Le Quotidien du 10 mars 2022 : Procédure civile

[Textes] L’injonction de payer 2022 : présentation de la procédure

Réf. : Décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire et modifiant diverses dispositions N° Lexbase : L5564MBP ; Arrêté du 24 février 2022 pris en application de l’article 1411 du code de procédure civile N° Lexbase : L5665MBG

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par Fabrice Reynaud, huissier de justice, associé de la SCP Leroi & associés – Paris & Nanterre

le 09 Mars 2022

Mots-clés : injonction de payer • signification • titre exécutoire • formule exécutoire • dématérialisation • opposition • procédure • réforme

Le 1er mars 2022, deux décrets et un arrêté sont entrés en vigueur, modifiant la procédure d'injonction de payer. Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a instauré le principe de l'abandon de la double phase judiciaire (ordonnance non exécutoire puis demande d'apposition de la formule exécutoire), et celui du 25 février 2022 est venu modifier la mise à disposition des pièces au débiteur, créant une dématérialisation partielle de la procédure. L'arrêté du 24 février a, quant à lui, créé les conditions de cette dématérialisation.


 

La procédure d’injonction de payer a été introduite en droit français par le décret-loi du 25 août 1937, sous le nom de « procédure simplifiée pour le recouvrement des petites créances commerciales.

Inspirée de la procédure germanique « Mahnverfahren », mais également connue dans des pays latins (le procedimiento d’ingiunzione italien), elle consistait en un abandon du principe de contradiction, avec la présentation d’une simple requête au tribunal sollicitant la condamnation d’un débiteur d’une créance commerciale modique. Si la demande était acceptée, l’avis d’injonction de payer était alors signifié au débiteur, lequel pouvait former un contredit et solliciter par conséquent un débat contradictoire. En l’absence de contredit, l’injonction était revêtue de la formule exécutoire. 

Le système a modifié et élargi le champ d’application de la procédure, tout d’abord en l’étendant aux créances civiles en 1957 [1] puis finalement à toutes les créances d’origine contractuelles en 1972 [2].

Le décret n° 81-500 du 12 mai 1981 N° Lexbase : L3454IPM a créé l’injonction de payer moderne, telle que nous la connaissons.

Avec le développement des procédures accélérées [3], l’injonction de payer tient sa place puisque, en 2019, une ordonnance sur deux est rendue en une durée médiane de trente-six jours [4]: elle permet d’accélérer le recouvrement des créances et de diminuer le recours aux tribunaux.

C’est dans ce cadre qu’avait été pensée une profonde réforme de cette procédure, avec la création de la juridiction unique de l’injonction de payer (« JUNIP ») en charge du traitement dématérialisé des procédures d’injonction de payer en matière civile. Cette réforme de la loi « Belloubet » N° Lexbase : L6740LPC a été purement et simplement abrogée avant même son entrée en vigueur. Elle s’inscrivait dans une volonté de dématérialisation de l’accès à la Justice [5]

Par les décrets n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 N° Lexbase : L4794L83[6], et n° 2022-245 du 25 février 2022 N° Lexbase : L5564MBP, ainsi que par l’arrêté du 24 février 2022 N° Lexbase : L5665MBG pris en application de l’article 1411 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5665MBG, la réforme repense la procédure d’injonction de payer (I), avec une timide introduction de dématérialisation (A), et une réduction du temps judiciaire (B). Toutefois cette réforme n’est qu’un changement dans la continuité (II), conservant à l’ordonnance sa fragilité (A), et dont l’exécution n’est pas facilitée (B).

I. Une procédure d’injonction de payer repensée

A. Une timide dématérialisation de la procédure

Dans le but de simplifier et de dématérialiser certaines procédures pour plus de célérité, la loi Justice n° 2019-222 du 23 mars 2019 avait prévu la création d’une juridiction unique à compétence nationale, pour assurer le traitement dématérialisé des procédures d’injonction de payer, dite « JUNIP », à l’exception de celles relevant du tribunal de commerce, ainsi que des procédures européennes d’injonction de payer. Son abrogation avant même sa mise en place a sonné le glas de la dématérialisation de la saisine des juridictions civiles.

En ce qui concerne les juridictions commerciales, non impactées par la suppression de la « JUNIP », la requête en injonction de payer peut en revanche être déposée sous format électronique, puisque depuis le 28 février 2022, les requêtes en injonction de payer présentées devant une juridiction consulaire, et par conséquent exclusivement les requêtes ayant trait à une créance commerciale, peuvent être déposées sur le « tribunal digital ». Cette solution, en fait de « tribunal » n’est en réalité qu’une plateforme de saisine de la juridiction commerciale.

