à Avignon.
Offensive dans sa façon de défendre l’un des accusés, elle avait surtout marqué les esprits par ses propos et attitudes sur les réseaux sociaux, notamment Instagram où elle racontait ses journées d’audience, par le menu. Critiquée pour son attitude, elle avait répondu un beau matin en chantant et en dansant dans sa voiture sur la chanson Wake me up before you go-go (« Réveille moi avant de partir ») du groupe Wham, ce qui avait mis de l’huile sur le feu, en pleins débats judiciaires sur la soumission chimique dont a été victime Gisèle Pélicot, durant des années.
Mais ce n’est pas pour cela qu’elle a été condamnée, la semaine dernière. En réalité, le conseil régional de discipline était saisi de faits anciens la concernant : d’abord pour avoir créé une société de coaching en parallèle de son activité d’avocate, puis pour avoir entraîné un incident par le passé et enfin pour avoir pris et diffusé des photos d’une salle d’audience…
Une société de coaching qui pose problème.
Finalement, le conseil régional de discipline l’a relaxée pour la prise d’images et leur diffusion sur les réseaux sociaux, les faits ne pouvant réellement être démontrés. Mais elle a été condamnée pour le reste. Selon la décision, elle a été reconnue coupable « d’avoir contrevenu aux règles déontologiques de la profession d’avocat en étant actionnaire majoritaire d’une société commerciale dispensant des prestations de coaching alors que cette activité n’est pas connexe à la profession d’avocat… »
Elle a également été condamnée pour un accrochage avec une autre avocate en mai 2023 au palais de justice d’Évry (Essonne). Lors de l’audience fin février, une peine de dix-huit mois d’interdiction d’exercer avait été requise à son encontre. Le conseil l’a donc condamnée à une peine inférieure, alors que Nadia El Bouroumi avait plaidé, via ses avocats, la relaxe.
Elle vante « une profession en mouvement ».
Sur ses réseaux sociaux, l’avocate a donc immédiatement annoncé sa volonté de faire appel afin, dit-elle, « de se battre pour que le périmètre d’action de l’avocat évolue ». « On ne peut pas, en 2025, réduire notre métier à un exercice figé, déconnecté des réalités économiques, sociales et humaines. Je crois à une profession en mouvement, capable d’entreprendre, d’innover, de s’ouvrir… »
L’avocate devrait donc encore faire parler d’elle sur les réseaux sociaux où elle défend, régulièrement, sa vision de la justice. Prise à partie régulièrement, elle s’est toujours défendue de vouloir créer des polémiques inutiles, en expliquant elle aussi être victime de cyberharcèlement. « Depuis le début [du procès de Dominique Pélicot], je subis des menaces, du harcèlement, des insultes publiques. Mes enfants sont également victimes de harcèlement (…) Cette pression publique et médiatique incessante me musèle et m’empêche de défendre mes clients de manière impartiale. » Elle est suivie par plus de 52 000 personnes sur les réseaux sociaux.
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Réf. : CAA Nancy, 1ère ch., 3 avril 2025, n° 20NC00801 N° Lexbase : A12740LR
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N2155B39
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Le 23 Avril 2025
Mots clés : éoliennes • environnement • saturation visuelle • énergies renouvelables • espèces protégées
Dans un arrêt rendu le 3 avril 2025, la cour administrative d’appel de Nancy, saisie en appel d’une demande d’annulation de l’arrêté du 26 juin 2017 du préfet des Ardennes autorisant l’implantation du parc éolien du Mont des Quatre Faux et de l’arrêté de régularisation du 3 octobre 2023, a annulé les arrêtés du préfet des Ardennes autorisant l’exploitation de soixante-trois éoliennes. Les juges ont notamment argué du dépassement pour les habitants du secteur des seuils d’alerte admis pour apprécier le phénomène de saturation visuelle. Pour apprécier le sens de cette décision mettant un point d’arrêt à la construction du plus grand parc éolien terrestre de France, Lexbase a interrogé Roxane Sageloli, Huglo Lepage Avocats*.
Lexbase : Dans sa décision, la CAA a notamment invoqué le phénomène de saturation visuelle. Pouvez-vous nous rappeler ce qu'il recouvre ?
Roxane Sageloli : Selon la jurisprudence du Conseil d’État il convient, pour apprécier l’effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte de l’effet d’encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l’ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d’écrans visuels, l’incidence du projet sur les angles d’occupation et de respiration, ce dernier s’entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.
