La lettre juridique n°320 du 2 octobre 2008 : Responsabilité administrative

[Jurisprudence] La responsabilisation accrue des agents publics en cas de faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 8 août 2008, n ° 297044 et 311386, M. Mazière (N° Lexbase : A9588D9Y)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

le 07 Octobre 2010

Si les fonctionnaires et agents des collectivités publiques ne sont pas pécuniairement responsables envers les collectivités des conséquences dommageables de leurs fautes de service, il ne saurait en être ainsi lorsque le préjudice qu'ils ont causé à ces collectivités est imputable à des fautes personnelles détachables de l'exercice de leurs fonctions. L'affaire "Mazière" ici traitée (1), si elle peut se révéler classique dans le droit de la responsabilité, va nous permettre de revisiter les contours de la distinction ainsi opérée. En effet, la mise en oeuvre de la responsabilité en cas de faute personnelle et/ou de faute de service implique, en elle-même, la conciliation d'intérêts potentiellement divergents (ceux de l'agent, de la victime et enfin du service) difficiles à concilier. La victime veut obtenir réparation du préjudice subi et doit, à cette fin, trouver un débiteur solvable. Elle doit donc logiquement préférer mettre en cause la responsabilité de l'administration plutôt que celle de l'agent auteur de la faute personnelle, dont la solvabilité peut être douteuse. Le fonctionnaire, quant à lui, a avantage à bénéficier d'une impunité complète sur le plan patrimonial, tant à l'égard de la victime qu'à l'égard du service dont il dépend. L'administration, pour sa part, est animée par le double souci de ménager les deniers publics et de préserver son image, préoccupations qui tendraient à étendre la responsabilité personnelle des agents publics. Il semble, à cet égard, que le traitement de la distinction faute personnelle - faute de service s'oriente vers une responsabilisation accrue des agents en cas de faute, et d'une accentuation conséquente des exonérations ou des possibilités d'indemnisation de l'administration, ce dont témoigne l'arrêt d'espèce.

Le 20 mai 1989, un gendarme auxiliaire effectuant son service national, qui s'était vu confier une mission de transport de courrier, a, sans autorisation, pris à bord du véhicule militaire destiné à cette mission un autre appelé, et s'est détourné de son itinéraire pour permettre à celui-ci de prendre de l'argent à un distributeur automatique. A cette occasion, il a causé un accident de la circulation dont il a été reconnu seul responsable, et pour lequel il a été condamné à deux peines d'amende. Cet accident a occasionné des dommages corporels au passager du véhicule adverse et matériels aux deux véhicules en cause, à la réparation desquels l'Etat a procédé avant d'émettre un titre de perception à l'encontre de l'intéressé.

L'Etat a effectué la réparation de ces dommages et a émis, le 22 juillet 1996, à l'encontre du gendarme auxiliaire, un titre de perception d'un montant de 17 040,14 euros correspondant à l'indemnisation des préjudices subis. Par requête du 4 avril 1997, le gendarme auxiliaire, après avoir préalablement saisi le trésorier payeur général, a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation du titre de perception.

Par jugement du 11 décembre 2002, cette juridiction a annulé le titre en estimant que "dans les circonstances de l'affaire, les faits reprochés à M. M. ne caractérisent pas une faute personnelle détachable du service de nature à engager sa responsabilité pécuniaire devant l'Etat". Par un arrêt en date du 26 juin 2006, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement, contrairement à ce que préconisait le commissaire du Gouvernement, Laurence Helmlinger, dans ses conclusions qui étaient favorables au rejet du recours du ministre de la Défense (2). La cour a jugé que "la faute personnelle commise par M. M., quel qu'en soit le degré de gravité, est de nature à engager envers l'Etat sa responsabilité pécuniaire sans qu'il puisse se prévaloir de l'existence d'une faute du service public, engageant la responsabilité de l'Etat envers la victime, pour soutenir que sa responsabilité personnelle s'en trouverait atténuée", et que "les transactions légalement intervenues entre le ministre de la Défense et les victimes de l'accident causé par M. M. [....] au vu du rapport préliminaire constatant les dégâts subis et des conclusions de l'expertise ordonnée par le tribunal de police de Longjumeau, sont opposables à l'intéressé". Le gendarme auxiliaire s'est, alors, pourvu en cassation.

