Lexbase Public n°290 du 30 mai 2013 : Fonction publique

[Jurisprudence] Précisions relatives au contenu de la demande de reclassement présentée par un agent contractuel de droit public

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 17 mai 2013, n° 355524, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5387KDU)

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 30 Mai 2013

Dans un arrêt rendu le 17 mai 2013, le Conseil d'Etat dit pour droit que la demande de reclassement présentée par un agent contractuel de droit public reconnu médicalement inapte, de manière définitive, à occuper son emploi n'a pas à préciser la nature des emplois sur lesquels il sollicite son reclassement. Après avoir rappelé les termes de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (N° Lexbase : L7077AG9) et de l'article 38 du décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003, applicable aux agents contractuels de Pôle emploi (N° Lexbase : L2444HEA), la Haute juridiction rappelle qu'il résulte du principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du Code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement. Ce principe est applicable en particulier aux agents contractuels de droit public, catégorie à laquelle appartient le requérant, agent contractuel de Pôle Emploi qui demande l'annulation de la décision de licenciement pour inaptitude définitive dont il a fait l'objet. Les juges du Palais-Royal en concluent que les dispositions législatives précitées, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé, ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un reclassement, qui ne correspondrait pas à la demande formulée par le salarié, mais ne le dispensent pas de l'obligation de chercher à reclasser celui-ci, et n'imposent nullement que la demande qu'il présente ait à préciser la nature des emplois sur lesquels il sollicite son reclassement, infirmant ainsi la position des juges d'appel (CAA Lyon, 3ème ch., 4 novembre 2011, n° 10LY02866, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4474H89). I - La jurisprudence, qu'elle soit judiciaire ou administrative, fait une application générale et constante de l'obligation de reclassement du salarié inapte. Le Conseil d'Etat a érigé l'obligation de reclassement du salarié inapte au rang de principe général du droit (CE 7° et 5° s-s-r., 2 octobre 2002, n° 227868, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9513AZD). L'obligation de reclassement est une obligation de moyen renforcée. L'employeur doit justifier avoir procédé aux recherches et justifier ne pas pouvoir reclasser le salarié . La jurisprudence judiciaire recherche, en effet, dans toutes les hypothèses qui lui sont soumises, si l'employeur a, préalablement à la rupture, fait un réel effort de reclassement en recherchant les emplois disponibles dans l'entreprise, mais, également, dans tous les établissements du groupe auquel elle appartient (Cass. soc., 18 avril 2000, n° 98-40.754, F-D N° Lexbase : A9034AGP), et s'il a justifié avoir cherché à reclasser le salarié par le biais de mutation, transformation ou aménagement du temps de travail (Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-47.458, FS-P+B N° Lexbase : A0438DDL). Il n'existe aucun moyen pour l'employeur de s'exonérer de son obligation. Il ne peut pas, par exemple, se cacher derrière l'avis du médecin du travail. Les juges considèrent, en présence d'un avis imprécis, qu'il appartient à l'employeur, lorsque le médecin n'a fait aucune suggestion, de l'inciter à faire des propositions et que, s'il ne le fait pas, il n'a pas satisfait à son obligation de reclassement (Cass. soc., 24 avril 2001, n° 97-44.104, FS-P+B N° Lexbase : A2863AT9).

Une seule limite a été portée par les juges à cette obligation de reclassement, limite qui a évité que cette obligation passe d'une obligation de moyen renforcé à une obligation de résultat. La jurisprudence n'oblige pas, en effet, l'employeur à créer un nouveau poste dans l'entreprise ou à déplacer un de ses salariés pour donner la place à la personne déclarée inapte (CA Paris, 22ème ch., sect. C, 3 mai 2007, n° 05/08265 N° Lexbase : A3326DW4). La Cour suprême a ensuite dit pour droit que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout travail s'entend nécessairement d'une inaptitude à tout emploi dans l'entreprise et qu'un tel avis ne dispense pas l'employeur d'établir qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié au sein du groupe auquel elle appartient, au besoin par des mesures telles que mutation, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail (Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-41.318, FS-P+B N° Lexbase : A6390D9K).

Précisons, cette fois-ci dans le secteur public, qu'une personne handicapée, recrutée par la voie d'une procédure dérogatoire, doit pouvoir bénéficier d'un droit équivalent. Dans une décision du 26 mai 2010 (CE 3° et 8° s-s-r., 26 mai 2010, n° 305356, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6879EX3), le Conseil d'Etat a jugé que, "c'est seulement dans le cas où, malgré les mesures prises pour favoriser son intégration professionnelle après qu'il a été procédé à une évaluation de ses compétences, il apparaît en définitive inapte à exercer ses fonctions", que la personne handicapée recrutée sur le fondement de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 peut faire l'objet d'un licenciement. A la différence du fonctionnaire-stagiaire valide, le juge administratif va exercer un contrôle assez strict sur la décision de refus de titularisation. L'on sait, en effet, que le licenciement du stagiaire à la fin de la période de stage constitue une mesure qui n'a pas à être motivée (CE 3° et 8° s-s-r., 21 janvier 2008, n° 285166, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5934D4K), sur lequel le juge n'exerce qu'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation (CE 3° et 8° s-s-r., 16 février 2005, n° 262820, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7086DGK).

