Des oeuvres ayant été acquises avant le 11 avril 1910, date de publication de la loi du 9 avril 1910, instaurant une présomption légale de réserve du droit de reproduction au profit du vendeur, en vertu de l'article 1er de la loi décrétée le 19 juillet 1793, applicable en la cause, la vente d'un tableau faite sans réserve emporte celle du droit de le reproduire, de sorte qu'il incombe aux héritiers de l'artiste de justifier qu'une telle réserve a été émise par le peintre et est entrée dans le champ contractuel. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 septembre 2015 (Cass. civ. 1, 10 septembre 2015, n° 14-13.236, F-P+B
N° Lexbase : A9368NNB). En l'espèce, un industriel russe a constitué au début du XXème siècle une importante collection de tableaux, parmi lesquels figuraient des oeuvres de Matisse. Par décret du 29 octobre 1918, Lénine a proclamé cette collection propriété publique de la Russie. L'industriel, qui s'était réfugié en France, est décédé et son arrière-petit-fils a assigné les héritiers de Matisse pour obtenir la restitution, dans la limite de la prescription de trente ans, des droits de reproduction, dont il se prétend titulaire, afférents à six oeuvres du peintre acquises antérieurement à la publication de la loi du 9 avril 1910. Les consorts Matisse ont alors formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt qui a dit, notamment, que les droits de reproduction afférents à deux tableaux de Matisse, collectés par eux depuis le 30 août 1972, soit moins de trente ans avant l'assignation, doivent revenir à l'héritier de l'industriel russe. La Cour de cassation rejette le pourvoi : après avoir constaté que l'héritier de l'industriel russe rapportait la preuve de ce que les tableaux avaient été acquis avant le 11 avril 1910, date de publication de la loi du 9 avril 1910 instaurant une présomption légale de réserve du droit de reproduction au profit du vendeur, l'arrêt énonce à bon droit qu'en vertu de l'article 1er de la loi décrétée le 19 juillet 1793, applicable en la cause, la vente d'un tableau faite sans réserve emporte celle du droit de le reproduire, de sorte qu'il incombe aux consorts Matisse de justifier qu'une telle réserve a été émise par le peintre et est entrée dans le champ contractuel. Or, les juges d'appel ont souverainement estimé qu'il n'était pas établi qu'à l'occasion des ventes conclues directement entre le collectionneur et l'artiste, celui-ci se fût expressément réservé le droit exclusif de reproduction. Ainsi, les droits de reproduction sur les tableaux litigieux étaient réputés avoir été transmis à l'industriel russe les ayant acquis avec la propriété matérielle de ces oeuvres. Enfin, pour la Haute juridiction, la cour d'appel s'est prononcée en droit sur les conséquences du décret de nationalisation de 1918, en retenant que l'Etat russe ne s'était pas approprié les droits de reproduction hors les limites de son territoire, de sorte que l'acquéreur des tableaux en était resté titulaire.
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