Réf. : CJUE, 19 septembre 2018, aff. C-41/17 (N° Lexbase : A8681X4B)
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par Charlotte Moronval
le 26 Septembre 2018
►Les travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes qui effectuent un travail posté se déroulant partiellement en horaire nocturne doivent être considérées comme exerçant un travail de nuit et bénéficient de la protection spécifique contre les risques que ce travail est susceptible de présenter.
Telle est la solution apportée par la CJUE dans une décision du 19 septembre 2018 (CJUE, 19 septembre 2018, aff. C-41/17 N° Lexbase : A8681X4B).
Dans cette affaire, une femme travaillant comme gardienne de sécurité a accouché d’un garçon qui a bénéficié d’un allaitement maternel. Elle exerce ses fonctions dans un centre commercial, selon un système de rotation variable avec des journées de travail de 8 heures, dont une partie se déroule en horaire de nuit. Elle cherche à obtenir la suspension de son contrat de travail ainsi que l’octroi de la prestation économique pour risque pendant l’allaitement prévue par la législation espagnole. A cette fin, elle demande à une société mutuelle privée espagnole de lui octroyer un certificat médical attestant de l’existence d’un risque pour l’allaitement présenté par son poste de travail. Sa demande étant refusée, elle introduit une réclamation qui est aussi rejetée. Elle forme alors un recours contre ce refus devant la Cour supérieure de justice de Galice en Espagne.
La Cour supérieure de justice de Galice a décidé de poser des questions à la Cour de justice. D’une part, elle s’interroge, sur l’interprétation de la notion de «travail de nuit» au sens de la Directive 92/85 (N° Lexbase : L7504AUH), lorsque ce travail de nuit se combine à un travail posté. D’autre part, cette juridiction considère que l’évaluation des risques présentés par le poste de travail de la salariée pourrait ne pas avoir été correctement réalisée et qu’il existerait, en réalité, un risque pour sa santé ou sa sécurité. Elle cherche ainsi à savoir si, dans ce contexte, il y a lieu d’appliquer les règles de renversement de la charge de la preuve prévues par la Directive 2006/54 (N° Lexbase : L4210HK7) et, dans l’affirmative, s’il incombe à la travailleuse concernée ou à la partie défenderesse, à savoir l’employeur ou l’organisme responsable du paiement de la prestation économique pour risque pendant l’allaitement, de démontrer que l’aménagement des conditions de travail ou le changement de poste de la travailleuse concernée ne sont pas techniquement ou objectivement possibles ou ne peuvent être raisonnablement exigés.
Enonçant la solution susvisée, la Cour de justice de l’Union européenne estime, en premier lieu, que la Directive 92/85 s’applique à une situation dans laquelle la travailleuse concernée effectue un travail posté dans le cadre duquel elle accomplit uniquement une partie de ses fonctions en horaire de nuit. La Cour observe, tout d’abord, que la Directive 92/85 ne contient aucune précision quant à la portée exacte de la notion de «travail de nuit». Elle relève qu’il découle des dispositions générales de la Directive 2003/88 sur l’aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM) qu’une travailleuse qui effectue un travail posté dans le cadre duquel elle accomplit uniquement une partie de ses fonctions en horaire de nuit doit être considérée comme effectuant un travail durant la «période nocturne» et doit, partant, être qualifiée de «travailleur de nuit». La Cour constate que les dispositions spécifiques de la Directive 92/85 ne doivent être interprétées ni d’une manière moins favorable que les dispositions générales de la Directive 2003/88 ni d’une manière contraire à la finalité de la Directive 92/85, qui est de renforcer la protection dont bénéficient les travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes. La Cour ajoute que, pour bénéficier de cette protection dans le cadre du travail de nuit, la travailleuse concernée doit présenter un certificat médical qui en atteste la nécessité du point de vue de sa sécurité ou de sa santé. La Cour supérieure de justice de Galice devra vérifier si tel est le cas en l’espèce.
En second lieu, la Cour estime que les règles de renversement de la charge de la preuve prévues par la Directive 2006/54 s’appliquent à une situation telle que celle de la salariée, dès lors que la travailleuse concernée avance des faits de nature à suggérer que l’évaluation des risques présentés par son poste de travail n’a pas comporté un examen spécifique prenant en considération sa situation individuelle, ce qui permet ainsi de présumer l’existence d’une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de cette Directive. La Cour observe qu’il apparaît que l’évaluation des risques présentés par le poste de travail de la salariée n’a pas comporté un tel examen et que l’intéressée a été discriminée. Il appartient à la Cour supérieure de justice de Galice de vérifier si tel est effectivement le cas. Dans l’affirmative, il incombera à la partie défenderesse de prouver le contraire (sur le travail de nuit de la femme en état de grossesse en France, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E0590ETZ).
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