Le Quotidien du 19 mars 2021 : Construction

[Brèves] Le maître d’ouvrage peut bénéficier de l’action en responsabilité civile décennale même après la vente de l’ouvrage

Réf. : Cass. civ. 3, 4 mars 2021, n° 18-21.344, F-D (N° Lexbase : A01784KS)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 18 Mars 2021

► En principe, l’action en garantie décennale se transmet aux acquéreurs successifs de l’ouvrage ;
► le maître d’ouvrage ne perd pas la faculté de l’exercer s’il justifie d’un préjudice personnel et d’un intérêt direct et certain.

En application de l’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ), l’action exercée à l’encontre du constructeur sur le fondement de la responsabilité civile décennale suit l’ouvrage. Autrement dit, elle bénéficie au maître d’ouvrage ainsi qu’aux acquéreurs successifs de l’ouvrage. Plus précisément, l’utilisation du terme « OU » dans l’article 1792 précité conduit à considérer que l’action est exercée soit par le maître d’ouvrage soit par l’acquéreur de l’ouvrage. Autrement dit, il ne serait plus possible pour le maître d’ouvrage d’exercer une action après la vente de l’ouvrage ou concurremment à celle du locateur d’ouvrage. Il est, pourtant, des cas dans lesquels le dommage à l’ouvrage de nature décennale cause un préjudice distinct à l’acquéreur et au maître d’ouvrage.

L’arrêt rapporté en est une illustration. Une SCI entreprend la construction d’une résidence de tourisme en vue de sa vente en l’état futur d’achèvement. Après la réception des travaux, le gel dans les canalisations prive les logements d’alimentation en eau potable. Après expertise judiciaire, le maître d’ouvrage assigne l’entreprise chargée du lot menuiserie en indemnisation, laquelle appelle en garantie les autres locateurs d’ouvrage et leur assureur de responsabilité civile décennale.

Les conseillers d’appel déclarent l’action irrecevable faute pour la SCI d’être propriétaire des logements. Le maître d’ouvrage forme un pourvoi en cassation. Il articule, d’une part, qu’il aurait un intérêt direct et certain à agir contre les constructeurs pour avoir été mis en demeure par l’exploitant de la résidence de remédier aux désordres. Il expose, d’autre part, qu’il aurait subi un préjudice personnel du fait des désordres, pour avoir avancé les frais de sondage effectués pendant les opérations d’expertise.

La Haute juridiction rejette le pourvoi. Le maître d’ouvrage ne justifie d’aucun engagement pris à l’égard du syndicat des copropriétaires ou des copropriétaires concernés de réaliser les travaux nécessaires ni d’avoir payé aucune somme au titre des désordres. Il n’établit, pas plus, qu’il aurait subi personnellement un préjudice quelconque du fait des désordres, à l’exception de frais de procédure.

L’interprétation a contrario est tentante. Si l’action en garantie passe aux acquéreurs successifs, le maître d’ouvrage ne perd pas la faculté de l’exercer dès lors qu’elle présente pour lui un intérêt direct et certain et qu’il peut donc invoquer un préjudice personnel (Cass. civ. 3, 31 mai 1995, n° 92-14.098 N° Lexbase : A6926AB7). La jurisprudence est constante (V. également Cass. civ. 3, 3 mai 2001, n° 99-19.205 N° Lexbase : A3322AT9).

Cet intérêt direct et certain n’est pas présumé. Le maître d’ouvrage doit le prouver (Cass. civ. 3, 3 mai 2001, n° 99-19.205 N° Lexbase : A3322AT9, RDI 2001, p. 389). Les juges du fond, dont le pouvoir d’apprécier est souverain sur cette question de fait, sont contrôlés par la Cour de cassation. A ainsi été censuré, pour défaut de base légale, l’arrêt d’appel qui n’avait pas recherché si l’appelante maître d’ouvrage justifiait d’un intérêt personnel lui conférant un intérêt direct et certain (Cass. civ. 3, 4 mars 2014, n° 13-12.468, F-D N° Lexbase : A4162MGA).

Bien entendu, il est fréquent que les parties encadrent le bénéfice de cette action dans l’acte de vente de l’ouvrage (pour exemple, Cass. civ. 3, 20 avril 1988, n° 86-17.398 N° Lexbase : A7770AAZ ; Cass. civ. 3, 9 juillet 2014, n° 13-15.923, FS-P+B N° Lexbase : A4316MUE) ce qui vient simplifier la titularité des recours.

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