Il ressort de la décision du Conseil d'Etat que l'accident dont l'Etat a réparé les conséquences dommageables, et pour lequel il a demandé à l'intéressé de rembourser les dépenses engagées, est survenu alors que l'intéressé s'est détourné de son trajet pour permettre à un autre appelé de prendre de l'argent à un distributeur automatique. Cette modification du trajet répondait à des fins personnelles. La faute ainsi commise par l'intéressé en se détournant de l'objet de sa mission pour répondre à des fins privées constitue donc une faute personnelle (3).

La faute ayant été commise par l'intéressé en dehors de l'exercice de sa mission, le degré de gravité de cette faute est sans incidence sur l'étendue de la responsabilité pécuniaire de son auteur à l'égard de son administration. En effet, s'agissant d'une faute personnelle, il n'y a pas à rechercher l'incidence que pouvait avoir la situation de subordination hiérarchique dans laquelle se trouvait l'intéressé. Les transactions intervenues pour clore le litige civil relatif aux conséquences de l'accident pouvaient être prises en considération, même si celui-ci n'y était pas partie, pour juger que l'Etat était fondé à réclamer à l'intéressé, en raison de sa faute personnelle, le remboursement des sommes versées au titre de ces transactions.

La décision du Conseil d'Etat ainsi développée est intéressante à plus d'un titre, en ce qu'elle montre, qu'en la matière, il n'existe pas de solution idéale et simple qui serait toujours valable, mais plutôt des compromis empiriques et provisoires. Pour autant, cette jurisprudence du juge administratif marque, notamment, un enrichissement dans l'appréciation de la distinction entre faute personnelle et faute de service (I). Elle semble suggérer, aussi, une responsabilisation accrue des agents publics en cas de faute et, donc, une accentuation corrélative des possibilités d'exonération ou d'indemnisation de l'administration à travers l'exercice de l'action récursoire de l'Etat contre ses agents alors fautifs (II).

I - Un enrichissement dans l'appréciation de la distinction faute personnelle - faute de service

Dans son appréciation de la faute commise en l'espèce, le juge administratif se livre à une analyse assez stricte des faits. Il ne retient pas la notion de faute détachable non dépourvue de tout lien avec le service alors que le cas d'espèce pouvait s'y prêter, et que la jurisprudence semblait s'orienter jusque-là dans cette direction (A). Le juge écarte aussi, de manière assez sévère, la situation de subordination hiérarchique dans laquelle se trouvaient les agents publics, en l'espèce pour qualifier ainsi, au final, la faute de faute personnelle (B).

A - La non-application de la notion de faute détachable non dépourvue de tout lien avec le service

La notion d'acte détachable, ou de faute détachable "non dépourvue de tout lien avec le service" est, justement, née dans le contentieux des accidents provoqués à l'occasion de l'usage de véhicules administratifs à des fins personnelles. Il ressort de la jurisprudence que ce "lien avec le service" est principalement temporel, à savoir que présente un lien avec le service tout acte accompli pendant le temps de service. Peu importe que l'acte n'ait aucun rapport avec l'accomplissement normal, même défectueux du service, il suffit qu'il ait été accompli à un moment où l'agent public était censé consacrer son temps à une mission donnée par l'autorité administrative, ou se trouvait sous sa dépendance. Des agressions, des vols, des blessures, des meurtres et des viols pourront, ainsi, être considérés comme non dépourvus de tout lien avec le service.

Il en a été jugé ainsi, pour des policiers, des douaniers, des militaires, des sapeurs-pompiers, qui sont réputés "en service", même s'ils ont momentanément abandonné leur poste ou leurs missions (4). Parfois, il arrive au juge administratif de préciser que la responsabilité de l'administration est engagée à raison de ce lien temporel en affirmant, par exemple, que ladite faute, commise par cet agent pendant la durée du service, et alors même que son acte serait étranger aux fonctions qui lui étaient confiées, n'est pas dépourvue de tout lien avec le service (5).