Créée en 2019, la plateforme tribunaldigital.fr est, à l’initiative des greffiers des tribunaux de commerce, une solution dématérialisant la saisine et l’accès aux tribunaux de commerce, pour l’utilisation de laquelle le justiciable ou l’auxiliaire de justice (avocats, huissiers…) devra au préalable avoir créé son « identité numérique » par le service « Monidenum », opéré par le GIE Infogreffe sous la responsabilité du Conseil national des greffes des tribunaux de commerce.

En matière civile en revanche, les requêtes continueront à être déposées sous format papier.

Pourtant, quelques jours avant l’entrée en vigueur le 1er mars 2022 de la réforme, le législateur a instauré une petite dose de dématérialisation dans la procédure, non pas lors de l’introduction de l’instance, ni au moment de son rendu, mais au moment de la signification de l’ordonnance.

En effet, le texte original du décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 avait prévu une nouvelle obligation à la charge de l’huissier de Justice, l’article 1411 du Code de procédure civile prévoyant dans la nouvelle rédaction de son premier alinéa « Une copie certifiée conforme de la requête et de l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire est signifiée, à l'initiative du créancier, à chacun des débiteurs. Les documents justificatifs produits à l'appui de la requête sont joints à la copie de la requête signifiée ».  

Cette nouvelle obligation de signifier en même temps que l’ordonnance les pièces produites a été amendée par le décret 2022-245 du 25 février 2022 et est désormais remplacée par [7] l’obligation pour l’huissier de justice de mettre à disposition du débiteur les documents justificatifs par voie électronique. L’arrêté du 24 février 2022 a précisé les modalités de mise à disposition des pièces que l’huissier de Justice devra déposer sur la plateforme mespieces.fr, créée sous la responsabilité de la chambre nationale des commissaires de justice. Notons à ce sujet que l’article 3 de l’arrêté prévoit un respect du RGPD et notamment que « le système mis en œuvre doit garantir (...) que chaque destinataire n’a accès qu’aux seuls documents et informations qui le concernent ».

Dans la mesure où l’acte signifié doit être strictement conforme à l’original, en cas de pluri-débiteurs, les identifiants de l’un d’entre eux ne sauraient se trouver sur l’expédition destinée à aux autres débiteurs. Aussi, il semble qu’un acte de signification par débiteur (et non un acte à plusieurs copies) soit la seule solution permettant le respect du RGPD.

Nous pouvons regretter qu’aucun mode alternatif de communication des pièces ne soit prévu, outre le cas où le cas d’impossibilité de mettre à disposition (CPC. art. 1411 al.2 : « Si les documents justificatifs ne peuvent être mis à disposition par voie électronique pour une cause étrangère à l'huissier de justice, celui-ci les joint à la copie de la requête signifiée »). Or, si le débiteur ne dispose pas d’un accès informatique, aucune solution ne lui est offerte. Pourtant, la Défenseure des droits, dans son rapport Dématérialisation des services publics : 3 ans après, où en sommes-nous ?, publié le 16 février 2022 [8], fait état du fait que, trop souvent, « face à des démarches exclusivement dématérialisées, sans possibilité d’alternative par courrier, (les) usagers se trouvent démunis et plusieurs d’entre eux ont ainsi été privés d’accès à un service public et n’ont pas pu faire valoir leurs droits. » Il aurait été souhaitable que le débiteur n’ayant pas la connaissance technique suffisante, ou dépourvu d’appareil lui permettant de naviguer sur internet, se voie offrir un mode alternatif de consultation de pièces, comme par exemple pouvoir les récupérer chez l’huissier de Justice, par exemple au tarif habituel des copies de pièces jointes à une assignation.

Ainsi donc, la procédure d’injonction de payer est légèrement modernisée : la dématérialisation se présente comme une solution alternative (le dépôt via le tribunal digital), ou obligatoire (la communication des pièces). Mais surtout, l’ordonnance, et c’est là la principale nouveauté de la réforme, est rendue revêtue de la formule exécutoire, ce qui tend à réduire le temps judiciaire.

