La lettre juridique n°125 du 17 juin 2004 : Pénal

[Questions à...] Loi Perben II : questions à ... Maître Jean-Yves Le Borgne, avocat au barreau de Paris

Réf. : Loi n° 2004-204, 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (N° Lexbase : L1768DP8)

Lecture: 15 min

N1947ABQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Questions à...] Loi Perben II : questions à ... Maître Jean-Yves Le Borgne, avocat au barreau de Paris. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3206927-questions-a-loi-perben-ii-questions-a-maitre-jeanyves-le-borgne-avocat-au-barreau-de-paris
Copier

par Propos recueillis par Marine Parmentier et Julien Prigent, Avocats au Barreau de Paris

le 07 Octobre 2010

La loi Perben II a été définitivement adoptée le 11 février 2004 malgré les vives critiques dont le projet avait été l'objet en raison des menaces importantes qu'il faisait peser sur les droits de la défense. A l'exception de deux dispositions et de quelques réserves d'interprétation, elle a toutefois franchi le filtre du Conseil constitutionnel (décision n° 2004-492 DC, 2 mars 2004 N° Lexbase : A3770DBA). Cette loi est désormais en vigueur, même si l'application de certaines de ses dispositions a été différée, et a fait l'objet encore récemment d'une circulaire d'application (circulaire JUS-D-04-30092C, 14 mai 2004). Le président de l'association des avocats pénalistes (ADAP), Maître Jean-Yves Le Borgne, a accepté de revenir sur les grands changements opérés par cette loi et de nous faire partager son point de vue avisé sur ces différentes modifications. Me Parmentier : l'un des aspects le plus médiatique de la loi Perben II a été la création d'un régime spécifique à la criminalité organisée. Pouvez-vous en dégager les grandes lignes ?

Me Le Borgne : L'esprit de la loi, son intention officielle en tout cas, consiste à créer une procédure nouvelle pour des cas spécifiques.

Les cas spécifiques sont des cas dits de "criminalité organisée". C'est l'article 1er de la loi qui liste un certain nombre d'infractions qui vont être - c'était l'argumentation de ceux qui soutenaient la loi - les hypothèses exclusives dans lesquelles cette procédure d'exception sera appliquée.

Puis, à la suite de cet article, qui est un simple "catalogue" des infractions visées par la criminalité organisée, se trouve un autre article assez particulier qui prévoit les cas où les lois à venir envisageront l'applicabilité des éléments de cette nouvelle procédure en dehors ce ceux qui sont visés à l'article précédent. L'idée d'une généralisation du processus est posée d'entrée de jeu. C'est une généralisation potentielle, pas une universalisation puisqu'il est dit que, lorsque la loi le prévoira, les dispositions en question seront applicables aux crimes organisés autres que ceux déjà visés. Toutefois l'infraction devra néanmoins avoir été commise en bande organisée.

Me Parmentier : que recouvre cette notion de "bande organisée" ?

Me Le Borgne : C'est ici que le bât blesse et c'est d'ailleurs le point essentiel de la critique : le critère, c'est la bande organisée mais ce dernier n'est pas défini. Par exemple, en présence de deux personnes y a-t-il bande organisée ? On n'en sait rien. Par ailleurs, quelle est l'exigence du degré d'organisation ? On est tous organisés et, à moins de confusion mentale confinant à l'irresponsabilité pénale, il y a toujours un minimum d'organisation chez les individus.

Me Parmentier : quelles sont les conséquences de la commission d'une infraction en bande organisée ?

Me Le Borgne : L'une des premières conséquences, c'est la garde à vue de quatre jours. Certaines personnes n'en sont pas choquées, car cela existe déjà en matière de stupéfiants et de terrorisme. Mais on assiste à une large extension de ce régime jusqu'alors exceptionnel.

En outre il faudrait se poser une question dérangeante : la garde à vue est-elle légitime en soi ? Elle n'est, en effet, qu'une sorte d'intrusion subreptice dans le Code de procédure pénale d'une réalité difficilement contournable : celle du temps où la police se saisit d'un individu. On n'est pas encore à ce stade dans la phase judiciaire mettant en oeuvre des magistrats. Mais le problème, c'est qu'entre le temps "incompressible" du transfert de l'individu interpellé devant un magistrat et l'instauration d'une rétention constitutive d'un stade spécifique de l'enquête, il y a une grande différence. La garde à vue c'est le coin dans la bûche qui ne cesse de s'élargir. Il y a eu la garde à vue de 48 heures, puis maintenant la garde à vue de quatre jours.

