Le Quotidien du 25 octobre 2021 : Entreprises en difficulté

[Textes] La procédure de sortie de crise : un outil précieux ? La réponse des décrets

Réf. : Décret n° 2021-1354, du 16 octobre 2021, relatif à la procédure de traitement de sortie de crise (N° Lexbase : L5839L8R) ; décret n° 2021-1355, du 16 octobre 2021, portant diverses mesures d'application de l'article 13 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire et fixant notamment les seuils prévus par le A du I de cet article (N° Lexbase : L5841L8T)

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par Georges Teboul, Avocat, AMCO

le 22 Octobre 2021

Au milieu d’une loi foisonnante comprenant des dispositions diverses sur la sortie de crise, la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 (N° Lexbase : L6718L4L) a prévu un article 13 créant une nouvelle procédure collective dite « de sortie de crise ». Cette procédure concerne essentiellement des PME et a pour objet de faciliter la sortie de crise pour des entreprises dont l’activité est bénéficiaire et qui ont été affectées par la crise d’une manière purement conjoncturelle. Il s’agit donc essentiellement de restructurer un passif dans le cadre d’une procédure brève pour éviter les conséquences néfastes attachées habituellement à l’ouverture d’une procédure collective qui dure.

Rappelons que cette procédure est ouverte à un débiteur en état de cessation des paiements qui dispose de fonds disponibles pour payer ses créances salariales et justifie être en mesure très rapidement de présenter un plan assurant la pérennité de l’entreprise.

Le tribunal désigne un mandataire qui aura essentiellement une mission de surveillance, la mission d’assistance étant exclue par le texte.

Des contrôleurs peuvent être désignés. Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée de trois mois et dans les deux mois du jugement d’ouverture, le tribunal doit examiner la situation pour vérifier la capacité de financement du débiteur.

C’est au débiteur d’établir la liste des créances et il a été prévu que cette liste soit contrôlée dans des conditions fixées par décret. Il appartient au mandataire de transmettre au créancier l’extrait de la liste le concernant et les créanciers peuvent faire connaître une demande d’actualisation de leurs créances.

Le plan ne pourra affecter que les créances mentionnées sur la liste nées antérieurement à l’ouverture de la procédure, à l’exclusion des créances nées d’un contrat de travail, des créances alimentaires et des créances d’origine délictuelle.

Le montant des annuités prévu par le plan à compter de la troisième année ne peut être inférieur à 8 % du passif établi par le débiteur. À défaut de plan arrêté dans le délai de trois mois, la procédure sera convertie en redressement ou en liquidation judiciaire.

Il était prévu que cet article s’appliquerait à compter du 1er jour suivant la publication de la loi et aux demandes formées avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de cette date. Il s’agit donc d’une loi à durée limitée.

C’est dans ce contexte que deux décrets sont intervenus, n° 2021-1354 et 1355 du 16 octobre 2021 (JORF du 17 octobre). Le premier décret précise le contenu de la demande de sortie de crise en indiquant notamment que le représentant légal ou le débiteur personne physique doit indiquer s’il s’engage à établir l’inventaire, ou s’il demande à être dispensé ou s’il demande la désignation d’un professionnel.

Outre les comptes annuels du dernier exercice, la demande doit comporter l’état du passif exigible et de l’actif disponible ainsi qu’une déclaration de cessation des paiements avec notamment, une situation de trésorerie, un compte de résultat prévisionnel, le nombre de salariés, le total de bilan et le montant du chiffre d’affaires, la justification du paiement des créances salariales (ce qui peut être fait par une attestation sur l’honneur) avec l’état chiffré des créances et des dettes et le montant total des sommes à payer et à recouvrer au cours d’une période de 30 jours à compter de la demande.

Le cas échéant, la liste des membres responsables des dettes sociales sera jointe ainsi qu’une attestation sur l’honneur sur l’absence d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation dans les 18 mois précédant la demande (ce qui figure déjà dans les déclarations de cessation des paiements). Cette liste n’est pas exhaustive.

Si les comptes n’ont pas été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable, le tribunal peut désigner un professionnel pour assister le juge afin de contrôler la qualité des comptes du débiteur. Il faut donc que la comptabilité soit à jour et de qualité.

Si une conciliation a précédé la demande, le tribunal doit recevoir le rapport du conciliateur sur la situation comptable, économique et financière du débiteur. Il peut donc exister une « passerelle » (art. 3). La liste des créanciers doit être déposée dans les dix jours du jugement d’ouverture (art. 6) et chaque créancier doit en être informé dans un délai de huit jours.

