Le Quotidien du 29 juin 2020 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Retenue de l’excédent à la suite de l’ouverture d’une procédure de contrôle fiscal et demande de restitution de la partie de l’excédent se rapportant aux opérations non visées par cette procédure

Réf. : CJUE, 14 mai 2020, aff. C-446/18 (N° Lexbase : A44893LT)

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[Brèves] Retenue de l’excédent à la suite de l’ouverture d’une procédure de contrôle fiscal et demande de restitution de la partie de l’excédent se rapportant aux opérations non visées par cette procédure. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/58760438-breves-retenue-de-lexcedent-a-la-suite-de-louverture-dune-procedure-de-controle-fiscal-et-demande-de
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par Marie-Claire Sgarra

le 24 Juin 2020

La Directive TVA ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui ne prévoit pas la possibilité pour l’administration fiscale d’accorder, avant l’issue d’une procédure de contrôle fiscal relative à une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée indiquant un excédent pour une période imposable déterminée, le remboursement de la partie de cet excédent se rapportant aux opérations qui ne sont pas visées par cette procédure au moment de son ouverture, pour autant qu’il ne soit pas possible de déterminer de manière claire, précise et non équivoque qu’un excédent de TVA, dont le montant peut être éventuellement inférieur à celui se rapportant aux opérations non visées par ladite procédure, subsistera quelle que soit l’issue de celle-ci, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Une société a déposé deux déclarations de TVA pour les périodes d’imposition correspondant aux mois de décembre 2015 et de janvier 2016 en indiquant des excédents de TVA. Le bureau fiscal de la région de Bohême centrale a initié des procédures de contrôle fiscal circonscrites à ces seules opérations.

La société a notamment fait valoir que, puisque les doutes de l’administration fiscale ne concernaient qu’une faible partie de l’excédent de TVA déclaré, la retenue de l’intégralité de cet excédent sur plusieurs périodes d’imposition successives représentait pour elle une charge disproportionnée au regard de l’objectif visant à lutter contre la fraude fiscale et a donc réclamé le versement de la partie non litigieuse dudit excédent, c’est-à-dire la partie de celui-ci se rapportant aux opérations non visées par lesdites procédures. Les réclamations sont rejetées. Par suite, la société a demandé à la direction d’appel des finances d’examiner la manière dont ces réclamations avaient été traitées en réitérant notamment que la retenue pendant plusieurs mois successifs des excédents de TVA déclarés, dont une partie substantielle n’était pas visée par les doutes de l’administration fiscale, était disproportionnée. La direction d’appel des finances a considéré que cette demande n’était pas fondée. La société a alors demandé à la cour régionale de Prague d’établir, pour la période d’imposition du mois d’octobre 2015, l’excédent de TVA à concurrence du montant qui n’était pas visé par les procédures de contrôle fiscal en cause. Par un arrêt du 4 octobre 2016, cette juridiction a fait droit à la demande. La direction d’appel des finances ayant refusé d’appliquer cet arrêt aux périodes d’imposition des mois de décembre 2015 et de janvier 2016, la société a de nouveau saisi la cour régionale de Prague pour obtenir une décision équivalente pour ces périodes.

L’arrêt précité a entretemps été annulé par un arrêt de la juridiction de renvoi du 11 mai 2017. En se référant à ce nouvel arrêt du 11 mai 2017, la cour régionale de Prague a rejeté, par arrêt du 13 juin 2017, les recours de la société concernant les périodes d’imposition des mois de décembre 2015 et de janvier 2016. Un recours en cassation a été introduit devant la juridiction de renvoi l’arrêt du 13 juin 2017.

La cour administrative suprême a décidé de surseoir à statuer et de poser la question préjudicielle suivante :

Une mesure d’un État membre qui subordonne l’établissement et le paiement d’une partie de la déduction de la TVA demandée à la clôture de procédures portant sur l’ensemble des prestations imposables au cours d’une période d’imposition déterminée est-elle compatible avec le droit de l’Union, notamment le principe de neutralité de la TVA ?