Le juge s’appuie pour ce faire sur les différents indices pris en compte par les services de l’État : indice d’occupation de l’horizon (correspondant à la somme des angles de vision occupés par les éoliennes depuis un point fixe), indice de densité sur les horizons occupés (lié au nombre d'éoliennes rapporté à l'indice d'occupation de l'horizon) et indice d’espace de respiration ou angle de respiration (qui renvoie au plus grand angle de vision sans éolienne), ainsi que sur la topographie des lieux. Il prend également en compte le fait que ni le relief, ni la végétation ne peuvent masquer les éoliennes prévues par le projet. Le Conseil d’État a récemment étendu cette jurisprudence au cas d’instruction concomitante de plusieurs projets.
Le phénomène de saturation visuelle implique que l’on atteigne un degré au-delà duquel la présence des installations dans le paysage s’impose dans tous les champs de vision, entraînant une perte de lisibilité du paysage et une occupation continue de l’horizon.
Lexbase : Couplée à d'autres raisons déjà invoquées comme la préservation d’un paysage présentant une composante immatérielle , ne préfigure-t-elle pas une remise en cause des grands projets éoliens à venir ?
Roxane Sageloli : Cette décision de la CAA de Versailles [1] est précisément celle qui a permis au Conseil d’État, statuant en chambres réunies, de clarifier la manière d’appréhender les atteintes au paysage, en y intégrant une dimension immatérielle prenant en considération sa valeur historique, mémorielle, culturelle et artistique, y compris littéraire [2].
Elle portait toutefois sur un site remarquable classé au titre du code du patrimoine, pour partie au titre des monuments historiques, et dont le classement trouvait expressément son fondement dans la protection et la conservation de paysages étroitement liés à la vie et à l’œuvre de Marcel Proust. Les éoliennes projetées auraient été visibles depuis ce site, risquant ainsi d’y porter une atteinte significative, ainsi qu’à l’intérêt paysager et patrimonial du village.
La décision est inédite, en ce qu’elle confère une dimension immatérielle à la protection du paysage. Mais elle est aussi topique. Le degré d’exigence sera sans doute très élevé afin de la voir transposée à d’autres implantations, dont il conviendra d’établir au préalable l’existence d’un paysage emblématique d’un patrimoine historique, mémoriel, culturel et artistique notoire à préserver, auquel le projet risquerait de porter une atteinte significative.
Lexbase : La préservation d'espèces protégées est-elle une menace supplémentaire pour ces mêmes projets ?
Roxane Sageloli : La préservation des espèces protégées [3] constitue en effet un écueil contentieux majeur pour les projets éoliens. Le cadre juridique issu de l’article L. 411-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L7924K9D, interprété à la lumière de la jurisprudence nationale et européenne impose une obligation de résultat : toute atteinte à une espèce protégée ou à ses habitats est en principe interdite, sauf à bénéficier d’une dérogation.
Celle-ci n’est accordée que lorsque sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d’une part, à l’absence de solution alternative satisfaisante, d’autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur.
La jurisprudence récente montre une exigence accrue, dans l’examen notamment des deux premières conditions (raison impérative d’intérêt public majeur et absence de solution alternative satisfaisante). Pour autant, une dérogation au régime de protection des espèces ne s’impose que si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé, en tenant compte des mesures d’évitement et de réduction proposées.
C’est donc sur cette notion de risque suffisamment caractérisé, appréciée in concreto, et qui n’existe pas dans la jurisprudence européenne que se cristallise dans bien des cas l’enjeu de la préservation des espèces protégées, ainsi que le sort de nombreux projets, subordonnés de fait à une exigence accrue de qualité de l’étude d’impact.
Lexbase : Plus généralement, n'est-ce pas le développement des politiques environnementales qui pourrait se voir sérieusement compromis ?
Roxane Sageloli : Le projet de loi de simplification de la vie économique, déjà en cours d’examen par l’Assemblée nationale puisqu’adopté après engagement de la procédure accélérée, soulève en effet de vives inquiétudes quant à ses effets potentiellement dévastateurs sur les politiques environnementales, et sur les quelques acquis du droit de l’environnement en général.
Sous couvert de simplification normative, plusieurs dispositions visent à alléger les procédures applicables aux projets d’aménagement, sinon à en supprimer les obstacles contentieux, notamment en matière d’autorisation environnementale et d’urbanisme.
