La lettre juridique n°901 du 7 avril 2022 : Filiation

[Textes] La réforme de l’adoption : entre ouverture et sécurisation

Réf. : Loi n° 2022-219 du 21 février 2022, visant à réformer l'adoption N° Lexbase : L4154MBH

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N1014BZL

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université de Bordeaux, Présidente de l’Observatoire départemental de la protection de l’enfance de la Gironde

le 06 Avril 2022

Mots-clés : filiation • adoption • agrément • enfant abandonné • délaissement parental • mineur non accompagné • aide sociale à l'enfance (ASE) • conseil de famille • placement en vue de l'adoption • organisme autorisé pour l’adoption (OAA)

Publiée au Journal officiel du 22 février 2022, la loi n° 2022-219 du 21 février 2022, visant à réformer l'adoption, a pour objectif de « permettre de renforcer et de sécuriser le recours à l’adoption comme un outil de protection de l’enfance lorsque celui‑ci correspond à l’intérêt de l’enfant concerné, et uniquement dans son intérêt » ; ce texte vise à corriger les lacunes encore existantes du régime juridique relatif à l’adoption, tel qu’il avait été modifié de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance, et propose d’y remédier, en respectant les deux principes fondamentaux en la matière, à savoir l’intérêt supérieur de l’enfant et la volonté de donner une famille à un enfant et non l’inverse.


 

Modernisation.- Le chemin de croix législatif de la proposition de loi, débuté en décembre 2020, visant à réformer l’adoption s’est enfin achevé par la promulgation du texte le 21 février 2022, après un vote définitif le 8 février par l’Assemblée nationale d’un texte avec lequel le Sénat restait partiellement en désaccord. Les députés affirment ainsi leur prépondérance sur les sénateurs qui se sont opposés jusqu’au dernier moment à certaines dispositions. C’est finalement un texte moderne, qui a été promulgué conformément aux souhaits de la majorité présidentielle.

Ordonnances.- La loi du 21 février 2022 visant à réformer l'adoption N° Lexbase : L4154MBH devrait connaître des suites puisque l’article 11 sexies de la loi prévoit que « le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du Code civil et de Code de l’action sociale et des familles en matière d’adoption, de déclaration judiciaire de délaissement parental, de tutelle des pupilles de l’Etat et de tutelle des mineurs dans le but de 1° tirer les conséquences sur l’organisation formelle du titre VIII du livre 1er du code civil, de la revalorisation de l’adoption simple réalisée par la présente loi et de la spécificité de l’adoption de l’enfant de l’autre membre du couple, 2° d’harmoniser ces dispositions sur un plan sémantique ainsi que d’assurer une meilleure coordination entre elles. » L’objet de ces ordonnances à venir sera de modifier l’ordre des dispositions du Code civil : aux chapitres actuels relatifs pour l’un à l’adoption plénière et pour l’autre à l’adoption simple – le second contenant de nombreux renvois au premier –, seront substitués un chapitre sur les conditions communes de l’adoption suivi de chapitres relatifs aux effets et aux conditions spécifiques de chaque adoption. L’objectif est de mettre les deux formes d’adoption sur un pied d’égalité.

Adoption simple.- La valorisation de l’adoption simple, cantonnée à l’heure actuelle, dans la majeure partie des cas, aux adoptions de l’enfant du conjoint, est un objectif essentiel du législateur de 2022. Il se traduit dans la loi par une redéfinition de l’adoption simple à l’article 364, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L4424MBH, selon lequel désormais « L'adoption simple confère à l'adopté une filiation qui s'ajoute à sa filiation d'origine », étant précisé que « l'adopté conserve ses droits dans sa famille d'origine ». Cette formulation permet de mettre davantage en lumière l’effet de l’adoption simple qui crée un réel lien de filiation, tout en permettant de ne pas faire disparaître la filiation d’origine.

Ouverture et sécurisation.- La réforme est axée à la fois sur une ouverture de l’adoption, désormais accessible à tous les couples, mais également sur une sécurisation conduisant à encadrer davantage certaines de ses conditions et de ses effets. Ce double objectif ressort tant des conditions d’accès à l’adoption (I) que de la procédure, au sens large de processus, qui permet son prononcé (II).

I. Les conditions d’accès à l’adoption

Poursuivant le double objectif d’ouvrir l’adoption, à davantage d’adoptants mais également à davantage d’enfants, tout en assurant une meilleure protection de ces derniers, la loi nouvelle modifie les conditions tenant aux adoptants (A) comme celle relatives aux adoptés (B).

