Le Quotidien du 24 janvier 2022 : Fiscalité des entreprises

[Brèves] Taux d’intérêt sur les financements intragroupes : précisions du Conseil d’État

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 29 décembre 2021, n° 441357, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A36387H9

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par Marie-Claire Sgarra

le 19 Janvier 2022

Le Conseil d’État est revenu, dans un arrêt du 29 décembre 2021 sur la déductibilité fiscale des intérêts des sommes prêtées par une entreprise avec laquelle l’emprunteuse entretien des liens de dépendance.   

Les faits :

  • une holding a acquis l'intégralité des titres de la société C. France, devenue depuis la société A. France, opération financée par un crédit vendeur, d'une durée de dix ans au taux de 6 %
  • cette créance sur la holding a été apportée le même jour par le vendeur à la société mère de cette société, à la tête d'un groupe mondial spécialisé dans la fabrication d'outillage et ainsi, à partir de cette date, créancière de sa filiale
  • réintégré extra-comptablement par la holding, dans les résultats des exercices clos de 2011 à 2013, de la fraction des intérêts relatifs à ce prêt intra-groupe excédant la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable consentis aux entreprises
  • estimant finalement que le taux d'intérêt était conforme à celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, la holding a demandé la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales acquittées, selon elle, à tort au titre des exercices clos en 2011 et 2012
  • la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre le jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la société (CAA Paris, 10 mars 2020, n° 18PA00608 N° Lexbase : A82913IW).

 

📌 Sur la déductibilité des intérêts des prêts intragroupes

Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans (CGI, art 39 N° Lexbase : L2449L7T).

Ces intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues (CGI, art. 212 N° Lexbase : L6215LUQ).

 

📌 Sur le jugement de la CAA de Paris

Pour établir que le taux de 6 % correspondait au taux qu’elle aurait pu obtenir d’établissements ou organismes financiers, la société se prévalait d’un rapport établi par son conseil, fondé sur la méthode dite du prix comparable sur marché libre.

Pour conduire son étude en l'absence de comparables internes, faute pour la holding d'avoir contracté d'autres emprunts en 2010, le cabinet Baker et McKenzie a commencé par analyser les caractéristiques de l'emprunt en cause, avant d'attribuer une note de crédit fixée en dernier lieu à BB+, calculée en suivant la méthodologie publiée par l'agence de notation Moody's. Ensuite, le cabinet Baker et McKenzie a déterminé le taux d'intérêt de pleine concurrence, estimé dans une fourchette de 6,14 à 7,09 %, en utilisant les données disponibles dans la base Bloomberg.

Pour la CAA, la note de crédit attribuée à l'emprunt en litige par le cabinet Baker et McKenzie, après plusieurs retraitements, ne l'a pas été en partant de la situation intrinsèque de la holding, au regard notamment de son activité de prêteuse et de ses perspectives de développement.

La CAA rejette donc ici toutes études réalisées par des logiciels ou conseils tenant insuffisamment compte des caractéristiques du prêt ou de la situation de l'emprunteuse.

 

⚖️ Solution du Conseil d’État

Le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence.

Le profil de risque doit, pour l'application de ces dispositions, en principe être apprécié au regard de la situation économique et financière consolidée de l'entreprise emprunteuse et de ses filiales.

L'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen.

 

En jugeant que la note de crédit attribuée au prêt intragroupe consenti à la holding par la première étude ne reflétait pas la situation intrinsèque de celle-ci au motif qu'elle avait été déterminée en tenant compte des états financiers agrégés du groupe que cette holding formait avec ses filiales et sous-filiales, alors que pour l'application des dispositions des articles 39 et 212 du Code général des impôts précitées, le profil de l'entreprise emprunteuse doit en principe être apprécié au regard de la situation financière et économique du groupe que cette entreprise forme avec ses filiales, la cour a commis une erreur de droit.

En second lieu, l'échantillon de sociétés comparables, retenu dans l'étude complémentaire et dont la pertinence n'avait fait l'objet d'aucune contestation de l'administration, concernait des sociétés relevant toutes du secteur non financier comme la société holding et ayant obtenu des notes de crédit allant de " BBB -" à " BB ", soit un cran au-dessus et en-dessous de la note de crédit " BB + " déterminée pour le prêt en cause dans la première étude. En écartant cette étude complémentaire au seul motif que les sociétés retenues dans l'échantillon appartenaient à des secteurs d'activités hétérogènes et que, par suite, il n'était pas établi qu'elles auraient, pour un banquier, présenté le même niveau de risque que celui de la holding, alors que les systèmes de notation de crédit élaborés par les agences de notation visent à comparer les risques de crédit des entreprises notées après prise en compte, notamment, de leur secteur d'activité, la cour a commis une erreur de droit.

Le CE annule l'arrêt de la CAA de Paris. 

💡 Que retenir de cette décision ? Par cet arrêt le CE fait application de ses principes dégagés par la jurisprudence « Société Wheelabrator Group » (CE 3° et 8° ch.-r., 10 juillet 2019, n° 429426, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6860ZIW).

Rappelons que le CE avait permis aux contribuables de recourir à des référentiels obligataires pour démontrer le caractère de pleine concurrence d’un taux d’intérêt intragroupe. Ici le CE pousse encore plus loin en étendant les critères de recherche de transactions comparables à des sociétés non financières de secteurs d’activité différents puisqu’une note de crédit vise justement à comparer la situation économique d’entreprises de différents secteurs.

 

 

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