Lexbase Fiscal n°604 du 12 mars 2015 : Fiscalité immobilière

[Questions à...] Point sur la fiscalité des SCI - Questions à Maître Vincent Halbout, Avocat associé du cabinet VHA, spécialisé dans la fiscalité d'entreprise et patrimoniale

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[Questions à...] Point sur la fiscalité des SCI - Questions à Maître Vincent Halbout, Avocat associé du cabinet VHA, spécialisé dans la fiscalité d'entreprise et patrimoniale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/23609646-questions-a-point-sur-la-fiscalite-des-sci-questions-a-b-maitre-vincent-halbout-avocat-associe-du-ca
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par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 17 Mars 2015

La société civile immobilière (SCI) est très prisée par les particuliers afin d'organiser juridiquement la détention et la gestion d'un patrimoine immobilier entre plusieurs personnes. En effet, elle offre de nombreux avantages fiscaux, notamment pour la transmission d'un patrimoine. Cependant, il existe plusieurs régimes fiscaux applicables aux SCI en fonction des choix des gérants. Pour en savoir plus sur ces questions, Lexbase Hebdo - édition fiscale a interrogé Maître Vincent Halbout, Avocat associé du cabinet VHA, spécialisé dans la fiscalité d'entreprise et patrimoniale.

Lexbase : Pouvez-vous nous expliquer le mécanisme et l'utilité d'une SCI ? Quelles sont les principales conséquences fiscales ?

Vincent Halbout : Le mécanisme d'une SCI est simple, il consiste à détenir un ou des biens immobiliers non directement par une personne physique ou des personnes physiques en indivision, mais à travers une société. C'est une société civile car elle réalise une activité civile consistant à détenir un bien immobilier et éventuellement le louer et est régie par les dispositions du Code civil et de ses statuts. En qualité de société civile, elle ne peut réaliser des opérations commerciales (activité de marchand de biens consistant à acheter pour revendre).

La société civile bénéficie de la personnalité morale, ce qui permet à son gérant d'agir pour le compte de la société, indépendamment de ses associés. Ainsi, elle peut agir sans avoir besoin d'obtenir l'assentiment de l'ensemble de ses membres. La première utilité de la SCI est d'éviter les contraintes de l'indivision.

Une deuxième utilité de la SCI est de favoriser la transmission du patrimoine. Les parents peuvent transmettre des parts sociales de SCI pour un montant par exemple limité à 100 000 euros par enfant et par parent pour bénéficier de l'abattement et de renouveler l'opération 15 ans plus tard, ce qui est plus compliqué en cas de donation portant directement sur des biens immobiliers. Si les parents veulent conserver les revenus, ils peuvent consentir une donation en nue-propriété en conservant l'usufruit, ce qui est également possible avec une donation portant sur des biens immobiliers, mais s'ils veulent consentir des donations en pleine propriété, pour par exemple diminuer leur base imposable à l'ISF, tout en conservant un certain contrôle sur les biens donnés, le recours à la SCI est préférable. En effet, ils peuvent alors rédiger de façon adaptée les statuts, tout en étant gérants, pour une durée indéterminée, et en conservant la majorité du capital. Ainsi, ils peuvent seuls décider ou non la vente des biens immobiliers et en cas de vente de la distribution de son produit ou son réinvestissement, ils s'assurent ainsi que leurs enfants ne puissent pas utiliser les biens données pour des objectifs contraires à leur volonté et qu'ils ne dilapident les biens qu'ils leur ont donnés.

La SCI peut avoir son utilité en matière fiscale.

En matière de droit de mutation, il est possible de céder un bien immobilier au travers des parts de SCI, ce qui présente un intérêt certain quand la SCI n'a pas encore remboursé la totalité des emprunts contractés pour l'acquisition car le prix de cession des parts est diminué des dettes, ce qui minore d'autant les droits de mutation.

En matière de droits de succession, outre les avantages évoqués ci-dessus, une SCI dont les parents sont usufruitiers et les enfants nus-propriétaires, permet de réaliser une transmission au fil de l'eau, sans droit, en affectant les résultats bénéficiaires en réserve, qui reviennent de fait aux nus-propriétaires. Ainsi, chaque année, la SCI se valorise à hauteur des bénéfices qu'auraient pu appréhender les parents, alors que la pleine propriété des parts reviendra aux enfants au décès des parents. La jurisprudence considère qu'une telle pratique ne constitue pas une donation indirecte (CA Lyon, 16 octobre 2007, n° 06/03324 N° Lexbase : A2339EDY et Cass. com., 31 mars 2009, n° 08-14.053, F-D N° Lexbase : A5273EEZ).

En matière d'impôt sur le revenu, l'utilisation d'une SCI, qui n'a pas opté à l'IS, est sans influence sur le montant de l'impôt. La SCI détermine, sur une déclaration 2072, le montant de ses revenus fonciers selon des règles identiques à celle applicables aux personnes physiques qui donnent en location des biens immobiliers. Elle n'est pas redevable de l'impôt, ce sont ses associés qui le sont dans la proportion du capital qu'ils détiennent.

