La lettre juridique n°582 du 11 septembre 2014 : Discrimination et harcèlement

[Textes] Situations nées avant la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 : les homosexuels pacsés ont les mêmes droits que les couples mariés

Réf. : Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 10-18.341, FS-P+B (N° Lexbase : A4139MUT)

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N3628BUW

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

le 11 Septembre 2014

Discrimination à l'adresse (loi n° 2014-173 du 21 février 2014, de programmation pour la ville et la cohésion urbaine N° Lexbase : L5073IZW), discrimination selon les convictions religieuses (Ass. plén., 25 juin 2014, n° 13-28.369, P+B+R+I N° Lexbase : A7715MR8) et discrimination selon l'orientation sexuelle : la pression de l'actualité ne faiblit pas. La Cour de cassation y contribue, comme en témoigne l'arret rendu par la Chambre sociale le 9 juillet 2014, d'ailleurs comme la doctrine (1). La question ici posée portait sur la situation juridique, en droit du travail, des homosexuels pacsés et des prérogatives ou autres avantages auxquels ils bénéficient, comparativement aux couples mariés. La question, d'ailleurs, ne se pose, par définition, qu'antérieurement à la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 (N° Lexbase : L7926IWH) (2), puisque le législateur a, précisément par cette loi, donné les mêmes droits aux homosexuels qu'aux hétérosexuels, sur un plan statutaire, en leur accordant le droit de se marier. L'employeur ne peut plus, par définition, distinguer la conjugalité selon les orientations sexuelles des salariés. Mais pour les situations nées antérieurement à cette loi du 17 mai 2013, dans le silence de la loi, la qualification de discrimination peut être discutée, plaidée et peut-être, retenue par les juridictions.
Résumé

Les salariés qui ont conclu un pacte civil de solidarité avec un partenaire de même sexe se sont trouvés, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dans une situation identique au regard des avantages en cause (congés et prime de mariage) à celle des salariés contractant un mariage. Les dispositions de la Convention collective nationale du Crédit agricole ont instauré une discrimination directement fondée sur l'orientation sexuelle, ce dont il résultait que leur application devait être écartée.

En l'espèce, il s'agit d'une affaire assez ancienne, ayant connu beaucoup de développements judiciaires, aussi bien internes (Cass. soc., 23 mai 2012, n° 10-18.341, question préjudicielle portée devant la CJUE (3) ; arrêt rapporté) qu'européens (CJUE, 12 décembre 2013, aff. C-267/12 N° Lexbase : A2597KRM) (4). Un salarié, employé depuis 1998 par le Crédit agricole mutuel de Charentes-Maritimes et des Deux-Sèvres, a demandé à son employeur l'attribution de jours de congés et d'une prime de mariage, par la Convention collective nationale du Crédit agricole (art. 20 et 34 de la convention collective nationale du Crédit agricole). L'intéressé n'était pas marié, mais avait conclu, le 11 juillet 2007, un pacte civil de solidarité avec un partenaire de même sexe. La cour d'appel avait confirmé le jugement du conseil de prud'hommes qui l'avait débouté de cette demande. Mais la CJUE (CJUE, 12 décembre 2013, affaire C-267/12, préc.) a invalidé l'analyse retenue par les juges du fond. En effet, est contraire au droit européen (Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 N° Lexbase : L3822AU4, art.2 § 2 a), la disposition d'une convention collective, en vertu de laquelle un travailleur salarié qui conclut un Pacs avec une personne de même sexe est exclu du droit d'obtenir des avantages (jours de congés spéciaux et prime salariale), octroyés aux travailleurs salariés à l'occasion de leur mariage, lorsque la réglementation nationale de l'Etat membre concerné ne permet pas aux personnes de même sexe de se marier, dans la mesure où, compte tenu de l'objet et des conditions d'octroi de ces avantages, il se trouve dans une situation comparable à celle d'un travailleur qui se marie. Or, pour rejeter la demande du salarié, les juges du fond avaient estimé que le Pacs se différencie du mariage (par les formalités relatives à la célébration, à la possibilité d'être conclu par deux personnes physiques majeures de sexe différent ou de même sexe, par le mode de rupture, par les obligations réciproques en matière de droit patrimonial, de droit successoral, de droit de la filiation). La différence de traitement entre conjoints mariés et Pacs en matière d'avantages rémunérés pour événements familiaux ne résulte ni de leur situation de famille ni de leur orientation sexuelle mais d'une différence de statut résultant de leur état civil qui ne les placent pas dans une situation identique. En somme, il n'y aurait donc pas situation de discrimination. Cette analyse est rejetée par la Cour de cassation, car les salariés qui ont conclu un Pacs avec un partenaire de même sexe se sont trouvés, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dans une situation identique au regard des avantages en cause à celle des salariés contractant un mariage. Les dispositions de la convention collective nationale litigieuses ont instauré dès lors une discrimination directement fondée sur l'orientation sexuelle, et doivent être en l'espèce écartée.