Le bilan de cette évolution c'est que l'intervention des magistrats est plus en plus tardive, même si des autorisations judiciaires demeurent nécessaires pour que ces gardes à vue prolongées se déroulent.

Me Prigent : vous posiez la question de la légitimité de la garde à vue. Finalement, quelle est votre opinion sur ce point ?

Me Le Borgne : Je suis réservé sur la légitimité de la garde à vue en soi, car c'est un stade où la défense est extrêmement limitée alors que l'accusation est très forte, voire violente.

Ce qui me surprend, c'est que personne ne pourrait aujourd'hui envisager qu'un juge d'instruction entende quelqu'un sans son avocat, alors qu'il est admis, dans la garde à vue, qu'un policier puisse interroger un individu des heures durant sans que la défense n'intervienne !

La garde à vue est une sorte de "soft torture", un résidu humanisé de la torture de l'Ancien Régime, de "la question" de l'ancien droit : manque de sommeil, manque d'hygiène, angoisse, etc. Je suis en conséquence d'autant plus choqué qu'on en rallonge la durée.

A partir du moment où est quelqu'un est dans une situation d'infraction potentielle, il devrait y avoir déclenchement immédiat d'un système judiciaire. Or, ce n'est pas le cas : l'intervention des magistrats dans la garde à vue est, disons le, théorique. Même si le procureur ne s'est pas vu reconnaître la faculté de décider seul d'une garde à vue de quatre jours puisqu'il devra saisir le juge des libertés. En revanche le juge d'instruction, qui est un magistrat du siège, pourra décider seul de cette prolongation. Toutefois dans l'un et l'autre cas les magistrats ne seront pas les véritables décideurs car la suggestion viendra de la police.

En outre, même si la loi prévoit une première prolongation de 24 heures à l'issue des 48 premières heures, puis une deuxième prolongation de 24heures, elle pose qu'il pourra y avoir des "cas d'exception" où cette prolongation pourra être directement de 48 heures. En pratique, on assistera sûrement à une prolongation systématique de 48 heures à l'occasion d'une seule décision. C'est dire, en clair, que la précaution d'une double réflexion sur la nécessité de cette garde à vue prolongée sera contournée. Il n'est pas rare que l'exception devienne la règle, lorsque la loi l'autorise et que le confort de l'enquête y fait incliner

Cela pose aussi un autre problème : ce régime exceptionnel de garde à vue est limité, dit-on, à des cas déterminés, mais qui aura le pouvoir de décider si l'on est bien dans un tel cas ? Le magistrat qui n'a pas le dossier ou le policier qui va dire au magistrat qu'on est bien en présence d'un crime organisé ?

Me Parmentier : que se passe-t-il en cas d'erreur de qualification ?

Me Le Borgne : C'est notamment sur cette question que la loi Perben II a fait l'objet d'une censure par le Conseil constitutionnel. Initialement - le législateur avait vu la difficulté se profiler ! - en cas d'erreur sur la qualification et de garde à vue anormalement prolongée, la nullité de la procédure avait été exclue. Le Conseil constitutionnel a censuré la loi sur ce point. Mais cela ne veut pas dire que la jurisprudence admettra que l'erreur de qualification rende nulle la garde à vue. Il ne serait pas surprenant que pour sauver la procédure on se limite à une nullité des interrogatoires qui auraient eu lieu dans la période de prolongation qui n'aurait pas dû avoir lieu. On aboutirait alors non pas à une annulation de la garde à vue, mais à la seule annulation des actes accomplis au-delà de la durée normale de cette garde à vue. Quoiqu'il en soit, il faudra sur ce sujet attendre de voir ce que les Chambres de l'Instruction et la Chambre Criminelle feront de ce texte.

Me Prigent : une autre innovation majeure de cette loi, qui a fait couler beaucoup d'encre, est le "plaider coupable". Partagez-vous la réticence de la plupart des avocats à l'égard de cette nouvelle institution de notre droit pénal ?

Me Le Borgne : Effectivement, l'élément le plus novateur de la loi Perben II est l'intégration dans notre système juridique du plaider coupable.

Ce n'est toutefois pas un complet bouleversement de nos usages. La composition pénale qui existe depuis un certain temps, est très proche, dans l'esprit, du plaider coupable, si ce n'est qu'en matière de composition pénale, il n'y a pas de véritables sanctions, mais seulement des obligations de faire ou de cesser de faire (réparer le dommage, entreprendre des travaux, etc.).

Les délits pouvant faire l'objet d'un traitement par le "plaider coupable" ne peuvent être que des délits punis d'une peine de cinq ans d'emprisonnement maximum. Aujourd'hui ces délits ne sont pas les plus fréquents et le "plaider coupable" est donc limité aux infractions ayant une "importance relative".