Pour autant, si pour rattacher l'accident litigieux au service, le juge administratif prend en considération la circonstance qu'il a eu lieu pendant le temps de service, il faut reconnaître que la jurisprudence est très nuancée et ne peut être résumée en cette seule indication. Le lien temporel est plus un "indice" qu'un véritable "critère". Des fautes personnelles commises pendant le temps de service sont, néanmoins, jugées "détachables" à raison, soit de leur caractère inexcusable (6), soit de l'existence de rapports d'ordre privé entre l'agent coupable et la victime (7). En l'espèce, aucune de ces justifications ne permet pourtant de détacher la faute du service, puisqu'elle ne présente pas un caractère inexcusable et qu'il n'existe pas de rapports d'ordre privé entre l'agent coupable et la victime.

Au total, la notion de faute détachable non dépourvue de tout lien avec le service ne saurait être définie avec une totale précision. En tous les cas, c'est une notion fonctionnelle, dont le rôle est de permettre l'extension de la responsabilité des personnes publiques. Cependant, en ne la retenant pas dans le cas d'espèce, le Conseil d'Etat marque sa volonté de faire ressortir une certaine responsabilisation de la part des agents publics, tout comme il rappelle sa volonté de ne pas trop s'immiscer dans le service public de l'armée.

On avait pourtant relevé, dans la jurisprudence un peu plus récente, une tendance à l'élargissement de la notion de faute personnelle non détachable du service. Celle-ci avait été marquée, par exemple, par l'arrêt "Ministre de la Défense c/ Mlle Poirée" (8). En l'espèce, une mineure avait été tuée par un gendarme affecté au peloton de surveillance et d'intervention dans la commune. L'assassinat avait été exécuté avec l'arme personnelle du meurtrier et en dehors des heures de service. Cependant, le Conseil d'Etat ne le juge pas "dépourvu de tout lien avec le service" et, par conséquent, l'Etat en supporte les conséquences dommageables, puisque c'est l'exercice des fonctions qui avait permis au meurtrier d'échapper aux recherches engagées à la suite de ses méfaits antérieurs, et de poursuivre ses activités criminelles.

B - L'appréciation sévère de la situation de subordination hiérarchique dans la qualification de faute personnelle

Lorsqu'un fonctionnaire agit sur ordre ou sur instruction de ses supérieurs, sa responsabilité personnelle ne peut pas, en principe, être mise en jeu puisqu'en vertu de son statut, il doit leur obéir. Cette solution est très ancienne et les décisions prises en la matière précisent, dans leurs motifs, que l'agent qui agit en vertu d'instructions ou de consignes venant d'un supérieur ne commet pas de faute personnelle, dès lors qu'il se borne à exécuter les ordres reçus (9). Cette règle est d'autant plus logique que certains corps de la fonction publique sont astreints à un devoir d'obéissance particulièrement strict. C'est, notamment, les cas des militaires et des fonctionnaires de police.

Cette règle comporte, cependant, des correctifs dans deux séries de cas. Le premier cas concerne les ordres manifestement illégaux (10), même si dans ce cas de figure la qualification de faute personnelle n'est pas systématique. Ainsi, dans une décision récente, le Tribunal des conflits a jugé que, malgré l'illégalité manifeste de l'ordre donné, la faute commise par l'agent n'était pas une faute personnelle (11). Ce qui importe pour qualifier dans ce cas de figure la faute de détachable semble en, conséquence, être moins le caractère illégal de l'ordre que la place de l'agent dans la hiérarchie administrative et son rôle dans le processus décisionnel.

Le second cas est celui où le fonctionnaire a dépassé les instructions qui lui avaient été données (12). C'est le cas en l'espèce, l'agent pouvant se dégager de sa responsabilité personnelle en montrant qu'il aurait agi dans le seul cadre de l'application d'un ordre reçu. En effet, dans cette hypothèse, l'on peut considérer que la mise en oeuvre de l'acte résulte simplement du principe d'obéissance et non pas d'une initiative personnelle de l'agent, qui ne peut être jugée que minime, en l'espèce. C'est en sens contraire qu'ont pourtant statué successivement la cour administrative d'appel de Paris et le Conseil d'Etat.

