Lexbase Droit privé - Archive n°536 du 18 juillet 2013 : Construction

[Evénement] La responsabilité thermique des constructeurs au regard de la jurisprudence et de la RT 2012, quels problèmes ? Quelles solutions ? - Compte rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris

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[Evénement] La responsabilité thermique des constructeurs au regard de la jurisprudence et de la RT 2012, quels problèmes ? Quelles solutions ? - Compte rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8900079-lexbasedroitprivearchiven536du18juillet2013
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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

le 18 Juillet 2013

La sous-commission "Responsabilité et assurance des constructeurs" de la Commission ouverte de droit immobilier du barreau de Paris tenait, le 20 juin 2013, sous la responsabilité de Michel Vauthier, avocat à la cour, une réunion consacrée à la responsabilité thermique (RT) des constructeurs au regard de la jurisprudence et de la RT 2012, à laquelle intervenait Michel Huet, Avocat au barreau de Paris, Co-président du groupe de travail sur la garantie de performance énergétique (GPE). Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion. Selon Michel Vauthier, l'on assiste à l'amorce d'un nouveau droit de la responsabilité et de l'assurance construction, dans la mesure où la RT 2012 entraîne les intervenants à l'acte de construire et les assureurs à de nombreuses réflexions sur leur responsabilité et sur leurs engagements respectifs. A la suite de réflexions collectives, un groupe de travail a été mis en place sur la limitation potentielle de la responsabilité thermique, dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Force est de constater que l'ensemble des acteurs est aujourd'hui perdu, notamment après que les représentants des assureurs aient annoncé qu'ils refusaient d'assurer le risque lié à la responsabilité thermique des constructeurs, dès lors que le certificat attestant de la bonne conformité à la RT 2012 serait délivré.

La particularité de ce nouveau droit qui est en train de se construire est d'intégrer des éléments à la fois juridiques et techniques. La norme Th C (qui fait plus de 1 000 pages) a, par exemple, été intégrée dans les ordonnances et décrets sur la RT 2012 ; il s'agit d'une norme technique et juridique.

Face à toutes ces interrogations, il faut savoir que la jurisprudence apporte d'ores et déjà un certain nombre de réponses aux questions soulevées dans le cas de désordres thermiques, c'est ce que Michel Vauthier a abordé dans la première partie de son intervention. Dans une seconde partie, il a relevé les problématiques pouvant se poser aux hommes de terrain et présenté les solutions pour en sortir.

C'est alors que Michel Huet, qui copréside, avec Michel Jouvent, la Commission du Grenelle chargée de définir la limitation de la garantie de performance énergétique, a livré les dernières réflexions de cette commission, qui vient de proposer un nouvel article destiné à s'intégrer dans le Code de la construction et de l'habitation, visant à limiter la responsabilité des intervenants à l'acte de construire en matière thermique et vis-à-vis de la RT 2012. Il s'agit de préparer les nouvelles solutions de la responsabilité des constructeurs au regard des enjeux environnementaux.

I - Intervention de Michel Vauthier

1. La jurisprudence connue liée aux risques énergétiques et aux normes

La jurisprudence livre des éléments sur la notion d'ouvrage, sur la garantie biennale des équipements dissociables, sur la garantie décennale, sur les obligations liées aux normes, sur les garanties contractuelles après réception, sur le principe de la réparation intégrale.

