Le Quotidien du 10 juin 2021 : Actualité judiciaire

[A la une] Procès Bygmalion, Jean-François Copé : « Informé, j’aurais interdit cette folie ! »

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par Adélaïde Léon

le 10 Juin 2021

Ce mercredi 9 juin 2021, la 11ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris entendait les dépositions de trois témoins cités à comparaître : Bernard Accoyer, Franck Louvrier et Jean-François Copé. D’abord mis en cause, l’ancien secrétaire général de l’UMP avait bénéficié d’un non-lieu dans le cadre de cette affaire. Il décrit sa stupeur à la lecture des faits dans la presse, les attaques dont il a été la cible et maintient que s’il avait été informé de la fraude il y aurait aussitôt mis fin.

Bernard Accoyer, d’abord, témoigne dans sa déclaration spontanée de la probité et de la moralité de Philippe Briand. Les deux hommes ont notamment collaboré au sein de l’Assemblée nationale. Le second était questeur sous la présidence du premier. Si l’on en croit Bernard Accoyer, l’ancien président de l'Association de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy, renvoyé devant le tribunal pour usage de faux, abus de confiance, recel, complicité de financement illégal de campagne et escroquerie est « un homme droit, un homme honnête, un homme qui fait confiance ». Il rappelle l’importance de l’implication de Philippe Briand dans la transformation de l’institution opérée sous sa propre présidence en faveur d’un assainissement des dépenses de l’Assemblée et d’un contrôle déontologique. Interrogé par la présidente Caroline Viguier puis par les avocats de la défense sur son appréciation de l’ampleur et du coût de meetings auxquels il a assisté, Bernard Accoyer répond que la taille de ces évènements ne l’a pas marqué mais que les chiffres qu’on lui expose sont « en tout état de cause considérables ».

Ce témoignage est suivi de la lecture du courrier de Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel (2004-2007) et notamment rapporteur de la première loi globale sur le financement de la vie politique. Il est sollicité sur la base de sa connaissance de la question du financement des campagnes électorales. Il souligne notamment que le mandataire financier, qui contrôle l’origine des recettes, le respect des plafonds des dons et effectue les versements demandés par le candidat, n’a pas vocation à se substituer à ce dernier dans la manière d’organiser sa campagne. Il y a l’ordonnateur et le payeur. Cette démonstration pour conclure que, n’étant pas ordonnateur des dépenses, le mandataire financier (Philippe Blanchetier à l’époque des faits et prévenu dans la présente affaire) n’a aucune maîtrise sur les décisions des candidats et la répartition des fonds.

Franck Louvrier, ensuite, est appelé à témoigner. Le maire de La Baule-Escoublac a participé à la campagne de 2007. En 2012, conseiller du Président chargé de la communication auprès de la presse, il explique n’avoir eu aucune fonction officielle dans l’équipe de campagne de 2012. Le ministère public pointe les divergences entre ses déclarations et celles de Guillaume Lambert, alors directeur de campagne, et l’interroge sur son rôle effectif en 2012 « Je n’ai jamais été interrogé précisément sur les coûts. Mais sur les prestations. ». Au cours des questions de la défense, Maître Christophe Ingrain, avocat de Guillaume Lambert, n’hésitera pas à lui demander « Imaginons qu’on veuille mettre en place un système de ventilation de fausses facturations pour financer une campagne avec dépassement de 20 millions. À votre connaissance, c’est à Monsieur Lambert qu’on s’adresserait ? » Et le témoin de répondre « Ce que je regrette, c’est qu’on mette en place un tel système. Pour le reste, je ne sais pas comment on fait. » À l’occasion de cette audition, on apprendra que l’hypothèse selon laquelle Nicolas Sarkozy aurait initialement envisagé une campagne de 5 meetings est assurément fausse « Ce serait mal le connaître. Ce n’est pas envisageable pour moi. Encore moins pour lui ».