  1.                 A. Les conditions relatives aux adoptants

Tous les couples.- La mesure phare de la loi du 21 février 2022 réside dans l’ouverture de l’adoption à tous les couples, et non pas seulement aux couples mariés. En effet selon le nouvel article 343 du Code civil, alinéa 1er N° Lexbase : L4398MBI « L’adoption peut être demandée par un couple marié non séparé de corps, deux partenaires liés par un pacte de solidarité ou deux concubins. ». Ainsi aucun engagement officiel entre les membres du couple d’adoptants n’est plus exigé. La loi contient de nombreuses dispositions visant ajouter à côté des époux les « partenaires lié par un pacs ou concubin » ou remplacer le terme « époux » par la formule « membres du couple ». Cet élargissement s’applique non seulement à l’adoption par un couple mais également à l’adoption par un membre du couple de l’enfant de l’autre. Elle concerne l’adoption plénière comme l’adoption simple.

Vie commune.- Le deuxième alinéa de l’article 343 du Code civil précise « que les adoptions doivent être en mesure d’apporter la preuve d’une communauté de vie d’au moins un an ou être âgés l’un et l’autre de plus de vingt-six ans ». Si la vie commune est une condition de l’adoption par le couple puisqu’elle caractérise les trois formes de couples visés par le texte, la preuve formelle de sa durée n’est exigée que si ses deux membres sont âgés de moins de vingt-six ans. La condition relative à la vie commune n’a donc finalement que peu de consistance. Cette question est restée jusqu’à la fin du processus législatif un point de dissension avec le Sénat qui souhaitait que la durée de vie commune du couple soit de deux ans comme antérieurement. Par ailleurs, l’abaissement de l’âge minimum des adoptants de 28 à 26 ans constitue une avancée surtout symbolique, dans la mesure où de manière générale, les personnes se lançant dans un projet d’adoption sont beaucoup plus âgées.

Age de l’adoptant.- La loi du 21 février 2022 innove en limitant l’accès à l’adoption aux personnes n’ayant pas atteint un certain âge. Plus précisément, elle limite l’écart d’âge entre le plus jeune du ou des adoptants et le plus jeune des enfants qu’ils se proposent d’adopter, lequel ne doit pas dépasser 50 ans. Cette exigence, destinée à réserver l’adoption aux personnes et couples en âge d’être parent, ne devrait pas faire l’objet de critiques au regard des droits fondamentaux, puisque la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que l’instauration d’une limite d’âge pour adopter n’était pas contraire à la convention, et était justifié par l’intérêt de l’enfant [1]. De surcroit, le nouveau texte répond à la condition de proportionnalité puisqu’il prévoit qu’en cas de justes motifs, il peut être dérogé à cette règle en démontrant que l’adoptant est en capacité de répondre à long terme aux besoins fondamentaux de l’enfant.

Agrément et intérêt de l’enfant.- Le nouvel article L. 225-2 du Code de l’action sociale et des familles N° Lexbase : L4385MBZ précise que « l’agrément a pour finalité l’intérêt des enfants qui peuvent être adoptés. Il est délivré lorsque la personne candidate à l’adoption est en capacité de répondre à leurs besoins fondamentaux, physiques, intellectuels sociaux et affectifs ». Le législateur se conforme ainsi aux prescriptions du Conseil constitutionnel qui dans sa décision du 17 mai 2013 relative à la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe N° Lexbase : A4431KDH a affirmé que l’agrément devait être conforme à l’intérêt de l’enfant, érigé en valeur constitutionnelle [2].

Adoption intra-familiale.- Le législateur a souhaité limiter les adoptions intra-familiales susceptibles de créer une confusion générationnelle – c’était l’expression utilisée dans la première version du texte-, conformément à la jurisprudence en vigueur. Pour répondre aux exigences de précision de la loi et tenir compte des situations spécifiques, la version finale de l’article 343-3 du Code civil N° Lexbase : L4401MBM prévoit de manière bienvenue que « l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et frères et sœurs est prohibée. Toutefois, le tribunal peut prononcer l’adoption s’il existe des motifs graves que l’intérêt de l’adopté commande de prendre en considération ». Ainsi seules sont exclues l’adoption de l’enfant par ses grands-parents et par les membres de sa fratrie ; une tante ou un oncle peut en revanche adopter son neveu. En outre et selon une méthode qui permet de mettre en œuvre le principe de la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant, l’exclusion légale peut être écartée lorsque l’intérêt de l’enfant, apprécié in concreto, le commande. Il pourrait en être ainsi notamment lorsqu’après le meurtre de sa mère par son père, l’enfant aura été recueilli par ses grands-parents.