B. Un temps judiciaire réduit

L’originalité de la procédure de l’injonction de payer résidait en sa forme en deux temps. Elle se définissait comme une procédure simplifiée tendant à solliciter du juge qu’il délivre une injonction au débiteur de payer une certaine somme à son créancier, ou de faire opposition. Au bout d’un mois, à défaut d’opposition, le greffe sollicité revêtait l’ordonnance de la formule exécutoire. 

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 met fin à la caractéristique principale de cette procédure en deux phases.

D’un point de vue procédural, et comme auparavant, si la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le juge rend une ordonnance portant injonction de payer pour la somme qu'il retient. La nouveauté réside dans le fait que l’ordonnance sera, dès son prononcé, revêtue de la formule exécutoire

Il s’agit là de la grande modification de la procédure d’injonction de payer.

L’article 1410 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5419L89 est en effet désormais rédigé ainsi : « L'ordonnance portant injonction de payer et la requête sont conservées à titre de minute au greffe.

En cas d'acceptation de la requête, le greffe remet au requérant une copie certifiée conforme de la requête et de l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire et lui restitue les documents produits.

En cas de rejet de la requête, celle-ci et les documents produits sont restitués au requérant. »

Cette procédure perd ainsi la première phase non exécutoire qui en faisait son originalité pour se rapprocher, sans pour autant l’avoir atteint, du droit commun des ordonnances sur requête. Notons qu’au regard du droit européen cette nouvelle approche peut surprendre dans la mesure où d’une part la majorité des états européens ont une procédure en deux temps, mais surtout que l’injonction de payer européenne [9] est précisément organisée en deux temps avec une phase non exécutoire, un délai d’opposition de trente jours et l’apposition de la formule exécutoire à défaut d’opposition.

Cet abandon de la procédure en deux temps a pour conséquence d’obtenir immédiatement un titre portant la formule exécutoire, évitant ainsi la nécessité de renvoyer l’ordonnance non exécutoire au greffe afin de solliciter son apposition. Toutefois, et nous le verrons plus loin, l’ordonnance, bien que revêtue de la formule exécutoire, ne devient exécutoire qu’à l’expiration du délai d’opposition. 

Présentée comme une simplification d’une procédure qui fonctionne depuis des décennies sur le même modèle, présente au niveau européen, la solution retenue et l’abandon des deux phases de la procédure a pour principal intérêt de limiter les démarches auprès de la juridiction.

II. Le changement dans la continuité

A. L’ordonnance d’injonction de payer : un titre exécutoire fragile… 

Ayant abandonné sa principale caractéristique de la double étape, la procédure d’injonction de payer se rapproche donc du droit commun des procédures sur requête. 

C’est donc tout naturellement que le formalisme en est légèrement modifié pour s’harmoniser avec les autres modes de saisine des juridictions. 

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi modifié la rédaction de l’article 1407 du Code de procédure civile, qui est désormais rédigé de la façon suivante :

« La demande est formée par requête remise ou adressée, selon le cas, au greffe par le créancier ou par tout mandataire. Outre les mentions prescrites par l'article 57, la requête contient l'indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance, le fondement de celle-ci ainsi que le bordereau des documents justificatifs produits à l'appui de la requête. Elle est accompagnée de ces documents. »

L’apport du décret tend ici à la nécessité d’ajouter un bordereau de pièces accompagnant les documents justificatifs.

La nouvelle philosophie de la procédure impose logiquement une transparence accrue au profit du défendeur dont l’objet est de préserver les principes fondamentaux de la procédure civile. C’est pourquoi, est ainsi introduite cette obligation nouvelle. Il s’agit là d’une harmonisation du formalisme de présentation des demandes en Justice puisque le bordereau de pièces accompagne déjà les assignations selon les dispositions de l’articles 56 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8646LYU.

Toutefois, et contrairement aux autres ordonnances rendues sur requête, l’ordonnance d’injonction de payer conserve la fragilité qui était la sienne, ce qui est relativement étonnant dans la mesure où elle est revêtue de la formule exécutoire dès son prononcé. 

D’une part, l’ordonnance d’injonction de payer est soumise à un strict délai de signification. L’alinéa 2 de l’article 1411 Code de procédure civile N° Lexbase : L5420L8A prévoyant que « l'ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date. »

Ce délai très court, qui pouvait se comprendre dans le cadre d’une ordonnance non encore exécutoire, est quasiment inédit, puisque le droit commun prévoit un délai de prescription de dix ans des titres exécutoires (CPCEx, art. L. 111-4 N° Lexbase : L5792IRX), à l’exception notable de la décision par défaut ou réputée contradictoire au seul motif que le titre est susceptible d'appel (CPC, art. 478 N° Lexbase : L6592H7B). C’est donc sous la même sanction (le titre est non avenu) que l’ordonnance d’injonction de payer, revêtue de la formule exécutoire, doit être signifiée dans les six mois de sa date, ce qui, nécessairement, la fragilise.