L'arrêt rendu par la Cour de cassation dans le prolongement de celui rendu par la CJUE, confirme une tendance générale à la reconnaissance de la conjugalité, c'est-à-dire du couple, non nécessairement indexé à un statut (mariage, Pacs), laquelle, à ce titre, produit des effets de droits, aussi bien à l'égard de l'employeur, du salarié ou, plus largement, des assurés sociaux (5).

I - Un contentieux de la discrimination selon l'orientation sexuelle, limité au passé

Le présent contentieux est très limité dans sa portée. Il n'intéresse que les situations nées antérieurement à la loi du 17 mai 2013. De plus, la FNCA et les syndicats ont conclu un accord, le 10 juillet 2008, qui étend le bénéfice des avantages rémunérés pour événements familiaux aux salariés unis par un PACS

A - Un contentieux limité aux situations nées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013

1- Situation discriminatoire légale (prévue ou rendue possible par la loi)

Jusqu'à la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, les situations qualifiables de discriminations étaient juridiquement susceptibles d'exister. En effet, les couples homosexuels ne pouvaient pas contracter mariage, et leur conjugalité n'avait d'autre cadre juridique que celui du Pacs. En d'autres termes, les couples homosexuels, pacsés et nécessairement exclus du mariage, ne pouvaient avoir accès aux avantages (tels que des jours de congés spéciaux et une prime salariale) octroyés aux travailleurs salariés à l'occasion de leur mariage.

La CJUE a caractérisé cette situation d'exclusion des couples homosexuels à des avantages réservés aux couples mariés, de discriminatoire, dans la mesure où, compte tenu de l'objet et des conditions d'octroi de ces avantages, les couples homosexuels se trouvent dans une situation comparable à celle d'un travailleur qui se marie.

2 - Situation discriminatoire conventionnelle (prévue ou rendue possible par la convention collective)

Là aussi, jusqu'à la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, les situations qualifiables de discriminations étaient juridiquement susceptibles d'exister. La CJUE, saisie dans cette même affaire, par la Cour de cassation d'une question préjudicielle (Cass. soc., 23 mai 2012, nº 10-18.341, préc.), a répondu à la question de la qualification de la discrimination, qui doit être retenue. Et dans la mesure où la discrimination trouve son siège dans une convention collective, la CJUE en écarte l'application, faute d'être compatible avec l'article 2 § 2 -§ 2-a de la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000. Les partenaires sociaux doivent agir dans le respect de la Directive 2000/78/CE (6), à défaut de quoi la disposition litigieuse ne s'applique (CJUE, arrêt rapporté, § 7).

B - Appréciation du caractère discriminatoire des avantages réservés aux couples mariés

1 - Critères de la discrimination

La CJUE, saisie dans cette même affaire, a retenu la qualification de la discrimination. La convention collective prévoyait qu'un travailleur salarié qui conclut un pacte civil de solidarité avec une personne de même sexe est exclu du droit d'obtenir des avantages (jours de congés spéciaux et prime salariale), octroyés aux travailleurs salariés à l'occasion de leur mariage. Les critères de la discrimination sont, pour la CJUE, doubles :

- la réglementation nationale de l'Etat membre concerné ne permet pas aux personnes de même sexe de se marier ;

- compte tenu de l'objet et des conditions d'octroi de ces avantages, le travailleur homosexuel Pacsés se trouve dans une situation comparable à celle d'un travailleur qui se marie.