  1.                 B. Les conditions relatives à l’adopté

Enfants abandonnés.- Les conditions relatives à l’adopté concernent plutôt les enfants de la protection de l’enfance, ce dont il faut se féliciter. En effet, la loi modifie l’alinéa 2 de l’article 345 du Code civil N° Lexbase : L4403MBP qui énumère les exceptions à la limitation de l’adoption plénière aux enfants de moins de 15 ans. Désormais, outre les enfants recueillis avant d’avoir cet âge par des personnes qui ne remplissaient pas, auparavant, les conditions légales pour adopter, ou ayant fait l’objet d’une adoption simple avant cet âge, peuvent être adoptés au-delà de leur quinzième anniversaire, les enfants déclarés pupilles de l’Etat ou judiciairement délaissés (C. civ., art. 347, 2° et 3° N° Lexbase : L4406MBS). Ce texte est de nature à favoriser l’adoption plénière des enfants placés sur le long terme et pourrait bénéficier aux mineurs non accompagnés qui n’ont plus de famille dans leur pays d’origine. La limite de l’âge de 15 ans est également écartée dans les hypothèses où l’adoption plénière de l’enfant du conjoint est autorisée (C. civ., art. 345-1 N° Lexbase : L4404MBQ).

Bilan d’adoptabilité.- Il faut se féliciter de l’intégration dans la loi du bilan d’adoptabilité de l’enfant, qui avait été déjà proposé en 2014 par le rapport « 40 propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption aux réalités d’aujourd’hui » [3]. Le nouvel article L. 225-1 du Code de l’action sociale et des familles N° Lexbase : L4384MBY prévoit que « les enfants admis à la qualité de pupille de l’Etat […] bénéficient, dans les meilleurs délais, d’un bilan médical, psychologique et social, qui fait état l’éventuelle adhésion de l’enfant à un projet d’adoption, si l’âge et le discernement de l’enfant le permettent». Un nouveau bilan peut être réalisé à tout moment à la demande du tuteur ou du mineur lui-même, notamment si un projet d’adoption est envisagé pour le pupille. Cette innovation répond à la volonté de limiter, autant que faire se peut, les échecs de l’adoption, dont il a été établi qu’il résultait souvent d’une difficulté, voire d’une impossibilité pour l’enfant, compte tenu de son vécu traumatique, ou des liens profonds avec sa famille d’accueil, à s’attacher et à adhérer à un projet d’adoption. Il pourra en outre permettre de déterminer si l’intérêt de l’enfant est plus conforme à une adoption simple ou plénière selon les liens qu’il entretient avec d’autres membres de sa famille comme ses frères et sœurs.

II. Le processus de l’adoption

Parcours du combattant.- Souvent taxé de « parcours du combattant », le processus d’adoption qui débute, le cas échéant, par la remise de l’enfant à l’aide sociale à l’enfance par ses parents, a été revu par la loi du 21 février 2022, dans un souci de clarification, particulièrement de l’étape préalable à la procédure judiciaire (A), mais également pour favoriser le prononcé judiciaire de l’adoption dans certaines circonstances particulières (B).

  1.               A. La clarification du processus préalable à la procédure judiciaire

Remise de l’enfant à l’ASE.- Les effets de la remise de l’enfant à l’aide sociale à l’enfance par ses parents sont précisés dans le nouvel article L. 224-5 du CASF N° Lexbase : L4382MBW qui dispose que « lorsque l’enfant est remis au service par ses parents ou par l’un d’eux [….], ceux-ci doivent consentir expressément à l’admission de l’enfant à la qualité de pupille de l’Etat. Ils sont incités à communiquer les informations connues les concernant ». Le texte poursuit en imposant que le consentement des parents soit éclairé sur les conséquences de l’admission à la qualité de pupille de l’Etat, qui ouvre notamment la possibilité pour l’enfant de bénéficier d’un projet d’adoption.  Le texte antérieur était plus confus : il imposait aux services de l’ASE de proposer aux parents de consentir à l’adoption mais si ceux-ci ne le faisaient pas, l’enfant, une fois devenu pupille de l’Etat, pouvait quand même faire l’objet d’une adoption avec le consentement du Conseil de famille des pupilles de l’Etat. La nouvelle disposition est finalement plus protectrice des parents puisque qu’ils sont informés que l’enfant par l’effet de la remise devient adoptable.

Consentement à l’adoption.- Les critères d’intégrité du consentement à l’adoption prévus pour l’adoption internationale sont généralisés à toutes les adoptions par leur intégration dans l’article 348-3 du Code civil N° Lexbase : L4411MBY selon lequel « Le consentement à l'adoption doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier s'il est donné en vue d'une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ». Cette disposition permet de lutter contre les adoptions frauduleuses et les trafics d’enfants.