Il y a tout de même des exceptions à l'application de cette formule procédurale nouvelle : les mineurs, les délits de presse, les personnes renvoyées en correctionnelle par ordonnance d'un juge d'instruction. Je ne suis pas, pour ma part, farouchement attaché à cette dernière exclusion. Pourquoi faudrait-il que la personne renvoyée en correctionnelle soit privée du plaider coupable ? Si l'ordonnance de règlement du juge d'instruction devenait une ordonnance de clôture constatant l'existence de charges suffisantes, pourquoi ne pas admettre l'idée que la suite en soit une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ? La question qui se pose, est de savoir pourquoi on donne au juge d'instruction le pouvoir de déterminer la manière dont on va juger, alors que dans tous les autres cas c'est le procureur qui décide de la voie procédurale, qu'il opte pour un classement sans suite, une composition pénale, une médiation pénale ou encore pour une citation directe à comparaître.

Me Prigent : quelles sont les peines encourues par le délinquant qui opte pour le "plaider coupable" ?

Me Le Borgne : La peine maximale encourue est d'un an d'emprisonnement ferme, sans qu'elle puisse être supérieure à la moitié du maximum pénal encouru : c'est, en quelque sorte, la prime incitative. On saura que, si l'on accepte un plaider coupable, on encourra pas plus d'un an d'emprisonnement et que, en toute hypothèse, on ne risquera pas plus que la moitié du maximum pénal.

De même, l'amende qui est encourue ne pourra être supérieure à la moitié de celle qui est légalement prévue.

J'estime que le plaider coupable est plutôt une bonne chose pour la défense, car il offre au prévenu le plafonnement prévu par la loi sans compter ce qu'on pourra négocier pour améliorer le sort des justiciables poursuivis.

Me Prigent : à la critique de certains qui prétendent que le plaider coupable transformerait l'avocat en un simple négociateur de peine, que répondez-vous ?

Me Le Borgne : quand on plaide devant un tribunal, on est souvent déjà dans une position de négociation. Me Polack, mon grand ancien, disait que les "avocats étaient des mendiants de liberté" ! Et il est vrai que, quand une infraction est à l'évidence constituée, l'avocat ne peut plaider que l'indulgence et la peine à "dimension humaine".

Il y a, par ailleurs, une chose que je trouve intéressante et dont, à ma connaissance, on n'a pas beaucoup parlé : la reconnaissance tardive de culpabilité. Lorsque nous aurons un client qui viendra nous voir avec sa citation en correctionnelle, on aura la possibilité de saisir le Procureur de la République en lui demandant d'abandonner la citation pour un "plaider coupable". Dans les cas de culpabilité avérée cette formule, on l'a dit, limitera les risques.

Me Parmentier : au regard de ces "avantages", pourquoi tant de gens s'y sont opposés ?

Me Le Borgne : Il y a d'abord l'idée que la négociation directe de la peine entre la défense et l'accusation, "à l'américaine", ne correspond pas à nos moeurs. Le fait que la formule légale inclut un juge de l'homologation repose d'ailleurs sur l'idée que seul le juge du siège est légitime à condamner et à prononcer une peine. Le procureur, lui, n'est admis qu'à présenter des sollicitations, au même titre que la défense.

Me Parmentier : parmi les rares dispositions censurées par le Conseil constitutionnel, certaines ne concernaient-elles pas le "plaider coupable" ?

Me Le Borgne : Oui, la lecture en audience publique de la décision d'homologation a notamment été rendue obligatoire. Cependant, l'un des avantages du plaider coupable, avant l'intervention du Conseil constitutionnel, était la discrétion qui peut, pour certains, présenter un réel intérêt.

Mais est-ce une solution admissible que de créer une catégorie de prévenus privilégiés qui pourrait voir leur déshonneur mis sous le boisseau ? Ce serait une formule procédurale difficile à justifier, même si l'on peut concevoir que la publicité de la condamnation constitue une sanction complémentaire. Par exemple, dans certaine procédures disciplinaires, la publicité d'une sanction est une peine complémentaire.

Me Prigent : que deviendra la reconnaissance de culpabilité en cas d'exercice du droit de remords et de l'appel ?

Me Le Borgne : Si le principe de l'existence d'un accord est connu de la juridiction, il sera toujours possible de plaider une autre peine, mais sera-t-il possible de plaider l'absence de culpabilité ?

C'est la dimension "pousse à l'aveu" du "plaider coupable". Certains soutiennent qu'aux Etats-Unis bon nombre de personnes avouent uniquement pour avoir une peine plus faible et échapper ainsi à un risque judiciaire plus important. Cette objection peut toutefois aussi exister devant un tribunal, même si cette hypothèse y est sans doute moins fréquente.

