Le Quotidien du 10 février 2023 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Banqueroute : caractérisation par l’omission, manifestement délibérée, de s'acquitter des cotisations sociales dues

Réf. : Cass. crim., 1er février 2023, n° 22-82.368, F-B N° Lexbase : A01889BL

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N4268BZ4

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par Vincent Téchené

le 22 Février 2023

► Le délit de banqueroute, lorsqu'il consiste pour l'auteur à frauduleusement augmenter le passif de son entreprise, en application de l'article L. 654-2, 3°, du Code de commerce, texte qui n'exclut aucune modalité d'augmentation du passif, peut être constitué par l'omission, manifestement délibérée, de s'acquitter des cotisations sociales dues.

Faits et procédure. L'Urssaf a délivré de multiples contraintes contre un  travailleur indépendant qui exploitait un fonds de commerce de remise en forme. En effet, ce dernier, après avoir adhéré au Mouvement pour la libération de la protection sociale (MLPS), n'a pas réglé la CSG et la CRDS dues à l'Urssaf au titre du régime obligatoire.

Le débiteur a été condamné à devoir s'acquitter des cotisations non réglées auprès de l'Urssaf, des dommages et intérêts et des frais irrépétibles. Le recouvrement des créances de l'Urssaf a été confié à un huissier de justice dont les démarches se sont heurtées au retrait par le débiteur des sommes figurant sur ses comptes bancaires et au transfert d'une grande partie de son patrimoine, personnel et professionnel, à son fils, ne laissant sur ses comptes bancaires que des sommes inférieures aux quotités saisissables.

Compte tenu de la persistance des impayés, l'Urssaf a déposé plainte du chef de défaut de conformité aux prescriptions de la législation de Sécurité sociale prévue par l'article R. 244-4 du Code de la sécurité sociale N° Lexbase : L6591G9Y et elle a saisi le tribunal de commerce afin de faire constater l'état de cessation des paiements et de voir ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

La procédure de redressement judiciaire, d'abord ouverte, a été convertie, ensuite, en liquidation judiciaire. Le passif total de l'entreprise a été évalué à la somme de 91 256,19 euros dont 81 723,86 euros correspondant aux cotisations non réglées à l'Urssaf, outre les frais résultant des différentes procédures judiciaires diligentées par le débiteur.

Le ministère public a ouvert une enquête sur les conditions de la liquidation judiciaire de l'entreprise et a joint au dossier la procédure découlant de la plainte déposée par l'Urssaf.

Convoqué devant le tribunal correctionnel, le débiteur a été déclaré coupable, par un jugement du 8 octobre 2020, de banqueroute par augmentation frauduleuse du passif. Le débiteur et le ministère public ont formé appel contre cette décision.

Arrêt d’appel. La cour d’appel confirme la condamnation du débiteur pour banqueroute par augmentation frauduleuse du passif.

Les juges du fond estiment ainsi que s'il découle de la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation que la fraude ne peut se limiter à une simple inaction, en l'espèce le débiteur a agi délibérément, en ce sens que le défaut de paiement de l'intégralité des cotisations Urssaf n'est pas le résultat d'un oubli mais d'une volonté.

Ils relèvent que l’intéressé a d'ailleurs, à de multiples reprises, saisi le tribunal des affaires de Sécurité sociale afin de contester les contraintes délivrées par l'Urssaf, puis la cour d'appel après avoir été débouté. Son comportement s'analyse ainsi, non comme une inaction, mais comme des agissements répétés.

Par ailleurs, les juges précisent qu'il résulte d'un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation qu'une augmentation frauduleuse du passif peut résulter du fait de soustraire volontairement une société à l'impôt en France ce qui est à l'origine d'un redressement fiscal ayant entraîné une augmentation des charges de la société en état de cessation des paiements (Cass. com., 29 avril 2014, n° 13-12.563, FS-P+B N° Lexbase : A6932MKX).

Ils ajoutent que le manquement imputable au débiteur s'analyse en une infraction pénale constitutive de la contravention de l'article R. 244-4 du Code de la Sécurité sociale incriminant le défaut de conformité aux prescriptions de la législation de sécurité sociale.

Ainsi, selon les juges d’appel, le caractère frauduleux des agissements du prévenu est corroboré par le fait, d'une part, qu'il a soustrait une partie des sommes non payées à l'Urssaf des comptes de son entreprise afin de les rendre insaisissables par les créanciers de celle-ci et, d'autre part, que son comportement a conduit à la cessation des paiements et a perduré après la date de celle-ci, augmentant le passif de l'entreprise, non seulement des cotisations Urssaf impayées depuis plusieurs années, alors que les résultats de l'entreprise permettaient de s'en acquitter, mais également des dommages et intérêts ainsi que des frais irrépétibles qui n'auraient pas été dus si le débiteur s'était conformé aux dispositions du Code de la Sécurité sociale. 

Ce dernier a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Haute juridiction rejette toutefois le pourvoi.

Elle retient, en effet, que l'article L. 654-2, 3° du Code de commerce N° Lexbase : L3433IC7 n'exclut aucune modalité d'augmentation du passif. Par ailleurs, le comportement du prévenu est frauduleux dès lors qu'il consiste en une omission, manifestement délibérée, de s'acquitter des cotisations sociales dues.

Ainsi, le moyen qui soutient le contraire n'est pas fondé.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les règles spéciales à la banqueroute, Art. L. 654-2, 3° : l'augmentation frauduleuse du passif du débiteur, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E9046EPQ.

 

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