Faisant oeuvre de pédagogie, le 31 janvier 2012, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt particulièrement intéressant dans lequel elle rappelle les principes essentiels qui guident la notion d'affectation des échanges entre Etats membres (Cass. com., 31 janvier 2012, n° 10-25.772, FS-P+B
N° Lexbase : A8863IBU). En l'espèce, dans le cadre des pratiques mises en oeuvre par l'opérateur historique sur différents marchés de services de communications électroniques en Outre-mer, la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, 7ème ch., 23 septembre 2010, n° 2010/00163
N° Lexbase : A2631GAP), après avoir rappelé que l'application du droit européen de la concurrence suppose que soient réunies les trois conditions d'existence d'échanges entre Etats membres portant sur les produits ou les services faisant l'objet de la pratique, d'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et de caractère sensible de cette affectation, relève que, si l'affectation du commerce intracommunautaire peut reposer sur une influence indirecte et potentielle, elle ne peut reposer sur une influence éloignée ou hypothétique, de sorte qu'en l'espèce, le seul opérateur non français qui s'est manifesté sur le marché concerné n'étant pas ressortissant de l'Union, l'affectation du commerce entre Etats membres n'est pas établie. Mais la Cour de cassation censure cette analyse. Elle juge ainsi que les termes "susceptible d'affecter" énoncés par les articles 101 (
N° Lexbase : L2398IPI) et 102 (
N° Lexbase : L2399IPK) du TFUE supposent que l'accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres,sans que soit exigée la constatation d'un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire. En outre, la cour d'appel avait estimé que, pour établir le caractère sensible de l'affectation du commerce intracommunautaire, il est nécessaire, notamment dans le cas où seule une partie d'un Etat membre constitue le marché géographique pertinent, de se référer au volume de ventes global concerné par rapport au volume national. Mais là encore, la Cour régulatrice recadre les juges du fond : en l'état de pratiques cumulées d'entente et d'abus de position dominante commises sur une partie seulement d'un Etat membre, le caractère sensible de l'affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d'un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause,le volume de ventes global concerné par rapport au volume national n'étant qu'un élément parmi d'autres.
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