En revanche, l'option à l'IS a des conséquences fiscales majeures.

Lexbase : Aujourd'hui, selon vous, est-il préférable de soumettre une SCI à l'IS plutôt qu'à l'IR ?

Vincent Halbout : Il n'est pas possible de donner une réponse systématique à cette question, elle dépend de la situation particulière. Il est toutefois possible d'exposer les avantages et inconvénients de l'une ou l'autre formule, pour ensuite donner des lignes directrices.

  • Avantages et inconvénients fiscaux d'une SCI à l'impôt sur le revenu

Le principal avantage d'une SCI soumise à l'impôt sur le revenu réside dans l'application du régime des plus-values des particuliers, qui permet de bénéficier d'un abattement pour durée de détention, qui se traduit par une exonération après de 22 ans pour l'IR et 30 ans pour les prélèvements sociaux.

L'inconvénient de la SCI à l'IR réside dans l'assujettissement de ses associés à l'impôt sur le revenu au taux proportionnel et aux prélèvements sociaux de 15,5 %. Ainsi le taux d'imposition peut s'élever jusqu'à 60,5 %, et 58,2 % en tenant compte de déductibilité partielle de la CSG.

Cette imposition peut être difficilement supportable dans les cas fréquents où les loyers servent à faire face aux charges de remboursement de l'emprunt bancaire contracté pour l'acquisition. En effet, les associés de la SCI sont imposés à l'impôt sur le revenu sur des sommes qu'ils n'ont pas effectivement touchées dans la mesure où elles servent à rembourser l'emprunt bancaire, même si en contrepartie, ils se constituent un capital.

Ainsi, ils payent un impôt sur des sommes non perçues, ce qui conduit à consentir un effort financier qui n'est pas toujours supportable.

  • Avantages et les inconvénients fiscaux d'une SCI à l'impôt sur les sociétés

Le premier avantage de la SCI à l'IS résulte d'une base d'imposition plus faible que celle qui résulte des revenus fonciers car il est déduit chaque année un amortissement. Il y a lieu de pratiquer un amortissement par composant ; la structure, la plomberie, l'électricité, les façades, etc.. Pour les logements, la structure est habituellement amortissable sur 50 ans, les autres composants pouvant être amortis sur une durée plus courte.

Autre avantage, celui de la minoration du taux d'imposition qui est de 33,1/3 % et même de 15 % sur les 38 200 premiers euros de bénéfice, au lieu d'un taux pouvant atteindre 54 % à l'IR. Cet avantage en n'est véritablement un, que si le bénéfice n'est pas distribué, ce qui est le cas lorsqu'ils servent au remboursement de l'emprunt bancaire, à défaut, la distribution des bénéfices supporterait l'impôt sur le revenu.

Enfin, il est possible pour une SCI soumise à l'IS de déduire les frais d'acquisition (droits de mutation, honoraires notaire, commission d'agence etc.).

L'inconvénient de la société à l'IS intervient lors de la cession des biens immobiliers. Il s'opère alors une double imposition, la première à l'IS au taux de 33,1/3 % sur la base d'une plus-value calculée, non d'après le prix d'acquisition mais d'après la valeur nette comptable, qui correspond au prix d'achat minoré des amortissements pratiqués, ce qui revient à intégrer dans la plus-value imposable les amortissements antérieurement déduits, la plus-value est nécessairement plus importante que celle calculée selon les règles des plus-values des particuliers. Le produit de la vente, minoré de l'IS et éventuellement des dettes de SCI, revient à la SCI et non à ses associés, qui ne pourront l'appréhender qu'à travers une distribution de dividendes où à l'occasion de la dissolution de la société, qui seront fiscalisés en tant que tels à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Compte tenu de l'abattement de 40 % applicable à l'impôt sur le revenu et de déductibilité partielle de la CSG, le taux réel d'imposition revient à 38 % avec un taux d'IR de 41 % et de 40,2 % avec un taux d'IR de 45 %.

Les principes énoncés ci-dessus permettent de dégager quelques lignes directrices.

Si la SCI est propriétaire de biens immobiliers sans dettes et que les associés ne veulent pas capitaliser les revenus mais les appréhender, l'option à l'IS est sans intérêt.

En revanche, si la SCI a acquis ses biens immobiliers en souscrivant un emprunt et qu'il n'est pas envisagé de cession, les revenus après remboursement de l'emprunt servant de complément de retraite par exemple, l'option à l'IS présente un intérêt, car elle permet une moindre imposition pendant la période de remboursement, sans pour autant être pénalisé lors de la revente, qui n'aura pas lieu, mais ce sont alors les héritiers qui supporteront le coût fiscal d'une éventuelle revente.

