La lettre juridique n°420 du 9 décembre 2010 : Fonction publique

[Doctrine] Chronique de droit de la fonction publique - Décembre 2010

Lecture: 16 min

N8273BQH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Doctrine] Chronique de droit de la fonction publique - Décembre 2010. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3235099-doctrine-chronique-de-droit-de-la-fonction-publique-decembre-2010
Copier

par Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et avocat à la cour

le 20 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit interne de la fonction publique de Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et avocat à la cour. Sera étudié, tout d'abord, un décret du 12 novembre 2010 concernant le fonctionnaire dont l'emploi est susceptible d'être supprimé en cas de restructuration. Après une période de réorientation professionnelle et de disponibilité d'office, le fonctionnaire pourra être réintégré à sa demande, sur l'une des trois premières vacances de son corps d'origine. En cas de refus, il pourra être licencié. Ensuite, dans un arrêt rendu le 17 novembre 2010, la Haute juridiction dit pour droit que la condamnation du fonctionnaire à la privation de ses droits civiques n'entraîne la rupture de ses liens avec le service qu'à la date à laquelle elle est devenue définitive. Enfin, dans une décision du 15 novembre 2010, le Conseil d'Etat précise les conditions de reclassement des fonctionnaires reconnus physiquement inaptes à l'exercice de leurs fonctions.
  • Les fonctionnaires d'Etat refusant trois offres d'emploi en remplacement d'un poste perdu dans le cadre d'une restructuration pourront être licenciés (décret n° 2010-1402 du 12 novembre 2010, relatif à la situation de réorientation professionnelle des fonctionnaires de l'Etat N° Lexbase : L3262IN7)

Très attendu, mais, également, très redouté, les organisations syndicales de fonctionnaires ayant boycotté la séance du Conseil supérieur de la fonction publique durant laquelle le projet de décret a été présenté en février dernier, le décret n° 2010-1402 du 12 novembre 2010 adopte les mesures d'application de l'article 7 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (N° Lexbase : L6084IE3). Ce texte a, en effet, créé, aux articles 44 bis et suivants du titre II du statut général de la fonction publique, à savoir la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (N° Lexbase : L7077AG9), la possibilité de placer les fonctionnaires dans une "situation" de réorientation professionnelle.

Ce dispositif s'applique aux agents titulaires dont l'emploi est susceptible d'être supprimé à la suite de la restructuration d'une administration de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics administratifs (art. 44 bis) et dont la réaffectation sur un emploi correspondant à son garde n'apparaît pas possible en l'état. Il ne s'agit pas d'une nouvelle position du fonctionnaire puisque l'agent sera maintenu en position d'activité. Il bénéficiera, cependant, de mesures spécifiques d'accompagnement vers un nouvel emploi. La situation de réorientation professionnelle est à terme imprécise puisqu'elle peut durer tant que l'agent n'a pas accédé à un nouvel emploi ou n'a pas été exclu de l'administration (ceci pour refus de trois offres d'emplois vacants après avoir été mis en disponibilité d'office).

Dans la circulaire du 19 novembre 2009, relative aux modalités d'application de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 (N° Lexbase : L9351IE3), le ministère de la Fonction publique précisait que la réorientation professionnelle doit essentiellement concerner les personnels dont la réaffectation sur un emploi vacant n'est pas envisageable, soit parce qu'il n'y a pas d'emploi correspondant au grade de l'agent susceptible d'être vacant à court terme dans l'administration, soit parce qu'une formation longue ou une période de professionnalisation ou de reconversion est nécessaire pour l'accès à un nouvel emploi.

Au-delà de la question, explicite, de l'amélioration de la mobilité professionnelle et d'une meilleure reconversion des fonctionnaires, l'article 7 de la loi du 3 août 2009 et son décret d'application du 12 novembre 2010 s'inscrivent dans la politique de réduction de l'emploi public, dont le Président de la République fait "une conséquence et un moyen de la réforme, non une fin en soi". D'aucuns y verront une brèche dans le système de la "carrière" qui caractérise la fonction publique française.

Les quelques observations qui suivent ont pour objet de présenter la situation du fonctionnaire, ainsi que les droits et obligations qui en découlent.

1) Le placement en situation de réorientation professionnelle et ses suites

Un agent titulaire dont l'emploi est "susceptible" d'être supprimé peut être placé dans cette situation -qui n'est qu'un avatar de la position d'activité- si l'administration ne peut le réaffecter dans un emploi correspondant à son grade. A priori, si l'on conserve l'esprit du statut général des fonctionnaires, la réaffectation de l'agent en raison de la suppression de son emploi constitue une priorité (voir les articles 12 et 13 du titre I du statut général). C'est très certainement le sens de l'article 1er du décret du 12 novembre 2010 qui fait de la réorientation professionnelle une situation par défaut, puisqu'elle ne peut être mise en place qu'en l'absence de possibilité de réaffectation de l'agent.