2 - Mise en oeuvre de ces critères

Le premier critère est le plus aisé. Avant la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, les couples homosexuels ne pouvaient obtenir un statut marital, car le mariage leur était fermé. Leur conjugalité épousait (sic) nécessairement la forme du Pacs. Les avantages réservés aux couples mariés leur étaient donc fermés, faute de se prévaloir d'un statut marital. Depuis la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, la situation est totalement changée, puisque les couples homosexuels peuvent se marier. Les avantages réservés aux couples mariés leur sont donc ouverts, par définition.

Le second critère est plus délicat. Il consiste à apprécier la "comparabilité" des statuts, entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas. L'appréciation de cette "comparabilité" est essentielle, car elle conduit (ou pas) à la constatation de l'existence d'une situation discriminatoire. Comme le rappelle la CJUE (décision préc., § 32), l'existence d'une discrimination présuppose que les situations mises en balance soient comparables. La consigne, fixée par la CJUE, étant que les situations soient non "identiques", mais seulement "comparables" ; l'examen de ce caractère comparable doit être effectué non pas de manière globale et abstraite, mais de manière spécifique et concrète au regard de la prestation concernée (7). En d'autres termes, la comparaison des situations doit être fondée sur une analyse focalisée sur les droits et les obligations des époux mariés et des partenaires de vie enregistrés, qui sont pertinents compte tenu de l'objet et des conditions d'octroi de la prestation, et non pas consister à vérifier si le droit national a opéré une assimilation juridique générale et complète du partenariat de vie enregistré au mariage.

Ainsi, les juges du fond avaient écartés la qualification de discrimination, parce qu'ils avaient une lecture assez précise du statut des couples homosexuels pacsés, comparativement à celui des couples mariés. Le Pacs (loi nº 99-944 du 15 novembre 1999 N° Lexbase : L7500AIM) se différencie du mariage par les formalités relatives à la célébration, à la possibilité d´être conclu par deux personnes physiques majeures de sexe différent ou de même sexe, par le mode de rupture, par les obligations réciproques en matière de droit patrimonial, de droit successoral, de droit de la filiation. Aussi, pour les juges du fond, la différence de traitement entre conjoints mariés et partenaires d´un Pacs en matière d´avantages rémunérés pour événements familiaux ne résulte ni de leur situation de famille, ni de leur orientation sexuelle, mais d´une différence de statut résultant de leur état civil qui ne les placent pas dans une situation identique. En d'autres termes, couples pacsés (homos) et couples mariés sont placés dans deux situations différentes. Leurs statuts diffèrent, comme leur état (civil). Aussi, les juges du fond, implicitement, reconnaissent que les partenaires sociaux aient pu mettre en place un avantage réservé aux couples mariés, à l'exclusion des autres formes de conjugalité (pacs ou concubinage). Cette différence de traitement n'est donc pas discriminatoire.

La Cour de cassation prend l'exact contrepied de cette analyse. Les salariés qui ont conclu un Pacs avec un partenaire de même sexe se sont trouvés, avant l'entrée en vigueur de la loi nº 2013-404 du 17 mai 2013, dans une situation identique au regard des avantages en cause à celle des salariés contractant un mariage. Aussi, les dispositions de la Convention collective nationale du Crédit agricole ont instauré une discrimination directement fondée sur l'orientation sexuelle. Bref, pour la Cour de cassation, couples homosexuels pacsés ou couples (non homosexuels) mariés, sont, fondamentalement, dans une situation identique, en termes de conjugalité, et les partenaires sociaux (pas plus que l'employeur) n'ont donc pas à établir de différence de traitement, au regard des avantagés accordés à leurs salariés, liés au couple (plus qu'au statut, celui du mariage). Ce qui compte, pour la Cour de cassation, est bien le couple et non son statut (marital, Pacsés), dans la mesure où précisément, le statut conduit, en l'espèce, à une différence de traitement et un comportement discriminatoire de l'employeur.

