Le Quotidien du 26 janvier 2021 : Bancaire

[Brèves] Crédit immobilier, clause de résiliation et clause abusive

Réf. : Cass. civ. 1, 20 janvier 2021, n° 18-24.297, FS-P+I (N° Lexbase : A00014DE)

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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 25 Janvier 2021

► Nonobstant son application en l’absence de préavis et de défaillance dans le remboursement du prêt, la clause litigieuse, dépourvue d’ambiguïté et donnant au prêteur la possibilité, sous certaines conditions, de résilier le contrat non souscrit de bonne foi, ne crée pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Depuis quelques années, les clauses de résiliation du contrat de crédit donnent lieu à des décisions remarquées en droit bancaire. De telles clauses ont pour objet de permettre au prêteur, en présence de certains évènements expressément envisagés au préalable, de résilier le contrat et, partant, de prononcer la déchéance du terme l’autorisant à réclamer à l’emprunteur la totalité des sommes dues en principal, intérêts et frais.

Cette situation se retrouve de plus en plus à l’égard du crédit immobilier (J. Lasserre Capdeville, Interrogations à propos des clauses de déchéance du terme en matière de crédit immobilier, AJ Contrat, juillet 2018, n° 7, p. 320). C’est ainsi qu’a pu être qualifiée d’abusive une clause qui autorisait la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de déclaration inexacte de la part de l’emprunteur, car, par sa formulation, elle laissait croire que l’établissement de crédit disposait d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l’importance de l’inexactitude de la déclaration et que l’emprunteur ne pouvait pas recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme (Cass. civ. 1, 10 octobre 2018, n° 17-20.441, F-P+B N° Lexbase : A3262YGW). En revanche, si la clause est plus précise quant aux évènements entraînant le prononcé de la déchéance du terme, et qu’elle n’exclut pas le recours au juge, elle sera plus facilement admise par la Haute juridiction (Cass. civ. 1, 28 novembre 2018, n° 17-21.625, F-P+B N° Lexbase : A3262YGW).

Cette dernière solution se retrouve dans une nouvelle décision de la première chambre civile de la Cour de cassation ayant les honneurs d’une publication au Bulletin civil.

Faits et procédure. En l’espèce, une banque a consenti un prêt immobilier, les conditions générales du contrat prévoyant à l’article 9.1 une exigibilité du prêt par anticipation, sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l’emprunteur, dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur. Ainsi, soutenant que les emprunteurs avaient produit de faux relevés de compte à l’appui de leur demande de financement, la banque s’est prévalue de l’article 9.1 précité pour prononcer la déchéance du terme, puis les avait assignés en paiement.

La cour d’appel de Paris ayant, par une décision du 3 août 2018, accueilli la demande en paiement de la banque, après avoir exclu le caractère abusif de l’article 9.1 des conditions générales du contrat, les emprunteurs ont formé un pourvoi en cassation. Ce dernier était d’ailleurs particulièrement motivé.

Moyens. Il y était, notamment, rappelé que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, mais aussi que sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable. Or, en l’espèce, l’article 9.1 des conditions générales du contrat de prêt prévoyait la faculté pour la banque de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, notamment en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l’emprunteur, sans qu’aucun délai de préavis n’ait à être respecté. La clause devait donc être, pour les auteurs du pourvoi, présumée abusive, sauf à la banque à prouver le contraire. En conséquence, en jugeant la clause non abusive sans constater que la banque avait renversé la présomption, relativement à l’absence de délai de préavis, la cour d’appel aurait violé les articles L. 132-1, ancien (devenu L. 212-1 N° Lexbase : L3278K9B) et R. 132-2, 4°, ancien (devenu R. 212-2, 4° N° Lexbase : L0547K97) du Code de la consommation.

Décision. Le pourvoi en question est cependant rejeté par la Cour de cassation.

Celle-ci observe que l’arrêt de la cour d’appel avait relevé que la stipulation critiquée limitait la faculté de prononcer l’exigibilité anticipée du prêt « aux seuls cas de fourniture de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l’octroi du prêt » et ne privait en rien « l’emprunteur de recourir à un juge pour contester l’application de la clause à son égard ». Il ajoutait que la clause sanctionnait la méconnaissance de l’obligation de contracter de bonne foi au moment de la souscription du prêt.

Dès lors, pour la Haute juridiction, de ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui a implicitement mais nécessairement retenu que la résiliation prononcée ne dérogeait pas aux règles de droit commun et que l’emprunteur pouvait remédier à ses effets en recourant au juge, a déduit, à bon droit, que, « nonobstant son application en l’absence de préavis et de défaillance dans le remboursement du prêt, la clause litigieuse, dépourvue d’ambiguïté et donnant au prêteur la possibilité, sous certaines conditions, de résilier le contrat non souscrit de bonne foi, ne créait pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ».

Cette solution ne saurait surprendre. Elle va dans la même sens que la décision de la première chambre civile du 28 novembre 2018 mentionnée précédemment. Il est vrai que cette dernière n’avait pas fait l’objet d’une publication. Cette nouvelle reconnaissance « publique » de la solution témoigne alors de son importance pour la Cour de cassation.

Ainsi, une clause de résiliation, non fondée sur une défaillance de l’emprunteur en matière de remboursement mais sur la réalité de ses déclarations, est parfaitement admissible du moment qu’elle est suffisamment précise concernant les informations inexactes concernées, et qu’elle ne parait pas remettre en cause le recours au juge en cas de contestation par le client. Voilà une solution que l’on peut qualifier d’« équilibrée ».

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