La lettre juridique n°420 du 9 décembre 2010 : Droit pénal fiscal

[Chronique] Chronique de droit pénal fiscal - Décembre 2010

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N8228BQS

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par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise

le 04 Janvier 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en droit pénal fiscal réalisée par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise. Cette chronique de droit pénal fiscal traite, dans un premier temps, de la procédure spécifique des visites domiciliaires. L'ordonnance d'autorisation de la visite domiciliaire et l'exécution des opérations matérielles peuvent, désormais, faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel (Cass. com., 14 septembre 2010, n° 09-67.404, F-P+B). La Cour de cassation continue à apporter des éclairages sur ce nouveau contentieux résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2009 de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR) (Cass. com., 26 octobre 2010, n° 09-16.917, FS-D). La partie consacrée aux sanctions propose une analyse relative à la question prioritaire de constitutionnalité relative à la solidarité des dirigeants en matière de distributions occultes (CGI, art. 1754,V-3 N° Lexbase : L4624ICA) (CE 3° et 8° s-s-, 27 octobre 2010, n° 342925).
I - Procédure : droit de visite et de saisie
  • Mention dans l'ordonnance du premier président de la transmission du dossier du tribunal au greffe de la cour d'appel (Cass. com., 14 septembre 2010, n° 09-67.404, F-P+B N° Lexbase : A5877E9K)

Il ressort de cet arrêt que le premier président n'a pas à mentionner dans son ordonnance que le dossier du tribunal a été transmis au greffe de la cour d'appel et a été mis à la disposition des parties.

Les demandeurs reprochaient à l'ordonnance du premier président de la cour d'appel, l'oubli de la mention selon laquelle le dossier a été transmis au greffe de la cour d'appel et a été mis à la disposition des parties. L'ordonnance qui ne comporte pas ces mentions est frappée de nullité conformément à l'article L. 16 B II du LPF (N° Lexbase : L0549IHS).

Aux termes mêmes de l'article L. 16 B II d, il est précisé que "le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel où les parties peuvent le consulter". Sur cette disposition, la Cour de cassation a, déjà, eu l'occasion de préciser que le droit de consultation des pièces au greffe n'implique pas la délivrance de copies par le greffe (Cass. com., 2 février 2010, n° 09-13.795, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A2063ERT). Si aucune obligation de communiquer les pièces du dossier ne pèse sur le greffe malgré une pratique largement mise en oeuvre de transmission des pièces sur demande, les appelants ont tout intérêt à consulter l'intégralité des pièces au greffe de la cour d'appel. En effet, le dossier comporte la requête de l'administration à l'origine de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et des pièces nécessaires à la vérification concrète de la demande. Le texte n'impose, donc, qu'une transmission sans délai du dossier du greffe du tribunal de grande instance au greffe du premier président de la cour d'appel. Dans la mesure où le juge signataire de l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie doit vérifier concrètement le bien fondé de la demande au regard des pièces qui lui sont communiquées, il semble judicieux de vérifier qu'aucune pièce ne manque au dossier. En effet, le nombre important de pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa requête et utilisées dans l'ordonnance doit se retrouver dans le dossier. L'accès au dossier peut, ainsi, se révéler favorable à la défense des droits de l'appelant. En revanche, si le texte invoqué dans l'arrêt "Husson" (arrêt rapporté) (LPF, art. L. 16 B II d) impose la transmission immédiate du dossier au greffe de la cour d'appel pour permettre la consultation, celui-ci ne dispose pas que le premier président soit contraint de mentionner dans son ordonnance, à peine de nullité, que le dossier a été transmis et mis à la disposition des parties.

A ce stade, il convient de souligner, également, que la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser les conditions d'accès, en cause d'appel, du dossier sur lequel le juge des libertés et de la détention a statué (Cass. com., 2 février 2010, n° 09-14.821, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A2064ERU). Il a été jugé que "la faculté de consultation du dossier au greffe prévue par l'article L. 16 B du LPF ne dispense pas l'administration fiscale de communiquer à la partie qui le demande des pièces dont elle fait état".