La Cour de cassation fait donc sienne l'analyse de la CJUE (arrêt préc.), ainsi que la Halde (délibération nº 2007-366 de la HALDE du 11 février 2008 aux termes de laquelle celle-ci a retenu sur la question litigieuse que rien ne semble justifier la différence de traitement entre les conjoints et les personnes liées par un pacte civil de solidarité, différence de traitement qui peut être considérée comme discriminatoire).

II - Un contentieux selon l'orientation sexuelle, limité pour l'avenir

Pour les couples homosexuels, que leur statut soit celui du Pacs ou, depuis la loi nº 2013-404 du 17 mai 2013, du mariage, le droit du travail (et le droit de la protection sociale) ont largement intégré l'assimilation entre salariés mariés et salariés pacsés. Mais il reste encore un certain nombre d'incertitudes et de zones d'ombre.

A - Une protection des homosexuels en couple contre toute discrimination, garantie en droit interne et européen

- Congé de soutien familial

Ce congé (C. trav., art. L. 3142-22 N° Lexbase : L0603H99) est ouvert à tout salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans l'entreprise lorsque son partenaire lié par un pacs présente un handicap ou une perte d'autonomie d'une particulière gravité. La loi ouvre, d'ailleurs, à une large catégorie de personnes le lien entre le salarié et la personne handicapée ou présentant une perte d'autonomie d'une particulière gravité : conjoint, concubin, partenaire lié par un Pacs, ascendant, descendant, enfant dont le salarié assume la charge, collatéral jusqu'au quatrième degré, ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un Pacs.

- Congé de paternité et d'accueil de l'enfant

Le salarié pacsé a droit au congé paternité à l'occasion de la naissance de son enfant, en droit interne (onze jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples). La CEDH y veille (8), même si la Cour de cassation a, en 2010, refusé le bénéfice du congé de paternité à la compagne homosexuelle de la mère (Cass. civ. 2, 11 mars 2010, n° 09-65.853 N° Lexbase : A1879ETR) (9).

Le législateur a ouvert le bénéfice de ce congé au père salarié, mais aussi aux personnes qui n'en sont pas le père : conjoint salarié de la mère ; personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement (C. trav., art. L. 1225-35 N° Lexbase : L7121IUB).

- Participation aux résultats de l'entreprise

En matière de participation des salariés aux résultats de l'entreprise, le décret du 30 mars 2009 (C. trav., art. R. 3324-22 N° Lexbase : L8929ID3) prévoit la possibilité pour le bénéficiaire qui n'a pas opté pour la disponibilité immédiate des sommes dues au titre de ses droits à faire néanmoins liquider ses droits avant l'expiration des délais fixés par la loi. Les droits constitués au profit des bénéficiaires peuvent être exceptionnellement liquidés avant l'expiration des délais légaux, dans un certain nombre d'hypothèses précisément définies : mariage ou conclusion d'un pacte civil de solidarité par l'intéressé, naissance ou arrivée au foyer d'un enfant en vue de son adoption, dès lors que le foyer compte déjà au moins deux enfants à sa charge, divorce, la séparation ou la dissolution d'un pacte civil de solidarité ; invalidité de l'intéressé, de ses enfants, de son conjoint ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ; décès de l'intéressé, de son conjoint ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ; rupture du contrat de travail, la cessation de son activité par l'entrepreneur individuel, la fin du mandat social, la perte du statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé ; affectation des sommes épargnées à la création ou reprise, par l'intéressé, ses enfants, son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole ; affectation des sommes épargnées à l'acquisition ou agrandissement de la résidence principale ; surendettement.

