Le Quotidien du 11 mars 2019 : Avocats/Périmètre du droit

[Brèves] Irrégularité de la prestation d’optimisation de charges sociales en l’absence de preuve de validation par un cabinet d’avocat

Réf. : CA Riom, 13 février 2019, n° 17/01958 (N° Lexbase : A9468YWL)

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[Brèves] Irrégularité de la prestation d’optimisation de charges sociales en l’absence de preuve de validation par un cabinet d’avocat. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/50029029-breves-irregularite-de-la-prestation-doptimisation-de-charges-sociales-en-labsence-de-preuve-de-vali
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par Marie Le Guerroué

le 22 Février 2019

► En l’absence de preuve de la validation d’un rapport contenant des recommandations, aux fins d'obtenir notamment des réductions de coûts ou de charges sociales -pouvant être qualifié de consultation juridique- par un cabinet d’avocat, la prestation délivrée par une société commerciale non habilitée doit être considérée comme irrégulière.

 

Tel est un des apports de la décision rendue par la cour d’appel de Riom dans un arrêt du 13 février 2019 (CA Riom, 13 février 2019, n° 17/01958 N° Lexbase : A9468YWL).

 

L’appelante exerçait en nom personnel sous une enseigne commerciale, une activité de transport routier de voyageurs et de location de véhicules. Elle avait conclu sous seing privé avec la société intimée, une convention ayant pour objet l'analyse, par cette société, d''éléments techniques en vue d'optimiser les cotisations et exonérations sociales assises sur les salaires', et 'les coûts liés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles'. La société intimée s'engageait par ce contrat à remettre à l’appelante, après avoir examiné les documents de l'entreprise, un ou plusieurs rapports contenant des recommandations, aux fins d'obtenir notamment des réductions de coûts ou de charges sociales. Après réception d’un rapport établissant que la société était en droit de demander à l’URSSAF les cotisations payées en excès pendant une période non prescrite et pour les exercices à venir un dégrèvement annuel, l’appelante n’avait pas souhaité engager de procédure de dégrèvement auprès de l'URSSAF et s'était refusée  à payer les factures d'honoraires. Elle interjette appel du jugement la condamnant à payer la société intimée en soulevant la nullité de la convention, au regard des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires, et en particulier de l'article 54 de cette loi, qui soumet à des conditions de diplôme ou de compétences le droit de donner des consultations juridiques à titre habituel et contre rémunération. Elle soutient qu'en l'espèce, l'activité d'optimisation de charges sociales relevait de l'activité de consultation juridique prévue par la loi et que la société ne justifiait pas des compétences exigées par la loi.

 

  • Sur l’existence d’une consultation juridique (oui)

 

La CA de Riom rappelle les dispositions de l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Elle rappelle également qu’une consultation juridique se définit comme une prestation intellectuelle personnalisée, qui tend à donner un avis motivé concourant à la prise d'une décision par le bénéficiaire de la consultation ; constitue une telle prestation la vérification, au regard de la réglementation en vigueur, du bien fondé de cotisations appelées par les organismes sociaux au titre des accidents du travail, peu important le niveau de complexité des problèmes posés (en ce sens, Cass. civ. 1, 15 novembre 2010, n° 09-66.319, FS-P+B+I N° Lexbase : A0232GH3 ; Cass. civ. 1, 5 juillet 2017, n° 16-22.878, F-D N° Lexbase : A8271WLW).

Elle constate que la prestation concernée, consistant à recueillir des données de fait existant dans l'entreprise (logiciel de paie, et contenu des déclarations sociales et des bulletins de paie), puis à les confronter à des normes juridiques, à donner un avis sur leur conformité à ces normes, et enfin à formuler en conséquence diverses recommandations dans l'intérêt de l'entreprise, constitue une consultation juridique au sens de la loi, même si la mission a consisté principalement à des recherches au moyens d'outils informatiques et à des analyses de nature financière, souvent peu familières aux juristes, comme l'a énoncé le tribunal de commerce. Le caractère prépondérant de cette composante comptable et financière ne retire pas à la prestation en cause la nature d'une consultation juridique, dès lors qu'elle a aussi comporté une analyse d'ordre juridique, et des recommandations fondées sur le droit.

Cette mission ne pouvait donc être réalisée que par l'une des personnes prévues à l'article 54 de la loi.

 

  • Sur la justification compétences exigées par la loi (non)

 

La cour relève ensuite que les certificats produit par la société n’attestent que de la qualification du gérant de la société. Or, il n'est ni prétendu ni établi que la mission litigieuse ait été accomplie par celui-ci. En outre, la société ne rapporte pas la preuve que la personne physique, qui a accompli en son nom la mission en cause, détenait un diplôme ou un titre de compétence conformes aux dispositions de l'article précité, et à celles de l'article 60 de la même loi, auquel renvoie cet article.

 

La société soutenait encore qu'elle avait fait valider le rapport en cause, par un cabinet d'avocats partenaire. Elle en veut pour preuves les clauses de la convention, qui prévoient l'intervention de ce cabinet sur 'la qualification des situations juridiques et l'examen permettant de justifier du choix de l'optimisation retenu', les mentions portées dans le rapport lui-même, et une lettre de cette société d'avocats.

Mais la cour relève que le rapport précité ne contenait ni examen, ni recommandation sur les cotisations accidents du travail, à l'encontre de ce qu'affirme la dite attestation et l'existence prétendue d'une validation opérée par une "équipe", sans plus de précision, ne permet pas de vérifier qu'un avocat, ou une autre personne qualifiée au sens de la loi, ait opéré la validation alléguée. De même, l’allusion à la société cliente dans un message d’un accompagnement dans ces démarches de diagnostic par le cabinet d’avocat ne saurait constituer la preuve d'une validation, faite par un avocat, des préconisations de la société intimée pour le cas particulier, étant rappelé qu'une consultation juridique constitue une prestation personnalisée, propre à un cas d'espèce. Une telle preuve ne ressort pas non plus des autres pièces versées au débat.

 

Dès lors, et à supposer même qu'une telle validation du rapport par un avocat ait été suffisante à conférer aux prestations de la société intimée la nature d'une consultation juridique régulièrement donnée, la preuve de cette validation n'est pas établie, de sorte que la prestation en litige, faute d'avoir été faite par une personne autorisée, est irrégulière (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E1062E7H).

 

 

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