  • Visite et saisie domiciliaire dans un cabinet d'avocats : atteinte au secret professionnel (Cass. com., 26 octobre 2010, n° 09-16.917, FS-D N° Lexbase : A0326GDG)

Dans cette affaire le pourvoi en cassation est dirigé contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel ayant refusé d'annuler l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui avait autorisé les visites domiciliaires dans les locaux d'une société et ceux d'un cabinet d'avocats, ainsi que les opérations de visites et de saisies qui s'en sont suivies. Pour refuser d'annuler l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie, le premier président de la cour d'appel relevait que la visite de la société d'avocats avait eu pour objet, non pas de rechercher des documents de nature confidentielle couverts par le secret professionnel de l'avocat, mais des actes signés par celui-ci, non pas en qualité de conseil, mais de représentant de l'une ou l'autre des sociétés concernées par une éventuelle fraude.

Cette décision prend appui sur l'arrêt "André" rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH, 24 juillet 2008, Req. 18603/03 N° Lexbase : A8281D9L). La Cour se situe dans le prolongement des décisions qui ont jugé que le but d'intérêt général poursuivi par les visites domiciliaires (lutte contre la fraude fiscale) pouvait justifier une atteinte au domicile, à condition que cette atteinte soit entourée de garanties effectives et ne soit pas disproportionnée (CEDH, 16 décembre 1992, Req. 72/1991/324/396 N° Lexbase : A6532AWT ; CEDH, 25 février 1993, Req. 83/1991/335/408 N° Lexbase : A6543AWA ; CEDH, 25 février 1993, deux arrêts, Req. 86/1991/338/411 N° Lexbase : A6546AWD et Req. n° 82/1991/334/407 N° Lexbase : A6542AW9 ; Cass. com., 2juillet 1996, n° 93-20.725 N° Lexbase : A3859CLI ; Cass. com., 8 février 2000, n° 98-30.103 N° Lexbase : A5772CPH ; CEDH, 8 janvier 2002, Req. 51578/99 N° Lexbase : A9798DDA).

En effet, le juge européen a eu l'occasion de préciser que la visite domiciliaire et les saisies effectuées au cabinet d'un avocat dont les clients étaient soupçonnés de fraude fiscale sont disproportionnées par rapport au but visé et sont donc incompatibles avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (droit au respect du domicile N° Lexbase : L4798AQR) compte tenu des circonstances suivantes :

- le secret professionnel de l'avocat n'a pas été respecté -en l'absence du juge ayant autorisé la visite domiciliaire, tous les documents du cabinet, y compris ceux soumis au secret professionnel ont été consultés et saisis, et ce, malgré la présence et les observations du Bâtonnier de l'Ordre ; en outre, l'ordonnance du juge autorisant la procédure conférait aux agents de larges pouvoirs, sans mention du respect du secret professionnel- ;

- la visite domiciliaire litigieuse a été effectuée chez un tiers à l'infraction présumée, puisqu'elle visait exclusivement à la découverte de documents susceptibles de prouver la fraude présumée des clients de l'avocat en raison des difficultés rencontrées lors du contrôle fiscal en cours.

Selon la Cour, il ressort clairement que le respect du secret professionnel des avocats est inclus dans les garanties de l'article 8 de la Convention, au même titre que celui de leur domicile professionnel ou personnel. Au risque de violer le principe même de ce droit, l'administration doit s'abstenir de consulter et de saisir tout document couvert par le secret professionnel, ce qui soulève deux questions.

Ainsi, le juge de renvoi devra s'interroger sur plusieurs points. Dans un premier temps, il devra délimiter le périmètre des documents concernés. Selon la Cour européenne, les documents relevant soit de la défense, soit de la représentation en justice, ou bien d'actes de consultation tels que des conseils, des correspondances ou des notes manuscrites des avocats, sont couverts par le secret professionnel. Il devra, dans un second temps, s'interroger sur la qualité de la personne susceptible d'apprécier si un document est couvert par le secret professionnel, étant précisé qu'en aucun cas les agents de l'administration fiscale ne peuvent avoir cette qualité. Il va de soi qu'en la matière, ils ne peuvent être juges et parties. Ainsi, ils ne pourront pas consulter eux-mêmes les documents couverts par le secret professionnel, à moins que le représentant de l'Ordre ou le juge ne les y autorise, ce qui revient en outre à leur interdire toute saisie en l'absence de décision du juge, puisqu'une saisie impliquerait la lecture de ces documents.