Si l’objectif affiché de fluidifier les procédures n’est pas contestable en soi, le fait restreindre le temps d’analyse des projets, d’entraver le rôle des contre-pouvoirs (associations, autorités environnementales, juges), d’amoindrir la qualité des évaluations, voire de les supprimer va dans le sens d'un affaiblissement significatif des garanties environnementales.
La difficulté tient sans doute au fait d’opposer, par principe, le développement des politiques environnementales à l’exigence de sécurité juridique ou à l’objectif de simplification du droit. Alors qu’en réalité, ce sont moins les normes environnementales elles-mêmes que leur articulation, leur lisibilité et la qualité de leur mise en œuvre qui posent difficulté.
Partant, ce n’est tant le développement des politiques environnementales qui se voit compromis que leur crédibilité et leur effectivité. La transition écologique et énergétique ne peut se construire sur l’effacement progressif du droit de l’environnement, qui, on le rappelle, est gouverné par un principe de non-régression. Elle exige au contraire des outils clairs, exigeants et bien articulés, garants d’un juste équilibre entre la protection des milieux et des espèces et le développement des projets.
[1] CAA Versailles, 2e ch., 11 avril 2022, n° 20VE03265 N° Lexbase : A98217TW.
[2] CE, 5°-6° ch. réunies, 4 octobre 2023, n° 464855, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A20901KM.
[3] Espèces protégées : la justice ordonne l’arrêt du parc éolien d’Aumelas pour quatre mois, Ouest France, 7 avril 2025.
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Réf. : Cass. civ. 3, 30 janvier 2025, n° 23-14.069, F-D N° Lexbase : A23926TR
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par Manon Brauge, Avocate, Cabinet M2J
Le 28 Avril 2025
► Dans cet épisode de LexFlash, Manon Brauge, Avocate, Cabinet M2J, revient sur un arrêt récemment rendu par la Cour de cassation qui relance le débat sur les obligations des diagnostiqueurs en matière de repérage de l’amiante. Une simple vérification visuelle suffisait-elle ? Quels impacts pour les professionnels du secteur ?
►Retrouvez cet épisode sur Youtube.
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Réf. : CAA Nantes, 5ème ch., 18 mars 2025, n° 22NT04125, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A475368K
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par Olivier Savignat, Avocat associé, Valians avocats et Gustave Barthélémy, juriste
Le 28 Avril 2025
Mots clés : continuité d’urbanisation • communes littorales • SCOT • loi « ELAN » • loi « littoral »
L’arrêt ici commenté constitue un exemple d’annulation d’un schéma de cohérence territoriale (SCOT) en raison de sa méconnaissance des dispositions de la loi « Littoral », aujourd’hui codifiées aux articles L. 121-1 à L. 121-51 du Code de l’urbanisme et dont les SCOT doivent normalement préciser les modalités d’application.
La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – dite loi « ELAN » (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique N° Lexbase : L8700LM8) – a fait du SCOT « l’instrument privilégié d’appropriation locale de la loi Littoral » [1].
L’article L. 121-3 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L9981LMM, dans sa version issue de la loi « ELAN », dispose ainsi que « Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre [Aménagement et protection du littoral]. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ».
Le SCOT n’est donc pas véritablement le document intégrateur de la loi. Autrement posé, ses prescriptions n’en reprennent pas les dispositions et ne font donc pas « écran » ni « disparaître la loi ». Néanmoins, ce document apporte des précisions qui « se répercuteront, par le truchement du rapport de compatibilité́ entre documents d’urbanisme, au PLU et, par suite, aux autorisations d’urbanisme » [2].
Au premier chef, le SCOT joue un rôle d’identification et de localisation des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés dans la continuité desquels l’urbanisation peut valablement s’étendre, conformément à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L9980LML.
C’est un manquement à cette obligation qui a initialement motivé l’annulation partielle, par le tribunal administratif (TA) de Rennes, du SCOT du Golfe du Morbihan – Vannes agglomération. Le juge de première instance a en effet considéré que deux petits « Ker » avaient été identifiés à tort comme des secteurs déjà urbanisés en espace proche du rivage par le SCOT. Il avait, du reste, écarté les autres moyens soulevés par l’association « Les amis des chemins de ronde du Morbihan » [3].
Ne se satisfaisant pas de cette décision, l’association requérante a porté l’affaire devant la cour administrative d’appel (CAA) de Nantes, insistant cette fois sur « l‘absence de détermination de la capacité d’accueil du territoire couvert par le SCOT ».