Conseil de famille.- La loi s’est, en outre, judicieusement intéressée à la première étape du processus de l’adoption constitué par le placement en vue de l’adoption de l’enfant décidé par le Conseil de famille. Celui-ci fait l’objet de plusieurs dispositions de la loi destinées à préciser la composition de ce dernier. Est ajoutée à ses membres à qui est imposée une formation, une personne qualifiée en matière d'éthique et de lutte contre les discriminations (CASF, art. L. 224-2 N° Lexbase : L4379MBS ; CASF, art. L. 224-3 N° Lexbase : L4380MBT). Par ailleurs, la famille d’accueil à qui l’enfant a été confié peut intenter un recours contre une décision du Conseil de famille qui ne lui serait pas favorable.

Placement en vue de l’adoption.- La nouvelle loi a complété l’article 351 du Code civil N° Lexbase : L4412MBZ par un alinéa selon lequel « les futurs adoptants accomplissent les actes usuels de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant à partir de la remise de celui-ci et jusqu’au prononcé du jugement d’adoption ». Cet ajout clarifie, de manière bienvenue, les prérogatives des futurs adoptants durant la période préalable du placement en vue de l’adoption. En effet, à ce moment-là, l’enfant est soumis au régime des pupilles de l’Etat ou déclaré délaissé, et est le plus souvent placé sous la tutelle du Département. Il peut également être soumis au régime de la délégation de l’exercice de l’autorité parentale au bénéfice du Conseil départemental. Dans les deux cas, c’est le Département ou son Conseil de famille qui est titulaire de l’ensemble des prérogatives découlant de l’autorité parentale. Il est donc intéressant de préciser que le placement transfère aux futurs adoptants la compétence pour effectuer – seuls - les actes usuels relatifs à l’enfant. Durant cette période précédant l’adoption, ils doivent donc demander l’autorisation du Conseil de famille uniquement pour les actes non usuels.

OAA.- La loi du 21 février 2022 revoit le rôle confié aux organismes autorisés pour l’adoption (OAA). L’ASE se voyant accorder un monopole pour recueillir et organiser l’adoption des enfants en France afin qu’ils bénéficient du statut de pupilles de l’Etat, les OAA sont cantonnées aux adoptions internationales. Elles ne peuvent plus se voir confier des enfants et organiser leur adoption sur le territoire national comme c’était le cas auparavant, mais les Conseils départementaux peuvent faire appel à elles « pour identifier, parmi les personnes agréées qu’elles accompagnent, des candidats susceptibles d’accueillir en vue de l’adoption des enfants à besoins spécifiques » (art. L. 225-1 CASF nouveau N° Lexbase : L4384MBY). Sur le plan international, les OAA vont en revanche jouer un rôle incontournable puisque les adoptions directes sont dorénavant interdites par la loi. Les candidats à l’adoption sont désormais contraints de passer par leur intermédiaire pour adopter un enfant, ce qui n’est pas sans susciter de difficultés dans les pays comme la Turquie ou l’Ukraine où il n’y pas d’OAA.

             B. La procédure judiciaire d’adoption

Consentement de l’adopté.- La loi introduit une évolution particulièrement intéressante concernant les adoptés majeurs ou mineurs de plus de treize ans hors d'état d'y consentir personnellement, en raison de l’altération de leurs facultés mentales. En effet, jusqu’alors, leur consentement étant une condition de l’adoption, l’impossibilité pour eux de formuler celui-ci excluait qu’ils puissent en bénéficier. La représentation était impossible en cette matière comme l’a affirmé la Cour de cassation [4] puis le législateur pour ce qui est des majeurs [5]. La loi du 21 février 2022 résout la difficulté en prévoyant à l’article 348-7 du Code civil N° Lexbase : L4410MBX que « le tribunal peut prononcer l’adoption, si elle est conforme à l’intérêt de l’adopté, d’un mineur âgé de plus de treize ans ou d’un majeur protégé hors d’état d’y consentir personnellement, après avoir recueilli l’avis d’un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne ». On peut se demander s’il n’aurait pas été plus simple de procéder comme en matière de nationalité [6], et de supprimer purement et simplement l’exigence du consentement de l’adopté lorsqu’il est hors d’état de le donner. En effet, dans la procédure d’adoption d’un majeur, il paraît évident que l’avis de son tuteur va être recueilli par le juge chargé de prononcer l’adoption. Et dans le cas du mineur, on peut se demander comment un administrateur ad hoc extérieur à la famille pourrait donner un avis véritablement éclairé sur l’intérêt de l’enfant à être adopté…

Consentement au changement de prénom ou de nom.- La loi du 21 février 2022 étend logiquement à l’adoption l’exigence de consentement de l’enfant de plus de treize ans à son changement de prénom, en cas d’adoption plénière (C. civ., art. 357 N° Lexbase : L4415MB7) et de nom en cas d’adoption simple (C. civ., art. 363). L’enfant ne peut consentir à son changement de nom dans le cadre de l’adoption plénière puisque celui-ci est un effet incontournable de cette forme d’adoption, alors que tel n’est pas le cas pour l’adoption simple.