« Un cercle de confiance, c’est un cercle de vulnérabilité. »

Jean-François Copé enfin. C’est assurément l’homme de la journée. Il est attendu de tous et le silence se fait lorsque l’ancien secrétaire général de l’UMP entre dans la salle d’audience. S’il ne présente pas de déposition spontanée – « Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions » – sa prestation témoigne assurément de sa préparation pour répondre aux questions du tribunal et des parties. Interrogé sur les fonctions qu’il exerçait lors de la campagne de 2012, il décrit « En réalité, les choses étaient claires. Il y avait deux couloirs parallèles. Celui du parti et celui de l’équipe de campagne. C’est dans cet esprit que nous avions, au niveau du bureau politique, expressément indiqué que le parti se mettait à la disposition politique du candidat pour le soutenir » puis plus tard il affirme « Je ne me suis jamais occupé ni de près ni de loin de l’organisation matérielle, financière de ces meetings ». Dans ses réponses, Jean-François Copé explique n’avoir eu connaissance du système frauduleux qu’à la lecture de l’article de Libération, en 2014 donc. On lui a caché, à lui, le secrétaire général de l’UMP, des pratiques illégales concernant le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy. Il explique sa sidération lorsqu’il comprend que l’un de ses plus proches collaborateurs, Jérôme Lavrilleux, a délibérément passé sous silence ces opérations. Il comprend la démarche intellectuelle de son directeur de cabinet, lequel a voulu éviter de créer « un clash politique » avec Nicolas Sarkozy mais la condamne et assure «  À la minute où j’aurais été informé, j’aurais interdit cette folie et je serais dans la foulée allé voir Nicolas Sarkozy pour l’informer que je n’accepterais pas ».

Son rôle dans le prêt contracté en 2012 pour combler les déficits de l’UMP est largement évoqué. Pourquoi cela ne l’a-t-il pas amené à procéder à des vérifications ?  « Ça ne m’a pas interpellé parce qu’à chaque fois on m’a donné des explications très charpentées. Il y a un cycle électoral, on sait que c’est la période où on est le plus en tension. Il s’était passé la même chose en 2007 […] Je ne pouvais pas m’imaginer que l’équipe qui m’entourait pouvait ne pas me dire la vérité. Un cercle de confiance, c’est un cercle de vulnérabilité ».

Jean-François Copé a-t-il fait le lien entre les différents évènements intervenus entre 2012 et 2014 ? La note de Fabienne Liadze interpellant sur les difficultés financières du parti, l’emprunt bancaire rendu indispensable, l’article du Canard enchaîné, le refus d’approbation des comptes de l’UMP de la part de Dominique Dord et de celle qui lui succèdera. N’a-t-il pas vu les vases communicants ? À ces questions, il répondra presque invariablement. D’une part, ces questions financières appartenaient à d’autres et en l’absence d’alerte il n’estimait pas devoir s’en inquiéter. D’autre part, face aux différents évènements évoqués, on lui a toujours donné des explications plausibles « par des personnes de confiance. Cette confiance, je la perds à l’égard de tous dès que j’apprends ».

Comme Jérôme Lavrilleux la semaine passée, on devine dans les déclarations de Jean-François Copé un doigt pointé vers l’Élysée. Ainsi, lorsqu’il évoque l’échange avec son proche collaborateur qui lui confirme la fraude, le maire de Meaux affirme « Il a dit que les dépenses de campagne avaient filé. Qu’il fallait trouver des solutions collectivement. Je comprends que ça a été impulsé par l’équipe de campagne, pour répondre aux atteintes très fortes du candidat ».

Peu de réponses donc au terme de cette journée d’audience. Ce jeudi 10 juin, ce sont Adiba Regragui, ancienne responsable de l’évènementiel à l’UMP, citée en qualité de témoin, et Philippe Blanchetier, mandataire judiciaire du même parti au moment des faits et prévenu qui seront appelés à la barre.

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