En effet, comme le dispose l’article L. 121-3 du Code de l’urbanisme, il incombe également aux schémas de cohérence territoriale (SCOT) de déterminer la capacité d’accueil des territoires littoraux en prenant en compte les éléments énumérés à l’article L. 121-21 du Code précité, à savoir « la préservation des espaces et milieux mentionnés à l'article L. 121-23, (…) l’existence de risques littoraux, notamment ceux liés à la submersion marine, et de la projection du recul du trait de côte, (…) la protection des espaces nécessaires au maintien ou au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes » et les « conditions de fréquentation par le public des espaces naturels, du rivage et des équipements qui y sont liés ».
Par un arrêt n° 22NT04125 N° Lexbase : A475368K en date du 18 mars 2025, la CAA de Nantes a réformé le jugement de première instance en tant qu’il n’a pas prononcé l’annulation du document dans son ensemble. Celle-ci a en effet considéré qu’au-delà de l’identification erronée de quelques secteurs déjà urbanisés, l’intégralité du SCOT était viciée par une lacune dirimante quant à la détermination de la capacité d’accueil des nombreux territoires littoraux concernés.
Cet arrêt constitue un exemple d’annulation d’un SCOT pour méconnaissance de la loi « Littoral » (loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à la protection, l’aménagement et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9). Son intérêt jurisprudentiel réside essentiellement dans le motif ayant fondé l’annulation intégrale du document (I). Plus classiquement, il offre une illustration du contrôle, par le juge administratif, de l’identification par le SCOT des secteurs déjà urbanisés (II).
I. L’absence de détermination des capacités d’accueil des territoires littoraux
Comme le rappelle la CAA de Nantes dans les motifs de sa décision, « il appartient aux auteurs du schéma de cohérence territoriale, notamment, de déterminer la capacité d'accueil du territoire concerné qui doit s'entendre comme étant le niveau maximum de pression exercée par les activités ou les populations permanentes et saisonnières que peut supporter le système de ressources du territoire sans mettre en péril ses spécificités ».
Il s’agit « d’un préalable ayant pour but d'analyser le niveau maximum de pression exercée par les activités ou les populations permanentes et saisonnières que peut supporter le territoire des communes littorales ». Cela suppose donc de procéder à une analyse des éléments énumérés par l’article L. 121-21 précité, éléments dont la préservation au titre de la loi « Littoral » va conditionner la capacité d’accueil.
Au cas d’espèce, la communauté d’agglomération du Golfe du Morbihan – Vannes agglomération s’était contentée d’une analyse globale très superficielle. Le rapport de présentation du SCOT soumis à l’enquête ne contenait que deux pages relatives à la « détermination de la capacité d’accueil », et son contenu s’intéressait à l’ensemble du territoire « sans distinction entre les communes littorales et les autres communes ».
Ni le TA, ni la commission d’enquête publique n’avaient trouvé à redire. Au contraire, selon l’avis de cette dernière, les deux pages du rapport de présentation soumis à l’enquête étaient suffisantes en ce qu’elles énonçaient « les éléments essentiels qui caractérisent les capacités d'accueil du territoire », tandis que, pour le TA, « aucune disposition n'interdisait aux auteurs du schéma de cohérence territoriale d'élargir l'analyse de la capacité d'accueil à l'ensemble des communes de son périmètre afin notamment de mieux appréhender la meilleure répartition possible de l'urbanisation sur ce territoire et de contenir d'éventuels effets de concentration des constructions sur le littoral ».
Il en allait différemment pour l’autorité environnementale, laquelle a considéré dans son avis sur le document litigieux que « le fait que le schéma de cohérence territoriale soit défini sur un scénario de croissance qui ne tient pas compte de la capacité d'accueil du territoire constitue un point d'attention majeur pour la prise en compte de l'environnement par le schéma ».
La direction départementale des territoires et de la mer du Morbihan avait également relevé l’absence dans le DOO de développements relatifs à l’obligation d’expliciter la capacité d’accueil du territoire en application de l’article L. 121-21 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L6775L73.
En se basant notamment sur ces avis, la CAA a considéré que les termes particulièrement généraux du rapport de présentation soumis à l’enquête, l’absence d’analyse spécifique aux communes littorales, et l’insuffisante prise en compte des éléments énumérés à l’article L. 121-21 du Code de l’urbanisme ont entaché d’irrégularité la procédure d’enquête publique, dès lors que l’insuffisance du dossier sur ce point a nui à l’information complète de la population.