Un excédent de TVA résulte d’une opération arithmétique effectuée globalement par l’assujetti pour l’ensemble d’une période imposable, de sorte qu’un tel excédent de TVA ne peut apparaître, dans la déclaration de TVA, que sous la forme d’un résultat unique. Ce caractère global du calcul de l’excédent de TVA n’implique cependant pas que celui-ci doit être considéré comme constituant, ainsi que l’ont soutenu en substance les gouvernements tchèque et espagnol ainsi que la Commission européenne dans leurs observations écrites et orales, un tout indissociable qu’il serait impossible de diviser en une partie litigieuse et une partie incontestée afférentes respectivement à des opérations précises visées ou non par une procédure de contrôle fiscal telle que celle en cause au principal.

L’assujetti est redevable de la TVA ou peut en demander la déduction au regard de chaque opération qu’il effectue. Le droit à la déduction de la TVA payée en amont s’entend ainsi en rapport avec une opération précise.

Par ailleurs, la Cour a déjà précisé que, si les États membres disposent d’une liberté certaine dans l’établissement des modalités visées à l’article 183 de la Directive TVA, ces modalités ne peuvent pas porter atteinte au principe de la neutralité fiscale en faisant supporter à l’assujetti, en tout ou en partie, le poids de cette taxe. De telles modalités doivent permettre à l’assujetti de récupérer, dans des conditions adéquates, la totalité de la créance résultant de cet excédent de TVA, cela impliquant que le remboursement soit effectué, dans un délai raisonnable, par un paiement en liquidités ou d’une manière équivalente, et que, en tout état de cause, le mode de remboursement adopté ne doive faire courir aucun risque financier à l’assujetti (CJCE, 10 juillet 2008, aff. C-25/07 N° Lexbase : A5465D9B). Or, des modalités qui, dans une situation telle que celle en cause au principal, ne permettraient pas à un assujetti de pouvoir cibler une certaine partie de l’excédent de TVA, qu’il considère comme étant non litigieuse, reviendraient à empêcher cet assujetti de faire valoir l’existence d’une telle partie non litigieuse et de pouvoir prétendre au bénéfice du remboursement de cette partie en le contraignant ainsi à supporter, en partie, le poids de la taxe au mépris du principe de neutralité fiscale.

Il s’ensuit que les articles 179 et 183 de la Directive TVA, lus à la lumière du principe de neutralité fiscale, ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils excluraient, par principe, la possibilité d’identifier, pour une période imposable, une partie incontestée de l’excédent de TVA indiqué sur une déclaration de TVA susceptible de donner lieu à un report ou à un remboursement partiels de cet excédent.

S’agissant, en second lieu, de la question de savoir dans quelles conditions il peut être considéré que la partie d’un excédent de TVA n’est effectivement pas litigieuse dans le cadre d’une procédure de contrôle fiscal circonscrite par l’administration fiscale, en vertu de son droit national, à certaines opérations d’une période imposable, il convient de relever que si, lors de l’ouverture d’une procédure de contrôle fiscal ou au cours de celle-ci, l’administration fiscale n’est pas en mesure d’exclure que, à l’issue de cette procédure, les montants de la taxe due et de la taxe déductible correspondant aux opérations non visées par ladite procédure soient susceptibles de varier par rapport aux montants déclarés par l’assujetti, il ne saurait être considéré que la partie correspondante de l’excédent de TVA en cause n’est pas litigieuse. Encore faut-il que l’administration fiscale se soit assurée, lors de l’ouverture de la procédure de contrôle fiscal en cause ou au cours de celle-ci, que les éléments ayant contribué au calcul de ladite partie ne pourront plus être remis en cause avant l’issue de cette procédure.