Dans la même hypothèse où la SCI a acquis ses biens immobiliers en souscrivant un emprunt, et qu'en revanche, une revente est envisageable, la solution n'est pas systématique. Bien qu'il apparaisse que généralement, la SCI à l'IS est plus coûteuse, en raison du coût fiscal de la revente, cette solution doit être retenue, si ses associés ne peuvent supporter l'impôt sur le revenu qu'aurait généré la SCI, à défaut d'option à l'IS, cette option est donc la seule possibilité pour les associés de la SCI de se constituer un patrimoine immobilier. En revanche, si ces derniers ont les capacités financières de payer l'IR sur des revenus qui ne perçoivent pas en pratique, l'option à l'IS s'avère moins pertinente. Il convient de procéder à des simulations afin de pouvoir procéder au choix en connaissance de cause, sachant toutefois, que la fiscalité à 10 ou 20 ans est totalement inconnue.

Il convient de préciser que l'acquisition en démembrement permet de bénéficier des avantages de la SCI à l'IR et de la SCI à l'IS, le mécanisme consistant en l'acquisition de la seule nue-propriété pour un prix largement décoté, le nu-propriétaire devenant plein propriétaire à l'expiration du démembrement, ainsi la différence entre le prix d'achat de la nue-propriété et la valeur de la pleine propriété n'est pas imposable en cas de cession la durée de détention étant calculé d'après la date d'acquisition de la nue-propriété. Toutefois, depuis quelques années, ce mécanisme est plus rare car les personnes physiques qui vendent l'usufruit temporaire d'un bien, sont imposables sur le prix de cession. Le démembrement de parts de SCI est également possible, en prenant un certain nombre de précautions pour éviter l'abus de droit, comme le Comité de l'abus de droit fiscal l'a admis dans un avis du 29 janvier 2015, affaire n° 2014-33.

Lexbase : Dans quel cadre faut-il opter pour la TVA ?

Vincent Halbout : Il convient tout d'abord de préciser qu'il n'est pas toujours possible d'opter pour la TVA. Cette option n'est pas possible pour des locaux à usage d'habitation.

L'option est intéressante pour le bailleur, lorsqu'il a acquis un immeuble neuf, c'est-à-dire grevé d'une TVA à 20 %, ou lorsque qu'il réalise des travaux importants. L'option lui permet de récupérer la TVA sur le prix d'acquisition où les travaux, ce qui en minore d'autant le prix.

L'option est sans conséquence financière pour le locataire, lorsqu'il est assujetti à la TVA, puisqu'il peut récupérer le TVA sur le loyer facturé par le bailleur. Dans ce cas, le bailleur a presque toujours intérêt à opter à la TVA, même s'il n'a pas acquis un bien immobilier neuf ou n'a pas de travaux importants à réaliser, car cela lui permet de déduire la TVA sur les frais courants tels que les charges de copropriété qui restent à sa charge par exemple, les commissions d'agence. Toutefois, l'option impose une certaine gestion administrative, de paiement de la TVA et de déclaration périodique, ce qui entraîne un coût.

En revanche, l'option augmente le montant du loyer de 20 %, lorsque le locataire n'est pas assujetti à la TVA, tel qu'un médecin par exemple. Dans ce cas, il y a lieu de faire un calcul sur l'intérêt de l'option sachant que sa durée est au minimum de 9 ans, consistant à déterminer le montant de la TVA déduite et le montant de la TVA facturée au locataire pendant 9 ans.

Lexbase : Un arrêt récent a accordé à un associé d'une SCI, qui occupait, à titre de résidence principale, un immeuble appartenant à cette société, l'exonération concernant les résidences principales lors de la cession à titre onéreux de cet immeuble (CAA Marseille, 4ème ch., 9 décembre 2014, n° 12MA02147, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8882M74). Le modèle des SCI pourra-t-il être utilisé pour tout type d'acquisition immobilière ? Devrait-on renforcer le contrôle ou étendre les possibilités d'utiliser ce modèle ?

Vincent Halbout : L'application de l'exonération de plus-value sur les résidences principales appliquées aux associés de SCI qui occupent à titre de résidence principale un immeuble appartenant à la SCI est ancienne, le Conseil d'Etat l'a admis en 1989 (CE 8° et 9° s-s-r., 17 mai 1989, n° 62678, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1148AQL), solution qui a été reprise par l'administration elle-même dans sa doctrine (instruction du 14 janvier 2004, 8 M-1-04, Fiche 2, n° 17 N° Lexbase : X9110ABZ et BOI-RFPI-PVI-10-4010, n° 140 N° Lexbase : X4376ALN). Il apparaît ainsi que le recours à la SCI pour détenir sa résidence principale n'est pas préjudiciable pour l'application de l'exonération des plus-values au titre de la résidence principale. Il convient toutefois de préciser que si la SCI a été constitué dans un but de transmission de patrimoine et que les enfants détiennent une partie du capital en pleine propriété, l'exonération ne sera pas applicable à hauteur de leurs droits dans la SCI, s'ils n'habitent pas avec leurs parents.

La constitution d'une SCI est généralement intéressante, elle ne présente pas un intérêt systématique, par exemple lorsqu'il est acheté, sans volonté de transmission, un bien immobilier dans le but de le louer et que l'option à l'IS n'apparaît pas intéressante.

La SCI étant plus un outil de gestion patrimoniale qu'un outil d'évasion fiscale, il ne me semble pas nécessaire d'étendre le contrôle qui leur est applicable, car la législation actuelle permet un tel contrôle.

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