Mais, ce questionnement passera par un préalable, afin d'établir la participation directe de l'avocat à la fraude présumée. Si la Cour réserve l'insaisissabilité des documents couverts par le secret professionnel aux avocats qui exercent leur mission de défense ou de conseil de leur client, encore faut-il que l'avocat visé soit totalement tiers à l'infraction présumée. Ce ne sera évidemment pas le cas lorsque ces documents sont de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à la fraude présumée. Il a, d'ailleurs, déjà été jugé que les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci et les correspondances échangées entre le client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel. Une saisie de pièces répondant à cette définition ne peut être autorisée ou maintenue, à l'occasion d'une visite dans un cabinet d'avocat, qu'à la condition que les documents saisis soient de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à la fraude présumée (Cass. com., 5 mai 1998, n° 96-30.116 N° Lexbase : A2855ACQ). Dans cette dernière affaire, il avait été précisé que le juge saisi de la régularité des opérations apprécie souverainement si un document, en l'occurrence une lettre émanant d'un autre avocat, constitue une consultation, couverte par le secret professionnel.

De manière plus générale, il appartient au juge de l'autorisation de s'assurer des garanties particulières susceptibles d'encadrer les perquisitions chez un avocat afin de rendre effectif le respect du secret professionnel. Il doit donc en principe prévoir dans son ordonnance d'une part la présence du bâtonnier de l'Ordre afin de s'assurer de l'obligation de respect du secret professionnel et d'autre part sa présence pour éviter que les documents soumis au secret professionnel ne soient lus par les agents de l'administration sans autorisation.

Doivent être considérés comme couverts par le secret professionnel :

- une consultation juridique émanant d'un avocat et destinée aux personnes en cause ;

- l'ensemble des correspondances échangées entre les personnes en cause et leurs conseils, à quelque titre que ce soit ;

- un projet de lettre à un avocat se référant expressément à des projets de conclusions préparées par cet avocat ;

- des notes manuscrites de la main même de l'avocat destinées à la préparation de la défense de ses clients. La note d'un cabinet d'avocat saisie au domicile du contribuable, même si elle est formellement adressée au comptable de l'intéressé et ne mentionne pas expressément son nom, doit, eu égard notamment à l'exacte coïncidence des situations familiales et professionnelles évoquées, être regardée comme une consultation rédigée par les avocats signataires et destinée à ce contribuable, couverte par le secret professionnel en application de l'article 66, 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 . Dès lors, les redressements établis à l'issue d'un examen de la situation fiscale personnelle qui procèdent des éléments contenus dans cette note sont irréguliers (CAA Lyon, 26 juin 2007, n° 05LY01861 N° Lexbase : A2251DXN).

En revanche, ne sont pas couvertes par le secret professionnel et peuvent être ainsi saisies, les pièces strictement comptables relatives aux notes d'honoraires des avocats (Cass. com., 20 octobre 1998, n° 96-30.117 N° Lexbase : A0157AUD).

Il ressort de l'ensemble de la jurisprudence que, si le droit interne peut prévoir la possibilité de perquisitions ou de visites domiciliaires dans le cabinet d'un avocat, celles-ci doivent impérativement être assorties de garanties particulières. Certaines obligations peuvent être imposées aux avocats dans le cadre des relations avec leurs clients. Il en va, ainsi, notamment en cas de constat de l'existence d'indices plausibles de participation d'un avocat à une infraction, ou encore dans le cadre de la lutte contre certaines pratiques. Reste qu'il est alors impératif d'encadrer strictement de telles mesures, les avocats occupant une situation centrale dans l'administration de la justice et leur qualité d'intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux permettant de les qualifier d'auxiliaires de justice.