De plus, dans la majorité des affaires pénales - on le sait peu - les faits sont reconnus et il n'y a donc aucune discussion sur le principe de culpabilité.

Me Parmentier : par ailleurs, quelles modifications notables ont été apportées au régime des perquisitions ?

Me Le Borgne : Le régime des perquisitions a été également modifié par la Loi Perben II, et ce dans le sens d'une aggravation du régime. Tout d'abord, la nécessité de recueillir le consentement préalable et écrit de la personne chez qui la perquisition est effectuée a été supprimée. Par ailleurs, on note, avec ce nouveau texte, une extension des perquisitions de nuit : il est désormais possible (avec l'autorisation préalable du juge d'instruction et/ou du juge des libertés et de la détention) de perquisitionner des locaux d'habitation en dehors des heures légales. Cela marque une réduction du domaine réservé à l'intimité de la vie privée... D'une certaine façon, le législateur a considéré que cette inviolabilité est une sorte de rempart dressé de manière illégitime devant l'investigation "policiaro-judiciaire" qui est nécessairement conduite pour le bien public.

Un autre point marque le recul de la protection de la vie privée au regard de la procédure pénale : l'instauration de la sonorisation de lieux privés (on parle de sonorisation, mais il peut s'agir d'enregistrement de paroles ou d'images).

Il va y avoir des cas dans lesquels, pour placer le matériel d'enregistrement, il sera nécessaire de s'introduire dans des lieux privés : dans pareille hypothèse, l'autorisation est prévue même pendant la nuit, donc en dehors des heures légales. Bien sûr, il existe des garde-fous : il faudra, lorsqu'il s'agit d'un lieu d'habitation, l'accord du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention.

Ces mesures attentatoires à la vie privée nous invitent à nous demander si tout ce qui est principe de procédure exceptionnelle ne risque pas un jour de devenir l'ordinaire du droit ? Le doute est permis...

Me Parmentier : pouvez-vous nous présenter brièvement les mesures d'infiltration, le régime des repentis et le fichier des délinquants sexuels ?

Me Le Borgne : Concernant, tout d'abord, l'infiltration, il faut signaler qu'elle peut avoir une durée assez longue et qu'il est prévu une exonération de responsabilité pénale pour les infiltrés qui seraient susceptibles de commettre des délits pénaux (on se demande jusqu'où cela peut aller...).

Le témoignage de l'infiltré ne pourra pas être le seul élément à charge contre la personne poursuivie et, en principe, il sera même impossible de recevoir son témoignage. En effet recueillir le témoignage de la personne infiltrée, c'est donner son identité. Le fonctionnement mis en place est en quelque sorte celui des services secrets : il y a l'infiltré et l'officier traitant qui lui fera le rapport en fonction des éléments donnés, le signera de son nom et viendra témoigner. Toutefois, même si ce n'est pas la personne infiltrée qui témoigne, le rapport sera fait sur la base des éléments qu'elle aura fournis et le témoignage de l'officier traitant reprendra ces mêmes éléments...

Enfin, et toujours en matière d'infiltration, un nouveau délit a été créé : celui de la révélation de l'identité des personnes infiltrées, avec circonstances aggravantes lorsque la révélation aura entraîné des blessures, soit à l'infiltré, soit à sa famille. Cela répond à un souci de cohérence : dès lors qu'on met en place un système d'infiltration, il est nécessaire de prévoir la protection des personnes infiltrées.

Quant aux repentis, il s'agit d'un héritage de la culture américaine. Ce n'est pas complètement nouveau dans notre système juridique puisque cela existait déjà en matière de trafic de stupéfiants. Le recours aux repentis est donc étendu à certaines infractions autres que le trafic de stupéfiants. Il est prévu soit l'exonération de toute peine, soit la réduction de peine selon ce qu'a été l'impact du repentir.

Concernant, enfin, la création du fichier des délinquants sexuels, il faut signaler que le système mis en place est très dur puisqu'on va inscrire un nombre considérable de gens, y compris ceux qui sont mis en examen, donc présumés innocents. Toutefois, il est précisé que si ces personnes bénéficient d'un non lieu, leur nom sera effacé du fichier (le législateur a cru bon de le préciser...). En ce domaine est encore créé un nouveau délit : celui de la non-communication d'adresse par quelqu'un qui est inscrit sur le fichier des délinquants sexuels.

