Jurisprudence : CAA Nancy, 1ère, 03-04-2025, n° 20NC00801

CAA Nancy, 1ère, 03-04-2025, n° 20NC00801

A12740LR

Référence

CAA Nancy, 1ère, 03-04-2025, n° 20NC00801. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/118264170-caa-nancy-1ere-03042025-n-20nc00801
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Abstract

Mots clés : éoliennes • environnement • saturation visuelle • énergies renouvelables • espèces protégées Dans un arrêt rendu le 3 avril 2025, la cour administrative d'appel de Nancy, saisie en appel d'une demande d'annulation de l'arrêté du 26 juin 2017 du préfet des Ardennes autorisant l'implantation du parc éolien du Mont des Quatre Faux et de l'arrêté de régularisation du 3 octobre 2023, a annulé les arrêtés du préfet des Ardennes autorisant l'exploitation de soixante-trois éoliennes.


Références

Cour Administrative d'Appel de Nancy

N° 20NC00801

1ère chambre
lecture du 03 avril 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N C, le collectif de défense des riverains du Mont des Quatre Faux, M. Q G, M. A H, Mme M I, Mme J S, M. F T, M. et Mme B D et M. L O ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 par lequel le préfet des Ardennes a délivré à la SAS Parc éolien Mont des Quatre Faux une autorisation unique en vue de l'exploitation de soixante-trois éoliennes et un poste électrique sur les territoires des communes de Bignicourt, de Cauroy, d'Hauviné, de Juniville, de La-Neuville-en-Tourne-à-Fuy, de Mont-Saint-Rémy et de Ville-sur-Retourne.

Par un jugement n° 1702091 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne⚖️ a donné acte du désistement de Mme M I et a rejeté la demande des autres requérants.

Procédures devant la cour :

Par une requête, des pièces et des mémoires enregistrés le 24 mars 2020, le 8 juin 2020, le 27 janvier 2021 et le 19 octobre 2021, M. N C, le collectif de défense des riverains du Mont des Quatre Faux, M. Q G, M. A H, Mme J S, M. F T, M. et Mme B D et M. L O représentés par Me Monamy demandent à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 janvier 2020, d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 par lequel le préfet des Ardennes a délivré à la SAS Parc éolien Mont des Quatre Faux une autorisation unique en vue de l'exploitation de soixante-trois éoliennes et un poste électrique sur les territoires des communes de Bignicourt, de Cauroy, d'Hauviné, de Juniville, de La-Neuville-en-Tourne-à-Fuy, de Mont-Saint-Rémy et de Ville-sur-Retourne et de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS Parc Eolien Mont des Quatre Faux le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Par un arrêt avant dire droit du 15 décembre 2022, la cour a sursis à statuer sur cette requête jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, qui sera porté à neuf mois dans l'hypothèse où il serait nécessaire d'organiser une nouvelle enquête publique courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la Société Parc éolien Mont des Quatre Faux ou à l'État pour notifier à la cour, après avis régulièrement émis par l'autorité environnementale, une autorisation environnementale modificative. Elle a en outre réservé tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué par cet arrêt jusqu'en fin d'instance.

A la suite de l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale du Grand Est du 13 avril 2023 et d'une enquête publique complémentaire réalisée du 16 au 30 juin 2023, le préfet des Ardennes a notifié à la cour le 3 octobre 2023 l'arrêté préfectoral n° 2023-564 modifiant l'arrêté du 26 juin 2017 autorisant la société Parc éolien Mont des Quatre Faux à exploiter soixante-trois aérogénérateurs et un poste de transformation électrique sur les territoires des communes de Bignicourt, de Cauroy, d'Hauviné, de Juniville, de La-Neuville-en-Tourne-à-Fuy, de Mont-Saint-Rémy et de Ville-sur-Retourne.

A la suite des demandes de la cour des 6 et 23 octobre 2023, des pièces ont été communiquées par le préfet des Ardennes le 9 octobre 2023 et le 7 novembre 2023 et par la société Parc éolien Mont des Quatre Faux le 3 novembre 2023.

Une nouvelle demande de pièces a été adressée par la cour le 8 mars 2024 à laquelle ont répondu le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention ainsi que la société Parc éolien Mont des Quatre Faux le 11 mars 2024.

