Aux termes d'un arrêt rendu le 5 juin 2012, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) retient que la Commission, dans son examen de la compatibilité d'une aide d'Etat octroyée à EDF par la France, actionnaire majoritaire à l'époque, doit examiner si l'Etat français s'est comporté comme un investisseur privé (CJUE, 5 juin 2012, aff. C-124/10 P
N° Lexbase : A1021IN7). Dans le cadre de l'ouverture du marché intérieur de l'électricité, l'Etat français a modifié, en 1997, sa législation, afin de clarifier le statut patrimonial de l'entreprise, de restructurer le bilan comptable d'EDF et d'augmenter son capital. Dans ce cadre, l'Etat a renoncé à une créance qu'il détenait sur EDF, correspondant à l'impôt sur les sociétés dont elle avait été redevable. La Commission a considéré qu'il s'agissait d'une aide d'Etat incompatible avec le Marché commun, et EDF a dû la rembourser. Par arrêt du 15 décembre 2009, le Tribunal a annulé cette décision en jugeant que la Commission n'était pas en droit de refuser, en raison de la nature fiscale de la mesure prise, d'examiner si la France s'était comportée comme un "
investisseur privé en économie de marché". Ce critère de l'investisseur privé vise à établir si la participation ou l'intervention publique dans le capital de l'entreprise bénéficiaire poursuit un objet économique qui pourrait être également poursuivi par un investisseur privé et est donc effectuée par l'Etat en tant qu'opérateur économique, au même titre qu'un opérateur privé (TPIUE, 15 décembre 2009, aff. T-156/04
N° Lexbase : A4644EPP). La CJUE valide cet arrêt. En effet, les rôles de l'Etat actionnaire d'une entreprise, d'une part, et de l'Etat agissant en tant que puissance publique, d'autre part, doivent être distingués. L'applicabilité du critère de l'investisseur privé dépend, en définitive, de ce que l'Etat accorde en sa qualité d'actionnaire, et non en sa qualité de puissance publique, un avantage économique à une entreprise lui appartenant. Toutefois, la Cour précise que, si un Etat membre invoque l'applicabilité du critère de l'investisseur privé, il lui incombe d'établir que la mesure est mise en oeuvre en sa qualité d'actionnaire. En particulier, ces éléments doivent faire apparaître clairement que l'Etat membre concerné, a pris, préalablement ou simultanément à l'octroi de l'avantage économique, la décision de procéder par la mesure effectivement mise en oeuvre, à un investissement dans l'entreprise publique contrôlée. Si l'Etat membre concerné produit de tels éléments, la Commission doit effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément lui permettant de déterminer si la mesure en cause ressortit à la qualité d'actionnaire ou à celle de puissance publique de l'Etat membre. Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que l'objectif poursuivi par l'Etat français pouvait être pris en compte afin de déterminer si cet Etat avait agi en qualité d'actionnaire.
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