- Procédure prud'homale

Devant la juridiction prud'homale, les parties peuvent être assistées ou représentées par leur conjoint, leur concubin ou par la personne liée à elles par un pacs (C. trav., art. R. 1453-2 N° Lexbase : L0387ITI), ainsi que les salariés ou les employeurs appartenant à la même branche d'activité ; les délégués permanents ou non permanents des organisations d'employeurs et de salariés ; enfin, les avocats.

- Prestations familiales

Les personnes liées par un pacs peuvent prétendre aux différentes prestations familiales et aux prestations assimilées dans les mêmes conditions que les couples mariés et les concubins (CSS, art. R. 553-2 N° Lexbase : L5909H9Q). Les aides au logement leur sont également attribuées (CSS, art. D. 542-8 N° Lexbase : L9621ADP).

- Maladie-maternité

Enfin, un assuré social peut être reconnu comme ayant-droit de son partenaire de Pacs au titre de l'assurance maladie et maternité (CSS, art. L. 161-14 N° Lexbase : L4687ADX) : la terminologie employée est celle de "droits dérivés". De même, depuis 1978 (loi n° 78-2, 2 janvier 1978 N° Lexbase : L5636IUB) (10), la personne qui vit maritalement avec un assuré social et se trouve à sa charge effective, totale et permanente, bénéficie de la qualité d'ayant-droit pour l'ouverture du droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité (CSS, art. L. 161-14, al. 1 N° Lexbase : L4687ADX). Mais l'ayant-droit doit sa qualité, au regard du droit à l'assurance maladie, à la réunion de deux conditions : "vivre maritalement" avec un assuré social ; "se trouver à sa charge effective, totale et permanente".

La qualité d'ayant-droit, reconnue à la personne ayant conclu un Pacs, ouvre seulement le bénéficie des prestations en nature de l'assurance maladie et maternité, mais pas des prestations en espèces. Bref, la situation en droit de la protection sociale est contrastée, s'agissant des assurés sociaux (homosexuels, en l'espèce) vivant en couple, mais non mariés (Pacs, concubinage). D'ailleurs, un certain nombre de prestations leur sont fermés (11).

B - Incertitudes et zones d'ombre

- Maladie-maternité

La personne qui vit maritalement avec un assuré social et se trouve à sa charge effective, totale et permanente, bénéficie de la qualité d'ayant-droit pour l'ouverture du droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité (CSS, art. L. 161-14, al. 1), à condition de ne pas être homosexuel(le). Cette condition avait été posée, en son temps, par la Cour de cassation (12). En se référant à la notion de vie maritale, la Cour avait, en effet, déduit que le législateur avait entendu limiter les effets de droit, au regard des assurances maladie et maternité, à la situation de fait consistant dans la vie commune de deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux, sans pour autant s'unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu'un couple constitué d'un homme et d'une femme.

Mais la Cour européenne des droits de l'Homme, en 2010, s'est prononcée sur une affaire d'acquisition de la qualité d'ayant droit, refusée à un couple d'homosexuels en droit comparé, pas en droit français (13).

- Congés pour événements familiaux

Jusqu'à la loi du 4 août 2014 (loi n° 2014-873, pour l'égalité réelle entre les hommes et les femmes N° Lexbase : L9079I3N), sauf dispositions conventionnelles plus favorables, les salariés pacsés n'avaient pas les mêmes droits à congés familiaux que les salariés mariés (C. trav., art. L. 3142-1 N° Lexbase : L9297I3Q). Avant la loi du 4 août 2014 le législateur avait prévu le bénéfice de deux jours en cas de décès du partenaire lié par un pacs, mais aucun congé pour la conclusion de son pacs (contre quatre jours pour le mariage) ou celui d'un de ses enfants (contre un jour en cas de mariage). Désormais, tout salarié bénéficie, sur justification et à l'occasion de certains événements familiaux, d'une autorisation exceptionnelle d'absence de : 4 jours pour son mariage ou pour la conclusion d'un pacte civil de solidarité et 2 jours pour le décès d'un enfant, pour le décès du conjoint ou du partenaire lié par un Pacs (14).

