Lecture: 11 min
N0312BWH
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
le 10 Décembre 2015
Le 28 septembre 2015, Claude Bartolone, Président de l'Assemblée nationale, et Laura Boldrini, Présidente de la Chambre des députés de la République Italienne, ont signé une déclaration commune sur les droits et devoirs numériques du citoyen qui est le fruit du travail de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l'âge du numérique, co-présidée par le député Christian Paul et Christiane Féral-Schuhl, et de la Commission d'études sur les droits et devoirs sur Internet, co-présidée en Italie par Laura Boldrini et Stefano Rodotà. Les Commissions déclarent qu'elles souhaitent que le principe de neutralité d'internet et le droit à l'autodétermination informationnelle soient consacrés. Elles considèrent également que le droit à l'effacement doit être précisé et réaffirment le caractère indispensable de l'éducation au numérique.
II - Infractions de presse
Un homme politique a porté plainte pour injure publique contre le directeur de publication de blogs hébergés sur des sites internet. Dans un jugement du 11 septembre 2015, le TGI de Paris a jugé que "les limites de la critique admissible éta[ient] nettement plus larges à l'égard d'un homme exerçant des responsabilités politiques" et que, par conséquent, certains des propos incriminés "qui ont légitimement pu blesser [...] par leur virulence et leur vivacité" ne caractérisaient pas des injures. Quant au reste des propos, le TGI a estimé qu'il ne s'agissait que d'appréciations critiques des compétences d'un homme politique.
Condamné en première instance pour propos diffamatoires, l'auteur d'un blog hébergé sur un site d'information a interjeté appel soutenant notamment que seul le directeur de publication du site pouvait être poursuivi en qualité "d'auteur principal"des délits en application de l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW). Dans un arrêt du 12 octobre 2015, la cour d'appel de Montpellier a rejeté cet argument en retenant que ce texte ne s'appliquait pas en l'espèce et que "lorsque les infractions de diffamation publique et injure publique sont commises par un moyen de communication au public par voie électronique", l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 (loi n° 82-652, sur la communication audiovisuelle N° Lexbase : L0991IEG) s'applique. Conformément à ce texte, dans la me sure où le blog de l'auteur est hébergé dans "un espace de contribution personnelle identifié comme tel" par le site d'information, le directeur de publication dudit site ne pouvait voir sa responsabilité pénale engagée comme "auteur principal" puisqu'il ne résultait pas des faits de l'espèce qu'il avait eu connaissance de ces articles avant leur mise en ligne.
Des personnes soutenant une liste électorale et visées dans des commentaires négatifs publiés sur le blog d'une association soutenant une liste opposée avaient assigné en référé ladite association ainsi que la directrice de publication du blog pour diffamation. Par un arrêt du 29 octobre 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé l'ordonnance du président du TGI de Marseille retenant que le juge des référés était compétent pour vérifier si un trouble manifestement illicite avait existé, même si celui-ci avait disparu au jour où il statuait. La cour a également confirmé l'ordonnance en ce qu'elle avait jugé, au visa notamment de la loi du 29 juillet 1881, que le caractère diffamatoire des propos était manifeste, que le préjudice subi n'était pas sérieusement contestable et qu'il justifiait l'octroi d'une provision et l'interdiction faite aux défenderesses de publier à nouveau tout propos diffamatoire sous astreinte.
III - Concurrence
Une société exerçant des activités de traduction avait conclu une transaction avec un éditeur de logiciels par laquelle ce dernier renonçait à l'utilisation de deux marques comportant sa dénomination sociale en France. S'étant aperçue que l'éditeur commercialisait un logiciel dont le nom comportait sa dénomination, elle l'a assigné en justice pour violation des dispositions de la transaction. Par un arrêt du 2 octobre 2015, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'"il a ordonné à [l'éditeur] de ne plus faire usage, sur le territoire de la France, d'une dénomination comportant le nom de [la demanderesse]" ? La cour a estimé que, contrairement à ce qu'affirmait l'éditeur, la transaction était limitée géographiquement et quant à son objet et qu'elle ne pouvait être considérée comme perpétuelle puisqu'elle "peut cesser de s'appliquer en cas de non usage ou d'abandon de la marque".