La situation est toute autre pour les personnes handicapées, dont le recrutement comme contractuel représente une forme de "pré-intégration" dans un corps ou un cadre d'emploi. Ce n'est donc qu'en présence d'une inaptitude relative à la fonction, avérée par la période probatoire du contrat, que la titularisation ne pourra avoir lieu. Ce n'est donc que si la personne handicapée, sans s'être révélée inapte à exercer ses fonctions, n'a pas fait la preuve de capacités professionnelles suffisantes (décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996, relatif à l'application de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions, art. 8 N° Lexbase : L1076G8D), que le renouvellement pourra être décidé. Une fois celui-ci exécuté, l'administration ne pourra se résoudre au licenciement que s'il est démontré que l'insertion professionnelle est devenue impossible, après évaluation des compétences de l'agent. Le licenciement ne peut sanctionner qu'une inaptitude et n'est pas possible, comme c'est le cas à la fin d'un stage probatoire, dans le seul but de se séparer d'un agent faisant preuve d'une insuffisance professionnelle (TA Nantes, 30 septembre 2009, Ponge).

II - Un arrêt du 26 février 2007 (CE 1° et 6° s-s-r., 26 février 2007, n° 276863, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4266DUK, après CAA Nancy, 3ème ch., 6 avril 2006 n° 04NC00114, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4416DPA) rendu par le Conseil d'Etat a inclus dans le champ du principe d'obligation de reclassement les agents contractuels de droit public et a posé l'obligation pour l'employeur d'inviter l'intéressé à formuler une demande de reclassement. Auparavant, les juges faisaient application des principes selon lequels "en cas d'inaptitude médicalement constatée d'un agent public, il appartient à l'administration de le reclasser dans un autre emploi" (CAA Paris, 4ème ch., 5 octobre 2004, n° 02PA02622, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6268DHM), et "aucune disposition légale ou réglementaire, ni aucun principe général du droit ne fait obligation à l'administration d'examiner la possibilité de reclassement d'un agent non titulaire licencié pour suppression d'emploi" (CAA Marseille, 2ème ch., 4 juillet 2006, n° 02MA01919, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8924DQL, CAA Marseille, 2ème ch., 13 janvier 2009 n° 07MA01192, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9276EGN, CAA Paris, 4ème ch., 20 mai 2008 n° 07PA00351, inédit au recueil Lebon [LXB=], CAA Lyon, 3ème ch., 23 juin 2009 n° 07LY00632, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1697EK3). En outre, le licenciement pour inaptitude physique d'un agent public ne peut légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de demander la communication de l'ensemble de son dossier individuel et pas seulement de son dossier médical (CE 3° et 8° s-s-r., 9 mai 2005, n° 262288, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2134DIU). Cependant, l'administration qui prononce le licenciement après avoir proposé trois postes compatibles avec l'état de santé de l'intéressé, ne commet pas de faute (CAA Nancy, 3ème ch., 26 janvier 2012, n° 11NC01672, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9561IBQ).

L'on peut subodorer que ce mouvement était de toute manière irréversible puisque, confirmant la tendance visant à une protection accrue des droits des agents non titulaires pour l'obligation de reclassement dont le contrat est irrégulier (voir CE Sect., 31 décembre 2008, n° 283256, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6573ECG), la cour administrative d'appel de Marseille avait jugé, dans un arrêt du 30 mars 2010 (CAA Marseille, 2ème ch., 30 mars 2010, n° 08MA01641, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8842EWE), "qu'il résulte d'un principe général du droit que lorsqu'elle supprime l'emploi d'un agent bénéficiaire d'un contrat à durée indéterminée, l'autorité administrative doit le reclasser et ne peut le licencier que si le reclassement s'avère impossible ou si l'agent refuse le reclassement qui lui est proposé". Les juges ne protègent pas, cependant, l'agent public de manière systématique puisqu'il a été posé comme principe que l'agent ne peut logiquement prétendre à la mise en oeuvre de stipulations illégales de son contrat initial (CE 3° et 8° s-s-r., 30 mai 2012, n° 343039, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5437IMC, CE 4° et 5° s-s-r., 15 juin 2012, n° 335398, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8627INT, CE 2° et 7° s-s-r., 10 février 2010, n° 314145, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7559ERE). L'administration n'est toutefois pas tenue de rechercher un poste de reclassement pour un agent dont le reclassement est impossible (CAA Nantes, 4ème ch., 27 avril 2007, n° 06NT00612, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9727DW8). En revanche, lorsqu'un agent public a, avant la fin d'un congé de maladie, formé une demande de réintégration et obtenu un avis favorable du comité médical départemental, cet agent est, en cas d'inaction de l'administration, réputé être réintégré dès le lendemain du dernier jour de son congé de maladie (CE 1° et 6° s-s-r., 14 juin 2010, n° 318712, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9809EZC).

Comme on le voit, la décision ici commentée est relativement protectrice des droits de l'agent public, ce qui peut paraître logique au vu de la situation de faiblesse physique et souvent psychologique de celui-ci au moment où il est définitivement acté qu'il est dans l'incapacité complète de reprendre son poste. Le juge devra, cependant, veiller à ce que l'autorité hiérarchique, sur laquelle pèse l'obligation de reclassement, ne soit pas non plus trop entravée dans sa décision d'orienter l'agent vers un nouveau type de poste correspondant à un fonctionnement efficient du service public.

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