Le Quotidien du 23 novembre 2021 : Procédure administrative

[Brèves] Acte réglementaire devenu illégal du fait d’un changement de circonstances de droit ou de fait intervenu pendant l’instance : le juge de l’excès de pouvoir peut désormais en prononcer l’abrogation !

Réf. : CE Sect., 19 novembre 2021, n° 437141, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A48067CY)

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[Brèves] Acte réglementaire devenu illégal du fait d’un changement de circonstances de droit ou de fait intervenu pendant l’instance : le juge de l’excès de pouvoir peut désormais en prononcer l’abrogation !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/74675027-breves-acte-reglementaire-devenu-illegal-du-fait-dun-changement-de-circonstances-de-droit-ou-de-fait
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par Marie Le Guerroué et Yann Le Foll

le 25 Novembre 2021

► Le juge de l’excès de pouvoir peut désormais, s'il est saisi de conclusions en ce sens, prononcer l’abrogation d’un acte réglementaire devenu illégal en raison d’un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

Faits et procédure.

L’association des avocats « ELENA France » et autres et l'association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l'immigration et au séjour (Ardhis) et autres avaient demandé l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 5 novembre 2019 par laquelle le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a fixé la liste des pays considérés comme étant des pays d'origine sûrs. En cours d'instruction de leurs requêtes, ils en ont également demandé l'abrogation en ce qui concerne l'Arménie, la Géorgie et le Sénégal.

Par une décision du 2 juillet 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a, d'une part, annulé pour excès de pouvoir cette délibération en tant qu'elle maintenait sur la liste les Républiques du Bénin, du Sénégal et du Ghana, d'autre part, renvoyé à la section du contentieux le jugement des conclusions à fin d'abrogation et, en conséquence, sursis à statuer sur ces conclusions et, enfin, rejeté le surplus des conclusions des requêtes (CE 2° et 7° ch.-r., 2 juillet 2021, n° 437141, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A21974YZ ; lire à ce propos, M. Le Guerroué, Trois pays retirés de la liste des pays d’origine sûrs, Lexbase Public, juillet 2021, n° 634 N° Lexbase : N8302BY7)

Sur l'office du juge de l'excès de pouvoir.

Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation d'un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte à la date de son édiction (CE, 2 octobre 1968, n° 72083, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1822B7M). S'il le juge illégal, il en prononce l'annulation.

Ainsi, saisi de conclusions à fin d'annulation recevables, le juge peut également l'être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu'il prononce l'abrogation du même acte au motif d'une illégalité résultant d'un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu'un acte règlementaire est susceptible de porter à l'ordre juridique (par exemple, le Conseil d'État a rejeté l'appel d'une étrangère dirigé contre l'arrêté préfectoral ordonnant sa reconduite à la frontière en ayant pris soin de préciser que, compte tenu de son mariage postérieur avec un ressortissant français, la reconduite ne pourrait être exécutée, CE 5° et 7° s-s-r., 21 mars 2001, n° 208541, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2193ATE). Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d'annulation.

Dans l'hypothèse où il ne ferait pas droit aux conclusions à fin d'annulation et où l'acte n'aurait pas été abrogé par l'autorité compétente depuis l'introduction de la requête, il appartient au juge, dès lors que l'acte continue de produire des effets, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires. Le juge statue alors au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

S'il constate, au vu des échanges entre les parties, un changement de circonstances tel que l'acte est devenu illégal, le juge en prononce l'abrogation. Il peut, eu égard à l'objet de l'acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu'aux intérêts en présence, prévoir dans sa décision que l'abrogation ne prend effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

Sur les conclusions à fin d'abrogation de la délibération du 5 novembre 2019 fixant la liste des pays d'origine sûrs.

S'agissant de l'Arménie, le Conseil relève que les requérants invoquent la dégradation de la situation de ce pays depuis l'adoption de la délibération attaquée à la suite du conflit au Haut-Karabagh, intervenu en septembre 2020 entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Il note aussi qu’il ressort des pièces des dossiers qu'un accord de cessez-le-feu mettant fin aux hostilités a été signé entre les belligérants le 10 novembre 2020, permettant la levée de la loi martiale en mars 2021 et une stabilisation de la situation politique avec la tenue d'élections législatives anticipées le 20 juin 2021. Par suite, il estime que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la situation dans ce pays se serait dégradée, depuis l'adoption de la délibération attaquée, dans des conditions justifiants qu'il soit mis fin à son inscription sur la liste des pays d'origine sûrs à la date de la présente décision.

S'agissant de la Géorgie, la Haute juridiction administrative relève que si les requérants indiquent que, depuis l'adoption de la délibération attaquée, la situation politique dans ce pays s'est aggravée, il ne ressort pas des pièces des dossiers que cette aggravation ne saurait entacher d'illégalité le maintien de l'inscription de ce pays sur la liste des pays d'origine sûrs, au regard des exigences résultant des premier et deuxième alinéas de l'article L. 531-25 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L3449LZR). Les conclusions des associations sont rejetées.

Pour aller plus loin : ÉTUDE, Les décisions pouvant faire l'objet d'un recours, L'objectif du recours pour excès de pouvoir in Procédure administrative (dir. C. De Bernardinis) (N° Lexbase : E4881XPH).

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