IV - Cybersurveillance
La proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales a été adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 5 novembre 2015. La loi a été publiée au Journal officiel du 1er décembre 2015. Ce texte fait suite à la censure par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2015-478 QPC, du 24 juillet 2015 N° Lexbase : A9644NM7) de certaines dispositions de la loi sur le renseignement (loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 N° Lexbase : L9309KBE) et propose un dispositif législatif permettant d'encadrer la surveillance des communications internationales visant à répondre aux exigences du Conseil constitutionnel. Il est prévu que cette surveillance porte à la fois sur les données de connexion et les correspondances et que les autorisations permettant ces surveillances soient délivrées par le Premier ministre ou un de ses délégués.
VI - Contrats informatiques
Une agence de communication a assigné en paiement une société gérant un hôtel avec laquelle elle avait conclu un contrat de conception et de réalisation d'un site internet marchand et qui s'était abstenue de régler la totalité des factures en raison de son insatisfaction. Condamnée en première instance, la cliente a interjeté appel et demandé la résolution du contrat pour manquement par l'agence à son devoir de conseil. Dans un arrêt du 16 octobre 2015, la cour d'appel de Paris a fait droit à cette demande en jugeant que l'agence "était débitrice envers [la cliente] d'un devoir de conseil" et qu'à cet égard il lui appartenait non seulement d'informer la cliente des limites de sa prestation, mais également de se renseigner sur ses besoins et de l'aider à les exprimer. La cour a considéré que la clause des conditions générales de vente obligeant la cliente à spécifier ses attentes concernant certains besoins spécifiques n'avait pas pour objet de restreindre le domaine du devoir du conseil de l'agence.
Un contrat de maintenance et un contrat de location financière portant sur une borne interactive avaient été conclus par une société exploitant une pharmacie avec un prestataire informatique et une société spécialisée dans la location de matériel informatique. La société de location financière a assigné la cliente en paiement des loyers échus devant le tribunal de commerce qui a fait droit à ses demandes. La cliente a donc interjeté appel soutenant notamment que le contrat de location était nul. Par un arrêt du 28 octobre 2015, la cour d'appel de Paris a rappelé que seul l'anéantissement du contrat principal de maintenance peut entraîner celui du contrat de location et qu'en l'espèce tel n'était pas le cas. Elle a également conclu à la validité du contrat qui avait bien été signé et tamponné par la cliente et à l'opposabilité des conditions générales qui se trouvaient au verso du contrat, le recto contenant une clause d'acceptation de ces conditions.
Une société de conseil de gestion a assigné en rupture abusive de relations précontractuelles un éditeur de logiciel spécialisé dans le secteur de la santé avec lequel elle avait conduit des négociations en vue de la signature d'un contrat de distribution. Dans un arrêt du 29 octobre 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a jugé que la rupture des relations précontractuelles était bien intervenue à l'initiative de l'éditeur de logiciels, dans la mesure où après avoir reçu un exemplaire du contrat définitif aux fins de signature, celui-ci avait annoncé ne pas vouloir signer. La cour a également jugé que l'envoi du contrat finalement signé par l'éditeur plus de deux mois après son annonce de ne pas le signer, ne pouvait être regardé comme fait de bonne foi et scellant valablement un accord entre les parties. Par conséquent, la cour impute exclusivement à l'éditeur la rupture unilatérale des relations précontractuelles.
Une société de maîtres d'oeuvre en bâtiment avait conclu un contrat de licence de progiciel destiné aux bureaux d'études en construction auprès d'un éditeur qui s'était engagé à assurer la maintenance du progiciel moyennant une redevance mensuelle. Ce dernier ayant assigné sa cliente en paiement des redevances impayées, la cliente a formé une demande reconventionnelle pour "fourniture d'un logiciel impropre à l'usage auquel il était destiné. Par un arrêt du 20 novembre 2015, la cour d'appel de Paris a caractérisé un manquement de l'éditeur à son obligation de conseil en retenant que ce dernier avait "sous-estimé les besoins de son logiciel" et "n'a[vait] pas su conseiller
VII - Données personnelles
Des photos et vidéos à caractère pornographique sur lesquelles une femme était identifiable, et qui précisaient son prénom, son âge, sa nationalité, ses pratiques sexuelles et son lieu de résidence ont été diffusées sur un site internet et sur les réseaux sociaux sans son consentement et sans que celle-ci n'ait été informée. Ayant demandé en vain leur retrait, elle a assigné le réalisateur et sa société de production notamment pour traitement automatisé illicite de ses données. Par un jugement du 21 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que le traitement litigieux ne respectait pas les conditions de licéité prévues par la loi "Informatique et libertés" (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 N° Lexbase : L8794AGS), faute pour les défendeurs d'avoir informé l a demanderesse et recueilli son autorisation. Il a également estimé que "le refus par les défendeurs d'effacer les données personnelles de la demanderesse caractéris[ait] le délit prévu et réprimé par l'article 226-18-1 du Code pénal (N° Lexbase : L4481GT7)".