Il est constant que le gendarme devait, ce jour-là, sur ordre de service, transporter du courrier entre la base de son unité et la base de sa compagnie, distante d'environ 5 kilomètres. Il est tout aussi constant qu'il a pris à bord de son véhicule l'un de ses camarades, tout deux souhaitant profiter du trajet pour retirer de l'argent à un distributeur de billets, ce qui a occasionné un détour représentant quelques centaines de mètres. C'est après cet arrêt et en rejoignant l'itinéraire normal que l'accident s'est produit. De plus, si les parties divergent sur les conditions dans lesquelles la hiérarchie immédiate des deux intéressés a autorisé ou non cet écart, il a pu être signalé que le gendarme avait bien été autorisé à s'absenter pour aller chercher de l'argent, même si le fait de prendre l'un de ses camarades n'avait pas, en tant que tel, était avalisé. Rien ne justifie donc, en l'espèce, que les conséquences dommageables de l'accident soient mises à la charge de l'intéressé ou, tout le moins, certainement pas en totalité. Il semble bien que la situation de subordination hiérarchique aurait mérité à cet égard une attention un peu plus conséquente.

II - Une volonté accrue de réhabilitation de l'action récursoire de l'Etat contre ses agents

Il ressort de la décision du Conseil d'Etat une volonté de responsabilisation accrue des agents fautifs et donc, corrélativement, une accentuation des possibilités d'exonération ou d'indemnisation de l'administration à travers l'exercice de l'action récursoire. Le Conseil d'Etat ne retient pas, en effet, dans son appréciation, le critère de gravité de la faute et ne qualifie pas spécifiquement la faute, en l'espèce (A). Il en fait de même pour le partage de responsabilité qui apparaissait plus logique en l'espèce, en raison d'un acte commis pendant le service et répondant aux nécessités de la vie courante (B).

A - Une faute de l'agent non spécifiquement qualifiée

Depuis le revirement réalisé par les arrêts "Laruelle" et "Delville" du 28 juillet 1951 et confirmé par la jurisprudence postérieure (13), un jeu de recours existe, désormais, entre l'administration et le fonctionnaire. Dans ces rapports trouve place une nouvelle notion de faute personnelle, qui a été identifiée comme telle par de nombreux auteurs (14). Par comparaison avec la faute personnelle traditionnelle, la notion étudiée ici présente une singularité. La première singularité tient à son rôle qui se situe, non dans le cadre de la poursuite personnelle dirigée par la victime contre l'agent, mais bien plutôt dans celui des rapports existant entre le fonctionnaire et le service public dont il fait partie. Il s'agit donc là, non pas tant de chercher à qui est imputable le fait dommageable, mais de sanctionner un manquement de l'agent aux lois et règles du service.

La faute détachable qui doit être appréciée dans le cadre de l'action récursoire de l'administration est distincte de celle qui a précédemment fondé l'action de la victime. Dans toutes ces affaires d'accident automobile, l'action de la victime tient exclusivement à la faute commise par le chauffeur du véhicule dans la conduite de celui-ci. En revanche, dans le cadre de l'action récursoire, la faute qu'il convient d'apprécier porte sur l'utilisation du véhicule de service à des fins étrangères audit service.

La faute détachable de l'agent qui fonde l'action récursoire de l'administration doit être, en ce sens, spécifiquement qualifiée. C'est de la sorte que juge le Conseil d'Etat dans l'arrêt "Moine" qui ne portait pas, il faut le noter, sur un accident de la circulation mais sur un accident de tir, en affirmant explicitement que c'est en raison de "l'extrême gravité" de cette faute qu'il est justifié que soit mise à la charge de l'agent la totalité des conséquences dommageables de l'accident (15). En effet, le remboursement à l'Etat que doit effectuer l'agent est proportionnel, en principe, à la gravité de la faute personnelle (16).