Le placement en situation de réorientation professionnelle intervient par une procédure légère. L'administration procède par voie d'arrêté émanant de l'autorité de nomination. Toutefois, les commissions administratives paritaires sont informées, une fois par an, du nombre d'agents en phase de réorientation et de la situation de ces personnels.

La réorientation professionnelle prend fin lorsque le fonctionnaire est nommé sur un nouvel emploi ou est placé, à sa demande, dans une autre situation ou position statutaire (disponibilité, détachement...). A lire ce premier alinéa de l'article 9 du décret du 12 novembre 2010, on pourrait légitimement penser que le fonctionnaire conserve la maîtrise de son avenir professionnel et que, faute de perspective dans son emploi d'origine (qui, par définition, est voué à disparaître), il dispose du temps nécessaire à l'adaptation de son profil professionnel et à la recherche d'un emploi propre à le satisfaire, tout en correspondant au grade qu'il détient. La réalité est un peu différente, puisque l'administration dispose, elle aussi, du droit de mettre un terme à la phase de réorientation. En effet, conformément à l'article 44 quater du titre II du statut général, la réorientation professionnelle peut, également, prendre fin à l'initiative de l'administration, après avis de la commission administrative paritaire, après que le fonctionnaire a refusé successivement trois offres d'emplois publics. Précisons que la loi du 3 août 2009 exige qu'elles soient fermes, précises, correspondant au grade détenu par le fonctionnaire, ainsi qu'à son projet personnalisé d'évolution professionnelle, et tiennent compte de sa situation de famille et de son lieu de résidence habituel.

De ce triple refus, la loi précitée induit que l'agent puisse être placé en position de disponibilité d'office pour une durée indéterminée : dans ce cas, il percevra l'allocation d'assurance-chômage en application de l'article L. 5424-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2903H9E). Le cas échéant, l'agent sera admis à la retraite.

Cependant, le placement en disponibilité ne met pas fin à la recherche d'une solution de réaffectation de l'agent. L'article 51 du titre II du statut général prévoit, en effet, depuis la loi du 3 août 2009, que pourra être licencié, le fonctionnaire qui, placé en disponibilité d'office en application de l'article 44 quater, refuserait successivement trois postes qui lui auraient été proposés dans le cadre de sa réintégration.

Il ressort de l'article 9 du décret du 12 novembre 2010 qu'une fois en disponibilité d'office, le fonctionnaire a la possibilité de demander sa réintégration sur l'une des trois premières vacances de poste dans son corps d'origine. S'il ne saisit aucune de ces opportunités, l'administration pourra lui proposer d'autres postes. C'est au terme du refus de trois de ces postes (ce qui fait six au total) que le licenciement pourra être prononcé (ou, s'il a droit à pension, admis à la retraite) après avis de la commission administrative paritaire. Toute la rigueur du système mis en place réside dans le fait qu'au fur et à mesure du temps qui passe l'administration est de moins en moins tenue d'adapter les offres d'emplois au profil de l'agent. Une fois qu'il est en disponibilité, les critères de l'article 44 quater du titre II du statut général s'effacent pour laisser place à une simple référence au corps d'origine (dans la limite des trois premières vacances), puis il est simplement indiqué que des "emplois" seront proposés à l'agent.

Les règles ainsi mises en place visent donc clairement à inciter les fonctionnaires dont le poste doit disparaître dans le cadre de la révision générale des politiques publiques à s'adapter à tous points de vue (fonctionnel, géographique...), sous peine d'être licenciés.

2) Les aspects financiers de la réforme

L'article 7 du décret commenté tire les conséquences logiques du maintien de l'agent en position statutaire d'activité lorsqu'il est placé en situation de réorientation professionnelle. Comme s'il occupait son emploi habituel, le fonctionnaire perçoit son traitement tout au long de la période de réorientation professionnelle. Il reçoit, également, les éléments accessoires au traitement : indemnité de résidence, supplément familial de traitement, ainsi que les primes et les indemnités afférentes à son grade et aux fonctions qu'il exerçait lors de son placement dans cette situation.

De même, les règles issues de l'article 34 du titre II du statut général trouvent à s'appliquer lorsque le fonctionnaire est mis en congé : pour les congés de maladie ordinaire, le traitement sera maintenu à son taux plein pendant trois mois, et réduit de moitié pendant les neuf mois suivants.