1.1. La notion d'ouvrage

Il ressort de la jurisprudence que constituent la construction d'un ouvrage :

- les travaux consistant en une réfection importante du chauffage, avec pose d'une chaudière et de radiateurs, et de l'appareillage sanitaire avec création d'arrivées d'eau, de vidanges et raccordements, le tout avec mise en place de conduites enterrées (CA Paris, Pôle 4, 5ème ch., 17 octobre 2012, n° 10/00735 N° Lexbase : A4590IUK) ;

- l'installation d'une climatisation dans un parc d'exposition (CA Bordeaux, 1ère ch. sect. B, 17 septembre 2007, n° 03/03055 N° Lexbase : A0983D7K) ;

- la réalisation d'un complexe d'isolation et d'étanchéité sur une tour existante (Cass. civ. 3, 18 juin 2008, n° 07-12.977, FS-P+B N° Lexbase : A2192D93, Bull. civ. III, n° 106) ;

- le système thermique, qui fait indissociablement corps avec le bâtiment pour assurer son chauffage et son rafraîchissement, constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil (CA Bordeaux, 1ère ch. civ., sect. B, 31 août 2012, n° 10/06375 N° Lexbase : A0627ISZ) ;

- une installation de climatisation affectée de désordres engendrant une chaleur excessive dans le bâtiment (Cass. civ. 3, 28 janvier 2009, n° 07-20.891, FS-P+B N° Lexbase : A9505ECZ) ;

- une installation frigorifique (Cass. civ. 3, 18 juillet 2001, n° 99-12.326 N° Lexbase : A2536AUH).

1.2. La garantie biennale des équipements dissociables

Michel Vauthier n'a ici signalé qu'une seule décision, à sa connaissance, rendue par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 9 avril 2009, n° 2009/194 N° Lexbase : A1258HKS), dans laquelle la garantie biennale a été retenue à propos d'une installation de rafraîchissement affectée de défauts techniques conduisant l'expert à conclure à une possible non-conformité de l'immeuble à la réglementation thermique.

Mais cette jurisprudence doit être considérée comme topique, et Michel Vauthier doute que la Cour de cassation validerait cette solution.

L'intervenant a rappelé que "la garantie biennale de bon fonctionnement prévue à l'article 1792-3 du Code civil doit être retenue lorsque l'élément d'équipement dissociable a été installé lors de la construction d'un ouvrage, tandis que seule la responsabilité contractuelle de droit commun s'applique lorsqu'un tel équipement dissociable a été adjoint à un ouvrage déjà existant" (Cass. civ. 3, 10 décembre 2003, n° 02-12.215, FS-P+B N° Lexbase : A4322DAC, Bull. civ. III, n° 224 ; RD imm., 2004, p. 193, note Ph. Malinvaud ; Defrénois, 2005, p. 60, chron. H. Périnet-Marquet).

Dès lors que l'équipement est implanté après la réception de l'ouvrage la garantie biennale est donc inapplicable (Cass. civ. 3, 26 septembre 2007, n° 06-17.216, FS-D [N° Lexbase : A5849DYB), sauf si son ampleur fait qu'il s'intègre au bâtiment et qu'il alors considéré comme indissociable (cf. supra).

1.3. La garantie décennale

La cour d'appel de Paris (CA Paris, 28 février 1992, n° 90/21048), dans un litige concernant la construction d'une maison individuelle, s'est prononcée dans un cas où des déficiences dans la réalisation de l'isolation avaient entraîné une surconsommation d'électricité. Cette problématique constitue précisément l'une des principales préoccupations des constructeurs dans le cadre de la RT 2012.

Il a été retenu que ce désordre constituait "un vice qui était caché à la réception sans réserves, et qui affect[ait] les éléments constitutifs de l'ouvrage (clos et couvert)" et était de ce fait "un désordre compromettant la destination du pavillon d'habitation" de nature à engager la responsabilité du constructeur et autoriser la mobilisation de la garantie de l'assureur.

On relève ici que les désordres thermiques ne sont effectivement pas visibles à la réception, qui est prononcée sans réserves, et que ce n'est qu'à l'occasion d'un événement climatique particulier que l'utilisateur se rendra compte de la défectuosité du système, laquelle peut correspondre aux quatre désordres suivants : trop chaud, trop froid, manque de ventilation ou surconsommation.