Autre point de fragilité de l’ordonnance d’injonction de payer : son caractère exécutoire différé.

En effet, l’alinéa 1 de l’article 1422 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5423L8D vient limiter encore plus ce titre, définitivement différent des autres. Il prévoit que « quelles que soient les modalités de la signification, le délai d'opposition prévu au premier alinéa de l'article 1416 N° Lexbase : L6356H7K est suspensif d'exécution. L'opposition formée dans ce délai est également suspensive. » 

Ainsi l’ordonnance d’injonction de payer ne peut faire l’objet d’aucune exécution durant le délai d’opposition initial d’un mois. Cette solution peut s’entendre : il n’est pas rare ni étonnant que l’exécution forcée soit impossible, surtout dans le cadre d’une procédure non contradictoire, durant le délai de recours. 

Mais le texte va plus loin car il précise en son alinéa 2 que « l'ordonnance ne constitue un titre exécutoire et ne produit les effets d'un tel titre ou d'une décision de justice qu'à l'expiration des causes suspensives d'exécution prévues au premier alinéa. Elle produit alors tous les effets d'un jugement contradictoire. Elle n'est pas susceptible d'appel même si elle accorde des délais de paiement. »

L’ordonnance d’injonction de payer est donc un titre, revêtu de la formule exécutoire (CPC, art. 1410) mais qui pourtant « ne constitue(ra) un titre exécutoire qu’à l’expiration du délai de recours », on peut légitimement s’interroger alors sur la valeur que le législateur entend donner à la formule exécutoire car il semble s’agir du seul cas où une décision de justice qui n’est pas un titre exécutoire, est pourtant revêtu de la formule exécutoire…

B. ... dont l’exécution n’est pas facilitée

Bien que fragile, la nouvelle ordonnance d’injonction de payer se voudrait une procédure énergique : elle est en effet plus rapide.

Alors qu’il était nécessaire jusqu’à présent de solliciter l’apposition de la formule exécutoire une fois le délai d’opposition expiré, la nouvelle rédaction de l’article 1410 du Code de procédure civile prévoit que l’ordonnance est revêtue de la formule exécutoire dès son prononcé. 

Ainsi, un seul acte de signification de l’ordonnance est aujourd’hui requis, quand deux étaient nécessaires jusque-là. Outre le temps que cela fait gagner notamment aux greffes, c’est le temps judiciaire global qui est diminué : il n’est désormais plus nécessaire de recevoir l’acte d’huissier, d’attendre un mois, d’adresser l’acte par courrier au greffe, d’attendre le retour de ce dernier, de remettre l’ordonnance exécutoire à un huissier de justice puis attendre que ce dernier le signifie. Aujourd’hui : dès lors que l’ordonnance est rendue, elle est revêtue de la formule exécutoire et peut être signifiée une fois pour toutes, ce qui clôt le débat de savoir si les deux significations devaient être signifiées [10].

Ce gain de temps bénéficie cependant principalement aux greffes.

Mais surtout, la rédaction de l’article 1422 du Code de procédure civile diffère comme nous l’avons vu, la force exécutoire de l’ordonnance portant injonction de payer. Par conséquent, aucune exécution forcée n’est possible puisque l’exécution forcée ne porte évidemment que sur les titres exécutoires. En différant la qualification de titre exécutoire, le législateur empêche toute exécution avant l’expiration du délai d’opposition.

Reste à étudier la question des mesures conservatoires.

De premier abord, l’apposition de la formule exécutoire semblerait permettre, et ç’aurait été là son côté le plus énergique, de procéder à une saisie conservatoire dès son prononcé. En effet, on se souvient que la Cour de cassation le 13 septembre 2007 [11] a précisé qu’il ne peut être procédé à une saisie conservatoire sur le fondement d'une ordonnance portant injonction de payer non signifiée, puisque celle-ci n'est une décision de justice, au sens de l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991 N° Lexbase : C14517BD) (aujourd’hui CPCEx, art. L. 511-2 N° Lexbase : L5914IRH), qu'en l'absence d'opposition dans le mois de sa signification. 