Par un mémoire enregistré le 1er février 2024, le Collectif de défense des riverains du Mont des Quatre Faux et autres, représentés par Me Monamy persistent dans leurs précédentes écritures et demandent en outre à la cour d'annuler l'arrêté du préfet des Ardennes du 3 octobre 2023.

Ils soutiennent que :

- les insuffisances de l'étude d'impact initiale n'ont pas été corrigées par la note d'information du pétitionnaire de février 2023 concernant les solutions de substitution raisonnables et les zones humides, ce qui a nui à l'information du public et a pu influencer le sens de la décision du préfet des Ardennes ;

- l'étude d'impact initiale n'est pas actualisée par la note d'information du pétitionnaire de février 2023 au regard des changements significatifs intervenus depuis, notamment concernant l'évolution du contexte écologique et éolien, ce qui a nui à l'information du public et a pu influencer le sens de la décision du préfet des Ardennes ;

- sur le volet paysager, les photomontages produits dans la note d'information de février 2023, ainsi que ceux de l'étude d'impact initiale, sont trop petits, ne retranscrivent pas l'impact attendu du projet sur l'environnement et ne sont pas conformes aux recommandations de la DREAL des Hauts-de-France de juillet 2021 ;

- l'impact visuel du parc éolien dans son environnement actuel proche et lointain n'est pas représentatif dès lors que les photomontages actualisés ont été réalisés à partir des mêmes clichés que les photomontages de l'étude d'impact initiale alors même que ceux-ci n'avaient pas été pris par temps dégagé ou bien derrière des obstacles visuels et enfin, ils ne montrent pas les nouveaux parcs existants, les éoliennes ayant été ajoutées par modélisation ;

- l'impact visuel du parc éolien composé de soixante-trois machines devait être apprécié en tenant compte des effets cumulés de l'ensemble des parcs construits, autorisés et avec l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale du Grand Est depuis l'étude d'impact initiale, que ceux-ci aient ou non apprécié les effets cumulés avec le projet de parc en litige ;

- le calcul des indices de saturation visuelle est incomplet, n'est pas conforme à la méthodologie de la DREAL des Hauts-de-France de février 2022 et la carte produite ne prend pas en compte les parcs éoliens construits ou autorisés depuis ;

- sur le volet écologique, les études par échantillonnage partielles réalisées en 2021 sont insuffisantes pour actualiser l'état initial concernant l'avifaune et les chiroptères fondé sur des prospections réalisées en 2014/2015 ;

- les impacts du projet sur l'avifaune et les chiroptères ne sont évalués qu'au regard de la suppression des huit éoliennes et non de l'augmentation des parcs éoliens dans la zone et ne prennent pas en compte l'évolution du statut de conservation des espèces protégées concernées par la zone d'implantation du projet ;

- sur le volet acoustique, l'actualisation n'a porté que sur le nouveau plan de bridage acoustique nocturne sans justifier de la conformité du projet à la réglementation acoustique et sans prendre en compte l'évolution du contexte éolien ;

- il résulte de ce qui précède que la procédure de régularisation du vice tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale est irrégulière et que l'étude d'impact est insuffisante ;

- la mission régionale d'autorité environnementale du Grand Est ne s'est pas prononcée sur la présence, le nombre et l'état de conservation des espèces protégées présentes sur le site ainsi que sur l'effectivité des mesures d'évitement et de réduction en méconnaissance de l'arrêt avant dire droit de la présente cour et n'a ainsi pas épuisé sa compétence ;

- les conseils municipaux des communes de Bignicourt, Cauroy, Dricourt, Hauviné, Leffincourt, Mont-Saint-Rémy, Quilly, Saint-Clément-à-Arnes, Saint-Pierre-à-Arnes et Semide situées dans un rayon de 6 km autour du projet en litige n'ont pas été régulièrement consultés dès lors qu'il n'est pas établi qu'ils aient été destinataires d'une note explicative de synthèse ;

- les arrêtés en litige méconnaissent l'article L. 511-1 du code de l'environnement🏛 dès lors que le projet de parc aggraverait les phénomènes de saturation du paysage et d'encerclement notamment des communes de Cauroy, Dricourt, Machault, Mont-Saint-Remy et Pauvres en raison de son caractère gigantesque dans un contexte éolien saturé ;

- ils méconnaissent les articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement🏛 dès lors qu'aucune demande de dérogation n'a été présentée sur l'avifaune et les chiroptères ;

- aucune mesure de compensation des destructions d'individus et d'habitats n'est édictée dans l'arrêté modificatif.