Dans un arrêt du 22 février 2011, la cour d'appel de Lyon (CA Lyon, 22 février 2011, n° 09/05580 N° Lexbase : A3352G9Z), constatant que le système de chauffage d'une maison individuelle ne fonctionnait pas, a confirmé le jugement qui avait décidé "qu'un système de chauffage qui ne permet pas d'atteindre les températures nécessaires pour rendre l'immeuble conforme à sa destination relève de la garantie décennale du constructeur".

Bien évidemment, cette solution peut être transposée à propos d'un système de climatisation. Pour rappel, la climatisation doit se mettre en oeuvre à partir du moment où la température devient supérieure à 26 degrés.

La cour d'appel de Paris (CA Paris, 26 septembre 2007, n° 05/22490 N° Lexbase : A3200DZK) a confirmé un jugement du tribunal de grande instance de Paris, retenant que les désordres affectant l'isolation thermique d'une copropriété relevaient de la garantie décennale. L'assureur du constructeur contestait la qualification de désordres rendant impropre l'immeuble à sa destination arguant que le seul préjudice était une surconsommation d'électricité, un dommage immatériel qu'il n'avait pas à couvrir. Toutefois, l'expert avait constaté des défauts matériels. La cour d'appel, constatant que 67 des 86 appartements présentaient des défauts d'isolation thermique et n'étaient pas conformes à la législation applicable à la matière, a jugé que "le désordre généralisé qui affecte l'habitabilité et l'étanchéité à l'air de l'immeuble qui est à l'origine d'une surconsommation d'électricité de chauffage rend l'ouvrage impropre à sa destination et engage la responsabilité décennale des constructeurs". En revanche, la non-obtention du label Promotelec n'a pas été retenue par la cour comme ouvrant droit à réparation, la perte de valeur des appartements n'étant pas établie du fait des mesures de reprises prononcées par la Cour.

Michel Vauthier a indiqué ici que, bien souvent, l'enjeu financier est nettement moins important lorsqu'il s'agit d'indemniser le préjudice lié à un désordre de surconsommation, où il s'agira de rembourser la dépense liée à la surconsommation, alors que si le désordre correspond à l'absence de température souhaitée et implique la réfection de tout le système, il donnera lieu à une indemnisation beaucoup plus importante. Aussi, alors qu'il s'agira d'un même vice de construction, l'enjeu financier peut varier considérablement selon la qualification retenue du désordre.

A noter, enfin, que la cour d'appel de Pau (CA Pau, 1er juillet 2008, n° 07/01804) a retenu la responsabilité décennale d'un constructeur, au motif que : "l'absence de double cloison des murs entraîne un manque d'isolation et rend l'appartement non conforme à la réglementation thermique et par conséquent le rend impropre à sa destination en favorisant la condensation sur les murs et l'apparition de moisissures".

S'agissant de la jurisprudence administrative, le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 9 décembre 2011 a été amené à statuer sur la question de savoir si des surchauffes locales dans des combles, qui étaient destinés à recevoir des élèves, pouvaient être admises au titre de la garantie décennale (CE, 2° et 7° s-s-r., 9 décembre 2011, n° 346189 N° Lexbase : A1799H4E). Après que la cour administrative d'appel, pour refuser la garantie, ait relevé que cette surchauffe était ponctuelle dans le temps, le Haut conseil a estimé que l'inconfort thermique des combles et l'insuffisance de ventilation des classes rendait l'ouvrage impropre à sa destination.

1.4. Les obligations liées aux normes

Le respect de la norme n'exonère pas des garanties légales

Pour rappel, la Cour de cassation estime que le respect ou le non-respect des normes phoniques est un critère indifférent pour retenir ou écarter la responsabilité légale du constructeur ; en conséquence, elle impose aux juges du fond de vérifier si les désordres entraînent, dans les faits, une impropriété à la destination et, en conséquence, peuvent relever de la garantie décennale, et ce, que les exigences réglementaires aient été respectées ou non.