Rappelons en effet que, pour procéder à une saisie conservatoire, le créancier peut agir en vertu d’une ordonnance spéciale du juge de l’exécution ou du président du tribunal de commerce, mais qu’en vertu de l’article L.511-2 précité, « une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé dès lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeubles. »

Dès lors, l’ordonnance d’injonction de payer non signifiée (ou dont la voie de recours initiale n’est pas expirée) entre-t-elle dans le cadre des « titres » permettant de s’affranchir de la nécessité de solliciter une autorisation au juge pour procéder à une saisie conservatoire ?

Il semble falloir répondre par la négative. Cela lui aurait pourtant conféré un grand intérêt procédural, permettant avant même sa signification (et donc avant même toute information du débiteur), de saisir conservatoirement une partie de son patrimoine, avant qu’il ne puisse éventuellement le dissimuler.

Pour ce faire, il aurait fallu que l’ordonnance soit un titre exécutoire ou une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. 

Or, nous savons, par la lecture de l’article 1422 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5423L8D que l’ordonnance, bien que revêtue de la formule exécutoire ne constitue un titre exécutoire qu'à l'expiration du délai d’opposition initial d’un mois. 

Par conséquent, il convient de s’interroger sur la question de savoir si elle est alors une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire.

Pour la Cour de cassation, dans son arrêt de 2007, l’ordonnance portant injonction de payer non exécutoire n'était « une décision de justice, au sens de l'article 68 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, qu'en l'absence d'opposition dans le mois de sa signification ».

L’alinéa 2 de l’article 1422 du Code de procédure civile pourtant, confère à l’ordonnance portant injonction de payer, un statut à part : ni titre exécutoire, ni décision de justice… du moins tant que le délai d’opposition n’est pas expiré. En effet, il est ainsi rédigé : « L'ordonnance ne constitue un titre exécutoire et ne produit les effets d'un tel titre ou d'une décision de justice qu'à l'expiration des causes suspensives d'exécution prévues au premier alinéa ».

Ainsi, il semble bien que les effets attachés à une décision de justice ne puissent être produits qu’après l’expiration du délai d’opposition. Parmi ces effets figurent bien la possibilité de procéder à une saisie conservatoire.

La jurisprudence de la Cour de cassation a été intégrée dans le raisonnement du législateur qui a pris la peine d’ajouter cette précision, afin notamment d’empêcher toute saisie conservatoire non seulement avant la signification, mais aussi pendant la durée initiale de recours.

À retenir :

Depuis le 1er mars 2022, l’injonction de payer perd sa caractéristique de procédure en deux temps : désormais l’ordonnance portant injonction de payer est revêtue de la formule exécutoire dès son prononcé. Toutefois, elle ne constitue un titre exécutoire et ne produit les effets d’un tel titre ou d’une décision de justice qu’à l’expiration du délai d’opposition, inchangé, d’un mois.

Le greffe ne conserve plus les pièces produites par le créancier et l’huissier de justice les met à disposition du débiteur, dans un coffre-fort électronique dont le chemin d’accès est indiqué dans l’acte.

Ne produisant les effets d’une décision de justice qu’après l’expiration du délai d’opposition d’un mois, il semble qu’aucune mesure, même conservatoire, ne puisse être entamée avant l’expiration de ce délai.


[1] Loi n° 57-756 du 4 juillet 1957 [en ligne].

[2] Décret n° 72-790 du 28 août 1972 [en ligne].

[3] V. J. Courtois, ÉTUDE: Les actions urgentes au fond, Aperçu sur l’évolution des procédures accélérées in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E94937B9.

[4] Infostat Justice - SDSE Service statistique ministériel de la justice, n° 178 septembre 2020.

[5] V. K. Lemercier, La dématérialisation progressive de l’accès à la Justice, Lexbase Avocats, juillet 2021, n°316 N° Lexbase : N7599BY4.

[6] Voir l’analyse du décret, J. Courtois, ÉTUDE: Les actions urgentes au fond, L’injonction de payer in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E95537BG.

[7] Décret n° 2022-245, art. 1er, 20°.

[8] Défenseure des droits, Rapport Dématérialisation des services publics : 3 ans après, où en sommes-nous ?, février 2022 [en ligne].

[9] Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d'injonction de payer N° Lexbase : L1426IRA.

[10] Voir CA Toulouse, 1er février 2021, n° 20/00450 N° Lexbase : A21704E4.

[11] Cass. civ. 2, 13 septembre 2007, n° 06-14.730, FS-P+B N° Lexbase : A2162DYQ.

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