Le Quotidien du 6 décembre 2021 :

[Brèves] Obligation de mise en garde de la caution : étendue de la mise en garde et sanction de son non-respect

Réf. : Cass. com., 24 novembre 2021, n° 19-25.195, F-D (N° Lexbase : A51767D3)

Lecture: 5 min

N9605BYE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Obligation de mise en garde de la caution : étendue de la mise en garde et sanction de son non-respect. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/75013468-breves-obligation-de-mise-en-garde-de-la-caution-etendue-de-la-mise-en-garde-et-sanction-de-son-nonr
Copier

par Vincent Téchené

le 03 Décembre 2021

► L'obligation de mise en garde à laquelle une banque est tenue à l'égard d'une caution non avertie n'est pas limitée au caractère manifestement disproportionné de son engagement au regard de ses biens et revenus ;

En outre, le non-respect par la banque de son obligation de mise en garde est sanctionné par la perte de chance de ne pas s’engager, laquelle ne peut être égale au paiement auquel la caution est condamnée en exécution de son engagement.

Faits et procédure. Fort classiquement, une banque a consenti à une société un prêt, le père et la mère du gérant de la société se portant cautions solidaires de la société, en garantie du remboursement de cet emprunt, dans la limite de 200 000 euros chacun, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 108 mois. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement les cautions qui lui ont opposé la disproportion de leur engagement et la violation de son obligation de mise en garde.

La cour d’appel (CA Grenoble, 2 juillet 2019, n° 17/03806 N° Lexbase : A4823ZH4) ayant retenu que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde et l’ayant condamnée en conséquence à payer 200 000 euros à titre de dommages-intérêts aux cautions, elle a formé un pourvoi en cassation.

Décision. S’agissant d’abord de l’obligation de mise en garde, la Cour de cassation va approuver l’arrêt d’appel.

En effet, elle rappelle que l'obligation de mise en garde à laquelle une banque est tenue à l'égard d'une caution non avertie, à raison des capacités financières de cette dernière et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur, n'est pas limitée au caractère manifestement disproportionné de son engagement au regard de ses biens et revenus.

Ensuite, elle approuve l’arrêt d’appel d’avoir souverainement déduit d’un ensemble d’éléments que le prêt accordé par la banque était inadapté aux capacités financières de la société emprunteuse, qui s'est trouvée en état de cessation des paiements dix-huit mois après l'exigibilité de la première échéance du prêt. Dès lors, la cour d'appel a exactement retenu que la banque était tenue à l'égard des deux cautions non averties d'une obligation de mise en garde lors de la souscription de leur engagement.

Mais, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel sur la condamnation de la banque à payer 200 000 euros aux cautions.

En effet, elle rappelle également que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Or, pour fixer le montant des dommages-intérêts dus en réparation du préjudice subi par les cautions en raison du manquement de la banque à son obligation de mise en garde, l'arrêt retient que ce préjudice est caractérisé, pour les cautions, par la perte de chance de ne pas s'engager et qu'il doit être réparé à hauteur de la somme de 200 000 euros.

Logiquement, la Haute juridiction retient ici qu’en statuant ainsi, alors qu'en fixant le montant des dommages-intérêts dus par la banque à la même somme que celle au paiement de laquelle elle condamnait les cautions en exécution de leur engagement, la cour d'appel, qui a alloué aux cautions l'intégralité de l'avantage qu'aurait procuré la chance de ne pas s'engager si elle s'était réalisée, a violé l’ancien article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT).

Observations. Sur ce dernier point, la Cour de cassation a déjà jugé que la différence entre la condamnation de la caution et celle du créancier étant égale à 1 euro, la réparation de la perte de chance n'a pas été égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée (Cass. com., 8 novembre 2011, n° 10-23.662, F-D N° Lexbase : A8864HZC).

On rappellera, par ailleurs, que pour les cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022 (ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés N° Lexbase : L8997L7D), l’obligation de mise en garde de la caution, création à l’origine prétorienne, est consacrée par les textes et fait ainsi son entrée dans le Code civil (C. civ., art. 2299 N° Lexbase : L0173L8W). Selon cet article, « Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. À défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci » (v. G. Piette, Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : formation et étendue du cautionnement, Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8978BY8).

On remarque, notamment, parmi les nouveautés, que la sanction est modifiée : il ne s’agit plus de la responsabilité du créancier, mais d’une déchéance à hauteur du préjudice subi par celle-ci.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La responsabilité du créancier à l'égard de la caution pour non-respect de son obligation de mise en garde, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase (N° Lexbase : E3566E4T).

 

newsid:479605

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.