Au titre des garanties, la visite domiciliaire doit être accompagnée d'une garantie spéciale de procédure, puisqu'elle doit être exécutée en présence du Bâtonnier de l'Ordre des avocats. De plus, la présence du Bâtonnier et les observations concernant la sauvegarde du secret professionnel que celui-ci estime devoir faire à propos des documents à saisir doivent être mentionnées dans le procès-verbal des opérations.

Néanmoins, ces garanties ne pourront pas être jugées suffisantes pour avoir empêché la disproportion entre les mesures et le but. Il conviendra d'analyser l'étendue des pouvoirs conférés par l'autorisation aux agents de l'administration en raison de l'absence de limitation au regard du secret professionnel des avocats (ce grief est à rapprocher de la jurisprudence de la Cour de cassation qui estime que l'absence de mention de l'obligation de respecter le secret professionnel n'entache pas la régularité de l'ordonnance). Il sera nécessaire, également, d'analyser la finalité de la visite et de déterminer si elle avait pour but la découverte chez les avocats, en leur seule qualité d'avocats de la société soupçonnée de fraude, de documents susceptibles d'établir la fraude présumée de celle-ci et de les utiliser à charge contre elle, sans que les avocats eux-mêmes aient été accusés ou soupçonnés d'avoir commis une infraction ou participé à une fraude commise par leur cliente.

II - Sanctions

  • La solidarité du dirigeant au paiement de l'amende (CGI, art. 1759 N° Lexbase : L1751HN8) relative aux distributions occultes : l'article 1754, V-3 du CGI renvoyé devant le Conseil constitutionnel (CE 3° et 8° s-s-, 27 octobre 2010, n° 342925 N° Lexbase : A1112GDK)

Le Conseil d'Etat renvoie au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux principes de personnalité et de nécessité des peines, de présomption d'innocence, du respect des droits de la défense et d'égalité devant les charges publiques, de la responsabilité solidaire des dirigeants pour le paiement de l'amende prévue à l'article 1759 du CGI.

Une brève analyse de l'économie du système de la sanction initiale permettra d'établir un examen critique sur lequel repose la solidarité du dirigeant prévue par l'article 1754, V-3 du CGI.

Sont considérées comme des distributions occultes, celles résultant, le plus souvent, de dissimulations de recettes ou de la prise en charge par la société de dépenses qui ne lui incombent pas. Dans ces deux cas, les sommes en cause ne sont pas déductibles des bénéfices imposables de la société versante et sont considérées comme des revenus mobiliers distribués imposables. Pour permettre leur imposition, une procédure spéciale autorise l'administration à demander à la société l'identité des bénéficiaires.

Cette procédure spéciale est prévue aux articles 117 (N° Lexbase : L1784HNE), 1754, V-3 et 1759 du CGI. Aux termes de cette procédure, la société peut être invitée par le service des impôts à fournir, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires des distributions dites "occultes". Si, à la suite de cette demande, la société désigne le bénéficiaire, l'intéressé est imposé personnellement au barème progressif de l'impôt sur le revenu à raison de la distribution (sans abattement ni crédit d'impôt), étant précisé que, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, les sommes ainsi distribuées sont retenues pour 125 % de leur montant (CGI, art. 158, 7-2° N° Lexbase : L0074IKX).

Si, au contraire, la société ne répond pas dans le délai de 30 jours, ou se borne à faire une réponse imprécise ou ambiguë, elle doit verser elle-même au Trésor une pénalité fiscale, non déductible de son bénéfice imposable, égale à 100 % de la distribution occulte. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer et réintégré le montant des sommes en cause dans sa déclaration de résultat, le taux de la pénalité est ramené à 75 %.

Les dirigeants de droit ou de fait sont solidairement responsables pour le paiement de la pénalité (CGI, art. 1754, V-3 faisant l'objet de la QPC).