S'agissant des primes, le texte apparaît favorable aux agents dont l'emploi doit être supprimé car il leur permet, alors qu'ils n'occupent plus concrètement leur poste, de percevoir des sommes qui sont pourtant attachées à l'exercice effectif des fonctions (primes pour travaux supplémentaires, de rendement ou de sujétions...).

Lorsque le fonctionnaire est conduit à exercer une mission temporaire au profit d'un autre service de l'Etat ou de ses établissements publics, il sera remboursé des frais exposés (frais de transport, notamment) dans les conditions prévues par le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006, fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat (N° Lexbase : L1684HKL).

On notera, enfin, que la période de réorientation est prise en compte pour les droits à avancement, à promotion ou, le cas échéant, au titre de l'engagement de servir l'Etat (article 8 du décret).

3) Les obligations de l'administration tendant à la réorientation professionnelle de l'agent

Le décret du 12 novembre 2010 reprend les diverses modalités de réorientation professionnelle mises en place par l'article 44 ter du titre II du statut général. Ces modalités sont :

- l'établissement d'un projet personnalisé d'évolution professionnelle. Il a pour objet de faciliter l'affectation de l'agent dans un emploi correspondant au grade de l'agent, situé dans son service ou dans une autre administration, ou de lui permettre d'accéder à un autre corps ou cadre d'emplois de niveau au moins équivalent. Le projet peut, également, avoir pour objet de l'aider à accéder à un emploi dans le secteur privé ou à créer ou reprendre une entreprise ;

- le suivi d'actions d'orientation, de formation, d'évaluation et de validation des acquis de l'expérience professionnelle destinées à favoriser la réorientation ;

- un suivi individualisé et régulier par l'administration, ainsi qu'un appui dans les démarches de réorientation ;

- l'exercice par le fonctionnaire de missions temporaires pour le compte de son administration ou d'une autre administration. Les missions qui lui sont alors confiées doivent s'insérer dans le projet personnalisé.

Du décret d'application, on retiendra que le projet personnalisé d'évolution professionnelle doit être établi dans le mois qui suit le placement en situation de réorientation professionnelle, après un (ou plusieurs) entretien(s) entre l'agent et le responsable des ressources humaines (et, le cas échéant, le chargé de mobilité) du service dans lequel il est affecté. Ce projet, qui donne lieu à la rédaction d'un "document" qui est versé au dossier du fonctionnaire, doit contenir certains éléments que le décret énumère avec précision. Il s'agit, tout d'abord, des perspectives d'évolution professionnelle de l'intéressé, des types d'emplois, d'activités et de responsabilités auxquels, dans ce cadre, est susceptible d'être candidat le fonctionnaire ou qui peuvent lui être proposés. Il peut aussi concerner les types de missions temporaires qui peuvent lui être confiées. En outre, le projet doit comporter les actions d'orientation, de formation, d'évaluation et de validation des acquis de l'expérience professionnelle destinées à favoriser la réorientation du fonctionnaire.

Au plan matériel, on trouve, également, dans le projet, les actions d'accompagnement mises en oeuvre par l'administration que le fonctionnaire a l'obligation de suivre, ainsi que l'identité du responsable en charge du suivi individualisé du fonctionnaire pendant cette période et un calendrier prévisionnel de mise en oeuvre du projet personnalisé d'évolution professionnelle. Afin de garantir l'obligation de "suivi individualisé et régulier" prévue par le texte, le fonctionnaire doit rencontrer son référent lors d'un entretien au moins bimestriel. Sans que le décret en dise plus, notamment quant à leur portée juridique, il est précisé que "les engagements réciproques du fonctionnaire et de l'administration pendant cette période" sont rappelés dans le projet. Le décret indique, enfin, que toute modification du projet personnalisé d'évolution professionnelle, le cas échéant après une évaluation à "mi-parcours" de la mise en oeuvre du projet, intervient dans les conditions prévues pour l'établissement du projet initial.

En ce qui concerne les actions de formation, le décret du 12 novembre 2010 indique que les agents en situation de réorientation professionnelle sont prioritaires pour bénéficier des formations mentionnées par l'article 1er du décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'Etat (N° Lexbase : L6782HYT) : formation continue, formation de préparation aux examens, concours administratifs et autres procédures de promotion interne, réalisation de bilans de compétences, validation des acquis de l'expérience en vue de l'acquisition d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification inscrit au répertoire national, approfondissement de la formation en vue de satisfaire à des projets personnels et professionnels grâce au congé de formation professionnelle.