Par un mémoire en défense du 24 avril 2024, la société Parc éolien Mont des Quatre Faux, représentée par Me Elfassi, demande à la cour de constater que l'arrêté du 3 octobre 2023 a régularisé l'arrêté du 26 juin 2017 du préfet des Ardennes, de rejeter la requête et à titre subsidiaire, de faire application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement🏛 et de sursoir à statuer jusqu'à l'intervention d'une autorisation modificative qui serait obtenue à titre de régularisation et enfin, de condamner chacun des requérants à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2024, le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que la cour fasse usage du II de l'article L. 181-18 du code de l'environnement et suspende l'autorisation en litige jusqu'à la délivrance de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement🏛.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent tel que modifié par l'arrêté du 22 juin 2020 portant modification des prescriptions relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- les observations de Me Gargam, avocat du collectif de défense des riverains du Mont des Quatre Faux et autres, de Mme E représentant la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et de Me Elfassi avocat de la SAS Parc éolien Mont des Quatre Faux.

- et les explications de M. P K, maire de Cauroy, autorisé par le président à prendre la parole au cours de l'audience en sa qualité de personne intéressée au litige.

Une note en délibéré, présentée par la société Parc éolien Mont des Quatre Faux a été enregistrée le 18 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 juin 2017, le préfet des Ardennes a délivré à la SAS Parc éolien Mont des Quatre Faux une autorisation unique valant permis de construire en vue de l'exploitation de soixante-trois éoliennes et d'un poste électrique sur les territoires des communes de Bignicourt, de Cauroy, d'Hauviné, de Juniville, de Neuville-en-Tourne-à-Fuy, de Mont-Saint-Rémy et de Ville-sur-Retourne.

2. Par un arrêt avant-dire droit du 15 décembre 2022, la cour a sursis à statuer sur la requête n° 20NC00801 jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, qui sera porté à neuf mois dans l'hypothèse où il serait nécessaire d'organiser une nouvelle enquête publique courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la Société Parc éolien Mont des Quatre Faux ou à l'État pour notifier à la cour, après avis régulièrement émis par l'autorité environnementale, une autorisation environnementale modificative régularisant le vice tiré de l'insuffisance des garanties financières et le vice résultant de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.

3. Le préfet des Ardennes a transmis le 3 octobre 2023 un arrêté modificatif du même jour édicté après nouvel avis de la mission régionale d'autorité environnementale du Grand Est du 13 avril 2023 et d'une enquête publique complémentaire réalisée du 16 au 30 juin 2023.

4. M. C, le collectif de défense des riverains du Mont des Quatre Faux, M. G, M. H, Mme S, M. T, M. et Mme D et M. O font appel du jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2017 et demandent l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2023.

Sur la régularisation des vices relevés par l'arrêt avant dire droit :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : () / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

6. À compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 181-18 du code de l'environnement, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. À ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Les parties ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse de moyens déjà écartés par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation et de ceux qui auraient été réservés par l'arrêt avant-dire droit.

7. D'autre part, il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

En ce qui concerne l'insuffisance des garanties financières :

8. Aux termes de l'article R. 515-101 du code de l'environnement🏛 : " I. - La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation () est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation. II. - Un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixe, en fonction de l'importance des installations, les modalités de détermination et de réactualisation du montant des garanties financières qui tiennent notamment compte du coût des travaux de démantèlement. () ". L'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 modifié par l'arrêté du 11 juillet 2023 fixe le montant de la garantie par aérogénérateur à 75 000 euros lorsque la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est inférieure ou égale à 2 mégawatt (MW). Lorsque la puissance unitaire de l'aérogénérateur est supérieure à 2 MW, ce coût unitaire est de 75 000 euros + 25 000 * (P-2), P étant la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur, en mégawatt.