Surtout, dans ces conditions, la CAA a jugé que le SCOT devait être regardé comme ayant été adopté sans détermination préalable de la capacité d’accueil des territoires littoraux, en méconnaissance des articles L. 121-3 et L. 121-21 précités. Cette détermination étant un préalable obligatoire, son absence constituait logiquement un vice dirimant justifiant l’annulation intégrale du SCOT.
En conclusion, il appartient aux rédacteurs des SCOT dont le territoire comporte des communes littorales de veiller à proposer une analyse complète et spécifique à ces dernières.
II. La mauvaise identification des secteurs déjà urbanisés
De manière plus anecdotique, l’arrêt commenté est l’occasion de revenir sur le rôle qui échoit aux SCOT s’agissant spécifiquement des secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages.
Création de la loi « ELAN » « à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti », cette nouvelle notion vise principalement à permettre l’urbanisation des dents creuses.
Il appartient aux SCOT de les identifier, conformément à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme. Ce même article prévoit, à cet effet, une liste de critères :
« Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. »
L’article L. 121-3 de ce même code dispose en outre que le SCOT doit déterminer leurs critères d’identification.
Les indications du SCOT à cet égard sont prises en compte pour l’application de la loi « Littoral » aux autorisations d’urbanisme [4].
Par ailleurs, dans la mesure où le SCOT doit être compatible avec la loi « Littoral » [5], ces indications sont également soumises au contrôle du juge, lequel se fonde notamment sur les critères énoncés à l’article L. 121-8 précité pour s’assurer que les secteurs déjà urbanisés identifiés comme tels en présentent bien les caractéristiques.
Au cas d’espèce, le document d’orientations et d’objectifs (DOO) du SCOT litigieux identifiait plusieurs secteurs déjà urbanisés et en définissant les critères d’identification :
« Il ressort des pièces du dossier que le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale contesté énonce les critères d'identification des secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages et les identifie. Ce document énonce ainsi que ces secteurs se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par la présence au minimum d'environ 25 bâtiments situés en continuité les uns des autres, une épaisseur du tissu urbanisé permettant notamment de les distinguer d'une urbanisation purement linéaire, la présence d'un réseau de voirie adaptée à la bonne desserte des bâtiments, la présence de réseaux d'accès aux services publics, de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets et une relative densité résultant de la continuité des bâtiments entre eux. De plus, le document d'orientations et d'objectifs prévoit que deux critères additionnels peuvent venir conforter l'identification de tels secteurs, à savoir la présence d'un noyau ancien historique et la présence d'un équipement ou d'un lieu de vie collectif. »
Le juge administratif n’a pas remis en cause ces critères, qui vont au-delà de ceux listés par le Code de l’urbanisme. En revanche, il a considéré que deux secteurs avaient été identifiés à tort comme déjà urbanisés, en méconnaissance de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme.
Il est intéressant de noter que le premier de ces deux secteurs avait été validé par le juge de première instance, au motif notamment que le nombre de bâtiments (27) était supérieur au seuil de 25 fixé par le DOO. Cette conformité aux critères fixés par le SCOT n’a pas empêché la CAA de considérer « qu’eu égard à la faible densité des constructions et à l'absence d'épaisseur du tissu urbanisé, l'identification de ce lieu-dit en tant que secteur déjà urbanisé » n’était pas compatible avec les dispositions de la loi « Littoral ».
S’agissant du second secteur, celui-ci présentait « une quinzaine de constructions, dont seulement six sont mitoyennes, implantées de façon linéaire le long d'une voie de circulation ». Les rédacteurs du SCOT avaient donc manifestement méconnu les critères qu’ils avaient eux-mêmes fixées dans le DOO.
Au final, au stade de l’identification des secteurs déjà urbanisés, les rédacteurs d’un SCOT doivent veiller, d’une part, à respecter les critères fixés par le Code de l’urbanisme et, d’autre part, à se conformer strictement aux critères qu’ils se sont fixés. Autrement, ils encourent une annulation partielle du document adopté.
[1] L. Manetti, M. Cornille, Le SCOT, pivot territorial de la loi Littoral, Construction Urbanisme, 2022, n°7, Lexis Nexis, p. 11.
[2] O. Fuchs, conclusions sur CE, 9 juillet 2021, n°445118 N° Lexbase : A64014YQ, Rec. T.
[3] TA Rennes, 27 octobre 2022, n° 2001716 N° Lexbase : A22738TD.
[4] CE, 9 juillet 2021, n° 445118 N° Lexbase : A64014YQ, Rec. T.
[5] CE, 11 mars 2020, n° 419861 N° Lexbase : A19843IC, Rec. T.
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