Par conséquent, pour la RT 2012, les tribunaux pourraient considérer, par analogie, que l'attestation de prise en compte du certificateur (CCH, art. L. 111-9-1 N° Lexbase : L9518IMH, R. 111-20-1 N° Lexbase : L2999ISU et R. 111-20-3 N° Lexbase : L3052IQ4) est un élément indifférent pour la mise en oeuvre de la responsabilité décennale. Cette transposition fait l'unanimité de la doctrine a indiqué Michel Vauthier.

Le régime juridique en cas de non-respect de la norme seule

  • Les conséquences sur le plan civil

Michel Vauthier a rappelé que les défauts de conformité consistent en des disparités entre l'immeuble édifié et les documents contractuels. L'effet obligatoire du contrat implique que le promoteur construise un immeuble parfaitement conforme à ce qu'il a promis dans le contrat, "tant en quantité qu'en qualité, qu'il s'agisse des surfaces, des matériaux, des équipements, etc." (Ph. Malinvaud et Ph. Jestaz, op. cit., n° 314).

Il y a donc défaut de conformité quand l'immeuble, indépendamment de toute malfaçon, ne correspond pas aux promesses du promoteur et, ce, quelle que soit la modification (Cass. civ. 3, 26 mai 1994, n° 92-15.911 N° Lexbase : A7050ABQ : Bull. civ. III, n° 110 ; RD imm., 1995, p. 761, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary Houin).

Les défauts de conformité se déduisent de la comparaison entre l'immeuble construit et l'immeuble promis, même en l'absence d'un vice quelconque : la non-conformité n'est pas un vice et les tribunaux doivent soigneusement les distinguer (Cass. civ. 3, 19 novembre 1980, n° 79-14.620, publié au bulletin N° Lexbase : A1920CIX : RD imm., 1981, p. 80, obs. Ph. Malinvaud et B. Boubli).

Les dommages qui relèvent d'une garantie légale, même s'ils ont pour origine une non-conformité aux stipulations contractuelles, ne peuvent donner lieu contre les personnes tenues à cette garantie à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

La jurisprudence a également tendance à se référer à des documents publicitaires pour apprécier l'existence de non-conformité.

Les juges doivent apprécier l'impact psychologique produit sur les acquéreurs par de tels documents et il importe de tenir pour acquis que la volonté de l'acquéreur a été déterminée par les moyens de publicité mis à sa disposition. Le non-respect des engagements contractuels du promoteur tenu à une obligation de résultat, caractérisant sa faute contractuelle (Cass. civ. 3, 20 décembre 1977, n° 76-12.421, publié au bulletin N° Lexbase : A3446CIH, Bull. civ. III, n° 459 ; Gaz. Pal., 1978, 1, somm. p. 86).

La cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 26 janvier 2009, n° 08/00393 N° Lexbase : A4039HB9) s'est fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur dans une hypothèse de non-respect de la RT 2000 conduisant au fait que "le confort thermique de l'ouvrage (tel que visé par la dite réglementation) n'était pas atteint". A noter la défaillance du maître d'oeuvre dans ses missions de conception et de contrôle : le plancher sur vide sanitaire n'avait pas été isolé thermiquement conformément à la RT 2000. Pour autant, la cour a jugé que l'article 1792 du Code civil était inapplicable, le désordre ne rendant pas l'immeuble impropre à sa destination.

Par ailleurs, la cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 22 novembre 2010, n° 09/04064 N° Lexbase : A1808GLK) a infirmé un jugement qui avait retenu la responsabilité décennale des constructeurs pour des désordres sur l'installation de chauffage dus à une mauvaise exécution des travaux. La cour d'appel de Toulouse, se fondant sur le rapport d'expertise qui ne relevait pas une impossibilité de fonctionnement mais un défaut de performance quant au chauffage et aux économies d'énergie escomptées, a écarté l'application de la garantie décennale au profit de la responsabilité contractuelle du constructeur.

  • Les conséquences sur le plan administratif

Michel Vauthier a rappelé que pour disposer d'un certain nombre de dispositions favorables, l'administration exige le respect des normes, avantages qui seront remis en cause s'il s'avère que celles-ci n'ont pas été appliquées.