9. Il résulte de l'article 4 de l'arrêté du 3 octobre 2023🏛 modificatif du préfet des Ardennes que le montant des garanties financières s'élève désormais à 9 450 000 euros conformément aux modalités de calcul prévues à l'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 modifié. Ainsi, le vice tiré de l'insuffisance des garanties financières doit être regardé comme régularisé.

En ce qui concerne la régularité de l'avis émis par la mission régionale d'autorité environnementale Grand Est du 13 avril 2023 :

10. Il résulte de l'instruction que, conformément à l'arrêt avant dire droit de la cour du 15 décembre 2022, le préfet des Ardennes a consulté la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAe) Grand Est sur le projet présenté par la Société Parc éolien Mont des Quatre Faux, qui présente les garanties d'impartialité requises. Le 13 avril 2023, la MRAe a rendu un avis motivé sur ce projet qui a été soumis à l'avis du public dans le cadre d'une enquête publique complémentaire organisée du 16 au 30 juin 2023.

11. En l'espèce, si les requérants ne contestent pas que cet avis a été rendu par une instance disposant d'une autonomie réelle par rapport à l'auteur de la décision attaquée, ils soutiennent cependant qu'il l'a été au vu d'un dossier incomplet, en raison de l'absence d'actualisation de l'étude d'impact suite aux diverses insuffisances relevées par la MRAe, de sorte que l'arrêté de régularisation serait irrégulier. Toutefois, ainsi qu'il a été développé, dès lors que l'irrégularité relevée par la cour dans son arrêt avant dire droit tenait uniquement à l'absence d'autonomie réelle et, par suite, d'indépendance de l'autorité environnementale ayant rendu l'avis initial, et que ce vice a bien été régularisé, le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté de régularisation du fait de l'absence d'actualisation du dossier d'étude d'impact ainsi que le moyen tiré de ce que la MRAe ne se serait pas prononcée sur la présence, le nombre et l'état de conservation des espèces protégées présentes sur le site ainsi que sur l'effectivité des mesures d'évitement et de réduction ne peuvent qu'être écartés comme inopérants à l'encontre de l'arrêté modificatif.

12. Il résulte de ce qui précède que les vices relevés dans l'arrêt avant dire droit de la cour ont été régularisés.

En ce qui concerne les vices qui auraient été révélés par le nouvel avis de l'Autorité environnementale :

13. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement actuellement en vigueur, " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

14. La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de produire, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de cet article. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents. A cet effet, il appartient aux parties d'informer le juge de l'évolution des circonstances quant au spectre des parcs installés et autorisés lors d'une régularisation.

15. Il résulte de l'instruction que le parc en litige composé de soixante-trois éoliennes d'une hauteur de pale de 200 mètres de hauteur est implanté sur un vaste plateau composé de terres agricoles peu boisé offrant de larges vues et comportant peu d'obstacles visuels ce qui génère de fortes visibilités en raison du nombre important d'éoliennes dans un rayon de 10 km, et se situe entre les communes de La-Neuville-en-Tourne-à-Fuy et de Bétheniville à l'ouest, les communes de Juniville, Bignicourt, Ville-sur-Retourne et Mont-Saint-Rémy au nord, les communes de Machault et Cauroy à l'est et d'Hauviné au sud. Ce secteur d'implantation ne présente, en outre, aucun caractère spécifique et ne fait l'objet d'aucune protection particulière.

