Le Quotidien du 22 avril 2020 : Construction

[Brèves] Clause d’exclusion de la garantie décennale du constructeur : clause nulle et réputée non-écrite, même si le constructeur est tiers au contrat

Réf. : Cass. civ. 3, 19 mars 2020, n° 18-22.983, FS-P+B+I (N° Lexbase : A49393K7)

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[Brèves] Clause d’exclusion de la garantie décennale du constructeur : clause nulle et réputée non-écrite, même si le constructeur est tiers au contrat. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57592797-breves-clause-dexclusion-de-la-garantie-decennale-du-constructeur-clause-nulle-et-reputee-nonecrite-
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 08 Avril 2020

► Aussi grande soit la liberté contractuelle des parties, la clause d’exclusion de la responsabilité du constructeur, même lorsqu’elle n’est pas stipulée à son marché de travaux, ne peut s’appliquer à sa responsabilité décennale ;

► en application de l’article 1792-5 du Code civil (N° Lexbase : L1925ABW), les articles 1792 (N° Lexbase : L1920ABQ) et suivants du même code sont d’ordre public, il n’est donc pas possible d’y déroger contractuellement.

Voici l’essentiel à retenir de l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 19 mars 2020 (Cass. civ. 3, 19 mars 2020, n° 18-22.983).

Il est fréquent de voir stipulé dans les marchés de travaux des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité, par principe licites, dès lors, pour reprendre la formule consacrée, qu’elles n’ont pas pour effet de vider de toute substance l’obligation essentielle du contrat (pour exemple, Cass. civ. 1, 22 juin 2004, n° 01-00.444, F-D N° Lexbase : A7906DCS). La jurisprudence récente, relative à la validité des clauses des contrats de maîtrise d’œuvre excluant la charge « de l’in solidum », en sont un exemple supplémentaire (Cass. civ. 3, 14 février 2019, n° 17-26.403 N° Lexbase : A0321YX8 ; Cass. civ. 3, 17 octobre 2019, n° 18-17.058, F-D N° Lexbase : A9277ZRZ ; Cass. civ. 3, 19 mars 2020, n° 18-25.585, FS-P+B+I N° Lexbase : A48423KK). La présente espèce va encore plus loin. La clause d’exclusion n’était pas stipulée dans le contrat d’entreprise mais dans l’acte de vente conclu entre le maître d’ouvrage et l’acquéreur. C’est dire la portée d’une disposition d’ordre public !

Aux termes de l’acte de vente de la maison d’habitation acquise par des époux, l’ouvrage est raccordé à un système d’assainissement individuel en bon état de fonctionnement. Il est encore stipulé dans l’acte que l’acquéreur prenait acte de cette situation et qu’il voulait en faire son affaire personnelle sans aucun recours contre quiconque. Après avoir constaté des dysfonctionnements, les acquéreurs assignent, après expertise, en indemnisation l’entreprise.

Les juges d’appel considèrent la demande des acquéreurs irrecevable pour cause d’exclusion de garantie décennale. L’arrêt retient que le litige porte sur le système d’assainissement installé par l’entreprise et qu’il résulte des termes de l’acte de vente conclu que les parties ont entendu exclure tout recours contre quiconque de la part des acquéreurs concernant le raccordement au réseau d’assainissement.

La Haute juridiction censure au visa de l’article 1792-5 du Code civil. Aux termes de ce texte :

« Tout clause d'un contrat qui a pour objet, soit d'exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d'exclure la garantie prévue à l'article 1792-3 ou d'en limiter la portée, soit d'écarter ou de limiter la solidarité prévue à l'article 1792-4, est réputée non écrite ».

Or, en l’espèce, c’était bien la responsabilité décennale du constructeur qui était recherchée. La Cour de cassation considère, donc, que la clause, à bien comprendre celle qui est stipulée à l’acte de vente auquel le constructeur n’est pas partie, dont la cour d’appel a fait application, a pour effet d’exclure la garantie décennale des constructeurs et doit donc, à ce titre, être réputée non-écrite.

La décision n’est pas surprenante. Statuer en sens inverse reviendrait trop facilement à réduire à néant la responsabilité décennale des constructeurs, ce que les parties au contrat d’entreprise n’avaient pas même souhaité faire.

Elle mérite, toutefois, de s’y arrêter. L’article 1792-5 du Code civil est inséré dans une section du code intitulée « Des devis et des marchés ». Partant, il est tentant de penser que les dispositions ne sont applicables qu’aux contrats qui y sont visés. Et c’est d’ailleurs la Haute juridiction elle-même qui a validé ce raisonnement dans sa célèbre série d’arrêts rendus ce 16 janvier 2020 et, notamment, celui sur le délai de prescription de l’action en contribution à la dette exercée par les constructeurs (Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 18-25.915, FS-P N° Lexbase : A17433B8, V. par exemple, nos obs., Fiat Lux : le délai de prescription de l’action en contribution à la dette exercée par les constructeurs, Lexbase, éd. priv., n° 812, 2020 N° Lexbase : N2098BYD). Dans cette espèce, la Cour de cassation considère que le délai décennal, de dix ans à compter de la réception, posé à l’article 1792-4-3 du Code civil (N° Lexbase : L7190IAK) (dans la même section que l’article 1792-5 donc) ne s’applique pas au recours entre constructeurs dès lors qu’ils ne sont pas parties au contrat d’entreprise.

Faut-il y voir deux poids deux mesures ?

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