Ainsi pour bénéficier du dispositif "Scellier", le décret n° 2012-411 du 23 mars 2012 (N° Lexbase : L6322ISX) précise, à ce titre, les documents que le contribuable devra fournir à l'administration fiscale pour pouvoir bénéficier des différents taux.

L'impossibilité de fournir l'un des documents requis en raison du non-respect de la norme empêchera l'intéressé de prétendre aux avantages fiscaux correspondant.

1.5. Les garanties contractuelles après réception, les dommages intermédiaires

Tous les désordres qui n'entrent pas dans le cadre d'une garantie légale, autrement dit les "désordres intermédiaires", se trouvent garantis par les garanties contractuelles.

Cette distinction est essentielle pour les discussions en cours sur la limitation de la responsabilité énergétique des locateurs d'ouvrage.

Par conséquent, s'il est décidé de limiter à un certain pourcentage (par exemple "relèveront des garanties légales tout ce qui dépasse de 10 % la consommation conventionnelle"), cela signifie que, de 0 à 10 %, on se trouve dans le cadre des dommages intermédiaires, et les constructeurs seront tenus d'assurer la responsabilité pour de tels désordres.

1.6. Le principe de la réparation intégrale

En vertu de ce principe, il s'agit de remettre la victime dans le statut quo ante ; l'indemnisation doit comprendre l'ensemble des coûts nécessaires pour replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée en l'absence de tout désordre ou, pour reprendre les termes mêmes de la Cour de cassation :

- les dommages et intérêts dus à la victime d'un fait dommageable doivent couvrir intégralement la valeur du préjudice subi (Cass. civ., 20 décembre 1966, Bull. civ. II, n° 979) ;

- le propre de la responsabilité est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu (Cass. civ. 2, 16 décembre 1970, n° 69-12.617 N° Lexbase : A7861CHM, Bull. civ. II, n° 346 ; Cass. civ. 2, 28 avril 1975, n° 74-10.448 N° Lexbase : A3100CKZ, Bull. civ. II, n° 121 ; Cass. civ. 3, 12 décembre 1973, n° 72-12.705 N° Lexbase : A2321CHG, Bull. civ. 1973, III, n° 628) ou encore "ne s'était point produit" (Cass. civ. 3, 4 février 1982, n° 80-17.139 N° Lexbase : A7003CKL).

Michel Vauthier relève ici que, dans le cadre de désordres thermiques, les conséquences peuvent être considérables, sachant que cela concerne une problématique globale de l'ensemble du bâtiment (orientation du bâtiment, exposition des fenêtres, nombre d'ouvertures, étanchéité du bâtiment, recherche d'une fuite, etc.) ; les sommes mises en jeu peuvent donc être considérables.

2. Les risques juridiques liés à la réglementation thermique RT 2012

2.1. Les réactions des assureurs et leurs obligations

Lors de la discussion ouverte sur la garantie de performance énergétique, la position des assureurs peut être résumée ainsi : "Il convient de rappeler que le marché considère, que les conséquences purement financières d'une consommation excessive d'un bâtiment ne devrait pas selon eux pouvoir entrer dans la définition de la destination d'un bâtiment.

Analyse que pour notre part nous partageons, pour les raisons que nous avons évoquées précédemment, à savoir qu'avec un régime de responsabilité présumée cela aboutira à la conséquence pour les constructeurs et leurs assureurs, ainsi qu'à l'assureur DO, de devoir apporter le preuve positive, que l'absence de performance résulte de l'usage et du mode de vie des occupants...".

Leur position est très claire et consiste à exclure les désordres thermiques de la garantie décennale.

