Le propriétaire d'un bien justifiant d'une possession paisible et ininterrompue de plus de 40 ans dispose d'une espérance légitime de voir son bien inscrit au registre de la publicité foncière. En outre, les ingérences de l'Etat dans son droit de propriété supposent un motif "d'intérêt public" et une juste indemnisation. Le cas échéant, la violation de l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme (
N° Lexbase : L4742AQP) est caractérisée. Tel est l'apport de l'arrêt rendu par la CEDH le 26 mai 2015 (CEDH, 26 mai 2015, Req. n° 18638/05
N° Lexbase : A5608NIK). En l'espèce, la possession d'un terrain situé en Turquie fut cédé à titre onéreux au père de Mme I.. Aucun titre de propriété correspondant au bien ne fut inscrit au registre de la publicité foncière. Après le décès de son père, le terrain sur lequel était bâtie une maison en pierre, fut immatriculé au registre foncier comme appartenant au Trésor public. La requérante, n'ayant pu obtenir l'inscription au registre foncier, à son nom, du bien litigieux, dénonce une violation de son droit au respect de ses biens au sens de l'article 1er du protocole n° 1 de la CESDH. La Cour rappelle que cet article ne vaut que pour des biens actuels et qu'un bien futur ne peut être considéré comme tel que s'il a déjà été gagné ou s'il fait l'objet d'une créance certaine. Cependant, "
lorsque l'intérêt patrimonial est de l'ordre de la créance, l'on peut considérer que l'intéressé dispose d'une espérance légitime si un tel intérêt présente une base suffisante en droit interne, par exemple lorsqu'il est confirmé par une jurisprudence bien établie des tribunaux". Dans le cas présent, le donateur satisfaisait à l'exigence de possession paisible et ininterrompue à titre de propriétaire. Il avait donc obtenu le droit de réclamer l'inscription du bien au registre foncier. La requérante disposait donc d'une espérance légitime de se voir reconnaître la propriété d'une partie du bien. En outre, Cour observe que l'ingérence du Gouvernement se fondait sur le souci de protéger un édifice culturel répertorié dans le patrimoine à protéger. A cet égard, le législateur disposant d'une grande latitude pour mener une politique culturelle, la Cour respecte la manière dont il conçoit les impératifs de l'"utilité publique". Toutefois, sans le versement d'une somme raisonnable en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue une atteinte excessive au droit de propriété. Ainsi, une absence totale d'indemnisation ne saurait se justifier sur le terrain de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention que dans des circonstances exceptionnelles (voir, CEDH, 15 juillet 2005, Req. 16163/02
N° Lexbase : A1389DKN).
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