A la suite de l'invalidation du "Safe Harbor" (CJUE, 6 octobre 2015, aff. C-362/14 N° Lexbase : A7248NSA), la CNIL a publié le 19 novembre 2015 des recommandations pour les entreprises souhaitant transférer des données entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Le G29 ayant appelé les institutions européennes à construire un nouveau cadre juridique permettant de réaliser de tels transferts avant le 31 janvier 2016, la CNIL conseille à ces entreprises, jusqu'à cette date, de recourir aux Binding Corporate Rules et aux clauses contractuelles types, adoptées par la Commission européenne.
Par une décision du 26 novembre 2015, le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité d'articles du Code de la sécurité intérieure issus de la loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales (loi n° 2015-1556 du 30 novembre 2015, relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales N° Lexbase : L1985KSC ; cf. supra). Le Conseil a jugé que ces articles ne portaient pas d'atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances. Le Conseil a également relevé que "le législateur a précisément circonscrit les finalités permettant de recourir au régime d'autorisation des mesures de surveillance des communications émises ou reçues à l'étranger" et qu'il "a assuré une conciliation qui n'est pas manifestement disproportionnée entre le droit à un recours juridictionnel effectif et le secret de la défense nationale".
VIII - Commerce électronique
Le décret n° 2015-1382 d'application de l'ordonnance (ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015, relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation N° Lexbase : L3397KGW) qui a transposé en droit français la Directive européenne 2013/11 du 21 mai 2013, relative au règlement extra-judiciaire des litiges de consommation N° Lexbase : L5054IXH) a été publié le 31 octobre 2015. Désormais, les professionnels responsables de sites marchands doivent adapter leurs sites afin de communiquer aux consommateurs les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont ils relèvent, en les inscrivant de manière visible et lisible sur leurs sites, sur leurs conditions générales de vente ou de service, sur leurs bons de commande ou sur tout autre support adapté.
IX - Communications électroniques
Le 27 octobre 2015, le Parlement européen a adopté une résolution législative approuvant la position du Conseil en première lecture en vue de l'adoption du règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures relatives à l'internet ouvert modifiant la Directive 2002/22 du 7 mars 2002 (N° Lexbase : L7189AZB) et le Règlement n° 531/2012 du 13 juin 2012, concernant l'itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l'intérieur de l'Union (N° Lexbase : L6684ITQ). Ces textes prévoient l'interdiction à partir du 15 juin 2017 des frais d'itinérance pour les appels, l'envoi de SMS ou l'utilisation de l'internet mobile à l'étranger au sein de l'UE. Ces frais seront limités dès avril 2016. Ils consacrent également le principe de neutralité de l'internet qui consiste à imposer aux fournisseurs une obligation de garantir une connexion sans restriction à tous les contenus, applications ou services accessibles aux utilisateurs finaux.
X - Télécommunications
La CJUE a été saisie d'une question préjudicielle à propos de l'interprétation de l'article 20 de la Directive 2002/22, relative aux réseaux et services de communications électroniques, qui prévoit la possibilité pour les abonnés de dénoncer leurs contrats sans pénalité dès lors qu'ils sont avertis de modifications apportées aux conditions contractuelles proposées par les fournisseurs de réseaux ou de services de communications électroniques. Dans son arrêt du 26 novembre 2015, la CJUE a estimé qu'une modification des tarifs en application d'une clause d'adaptation tarifaire contenue dans les conditions générales de vente prévoyant qu'une telle adaptation est fonction d'un indice objectif des prix à la consommation établi par une institution publique ne constituait pas une "modification apportée aux conditions contractuelles" au sens de l'article 20 de la Directive.
FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE, société d'avocats
www.feral-avocats
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:450312