Les coobligés ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté un bien en garantie sont informés dès l’ouverture par le mandataire (art. 8). Le mandataire peut prendre la décision de ne pas continuer le bail, de sorte que la résiliation de plein droit aura lieu. La créance de résiliation est portée sur la liste des créances par le mandataire.

Le mandataire établit la liste des créances et la dépose au greffe du tribunal à l’expiration d’un délai d’un an suivant la fin de la période d’observation. Tout intéressé peut contester cette liste dans un délai d’un mois à compter de la publication : il peut donc exister un décalage entre la fin de la procédure qui est rapide et la contestation des créances.

L’article 11 concerne les instances qui sont interrompues par l’ouverture de la procédure. À l’expiration d’un délai de trois mois, si aucun plan n’a été proposé, le tribunal met fin à la procédure et le débiteur est convoqué à cet effet.

Il est expressément prévu que les règles du Code de procédure civile sont applicables. Il est cependant indiqué que les dispositions de l’article 47 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7226LED) ne sont pas applicables aux litiges qui relèvent de la compétence du seul juge commissaire (art. 15). Il est prévu que les jugements rendus par le tribunal sont prononcés en audience publique à l’exception de ceux rejetant la demande d’ouverture de la procédure.

Les mentions concernant l’avancement de cette procédure sont prévues à l’article 23 mais l’article 24 prévoit qu’elles sont radiées d’office, notamment à l’achèvement de l’exécution du plan ou si le plan de traitement est toujours en cours à l’expiration d’un délai d’un an à compter de son arrêté.

Il est prévu que les jugements et ordonnances rendus dans le cadre de cette procédure sont exécutoires de plein droit à titre provisoire, celle-ci pouvant être arrêtée par le premier président de la cour d’appel.

L’opposition et la tierce-opposition sont ouvertes dans un délai de dix jours à compter du prononcé de la décision. S’il s’agit de décisions soumises à publicité, le délai court du jour de la publication au BODACC.

En outre, le délai d’appel des parties est de dix jours à compter de la notification et il est identique pour le procureur de la République ou le procureur général.

Le mandataire de justice qui n’est pas appelant doit être intimé. Les émoluments du mandataire sont prévus au chapitre 4 du décret auquel nous renvoyons nos lecteurs.

Le second décret n° 1355 prévoit les seuils qui sont de 20 salariés et 3 millions d’euros pour le bilan au titre du total du passif hors capitaux propres. Le nombre de salariés à prendre en compte est celui des salariés existants à la date de la demande d’ouverture et le critère sur le bilan est celui concernant le dernier exercice comptable.

Citons aussi un arrêt intéressant rendu par la cour d’appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 7 septembre 2021, n° 20/18226 N° Lexbase : A687243W) concernant l’extension d’une liquidation judiciaire à une société mère car il n’y avait pas de comptabilité et la convention de gestion de trésorerie apparaissait suspecte. Il existait entre la fille et la mère des paiements récurrents non justifiés par la convention de trésorerie, celle-ci ayant été communiquée tardivement et n’avait pas de date certaine sans être corroborée par un autre élément. Notamment, le montant maximal des avances et le taux de rémunération n’étaient pas indiqués.

La SARL n’avait tenu aucune comptabilité. Il faut donc être prudent lorsque des avances sans contrepartie sont faites entre une mère et une fille (Cass. com., 3 avril 2001, n° 98-16.070, inédit N° Lexbase : A1945AT9 ; RJDA 8-9/01 n° 874).

Signalons aussi un arrêt concernant la détermination de la date de cessation des paiements (Cass. com., 29 septembre 2021, n° 20-10.105, F-B N° Lexbase : A051548L). Dans cette affaire, le tribunal avait reporté la cessation des paiements à la date demandée par le liquidateur en constatant que le dirigeant ne rapportait pas la preuve d’un actif disponible et ne donnait, à cet égard, aucune précision sur la consistance de cet actif. Logiquement, il n’en avait donc pas été tenu compte.

Un autre arrêt du même jour (Cass. com., 29 septembre 2021, n° 20-10.436 N° Lexbase : A056348D ; E. Le Corre-Broly, Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 692 N° Lexbase : N9066BYG) est venu préciser que dans le cadre d’une modification de plan, une remise de créances ne peut être implicite et être déduite du silence du créancier consulté. Dans cette affaire, il avait été proposé au créancier un remboursement à hauteur de 20 % de la dette existante contre l’abandon du solde : le silence du créancier ne pouvait donc pas valoir acceptation (contrairement à la solution lors de la présentation du plan initial, en application des articles L. 626-5 N° Lexbase : L2325ING, L. 626-26 N° Lexbase : L7299IZD et R. 626-45, alinéa 3 N° Lexbase : L9245LTL, du Code de commerce).

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