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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
le 02 Décembre 2011
Jean-Jacques Bertrand : Tout d'abord, il faut se souvenir que le premier texte concernant la lutte contre le dopage date de 1965 (loi n° 65-412 du 1er juin 1965, tendant à la répression de l'usage des stimulants à l'occasion des compétitions sportives N° Lexbase : L2652IRN), soit bien avant la première loi sur le sport dite loi "Mazeaud" qui date du 29 octobre 1975 (loi n° 75-988, relative au développement de l'éducation physique et du sport N° Lexbase : L2653IRP). Le dopage et sa répression ne datent donc pas d'aujourd'hui.
Au niveau national, le cadre législatif applicable actuellement est essentiellement issu de la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006, relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs (N° Lexbase : L9952HH3), dite loi "Lamour". Entrée en vigueur le 1er octobre 2006, elle concerne le dopage humain et animal.
Codifiée aux articles L. 232-1 (N° Lexbase : L6409HNP) et suivants du Code du sport, elle donne compétence aux fédérations nationales et à l'AFLD pour prévenir et sanctionner, mais seulement en ce qui concerne les compétitions nationales. La réglementation pour les compétitions internationales relève de la compétence des fédérations internationales.
L'arsenal législatif est également renforcé par :
- la loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008, relative à la lutte contre le trafic de produits dopants (N° Lexbase : L7048H78). Elle introduit une incrimination disciplinaire et pénale pour la détention de produits dopants ;
- et l'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 (N° Lexbase : L9799IGZ), qui a pour objet de mettre les dispositions du Code du sport en conformité avec le Code mondial antidopage.
Il faut aussi se référer à différents décrets :
- le décret n° 2006-1204 du 29 septembre 2006, relatif à l'AFLD (N° Lexbase : L2565HSS) (composition, compétence) ;
- le décret n° 2006-1768 du 23 décembre 2006 (N° Lexbase : L9630HTT) qui met en place les procédures et sanctions disciplinaires devant les fédérations (notamment le nouveau règlement disciplinaire type) ;
- le décret n° 2007-462 du 25 mars 2007, relatif aux contrôles autorisés pour la lutte contre le dopage et à l'agrément et l'assermentation des personnes chargées des contrôles (N° Lexbase : L8229HUC) ;
- et le décret n° 2007-461 du 25 mars 2007, relatif aux modalités de délivrance autorisation d'usage à des fins thérapeutiques (N° Lexbase : L8228HUB).
Pour ce qui concerne la réglementation internationale, il faut se référer à différents textes tels que :
- la Charte olympique contre le dopage ;
- la Convention européenne contre le dopage du 16 novembre 1989 ;
- la Convention internationale contre le dopage de l'UNESCO du 19 octobre 2005 ;
- et le Code mondial anti-dopage adopté le 5 mars 2003.
Lexbase : De quelle manière l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) peut se saisir des décisions prononcées pour des faits de dopage ?
Jean-Jacques Bertrand : En premier lieu, il faut rappeler que les fédérations nationales et l'AFLD ne sont pas compétentes pour sanctionner les sportifs contrôlés lors des manifestations sportives internationales qui se déroulent sur le sol français, et ce, quelle que soit leur nationalité. La responsabilité de la lutte contre le dopage incombe, dans ce cas, aux fédérations internationales (contrôles et sanctions).
Il faut, également, savoir qu'en France, il y a une dualité de compétence entre :
- les fédérations nationales qui ont la compétence principale pour tout litige relatif au dopage ;
- et l'AFLD qui bénéficie d'une compétence subsidiaire.
Cette dernière est ainsi compétente dans quatre cas bien précis :
- lorsque la personne mise en cause n'est pas licenciée d'une fédération française agréée (c'est le pouvoir direct de l'agence) ;
- si la fédération française ne s'est pas prononcée dans les délais prévus (c'est le pouvoir de substitution de l'agence) ;
- si l'agence n'est pas satisfaite de la sanction prononcée par la fédération française (c'est le pouvoir de réformation) ;
- enfin, si le sportif sanctionné est susceptible de participer à des compétitions d'une autre fédération ou discipline (c'est le pouvoir d'extension).
Lexbase : L'interdiction d'usage à des fins thérapeutiques d'une substance susceptible de produire une amélioration de la performance sportive a-t-elle souvent été prononcée par le juge administratif ?
Jean-Jacques Bertrand : Il faut noter que, dans l'arrêt en question, l'autorisation d'usage à des fins thérapeutiques n'a pas été fournie par le sportif au moment de son contrôle. C'est ce qui explique la décision du Conseil d'Etat. Régulièrement, la justice administrative se prononce sur ce type de cas. Mais elle peut faire application du principe de la proportionnalité. Dans ce cas, elle s'autorise à examiner les faits et, éventuellement, à modifier la sanction disciplinaire prononcée. Ainsi en 2008, le Conseil d'Etat (CE référé, 2 décembre 2008, n° 321887, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7101EBM) était revenu sur une décision de l'AFLD qui avait prononcé l'interdiction de participer à des compétitions pendant un an à l'encontre d'un sportif amateur sous traitement pour des allergies. Le Conseil avait considéré cette sanction excessive car, dans l'exercice de son pouvoir de sanction, l'Agence doit s'assurer que la peine retenue est proportionnée aux faits reprochés.
Lexbase : Plus généralement, la jurisprudence est-elle plutôt favorable ou dommageable à l'égard du sportif pris en faute ?
Jean-Jacques Bertrand : Il n'y a pas de règle en la matière. La jurisprudence récente est intervenue dans les deux sens. Elle s'est montrée favorable au sportif, comme par exemple avec l'arrêt n° 321887 du 2 décembre 2008 ou lors d'un arrêt rendu le 18 juillet 2011 (CE 2° s-s., 18 juillet 2011, n° 338390 N° Lexbase : A3177HWL) qui précise que "le Code du sport ne confère pas un caractère automatique au pouvoir de sanction de l'AFLD qui se doit d'examiner l'ensemble des éléments de fait et de droit afin de déterminer la sanction qu'elle prononce. Le Code mondial antidopage doit bénéficier de renvois dans le Code du sport pour être opposable".
A l'inverse, les juges ont aussi pu se montrer défavorables au sportif, comme par exemple dans un arrêt rendu par la cour d'appel de Riom le 14 septembre 2011 (CA Riom, 14 septembre 2011, n° 10/02134 N° Lexbase : A4543HYW). Dans ce cas d'espèce, le médecin, consulté par un sportif professionnel, commet une faute s'il prescrit un médicament contenant une substance considérée comme dopante sans vérification suffisante de la situation du patient et sans avoir communiqué à celui-ci les informations médicales concernant les effets et contre-indications de ce médicament. Cependant, pour engager la responsabilité du médecin, le sportif doit prouver l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cette prescription et les préjudices invoqués, ce qui n'est pas le cas lorsque le sportif a été licencié non en raison du dopage lui-même, mais du fait d'un comportement déloyal à l'égard de son employeur.
(1) Cf. le site internet du Cabinet Bertrand & Associé.
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