Cet article ne s'explique que par le fait de vouloir renforcer les moyens dont dispose l'administration pour le recouvrement de la pénalité visée à l'article 1759 du CGI. En effet, l'article en cause (1754, V-3 du CGI, avant 2006 codifié à l'article 1763 A, alinéa 2) prévoit que les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 du CGI (N° Lexbase : L2354IBS) et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter du CGI (N° Lexbase : L1776HLD), ainsi que les dirigeants de fait, sont solidairement responsables du paiement de cette pénalité. Cette disposition est applicable, s'agissant des dirigeants sociaux. Quant aux dirigeants de fait, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, cette qualité est reconnue aux personnes qui assument des fonctions analogues à celles des dirigeants de droit ou qui exercent un contrôle effectif et constant sur la direction de l'entreprise.

Le régime des sanctions des distributions officieuses est pour le moins très sévère à l'encontre du contribuable directement concerné, à savoir la société, mais surtout dépourvu de toute motivation au regard des dirigeants susceptibles d'avoir engagé leur responsabilité de manière limitée. Les conditions d'applications de l'article 117 et de la solidarité prévues à l'article 1754, V-3 du CGI apparaissent en totale contradiction avec les principes de personnalité et de nécessité des peines, de présomption d'innocence et du respect des droits de la défense.

Concernant le bénéficiaire des sommes considérées comme distribuées, soulignons qu'aux termes de l'article 109-1, 2° du CGI (N° Lexbase : L2060HLU) les sommes ou valeurs non prélevées sur les bénéfices ne peuvent être considérées comme des revenus distribués que si l'associé en a eu la disposition. Mais, pour déterminer si l'associé en a eu la disposition, le Conseil d'Etat procède par présomption, niant ainsi la réalité de la personne morale. Si cette preuve peut découler des circonstances de fait dans le cadre des rémunérations excessives ou de dettes de l'associé payées par l'associé, une telle présomption se révèle dépourvue de tout fondement en cas de recettes dissimulées. C'est l'existence même de la personnalité morale qui est mise à mal. On peut comprendre cette recherche d'efficacité de l'administration fiscale pour sauvegarder les recettes de l'Etat, mais ce but légitime doit-il être atteint au détriment de la charge de la preuve et de l'atteinte portée aux principes fondamentaux évoqués ci-dessus ?

Sur la base de l'assimilation de la sanction administrative à la sanction pénale (Cons. const., décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982 N° Lexbase : A8054ACB ; CEDH, 24 février 1994, Req. 00012547/86 N° Lexbase : A2994AUG ; Avis CE 31 mars 1995, n° 164008 N° Lexbase : A3250ANP), ne conviendrait-il pas d'aller jusqu'au bout du processus et d'éviter des subterfuges d'atténuation des principes ?

Ce malaise ressort des instructions de l'administration fiscale elle-même, puisqu'en vertu des règles générales qui définissent l'obligation des codébiteurs et notamment des articles 1200 (N° Lexbase : L1302ABT) et 1203 (N° Lexbase : L1305ABX) du Code civil, les comptables de la direction générale des finances publiques seraient fondés à actionner, pour le paiement, indifféremment, le débiteur principal ou les codébiteurs solidaires. Toutefois, il est recommandé aux comptables de mettre en cause, en premier lieu, la société débitrice, en utilisant à son encontre, si besoin est, tous les moyens de recouvrement à leur disposition. Les débiteurs solidaires ne sont poursuivis qu'en cas d'échec de la démarche initiale. Ainsi, selon la doctrine administrative, les poursuites éventuelles devront être précédées d'une mise en demeure les informant de leurs obligations. La mise en demeure et, le cas échéant, les actes de poursuites ultérieurs feront expressément référence à l'article 1754, V-3 du CGI.

Par ailleurs, en contradiction totale au principe des droits de la défense, l'administration n'est pas tenue d'inviter les débiteurs solidaires de la pénalité pour distributions occultes à présenter des observations avant de leur en demander le paiement. Elle n'est pas non plus tenue de motiver cette pénalité (CE Contentieux, 28 juin 1996, n° 148479 N° Lexbase : A9641ANE ; CE Contentieux, 3 décembre 1999, n° 162925 N° Lexbase : A4532AX7).

Il ressort de ces quelques réflexions non exhaustives que cette arme redoutable de sauvegarde des intérêts budgétaires ne saurait justifier l'ensemble des atteintes portées à nos principes constitutionnels.

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