Réf. : CE référé, 17 avril 2020, n° 440057 (N° Lexbase : A87973KZ)
Lecture: 4 min
N3027BYR
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yann Le Foll
le 22 Avril 2020
► Un maire ne peut imposer le port d’un masque de protection dans l’espace de sa commune en l’absence de circonstances locales particulières.
Telle est la solution d’une ordonnance rendue le 17 avril 2020 par le Conseil d’Etat (CE référé, 17 avril 2020, n° 440057 N° Lexbase : A87973KZ et lire sur cette décision B. Huglo et M. Babès, Le pouvoir de police des maires dans la crise sanitaire N° Lexbase : N3067BYA).
Faits. Le maire de Sceaux a imposé le 6 avril 2020 le port d’une protection couvrant la bouche et le nez pour les personnes de plus de dix ans se déplaçant dans l’espace public de la commune. Saisi par la Ligue des droits de l’Homme, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l’exécution de cet arrêté. Le maire de Sceaux a alors saisi le juge des référés du Conseil d’Etat d’un recours contre cette ordonnance.
Principe. Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les maires ne peuvent prendre des mesures supplémentaires de lutte contre le covid-19 que si des circonstances propres à leur commune l’imposent.
Rappel. Le juge des référés relève que la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), a confié à l’Etat la responsabilité d’édicter les mesures générales ou individuelles de lutte contre le covid-19, en vue, notamment, d’assurer leur cohérence et leur efficacité sur l’ensemble du territoire et de les adapter en fonction de l’évolution de la situation.
Les maires peuvent contribuer à la bonne application des mesures décidées par l’Etat sur le territoire de leur commune, notamment en interdisant l’accès à des lieux où sont susceptibles de se produire des rassemblements (CGCT, art. L. 2122-2 N° Lexbase : L8579AAY et L. 2215-1 N° Lexbase : L8592HW7). En revanche, ils ne peuvent, de leur propre initiative, prendre d’autres mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales les rendent indispensables (CE, 22 mars, n° 439674 N° Lexbase : A03603KK) et à condition de ne pas compromettre la cohérence et l’efficacité de celles prises par les autorités de l’Etat. Une telle mesure de police doit, en outre, toujours être nécessaire, adaptée et proportionnée aux risques qu’elle vise à prévenir (CE, Ass., 26 octobre 2011, n° 317827 N° Lexbase : A0171HZD).
Application. L’arrêté du maire de Sceaux n’est pas justifié par de telles raisons et risque de nuire à la cohérence des mesures nationales et des messages de prévention.
Le juge des référés du Conseil d’Etat estime que les circonstances invoquées par le maire de Sceaux, tenant à la démographie de sa commune et la concentration de ses commerces de première nécessité dans un espace réduit, ne constituent pas des raisons impérieuses liées à des circonstances locales justifiant que soit imposé le port du masque dans l’espace public de la commune, alors que les autorités de l’Etat n’ont pas prévu une telle mesure à l’échelle nationale.
Il juge également que l’édiction, par un maire, d’une telle interdiction, est susceptible de nuire à la cohérence des mesures prises par les autorités sanitaires, dans un moment où l’Etat est, en raison d’un contexte contraint, amené à fixer des règles nationales précises sur les conditions d’utilisation des masques chirurgicaux et FFP2 et à ne pas imposer, de manière générale, le port d’autres types de masques de protection.
Enfin, le juge des référés relève qu’en laissant entendre qu’une protection couvrant la bouche et le nez peut constituer une protection efficace, quel que soit le procédé utilisé, l’arrêté du maire de Sceaux est de nature à induire en erreur les personnes concernées et à introduire de la confusion dans les messages délivrés à la population par les autorités sanitaires.
Solution. En conséquence, le juge des référés confirme la suspension de l’exécution de l’arrêté du 6 avril 2020 par lequel le maire de Sceaux a subordonné les déplacements dans l’espace public des personnes de plus de dix ans au port d’un dispositif de protection buccal et nasal. Le juge administratif reste ainsi cohérent avec les décisions récemment rendues en la matière, plusieurs tribunaux administratifs ayant déjà suspendu des arrêtés municipaux imposant, dans une commune, des mesures plus restrictives que celles prises par le Gouvernement pour lutter contre l’épidémie (TA Cergy-Pontoise, 9 avril 2020, n° 2003905 N° Lexbase : A68413KL ; TA Caen, 31 mars 2020, n° 2000711 N° Lexbase : A49823KQ ; TA Montreuil, 3 avril 2020, n° 2003861 N° Lexbase : A66213KG).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:473027