Pour qu’une partie de l’excédent de TVA puisse être considérée comme étant non litigieuse, il est nécessaire que l’administration fiscale s’assure, d’une part, que les éventuelles irrégularités qu’elle soupçonne ne pourront pas, si elles sont avérées, avoir de répercussions sur les montants de la TVA due et de la TVA déductible correspondant aux opérations non visées par ladite procédure et, partant, sur le montant de l’excédent de TVA qui semble incontesté et, d’autre part, qu’elle ne sera pas amenée à élargir la portée de cette même procédure pour y inclure tout ou partie des opérations originellement non contrôlées. De tels éléments doivent ressortir de manière claire, précise et non équivoque de l’ensemble des pièces de la procédure de contrôle fiscal et des circonstances pertinentes de l’espèce.

Dans ces conditions, il convient de souligner qu’une réglementation nationale qui, dans le cadre des mesures adoptées par un État membre au titre de l’article 273 de la Directive TVA, n’autoriserait pas un assujetti à apporter de tels éléments de preuve ni l’administration fiscale à prendre une décision à cet égard irait à l’encontre du principe de bonne administration et ne serait par conséquent pas compatible avec la directive TVA.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, dans le cas où un assujetti invoque l’existence d’une partie non litigieuse de l’excédent de TVA dans le cadre d’une procédure de contrôle fiscal, l’administration fiscale n’est tenue de rembourser ou de reporter que la partie de l’excédent de TVA qu’elle est en mesure, compte tenu des doutes soulevés par elle à l’occasion de cette procédure et au regard des circonstances pertinentes de l’espèce, d’identifier de manière claire, précise et non équivoque, indépendamment de l’issue de ladite procédure, au regard de l’ensemble de la période imposable faisant l’objet de la déclaration de TVA initiale.

En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, au regard des éléments de preuve éventuellement fournis par la société, l’administration fiscale a identifié ou aurait dû identifier de manière claire, précise et non équivoque, à un quelconque stade de la procédure de contrôle fiscal en cause au principal, l’existence d’une partie non litigieuse de l’excédent de TVA et si, en particulier, elle a déterminé ou aurait dû déterminer que les montants de la taxe due et de la taxe déductible correspondant aux opérations non visées par cette procédure n’étaient plus susceptibles de varier, avant l’issue de celle-ci, par rapport aux montants déclarés par l’assujetti. Il lui appartient en outre de vérifier si l’administration fiscale a été ou aurait dû être en mesure, compte tenu des doutes soulevés par elle à l’occasion de ladite procédure et au regard de l’ensemble des pièces de celle-ci ainsi que des circonstances pertinentes de l’espèce, de déterminer de la même manière qu’un excédent de TVA, dont le montant peut être inférieur à celui se rapportant aux opérations non visées par le contrôle, subsistera quelle que soit l’issue de cette même procédure. Une telle vérification devrait, en particulier, tenir compte d’éventuelles sanctions que l’assujetti pourrait être amené à encourir dans l’hypothèse d’un remboursement partiel ou provisoire de la partie de l’excédent de TVA réclamée en cas de succès du contrôle fiscal. Si l’administration fiscale n’était pas en mesure de procéder à ces constatations, il ne saurait lui être reproché d’avoir refusé l’établissement d’un avis d’imposition partiel avant l’issue de la procédure de contrôle fiscal en cause au principal.

Les articles 179, 183 et 273 de la Directive TVA, lus à la lumière du principe de neutralité fiscale, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui ne prévoit pas la possibilité pour l’administration fiscale d’accorder, avant l’issue d’une procédure de contrôle fiscal relative à une déclaration de TVA indiquant un excédent pour une période imposable déterminée, le remboursement de la partie de cet excédent se rapportant aux opérations qui ne sont pas visées par cette procédure au moment de son ouverture, pour autant qu’il ne soit pas possible de déterminer de manière claire, précise et non équivoque qu’un excédent de TVA, dont le montant peut être éventuellement inférieur à celui se rapportant aux opérations non visées par ladite procédure, subsistera quelle que soit l’issue de celle-ci, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

 

 

 

 

 

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