2.2. Où en est la réflexion sur la GPE garantie de performance énergétique ?

Pour rappel, à l'issue des travaux du chantier n° 18 du "Grenelle", dédié à la garantie de performance énergétique, Caroline Costa, Directrice juridique adjointe Groupe EGIS, ayant animé ce chantier, avait livré quelques pistes de réflexion concernant la définition de la GPE à l'occasion d'une précédente réunion de la présente Commission, en indiquant que la GPE "est une garantie par laquelle un soumissionnaire s'engage envers son client à ce que l'ouvrage soit capable de répondre aux objectifs d'efficacité énergétique contractuellement prévus. Cette efficacité énergétique est subordonnée à l'utilisation de l'ouvrage conformément à sa destination. La mesure de cette efficacité énergétique s'effectue à l'aide d'un système de contrôle selon les dispositions prévues au contrat. La durée de la GPE est subordonnée à la nature et à l'étendue de la garantie donnée".

Michel Vauthier a rappelé avoir également proposé avec les membres de la Commission ouverte qu'une garantie définissant un seuil d'impropriété à destination soit prévu dont les modalités devraient êtres définies par décret. En effet, l'idée est que, s'agissant d'une notion mêlant des éléments juridiques et techniques, et compte tenu de l'évolution incessante des éléments techniques, il convient d'apprécier la responsabilité légale, selon une déclinaison technique. La problématique de l'expertise technique est tellement complexe qu'il a été proposé de prévoir un texte sous forme de décret afin d'adapter les calculs de manière relativement souple.

2.3. Rien ne change ou tout change ?

Des solutions ont été proposées lors des discussions des groupes Grenelle de l'environnement pour limiter la responsabilité en matière énergétique, la plus radicale étant la rédaction d'un article 1792-8 nouveau soustrayant la performance énergétique de la garantie décennale.

D'autres solutions ont été proposées lors du Groupe de travail sur la garantie de performance énergétique.

Dans l'hypothèse où le législateur interviendrait pour trancher notamment le débat lié à l'inclusion du défaut de performance énergétique dans le cadre des garanties légales, le Professeur Périnet-Marquet propose d'utiliser l'article L. 111-22 du Code de la construction et de l'habitation, à cet effet.

Michel Vauthier propose d'instaurer un seuil au-delà duquel une consommation d'énergie électrique rendrait l'ouvrage juridiquement impropre à sa consommation, une température intérieure deviendrait soit trop importante, soit insuffisante pour que l'ouvrage soit rendu impropre à sa destination, ce texte retirant alors au juge son pouvoir d'appréciation.

2.4. Le grand écart du discours sur la performance énergétique, risque principal

Michel Vauthier met en garde contre le risque, pour le consommateur et les intervenants à l'acte de construire, lié au double discours tenant, d'un côté à l'annonce et à la promotion visant une obligation de résultat sur une consommation affichée, de l'autre une consommation moyenne théorique réelle indépendante de l'attestation, laquelle porte sur une simple vérification de l'existence de calculs et de justifications conformes.

Sur le site du ministère du Logement, il est annoncé que le décret, applicable dès le 1er janvier 2013, présente trois exigences de résultat en termes d'efficacité énergétique, de consommation d'énergie primaire et de confort en été. Conformément à l'article 4 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, dite "Grenelle 1", la RT 2012 a pour objectif de limiter la consommation d'énergie primaire des bâtiments neufs à un maximum de 50 kWhEP/(m²/an) en moyenne.

Aussi, certains constructeurs, n'hésitent pas à annoncer dans leur publicité que "avec la RT 2012, le Grenelle Environnement prévoit de diviser par 3 la consommation énergétique des bâtiments neufs d'habitation et d'usage tertiaire, soit : une consommation d'énergie primaire inférieure à 50 kWh/m²/an correspondant à environ 300 euros/an RT 2012 en pratique".

Michel Vauthier a mis en lumière, ici, toute l'ambiguïté liée aux termes "en pratique", et sur l'absolue indétermination des chiffres "300 euros/an RT 2012", dont on peut se demander à quoi cela correspond.

