Réf. : Cass. civ. 1, 19 janvier 2022, n° 20-20.467, FS-B (N° Lexbase : A77107IE)
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N0150BZL
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par Vincent Téchené
le 20 Janvier 2022
► La disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation de biens s'apprécie au regard de ses revenus et biens personnels, comprenant sa quote-part dans les biens indivis.
Faits et procédure. Une personne, mariée sous le régime de la séparation de biens, s'est portée caution solidaire à concurrence de 139 750 euros d'un prêt de 215 000 euros et à concurrence de 15 600 euros d'un découvert en compte courant de 12 000 euros, qui avaient été consentis par une banque à une société. Cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution qui a opposé, en appel, la disproportion de ses engagements.
La cour d’appel (CA Colmar, 22 juin 2020, n° 18/01829 N° Lexbase : A18053PK) ayant rejeté les demandes de la banque, celle-ci a formé un pourvoi en cassation. Elle soutenait que la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses revenus et patrimoine personnels, comprenant sa quote-part dans les biens indivis, s'il en existe.
Décision. La Cour de cassation accueille favorablement les arguments de la banque et censure l’arrêt d’appel au visa de l'article L. 332-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L1162K78 et de l'article 1538 du Code civil N° Lexbase : L1649ABP.
Elle énonce que la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation de biens s'apprécie au regard de ses revenus et biens personnels, comprenant sa quote-part dans les biens indivis.
Or, pour dire les engagements de la caution manifestement disproportionnés à ses biens et revenus et rejeter les demandes de la banque, l'arrêt d’appel a retenu que la caution a acquis en indivision avec son épouse une maison, qui constitue un bien « commun » n'entrant pas dans son patrimoine dès lors qu'elle est mariée sous le régime de la séparation de biens et que l'épouse n'a pas donné son accord au cautionnement.
Dès lors, pour la Haute juridiction, en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes visés.
Observations. Concernant, les époux communs en bien, la Cour de cassation, opérant un revirement remarqué, considère désormais que la disproportion manifeste de l'engagement de la caution s'appréciant, selon l'article L. 332-1 du Code de la consommation, par rapport, notamment, à ses biens, sans distinction, les biens de la caution dépendant de la communauté doivent être pris en considération, quand bien même ils ne pourraient être engagés pour l'exécution de sa condamnation éventuelle, en l'absence du consentement exprès du conjoint donné conformément à l'article 1415 du Code civil N° Lexbase : L1546ABU (Cass. com., novembre 2017, n° 16-10.504, F-P+B+I N° Lexbase : A0221WZ9 ; G. Piette, Lexbase Affaires, novembre 2017, n° 532 N° Lexbase : N1449BXX). Elle a confirmé cette position précisant alors que ce texte détermine seulement le gage du créancier, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs, incluant les revenus de son conjoint (Cass. com., 6 juin 2018, n° 16-26.182, FS-P+B+I N° Lexbase : A3437XQD ; V. Téchené, Lexbase Affaires, juin 2018, n° 556 N° Lexbase : N4431BXE).
Concernant les époux séparés de biens, la Haute juridiction avait déjà précisé que la proportionnalité du cautionnement de l'un des époux doit s'apprécier au regard de ses seuls patrimoine et revenus (Cass. com., 24 mai 2018, n° 16-23.036, F-P+B+I N° Lexbase : A1510XPM ; G. Piette, Lexbase Affaires, juin 2018, n° 556 N° Lexbase : N4513BXG).
Ici, la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés N° Lexbase : L8997L7D ; Dossier spécial « La réforme du droit des sûretés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 », Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8992BYP) ne modifie en rien la solution (v. not. G. Piette, Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : formation et étendue du cautionnement, in « Dossier spécial » op. cit., Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8978BY8).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, L'appréciation de la proportionnalité du cautionnement consenti par un époux, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E2228GAR. |
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