Tant que son emploi n'est pas supprimé, ces formations peuvent se dérouler parallèlement à l'activité habituelle de l'agent. Dans ce cas, l'agent pourra disposer d'un aménagement de son temps de travail, nécessaire à la réalisation des actions prévues dans son projet personnalisé d'évolution professionnelle. Le fonctionnaire peut, également, être placé en congé de formation professionnelle (article 34, titre II du statut général), ou bien en période de professionnalisation (alternance d'activité et de formation), instituée par l'article 15 du décret du 15 octobre 2007 précité.

Une fois l'emploi supprimé, le décret du 12 novembre 2010, à son article 4, prévoit que l'agent pourra continuer à être occupé à des missions de service public, tout en demeurant en situation de réorientation professionnelle. Il demeure, ainsi, "à la disposition" de son administration d'origine (à laquelle il continue d'appartenir). Les missions, par nature temporaire (trois mois maximum selon l'article 6 du décret), peuvent avoir lieu au sein de l'administration d'origine, mais aussi auprès d'un autre service relevant de l'Etat ou de ses établissements publics. Elles doivent être inscrites dans le projet personnalisé d'évolution professionnelle, leur lieu d'exercice étant défini en fonction de la situation familiale et de la résidence administrative de l'agent.

  • A quelle date l'administration peut-elle prononcer une radiation des cadres pour perte des droits civiques ? (CE 3° et 8° s-s-r., 17 novembre 2010, n° 315829, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4244GKE)

Dans cette affaire, un agent des douanes a fait l'objet d'une radiation des cadres consécutivement à un jugement rendu par un tribunal correctionnel le condamnant, entre autres peines, à la privation de ses droits civiques, civils et de famille pour trois années (peine complémentaire prévue à l'article 131-26 du Code pénal N° Lexbase : L2174AMH). Le jugement est intervenu le 25 juin 2003 ; l'agent n'ayant pas fait appel, l'administration a cru pouvoir en tirer les conséquences le 28 juillet 2003. La radiation des cadres ainsi décidée repose sur les articles 5 (N° Lexbase : L2630E3S) et 24 (N° Lexbase : L2675E3H) du titre I du statut général des fonctionnaires, suivant lesquels, d'une part, "nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire [...] s'il ne jouit de ses droits civiques" et, d'autre part, "la cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte [...] de la déchéance des droits civiques ".

Sur recours de l'agent, la cour administrative d'appel (1) a annulé la décision. A la suite du pourvoi formé par le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, le Conseil d'Etat confirme la solution des juges du fond en indiquant qu'il résulte des dispositions précitées du statut général "que la condamnation à la privation des droits civiques, prononcée par le juge pénal, entraîne de plein droit, pour le fonctionnaire, la rupture de ses liens avec le service à la date à laquelle cette condamnation est devenue définitive" et que "l'autorité compétente ne peut prendre une mesure portant radiation des cadres pour ce motif qu'à compter de cette date".

Il est de jurisprudence constante que la perte de la qualité de fonctionnaire en raison d'une perte des droits civiques constitue une mesure purement recognitive d'une situation de fait, et que l'administration se trouve dans une situation de compétence liée (2). L'article 131-26 précité du Code pénal indique, d'ailleurs, que la perte du droit de vote et de celui d'être élu emporte interdiction ou incapacité d'exercer une fonction publique. Le Conseil d'Etat se fonde, dans l'arrêt commenté, explicitement sur cette disposition, parallèlement à celles du statut général des fonctionnaires. Il incombe donc à l'employeur de l'agent d'agir au plus vite puisque l'agent ne dispose plus d'un droit au traitement à compter de l'entrée en vigueur de la mesure. En outre, en laissant en place un agent qui ne peut plus occuper un emploi public, l'administration commet une faute de nature à engager sa responsabilité (3).

L'arrêt du 17 novembre 2010 est intéressant à deux égards. D'une part, il confirme la solution déjà acquise suivant laquelle la radiation des cadres ne peut intervenir qu'après que la décision pénale soit devenue définitive (4). D'autre part, il vient définir ce qu'il faut entendre par décision définitive lorsqu'il n'a pas été interjeté appel d'un jugement correctionnel. La date limite retenue par le Conseil d'Etat est l'expiration du délai d'appel dont dispose le procureur général (C. pr. pén., art. 505 N° Lexbase : L9467IED), et non l'expiration du délai de dix jours dans lequel il peut être interjeté appel par le condamné, ou le procureur, d'un jugement contradictoire (C. pr. pén., art. 498 N° Lexbase : L9441IEE). A l'époque des faits qui sont à l'origine de la décision commentée, le délai d'appel ouvert au procureur général était de deux mois à compter du prononcé de la décision ; ce délai a été réduit à vingt jours par la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 (N° Lexbase : L9344IES). Le fait que le délai laissé au procureur général pour faire appel ne préjudicie pas à l'exécution du jugement (C. pr. pén., art. 708 N° Lexbase : L9425IES) n'est pas, pour le Conseil d'Etat, de nature à avancer la date à laquelle le jugement, non frappé d'appel par les parties, devient définitif. Sur ce point, l'arrêt constate que, s'agissant d'une mesure qui n'exige aucune mesure exécution, cette circonstance est sans portée.