16. En s'appuyant sur la méthodologie de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) des Hauts-de-France, il résulte du calcul des différents indices pris en compte par les services de l'Etat pour apprécier le phénomène de saturation visuelle (indice d'occupation de l'horizon (IOH), indice de densité sur les horizons occupés (ID2) et indice d'espace de " respiration " ou angle de " respiration " (IER) ), et de la topographie particulière des lieux, notamment pour les communes concernées, que six éoliennes sont implantées à moins de 2,5 km du village de Cauroy et que la plus proche se situe à moins d'un kilomètre, que l'indice d'occupation de l'horizon est de 336°, l'indice de densité de 0,72 à 5 km et de 0,50 à 10 km et l'indice d'espace de respiration est de 62° à 5 km et de 59° à 10 km soit cent-soixante éoliennes dans un rayon de 10 km. Onze éoliennes sont implantées à moins de 2,5 km du village de Machault et la plus proche se situe à 1,73 km, l'indice d'occupation de l'horizon est de 267°, l'indice de densité de 0,55 à 5 km et de 0,49 à 10 km et l'indice d'espace de respiration est de 75° à 5 km et de 44° à 10 km soit cent cinquante-six éoliennes dans un rayon de 10 km. Neuf éoliennes sont implantées à moins de 2,5 km du village de Mont-Saint-Remy, l'indice d'occupation de l'horizon est de 311°, l'indice de densité est de 0,58 à 5 km et de 0,56 à 10 km et l'indice d'espace de respiration est de 56° à 5 km et de 46° à 10 km soit cent soixante-dix-huit éoliennes dans un rayon de 10 km. Une éolienne est implantée à moins de 2,5 km du village de Dricourt, l'indice d'occupation de l'horizon est de 281°, l'indice de densité est de 0,73 à 5 km et de 0,5 à 10 km et l'indice d'espace de respiration est de 58° à 5 km et de 53° à 10 km soit cent cinquante-neuf éoliennes dans un rayon de 10 km. Treize éoliennes sont implantées à moins de 2,5 km du village de Pauvres, l'indice d'occupation de l'horizon est de 281,5°, l'indice de densité est de 0,76 à 5 km et de 0,48 à 10 km et l'indice de respiration est de 102° à 5 km et de 33° à 10 km soit cent cinquante-deux éoliennes dans un rayon de 10 km.

17. Or, s'agissant des angles d'occupation de l'horizon, le seuil d'alerte est atteint à 120°, s'agissant de l'angle de " respiration ", le seuil d'alerte est atteint lorsque l'espace est inférieur à 160° et s'agissant de l'indice de densité sur les horizons occupés le seuil est atteint à 0,25 et à 80 éoliennes dans un rayon de 10 km. Par voie de conséquence, pour ces communes limitrophes du parc projeté les indicateurs de saturation visuelle sont largement dépassés.

18. Dès lors que le pétitionnaire ne produit aucun calcul justifiant d'un angle de respiration suffisant pour ces communes et qu'il ne résulte pas des photomontages établis, qui au demeurant minorent les impacts en ne tenant pas compte des parcs d'Energie du Partage 10, de Machaut, de Mont Louis, d'Energie du Partage 9, de Nongée, de la Téne et de Nongée 2, que ni le relief, ni la végétation, ni des mesures de réduction pourraient masquer les éoliennes prévues par le projet et atténuer les effets d'encerclement et de saturation visuelle pour les habitants, le projet litigieux composé de soixante-trois éoliennes supplémentaires aggrave de manière significative l'encerclement des horizons de ces villages.

19. Il en résulte que ces atteintes ne paraissent pas régularisables sans une évolution très significative du projet qui ne se bornerait pas à la suppression de quelques éoliennes et nécessiterait de réaliser une nouvelle étude d'impact soumise à une enquête publique. Par suite, les conclusions à fins de régularisation fondées sur les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement présentées à titre subsidiaire par le ministre et la société du Parc du Mont des Quatre Faux sont rejetées.

20. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, le collectif de défense des riverains du Mont des Quatre Faux et autres sont fondés à demander l'annulation du jugement du 23 janvier 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, de l'arrêté initial du 26 juin 2017 et de l'arrêté modificatif du 3 octobre 2023.

Sur les frais liés à l'instance :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Parc éolien Mont des Quatre Faux demande à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien Mont des Quatre Faux le versement, chacun, de la somme globale de 1 500 euros à verser au collectif de défense des riverains du Mont des Quatre Faux et autres, sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702091 du 23 janvier 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ainsi que les arrêtés du préfet des Ardennes du 26 juin 2017 et du 3 octobre 2023 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera la somme globale de 1 500 euros au collectif de défense des riverains du Mont des Quatre Faux et autres.

Article 3 : La société Parc éolien Mont des Quatre Faux versera la somme globale de 1 500 euros au collectif de défense des riverains du Mont des Quatre Faux et autres.

Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au collectif de défense des riverains du Mont des Quatre Faux représentant unique des autres requérants en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative🏛, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société Parc éolien Mont des Quatre Faux.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : I.Legrand

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

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