Adoption forcée.- La loi du 21 février 2021 prévoit un cas exceptionnel d’adoption forcée, c’est-à-dire passant outre le refus du parent de l’enfant, dans l’hypothèse particulière, et limitée dans le temps, d’un enfant né d’une AMP à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 N° Lexbase : L4001L7C. Selon l’article 9 bis de la loi, point essentiel de divergence entre le Sénat et l’Assemblée nationale « A titre exceptionnel et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, lorsque, sans motif légitime, la mère inscrite dans l’acte de naissance, refuse la reconnaissance conjointe prévue au IV de l’article 6 de la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 N° Lexbase : L4001L7C relative à la bioéthique, la femme qui n’a pas accouché peut demander à adopter l’enfant, sous réserve de rapporter la preuve d’un projet parental commun de l’assistance médicale à la procréation réalisée  à l’étranger avant la publication de la même loi, dans les conditions prévues par la loi étrangère. […] Le tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige. Il statue par une décision spécialement motivée. L’adoption entraine les mêmes effets, droits et obligations qu’en matière d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin ». Cette disposition très discutée est la suite logique de la reconnaissance de la maternité d’intention et de la filiation fondée sur un projet parental commun consacrée par la loi bioéthique.  D’ailleurs la période durant laquelle une telle adoption peut être sollicitée est la même que celle durant laquelle la loi relative à la bioéthique permet aux mères qui ont eu recours à l’AMP avant son entrée en vigueur d’aller reconnaître conjointement l’enfant chez le notaire [7].

Consécration de la jurisprudence.- Cette adoption forcée s’inscrit en outre dans la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 3 novembre 2021 [8], a prononcé l’adoption plénière de deux jumelles conçues par assistance médicale à la procréation, après la séparation du couple et alors que la femme qui en avait accouché y était opposée.  La Cour de cassation se fonde sur le fait que la naissance des enfants résultait d'un projet de couple, que l’adoptante y avait participé tant lors de la grossesse de sa compagne qu'après la naissance des enfants et qu'elle avait tenté de maintenir les liens avec celles-ci malgré la séparation du couple. Elle approuve la cour d’appel d’avoir estimé que l'intérêt de l'enfant étant de connaître ses origines et sa filiation ; selon les juges du fond faire disparaître l’ex-femme de leur mère de l'histoire familiale des petites filles aurait des conséquences manifestement excessives pour celles-ci. Ainsi pouvait-ils souverainement en déduire que l'adoption plénière des enfants par celle-ci était conforme à leur intérêt. Ce faisant la Cour de cassation, et désormais la loi, pose une présomption implicite selon laquelle l’établissement d’une filiation adoptive d’un enfant né d’une AMP par la femme qui a participé au processus de leur conception est conforme à son intérêt, et ce malgré l’opposition de leur mère biologique.

 

[1] CEDH, 10 juin 2010, Req. 25762/07, Schwizgebel c/ Suisse N° Lexbase : A6438EY4.

[2] Cons. const., décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013 N° Lexbase : A4431KDH.

[3] A. Gouttenoire et I. Corpart (dir.), 40 propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption aux réalités d’aujourd’hui, Ministère des affaires sociales et de la santé Ministère délégué chargé de la famille février 2014.

[4] Cass. civ. 1, 8 octobre 2008, n° 07-16094, FS-P+B+I N° Lexbase : A6928EAT, JCP 2009, II, 10012, obs. Y. Favier, Dr. Fam 3008, 1736 obs. P. Murat, RTD civ., 2008. 665, obs. J. Hauser.

[5] C. civ., art. 358 N° Lexbase : L2876AB7.

[6] C. civ., art. 21-11 N° Lexbase : L5440H7M.

[7] Le point de départ est toutefois un peu différent puisque chacun des délais a pour point de départ la loi qui l’a instauré.

[8] Cass. civ. 1, 3 novembre 2021, n° 20-16.745 N° Lexbase : A06747BL.

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