Ce n'est pas ainsi qu'ont jugé la cour administrative d'appel de Paris et le Conseil d'Etat, témoignant des difficultés rencontrées par le juge pour mettre en cause l'armée, les juges affirmant, successivement que, "la faute ayant été commise par l'intéressé en dehors de l'exercice de sa mission, le degré de gravité de cette faute est sans incidence sur l'étendue de la responsabilité pécuniaire de son auteur à l'égard de l'administration".

En cela, le juge, même s'il reprend en la matière sa jurisprudence classique, ne semble pas confirmer sa jurisprudence "Moine" précitée, alors que tout comme dans l'arrêt "Mazière", les faits de l'espèce diffèrent sensiblement. Toutes les affaires portaient, en effet, sur des virées organisées par des militaires, en dehors de tout déplacement de service, pour des fins exclusivement personnelles et de nature plutôt ludique. Dans certaines d'entre elles, le détournement du véhicule de service avait, de surcroît, été assorti de circonstances aggravantes : conduite en état d'ébriété ou sans permis. En l'espèce, rien de tel car si le gendarme a très certainement méconnu le règlement militaire, la faute n'est pas d'une gravité telle qu'elle justifie que les conséquences dommageables de l'accident soient mises à la charge de l'intéressé, a fortiori en totalité (17).

B - Un partage de responsabilité qui aurait pu se justifier

Pour le commissaire du Gouvernement Questiaux, la responsabilité pécuniaire du fonctionnaire est "une forme moderne de la responsabilité disciplinaire" qui suppose d'"arbitrer l'indemnité de ce type d'affaires compte tenu des besoins du service, d'en faire une sorte d'amende adaptée à la gravité de la faute, de ses conséquences ou à d'autres considérations telles que la récidive ou les capacités financières de l'agent" (18).

En ce sens, la responsabilité de l'agent fautif doit toujours être adaptée à la gravité de la faute commise. En l'espèce, il convient au juge administratif d'effectuer un arbitrage entre les différents intérêts en présence et, en ce sens, le partage de responsabilité s'imposait eu égard à la faible gravité de la faute. Il semble que cet arbitrage n'ait pas été effectué en l'espèce. Le caractère bénin de la faute interdisait, en tout état de cause, de mettre à la charge de l'intéressé la totalité des conséquences dommageables de l'accident.

Les premiers juges ont pu relever qu'aucun itinéraire précis n'a été imposé à l'intéressé et qu'il ne s'est détourné de l'itinéraire le plus direct que, pour une brève durée et sur une courte distance, afin d'accomplir un acte répondant à une nécessité de la vie courante. Cette dernière notion est, à cet égard, empruntée à la jurisprudence sur les accidents de service (19), mais elle signifie, surtout, que, comme pour la qualification donnée à un accident de service, l'accomplissement d'un tel acte n'était pas de nature à distraire réellement l'agent de son service.

En l'espèce, l'indemnisation versée aux victimes par l'administration est déjà très conséquente pour le budget d'un particulier et, a fortiori pour un jeune appelé du service national. Cependant, elle aurait tout aussi bien pu représenter dix fois cette somme si le préjudice corporel subi par les occupants du véhicule percuté avait été plus lourd. En ce sens, il aurait été assez logique et juste que le juge administratif restaure une proportionnalité de la sanction pécuniaire infligée à l'agent, indépendamment de toute appréciation tenant à un éventuel cumul de sa propre faute avec une faute de service.

Ce n'est pas la direction qu'a prise le Conseil d'Etat, la Haute juridiction indiquant, au surplus, "que la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, prendre en considération les transactions intervenues pour clore le litige civil relatif aux conséquences de l'accident causé par M. Mazière, même si celui-ci n'y était pas partie, pour juger que l'Etat était fondé à réclamer à l'intéressé, en raison de sa faute personnelle, le remboursement des sommes versées au titre de ces transactions".


