Le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d'un recours. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l'accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même et elles ne se concilient avec l'article 6 § 1 de la CESDH (
N° Lexbase : L7558AIR) que si elles tendent à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Tel n'est pas le cas en l'espèce de l'approche par trop formaliste des conditions de recevabilité du pourvoi en cassation opérée par la haute juridiction grecque. Tel est le sens de l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme le 7 janvier 2010 (CEDH, 7 janvier 2010, Req. 34198/07, Dimopoulos
N° Lexbase : A1334EQH).
Dans cette affaire, la Cour devait se prononcer sur la violation du droit d'accès à un tribunal contenu à l'article 6 § 1 de la Convention en raison du rejet pour irrecevabilité par la Cour de cassation grecque du pourvoi formé par le requérant. La Cour considère que la Haute juridiction fixe en la matière une condition jurisprudentielle de recevabilité portant sur la clarté des moyens en cassation qui obéit, en général, aux exigences de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice. Toutefois, dans le cas d'espèce, elle considère que le pourvoi du requérant ne faisait pas peser sur la Cour de cassation la charge de rétablir les faits de l'espèce et de citer explicitement les dispositions pertinentes du droit interne. En effet, le moyen visait exclusivement la qualification juridique faite par la cour d'appel d'un accord conclu le 5 mai 2000 entre le requérant et son employeur relatif au montant des salaires impayés. Le fait déterminant de la cause pour l'examen de l'affaire devant la Cour de cassation était alors simple, il ne consistait qu'au contenu de cet accord et ressortait clairement des décisions des juridictions inférieures. Le juge suprême était, ainsi, en mesure de consulter aisément le texte de l'arrêt attaqué et de vérifier l'exactitude d'un simple fait inclus dans le pourvoi en cassation. De plus, les dispositions pertinentes étaient explicitement citées par le requérant dans son mémoire ampliatif ainsi que dans l'arrêt de la cour d'appel. Enfin, dans son pourvoi, le requérant avait expliqué les raisons pour lesquelles l'accord en cause n'était pas un "compromis" mais une "remise de dette". La Cour estime ainsi que la limitation au droit d'accès à un tribunal imposée par la Cour de cassation relève d'une approche par trop formaliste qui n'est pas proportionnée au but consistant à garantir la sécurité juridique et la bonne administration de la justice (sur le principe du droit à la sécurité juridique et à un procès équitable, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3794ETP).
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