Ajoutons que pour certaines infractions particulièrement graves, l'amnistie ou la réhabilitation n'entraîne pas l'effacement du nom des délinquants du fichier. L'effacement peut être obtenu dans les hypothèses de non-lieu, d'acquittement ou de relaxe (tout de même !) sauf si le non-lieu, la relaxe ou l'acquittement est intervenu pour des raisons d'irresponsabilité psychiatriques.

En matière de délinquance sexuelle, soulignons également la création d'un nouveau délit de substitution de son matériel génétique. Il est intéressant de noter l'évolution : jusqu'à présent existait le délit d'usurpation d'état civil (consistant, notamment, à coller sa photographie sur la carte d'identité d'un tiers). Cette évolution est la traduction juridique de l'évolution scientifique : l'identité est devenue génétique et ne se matérialise plus uniquement par les papiers d'identité.

Il est enfin prévu l'obligation pour certains délinquants sexuels de donner du "matériel" pour permettre une identification génétique. Précisons même que pour permettre l'identification génétique, il est désormais possible de s'emparer de tout élément corporel qui se serait naturellement détaché de la personne physique...

Me Prigent : quels autres points importants de la loi méritent, selon vous, d'être soulignés ?

Me Le Borgne : Une disposition importante mais qui intéresse surtout les avocats a été créée par la loi Perben. Il s'agit de l'article 434-7-2 du Code de procédure pénale qui instaure un délit spécifique : celui de renseigner une personne concernée par une enquête sur son contenu, dès lors qu'on y a soi-même accès pour des raisons naturelles de procédure.

En pratique, ce texte concerne surtout les avocats qui sont les personnes les plus exposées à rencontrer des personnes intéressées par l'enquête. Il n'est pas rare qu'un complice de la personne poursuivie vienne voir l'avocat pour lui demander d'assurer la défense de cette dernière. Or, l'avocat ne sait pas nécessairement qu'il s'agit d'un complice. S'il divulgue des informations à cette personne, il encourt cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

En théorie, cette obligation existait déjà, les informations concernant une enquête en cours étant protégées par le secret professionnel. Mais la création de cette nouvelle infraction entraîne l'élévation de la peine encourue.

Me Prigent : la loi Perben II contient aussi un certain nombre de dispositions relatives à l'application des peines qui entreront en vigueur en 2007. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

Me Le Borgne : Au niveau de l'application des peines, on va assister à partir de 2007 à une forte judiciarisation.

Il y a un phénomène que je trouve également symptomatique : on pourra assortir une mise en liberté anticipée de conditions ressemblant un peu à un sursis probatoire. Ce processus trouvera à s'appliquer lorsqu'un détenu sera en fin de peine et qu'il aura accumulé des réductions de peine. Pendant le temps de ce qu'aurait été la peine s'il n'y avait pas eu de réduction, il pourra lui être imposé certaines obligations. En cas de violation de ces dernières, ces réductions de peines pourront être révoquées.

Le régime sera donc plus sévère que celui qui existe actuellement... Mais est-ce illégitime de conditionner un traitement de faveur au respect de certaines obligations, par exemple, celle de dédommager la victime ?

Me Parmentier : la loi Perben II a été déférée au Conseil constitutionnel. Que vous inspire la décision rendue à la suite de ce recours ?

Me Le Borgne : Ce que j'ai trouvé curieux dans cette décision, ce n'est pas tant ce qui a été censuré - finalement très peu de choses - que les recommandations qu'il formule. Finalement, le Conseil constitutionnel pressentait qu'avec cette loi, on s'approchait de quelque chose d'assez délicat au regard des libertés publiques.

En substance, cette loi est dans l'air du temps : sécurité à tout prix. Mais le problème, c'est la légitimité d'une procédure attentatoire aux libertés individuelles au seul motif de l'efficacité de la répression.

Me Prigent : Pour conclure, quelle sera, selon vous, l'attitude des magistrats à l'égard de cette loi ?

Me Le Borgne : Je pense que les magistrats sont, d'une manière générale, assez favorables à l'extension du pouvoir judiciaire. Mais, il faut souligner que la loi Perben a une sorte de philosophie interne : elle accorde de plus en plus de pouvoir au parquet et de moins en moins aux juges... Notamment, on est en droit de s'interroger sur la position des juges d'instruction qui ne voient pas explicitement leur fonction supprimée, mais qui ne pourront que constater que leur pouvoir de décision et leur domaine d'intervention se réduisent. L'enquête est destinée à devenir de plus en plus policière. Prenons l'exemple des écoutes téléphoniques : elles faisaient partie du domaine réservé au juge d'instruction. Désormais, et depuis la loi Perben II, elles deviennent possibles en cas d'enquête préliminaire sur la seule demande du Procureur.

newsid:11947

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.