(1) CE 2° et 7° s-s-r., 8 août 2008, n ° 297044 et 311386, M. Mazière.
(2) Cf. concl. Helmlinger sous CAA Paris, 3ème ch., 26 juin 2006, n° 03PA01323, Ministre de la Défense (N° Lexbase : A8156DQ7), AJDA, 2006, p. 1794.
(3) CE, 18 novembre 1949, n° 91864, Mlle Mimeur (N° Lexbase : A2539B8K), Defaux et Besthelsemer, Rec. CE, p. 492.
(4) Voir, par ex., CE, 12 mai 1950, Epoux Giorgelli, Rec. CE, p. 287 ; CE, 11 mai 1953, Oumar Samba Niang Harane, Rec. CE, p. 218, ou encore CE, 27 février 1981, n° 13906, Commune de Chonville-Malaumont (N° Lexbase : A6051AKC), Rec. CE, p. 116.
(5) CE, 21 janvier 1970, n° 75626, Société générale entreprise toulousaine et Compagnie la Winterthur.
(6) T. conf., 9 juillet 1953, Veuve Bernadas, Rec. CE, p. 593, JCP éd. G, 1953, II, 7797, note Rivero.
(7) CE, 23 juin 1954, Veuve Litzler, Rec. CE, p. 376.
(8) CE, 1er mars 1989, n° 74953, Ministre de la Défense c/ Mlle Poirée (N° Lexbase : A1898AQD), Rec. CE, tables, p. 920.
(9) Cf. par ex., T. conf., 5 mai 1877, Laumonnier - Carriol, Rec. CE, p. 437, DP, 1878, 3, p. 13, concl. Laferrière ; T. conf., 15 mars 1889, Usannaz - Jorris, Rec. CE, p. 411 ; T. conf., 22 avril 1910, Piment, Rec. CE, p. 323.
(10) CE, 10 novembre 1944, Langneur, Rec. CE, p. 288, JCP 1945, II, n° 2852, note Chavanon, D., 1945, jurispr. p. 87, concl. Chenot ; CE, sect., 4 janvier 1964, Charlet et Ministre de l'Intérieur c/ Limonier et autres, Rec. CE, p. 1, AJDA, 1964, p. 447.
(11) T. conf., 18 octobre 1998, Préfet du Tarn c/ CA Toulouse, JCP éd. G, 1999, II, n° 10225, note O. Gohin, à propos de l'ordre donné par le maire à un agent de modifier frauduleusement un document annexé à un plan d'occupation des sols.
(12) T. conf., 29 juillet 1876, Lecoq, Rec. CE, p. 729 ; T. conf., 13 décembre 1879, Réquilé, Rec. CE, p. 803.
(13) CE, ass., 28 juillet 1951, n° 01074, Laruelle et Delville (N° Lexbase : A9260B8H), Rec. CE, p. 464 ; T. conf., 26 mai 1954, Moritz, Rec. CE, p. 708 ; CE, sect., 22 mars 1957, Jeannier, Rec. CE, p. 196, concl. J. Kahn ; CE, 19 juin 1959, Moritz, Rec. CE, p. 377.
(14) Cf. par ex., note Weil et concl. Kahn, D., 1957, jurispr. p. 748, note P. Louis-Lucas, JCP éd. G, 1957, II, n° 10303 bis.
(15) CE, 17 décembre 1999, n° 199598, Moine (N° Lexbase : A3840AXI), Rec. CE, p. 425, D., 2000, IR, p. 24, JCP éd. G, 2001, II, n° 10508, comm. R. Piastra.
(16) Les faits de l'espèce étaient, en effet, tragiquement simples dans la mesure où le lieutenant Moine avait tiré avec son arme de service sur le soldat placé sous ses ordres, lequel était décédé de ses blessures, d'où "l'extrême gravité" de la faute. Pour autant, l'administration avait eu connaissance des comportements déviants de l'agent et l'avait, néanmoins, affecté dans un îlot du Pacifique sans aucun contrôle hiérarchique possible.
(17) Cf., en ce sens, concl. Helmlinger précitées.
(18) Concl. sous CE, 6 mai 1966, n° 60547, Ministre des Armées c/ Chedru (N° Lexbase : A4228B7Q), Rec. CE 1966, p. 310.
(19) Voir, par ex., CE, 3 décembre 2004, n° 260786, Quinio (N° Lexbase : A1097DED), Rec. CE, p. 448, AJDA, 2005, p. 189, chron. C. Landais et F. Lenica.

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