Le Quotidien du 10 juin 2021 : Bancaire

[Brèves] Précisions sur l’incidence du caractère abusif de certains éléments d’une clause jugée divisible

Réf. : Cass. civ. 1, 2 juin 2021, n° 19-22.455, FS-P (N° Lexbase : A23484UI)

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N7858BYP

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[Brèves] Précisions sur l’incidence du caractère abusif de certains éléments d’une clause jugée divisible. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/69008928-breves-precisions-sur-lincidence-du-caractere-abusif-de-certains-elements-dune-clause-jugee-divisibl
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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 09 Juin 2021

► Peut être maintenue en partie une clause de déchéance du terme dont seules certaines des causes sont abusives, dès lors qu'en raison de sa divisibilité, la suppression des éléments qui la rendent abusive n’affecte pas sa substance.

Depuis quelques années, les clauses de résiliation du contrat de crédit donnent lieu à des décisions remarquées en droit bancaire. De telles clauses ont pour objet de permettre au prêteur, en présence de certains évènements expressément envisagés au préalable, de résilier le contrat et, partant, de prononcer la déchéance du terme l’autorisant à réclamer à l’emprunteur la totalité des sommes dues en principal, intérêts et frais.

Cette situation se constate de plus en plus à l’égard du crédit immobilier, et commence à donner lieu à des décisions remarquées. C’est ainsi qu’a pu être qualifiée d’abusive une clause qui autorisait la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de déclaration inexacte de la part de l’emprunteur, car, par sa formulation, elle laissait croire que l’établissement de crédit disposait d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l’importance de l’inexactitude de la déclaration et que l’emprunteur ne pouvait pas recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme (Cass. civ. 1, 10 octobre 2018, n° 17-20.441, F-P+B N° Lexbase : A3262YGW ; K. Rodriguez, Lexbase Affaires, novembre 2018, n° 572 N° Lexbase : N6314BX7).

En revanche, si la clause est plus précise quant aux évènements entraînant le prononcé de la déchéance du terme, et qu’elle n’exclut pas le recours au juge, elle sera plus facilement admise par la Haute juridiction (Cass. civ. 1, 28 novembre 2018, n° 17-21.625, F-D (N° Lexbase : A9253YNZ) – Cass. civ. 1, 20 janvier 2021, n° 18-24.297, FS-P+I N° Lexbase : A00014DE ; J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, janvier 2021, n° 663 N° Lexbase : N6197BY8).

Cette dernière solution donne lieu à une précision utile dans la décision sélectionnée.

Faits et procédure. En l’espèce, la banque X. avait, le 21 mars 2008, consenti au couple Y. un prêt immobilier. Les conditions générales du contrat prévoyaient à l’article 14 que les sommes dues seraient de plein droit et immédiatement exigibles dans un certain nombre de cas, et notamment en cas de retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts et accessoires du prêt et que, pour s'en prévaloir, le prêteur en avertirait l’emprunteur par lettre simple.

Or, les emprunteurs avaient assigné la banque en annulation des commandements de payer aux fins de saisie-vente que celle-ci leur avait délivrés et invoqué le caractère abusif de cette clause.

La cour d’appel de Douai (CA Douai, 16 mai 2019, n° 18/04215 N° Lexbase : A4951ZBY) ne leur avait cependant pas donné raison par une décision du 16 mai 2019. M. Y. avait alors formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. Selon lui, la clause de déchéance du terme prévoyant que les sommes dues par l'emprunteur doivent être de plein droit immédiatement exigibles pour des motifs étrangers à l'exécution du contrat de prêt est abusive, et partant réputée non-écrite. Dès lors, le juge n'ayant pas le pouvoir de la réviser, cette clause, irréfragablement présumée ne pas avoir eu d'effet, ne doit pas pouvoir survivre par retranchement de ses seules stipulations illicites.

Décision. La Cour de cassation ne donne toutefois pas raison à M. Y., et rejette son pourvoi.

Selon la Haute juridiction, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 6 et 7 de la Directive n° 93/13/CEE, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (N° Lexbase : L7468AU7), doivent être interprétés en ce sens qu'ils s’opposent à ce qu’une clause de déchéance du terme d’un contrat de prêt jugée abusive soit maintenue en partie, moyennant la suppression des éléments qui la rendent abusive, « lorsqu’une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de ladite clause en en affectant sa substance » (CJUE, 26 mars 2019, aff. C-70/17 et C-179/17 N° Lexbase : A0000Y77). Dès lors, il en résulte que « peut être maintenue en partie une clause de déchéance du terme dont seules certaines des causes sont abusives, dès lors qu'en raison de sa divisibilité, la suppression des éléments qui la rendent abusive n'affecte pas sa substance ».

Or, après avoir relevé que l'article 14 du contrat de prêt comportait des causes de déchéance du terme pouvant être déclarées abusives car étrangères à l'exécution de ce contrat, la cour d'appel avait constaté qu’il prévoyait d’autres causes liées à l’exécution du contrat lui-même qui étaient valables.

Ces constatations et énonciations faisaient donc ressortir, pour la Cour de cassation, la divisibilité des causes de déchéance du terme prévues à l’article 14. La cour d’appel avait alors exactement déduit que « le caractère non écrit de certaines de ces causes de déchéance n'excluait pas la mise en œuvre de celles valablement stipulées, dès lors que la suppression des éléments qui rendaient la clause litigieuse abusive n'affectait pas sa substance ».

Observations. Cette solution échappe, selon nous, à la critique. Si l’article L. 241-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1415K7K) prévoit que les « clauses abusives sont réputées non écrites », il prend soin de préciser que le contrat demeure valide à l'exception de la clause incriminée. L’arrêt témoigne alors que, pour les juges, si la clause elle-même est divisible, il convient de maintenir les passages de la clause qui ne sont pas abusifs.

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