Il a relevé, par ailleurs, la problématique liée à l'arrêté du 11 octobre 2011, relatif aux attestations de prise en compte de la réglementation thermique et de réalisation d'une étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie pour les bâtiments neufs ou les parties nouvelles de bâtiments (N° Lexbase : L6374ISU). Cette attestation prévoit, notamment, la vérification de la cohérence entre le récapitulatif standardisé d'étude thermique et le contrôle visuel sur site ; bien entendu, on ne peut pas réaliser un contrôle destructif, mais Michel Vauthier souligne que l'attestation de conformité après travaux n'atteste nullement de la bonne réalisation d'une garantie de résultat.

Il soulève alors la question de la mise à jour du récapitulatif standardisé d'étude thermique en cours de chantier, sur la base duquel le ministère donne sa validation, alors que l'on sait qu'en matière de construction, les choses peuvent bouger entre le projet initial et le projet final.

2.5. Un concept opérationnel : l'intégration d'une troisième dimension à l'acte de construire

Michel Vauthier promeut l'idée selon laquelle l'on assiste à l'intégration d'une troisième dimension à l'acte de construire (cf. Pascaline Dechelette-Tolot et Michel Vauthier, Réglementation thermique 2012, la troisième dimension de l'acte de construire, Gazette du Palais, 31 août-1er septembre 2012 ; et Cyrille Charbonneau, JurisClasseur Construction - Urbanisme Cote : 01, 2011 Fasc. 25 : Responsabilité et Assurance Construction - Exigences environnementales) ; il s'agit d'une nouvelle dimension au sens physique du terme, qui correspond à une nouvelle façon de légiférer, incluant la technique dans la loi à un point qui n'a jamais été aussi important, les techniciens faisant oeuvre normative comme la norme de calcul du Th C de plus de mille pages.

Cette troisième dimension vient de ce que construire devient un acte collectif, ayant des conséquences collectives.

Cette révolution n'est possible que grâce aux techniques de l'information et préfigure l'intégration à la maquette numérique.

2.6. Faut-il avoir peur de l'inconnu ? Quelques clés pour minimiser les risques ?

En réalité, les assureurs ne peuvent pas se soustraire à leur garantie légale et devront donc assurer un tel risque.

Les bureaux d'étude thermique vont également jouer un rôle important ; il est primordial qu'ils puissent non seulement respecter la norme théorique, mais la traduire en termes pratiques vis-à-vis de leurs clients.

Il s'agira donc de détailler les relations contractuelles vis-à-vis de leurs interlocuteurs, en premier lieu vis-à-vis des clients en leur délivrant une information pédagogique et contractuelle sur la réalité des engagements énergétiques. Il conviendrait, par exemple, de distinguer clairement ce qui relève du calcul théorique de la norme de ce qui sera la consommation réelle du client et qui pourra être sans rapport dès lors que son comportement sera inévitablement différent.

En second lieu, les bureaux d'étude thermique devront prévoir, vis-à-vis des locateurs d'ouvrage un report contractuel des obligations des promoteurs et une vérification impitoyable de leurs conditions d'assurance. Il s'agit de sécuriser tous les contrats pour suppléer aux vides et incertitudes inévitables qui vont porter sur la détermination des responsabilités et dureront au moins dix ans, entre le moment ou un utilisateur engagera une action en justice et celui où la Cour de cassation rendra sa décision. Il conviendra de veiller particulièrement à l'assurance des obligations contractuelles et leur répercussion sur toute la chaîne des locateurs d'ouvrage.

II - Intervention de Michel Huet : les propositions du Groupe de travail sur la garantie de performance énergétique (GPE)

Michel Huet est revenu sur la difficulté consistant à tenter de rapprocher les postures des différents acteurs, totalement contradictoires, mais chacune devant être respectée.