  • Inaptitude physique des personnels enseignants : reclassement ou adaptation professionnelle ? (CE 4° et 5° s-s-r., 15 novembre 2010, n° 330099, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4274GKI)

Dans l'arrêt ici commenté, le Conseil d'Etat apporte d'utiles précisions quant aux conséquences que l'administration peut tirer d'une déclaration d'inaptitude professionnelle d'un enseignant du premier ou du second degré. La solution est d'importance car elle conduit à faire naître une obligation d'adaptation du poste, au besoin sur des fonctions différentes, avant tout mesure de reclassement professionnel dans un emploi d'un autre corps, éventuellement de niveau inférieur.

En l'espèce, Mme X, professeur des écoles ayant été reconnue définitivement inapte aux fonctions d'enseignement, mais non à des fonctions administratives, a sollicité son affectation sur un poste adapté pour l'année scolaire 2008-2009, ce que l'inspecteur d'académie a refusé.

Pour rejeter le recours en annulation formé à l'encontre de la décision de rejet dont elle était l'objet, le tribunal administratif a considéré que la requérante ne relevait pas des dispositions du décret n° 2007-632 du 27 avril 2007, relatif à l'adaptation du poste de travail de certains enseignants, d'éducation et d'orientation (N° Lexbase : L3727HXC). Selon l'article 1er de ce texte, "les personnels enseignants des premier et second degrés [...] lorsqu'ils sont confrontés à une altération de leur état de santé, peuvent solliciter un aménagement de leur poste de travail ou une affectation sur un poste adapté". Une telle affectation "est destinée à permettre aux personnels mentionnés à l'article 1er de recouvrer, au besoin par l'exercice d'une activité professionnelle différente, la capacité d'assurer la plénitude des fonctions prévues par leur statut particulier ou de préparer une réorientation professionnelle".

Ce régime, propre aux enseignants du primaire et du secondaire, se distingue de la procédure de reclassement de droit commun, instituée par l'article 63 du titre II du statut général des fonctionnaires. Dans cette hypothèse, le reclassement, y compris dans un autre corps, peut avoir lieu dès lors que l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, sans pour autant que l'inaptitude de l'agent lui interdise d'exercer toute activité, conformément au décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 (N° Lexbase : L1004G8P).

La difficulté principale de l'affaire soumise au Conseil d'Etat résidait dans la combinaison entre ces deux modalités de prise en considération de l'inaptitude physique de l'agent. Le Conseil fait prévaloir le décret du 27 avril 2007, dans la mesure où le comité médical supérieur a estimé que l'agent était inapte à l'exercice des fonctions d'enseignement, mais pas à celui de fonctions administratives. En effet, l'arrêt retient qu'eu égard, notamment, à l'objectif, spécifié à l'article 8 du décret du 27 avril 2007, de préparer, le cas échéant, la réorientation professionnelle d'un enseignant déclaré inapte à l'exercice de ses fonctions, le reclassement dans un emploi d'un autre corps de niveau équivalent ou inférieur ne peut avoir lieu qu'à la condition qu'il ait été constaté que l'adaptation d'un poste de travail à son état de santé, y compris, au besoin, dans une activité professionnelle différente, n'est pas possible.

Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et avocat à la cour


(1) CAA Lyon, 3ème ch., 26 février 2006, n° 05LY01618, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5169D7L).
(2) CE Contentieux, 28 février 1997, n° 147955, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8361ADZ).
(3) CE Contentieux, 22 mars 1999, n° 191393 (N° Lexbase : A3321AXB), Rec. CE, 1999, p. 80, Cahiers fonct. publ., 1999, n° 180, p. 27.
(4) CE 9° et 10° s-s-r., 17 juin 2005, n° 215761, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7280DIH) ; CE 7° et 5° s-s-r., 21 avril 2000, n° 197388, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4416B83).

newsid:408273

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus