Le Quotidien du 11 avril 2022 : Procédure pénale

[Brèves] Captation de données informatiques en matière de criminalité et délinquance organisées : le recours aux moyens couverts par le secret de la défense nationale est conforme à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-987 QPC, du 8 avril 2022 N° Lexbase : A49327SH

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N1080BZZ

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par Adélaïde Léon

le 27 Avril 2022

► Les dispositions de l’article 706-102-1 du Code de procédure pénale prévoyant la possibilité, en matière de criminalité et de délinquance organisées, pour le procureur de la République ou le juge d’instruction de prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale aux fins de réalisation des opérations techniques nécessaires à la captation et la mise au clair des données informations, ne sont pas contraires à la Constitution ; ces dispositions procèdent à une conciliation équilibrée entre d'une part, les droits de la défense et le principe du contradictoire et, d'autre part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, dont participe le secret de la défense nationale.

Rappel de la procédure. Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 230-1 N° Lexbase : L8452I4S à 230-5 N° Lexbase : L4511AZ4 du Code de procédure pénale, relatifs à la mise au clair des données chiffrées nécessaires à la manifestation de la vérité, et l’article 706-102-1 du même code N° Lexbase : L7414LPB, relatif à la captation des données informatiques en tant que technique spéciale d’enquête.

Plus spécifiquement, en application des articles 706-95-11 N° Lexbase : L7225LPB et suivants du Code de procédure pénale, des techniques spéciales d’investigation peuvent être mises en œuvre en matière de criminalité et de délinquance organisées. Parmi ces techniques, figure la captation de données information. L’article 706-102-1 du même code prévoit qu’aux fins de réalisation des opérations techniques nécessaires à la captation et la mise au clair des données, le procureur de la République ou le juge d’instruction peut prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale.

Motifs de la QPC. Le requérant et les associations intervenants reprochaient aux dispositions précitées de permettre au procureur de la République de recourir discrétionnairement à des moyens couverts par le secret de la défense nationale, lesquels sont soustraits au débat contradictoire, pour procéder à la captation de certaines données informatiques.

Ils considéraient qu’en conséquence, et au mépris des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif, le mis en cause était privé de la possibilité de contester la régularité de l’opération.

L’une des associations intervenantes soutient également que ces dispositions méconnaitraient, pour les mêmes motifs, le droit au respect de la vie privée, le droit à la protection des données personnelles, le secret des correspondances et la liberté d’expression.

Le Conseil constitutionnel retient que la QPC porte en l’espèce sur la seconde phrase du second alinéa de l’article 706-102-1 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC.

Décision. Le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution la seconde phrase du second alinéa de l’article 706-102-1 du Code de procédure pénale.

Le Conseil confirme que les dispositions contestées de l’article 706-102-1 du Code de procédure pénale ont pour effet de soustraire au débat contradictoire les informations relatives aux moyens auxquels elles font référence (moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale).

Les sages soulignent ensuite qu’en adoptant les dispositions en cause, le législateur a entendu permettre aux autorités en charge des investigations de bénéficier de moyens efficaces de captation et de mise au clair des données, sans pour autant fragiliser l’action des services de renseignements en divulguant des techniques qu’eux-mêmes utilisent. Dans ces conditions, le Conseil estime que les dispositions poursuivent l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

Le Conseil met ensuite en lumière le cadre d’utilisation des moyens en cause. La Haute juridiction rappelle ainsi qu’il ne peut y être recouru que pour la mise en œuvre d’une technique spéciale d’investigation, laquelle doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d’instruction et justifiée par les nécessités d’une enquête ou d’une instruction relatives à certains crimes et délits d’une particulière gravité et complexité. Par ailleurs, la mise en œuvre de cette technique est réalisée sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui l’a autorisée et qui peut ordonner son interruption à tout moment. Enfin, les données captées dans ce cadre sont placées sous scellés.

Les sages rappellent par ailleurs que si les informations techniques soumises au secret de la défense nationale sont susceptibles d’être soustraites au contradictoire, il demeure que l’ordonnance écrite et motivée autorisant la mise en œuvre du dispositif de captation doit obligatoirement être versée au dossier de la procédure et mentionner à peine de nullité :

  • l’infraction qui motive son utilisation ;
  • la localisation exacte ou la description détaillée des systèmes de traitement automatisé de données concernées ;
  • la durée pendant laquelle cette opération est autorisée.

Le procès-verbal de mise en place du dispositif et celui décrivant ou transcrivant les données enregistrées jugées utiles à la manifestation de la vérité doivent également figurer au dossier. Enfin, l’ensemble des éléments obtenus à l’issue des opérations de mise au clair font l’objet d’un procès-verbal versé au dossier et accompagné d’une attestation certifiant la sincérité des résultats transmis.

Enfin, le Conseil souligne que la juridiction peut demander la déclassification et la communication des informations soumises au secret de la défense nationale.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées procèdent à une conciliation équilibrée entre d'une part, les droits de la défense et le principe du contradictoire et, d'autre part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, dont participe le secret de la défense nationale.

Pour aller plus loin : J.-B. Perrier, ÉTUDE : La procédure dérogatoire applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes, in Procédure pénale, Lexbase N° Lexbase : E5380ZPX.

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