Il a également soulevé la problématique étymologique liée à la rencontre de tous les acteurs. Il faut donc savoir que le terme "conventionnel" doit être entendu au sens de réglementaire, et qui n'est donc pas contractuel, ce est difficile à admettre pour un avocat ! Cela donne lieu à la distinction entre la GPEI, qui repose sur un engagement conventionnel ou réglementaire, autrement dit théorique (cet engagement théorique correspond à l'engagement que la méthode de calcul employée est conforme ; en cas de défaillance, il est seulement vérifié que le calcul promis a bien été réalisé), et la GRE, qui suppose un véritable engagement contractuel des constructeurs à long terme sur la consommation du client. Tout cela implique un véritable travail pédagogique afin que le client soit bien conscient de la réalité de l'engagement du constructeur.

La première mission de la Commission a donc été de trouver le moyen d'encadrer le mieux possible le risque d'application de la décennale par les tribunaux, en essayant de prendre en compte les intérêts de tous les acteurs.

La première idée, de modifier le Code civil (1792-8), n'a pas été retenue ; et il a été décidé d'intervenir au niveau du Code de la construction et de l'habitation ; là encore, les assureurs refusaient de reconnaître que la performance énergétique puisse entrer dans le champ de l'assurance décennale ; mais ils ont dû admettre que l'absence totale d'encadrement, pouvait leur être préjudiciable dans la mesure où le dernier mot revient en tout état de cause aux tribunaux, et qu'ils avaient donc intérêt à la fixation d'un cadre réglementaire, limitant le risque d'application de l'assurance décennale, sachant que ce cadre repose sur des éléments théoriques.

Concrètement, l'axe retenu, qui doit beaucoup aux réflexions du Professeur Hugues Périnet-Marquet, vise à circonscrire la responsabilité décennale par la prise en compte de la seule consommation conventionnelle au regard de la RT 2012, et procède par la création d'un nouvel article L. 111-10-5 du Code de la construction et de l'habitation commençant ainsi : "nonobstant toute stipulation contractuelle contraire, la destination mentionnée à l'article 1792 du Code civil, reproduit à l'article L. 111-13 du présent code est appréciée, en matière de performance énergétique, au regard de la seule consommation 'conventionnelle' maximale de l'ouvrage, telle que celle-ci résulte des textes d'application des articles L. 111-9, L. 111-10 du présent code. La production énergétique à usage externe est prise en compte uniquement si elle entre dans son calcul. L'impropriété à la destination ne peut être retenue que dans le cas d'une différence de consommation conventionnelle supérieure à un seuil, en présence de dommages affectant matériellement l'ouvrage ou ses éléments d'équipement. Elle est appréciée globalement pour l'ensemble de l'ouvrage construit ou modifié, y compris ses éléments d'équipement en tenant compte des conditions de son entretien après la réception, et sur la base des éléments techniques et du mode de calcul ayant permis la délivrance de l'attestation de la prise en compte de la réglementation thermique".

"Un décret en Conseil d'Etat détermine le seuil mentionné à l'alinéa précédent ainsi que les modalités d'appréciation de la consommation conventionnelle dans le cadre des expertises". Ce seuil serait fixé à 20 % sans pouvoir être inférieur à 10kWep/m²/an.

Le second apport du groupe de travail réside dans l'élaboration d'une charte GPEI destinée aux principaux acteurs, et engageant ses signataires, qui consiste à définir une méthodologie de mise en place d'une GPEI. Il s'agit d'une charte éthique, dont la véritable force est d'engager les acteurs signataires au-delà du droit, sur la base du respect d'un guide méthodologique de la GPEI, qui liste 60 actions à accomplir tout au long d'un projet pour garantir le respect des performances promises. Il faut savoir que la signature par une fédération engage tous ses adhérents, et donc par exemple l'ensemble du secteur du BTP. La signature de la Charte, constitue selon Michel Huet, un engagement bien plus fort que l'engagement légal. Si ladite venait à être signée, cela constituerait une véritable avancée.

La vraie problématique réside désormais dans le concept de la GRE (garantie réelle énergétique).

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