- Prestations familiales

Les assurés sociaux, liés par un Pacs, peuvent prétendre aux différentes prestations familiales dans les mêmes conditions que les couples mariés et les concubins, dans la mesure où les textes associent "personnes vivant en concubinage" avec "personnes liées par un Pacs" (CSS, art. R. 553-2 N° Lexbase : L5909H9Q).

De même, les aides au logement leur sont également attribuées (CSS, art. D. 542-8 N° Lexbase : L9621ADP) : "les dispositions du présent chapitre relatives à la résidence principale ou qui comportent la prise en compte des ressources s'appliquent dans les mêmes conditions au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité et au concubin".

- Pensions de réversion

Enfin, la pension de réversion, ouverte au conjoint marié survivant d'un assuré social n'est pas assurée au partenaire survivant d'un Pacs. La Halde avait, en son temps, regretté la solution, qualifiée de discriminatoire, recommandant aux pouvoirs publics d'initier une réforme législative pour y remédier (délibération Halde, n° 2008-107, 19 mai 2008) (15). De même, en 2009, le Médiateur de la République a préconisé d'étendre le bénéficie au pacsé et au concubin survivant (16). En 2008, le COR (17) s'est également posé la question de la pertinence d'un modèle favorisant exclusivement un type de conjugalité (le mariage) au détriment des autres (Pacs, concubinage, unions libres).

Cependant, en 2011, le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité de l'article L. 39 Code des pensions civiles et militaires de retraite (N° Lexbase : L2066DKQ), qui réserve aux seuls conjoints survivants le bénéfice des pensions de réversion à l'exclusion des partenaires liés par un Pacs, au motif que Pacs et mariage ne sont pas comparables au regard d'une pension de réversion (décision n° 2011-155 QPC, 29 juillet 2011 N° Lexbase : A5593HW3) (18). De même, la Cour de cassation a admis que la situation du concubin et de l'époux diffèrent, en matière de réversion : "le bénéfice d'une pension de réversion est réservé au conjoint survivant non remarié en raison des obligations ayant existé entre les époux du fait du mariage. La situation juridique du conjoint remarié différait, par les obligations qu'elle emporte, de celle des concubins ou des personnes liées par un pacte civil de solidarité" (Cass. civ. 1, 12 avril 2005, n° 02-13.762, F-D N° Lexbase : A8588DHK)


(1) Parmi les très nombreuses références, V. not. G. Gavard, Le couple en droit social, dir. J.-P. Laborde, thèse Bordeaux I, 1994, Economica, 1997 ; A.-M. Gilles, Le couple en droit social, Economica 1998 ; Ch. Radé, Amour et travail : retour sur un drôle de ménage, Dr. soc., 2010, p. 35 ; Ch. Radé, Rupture amoureuse et rupture du contrat de travail : ne mélangez jamais travail et sentiments ! (Cass. soc., 8 février 2005, n° 03-40.385, F-P+B, N° Lexbase : A6960DGU), Lexbase Hebdo, n° 156 du 24 février 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4733ABW) ; Y. Saint-Jours, Le statut social du concubinage, JCP éd. N, 1993. I. 138 ; Ch. Willmann, "Le droit de la protection sociale, dans la tourmente des nouvelles conjugalités et des mutations de la famille", dans L'amour selon la loi- exercices d'écriture, 2014, dir. C. Puigelier, avant-propos N. Disseaux, éd. Mare et Martin, p. 357.
(2) LSQ, n° 16334 du 25 avril 2013 ; J.-Ph. Lhernould, Mariage pour tous : des discriminations en raison de l'orientation sexuelle en moins, LSE, n° 330 du 30 mai 2013 ; Ch. Radé, Aspects sociaux du projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, Lexbase Hebdo n° 506 du 22 novembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N4506BT3) ; A. Gouttenoire, L'accès des couples homosexuels au mariage et à l'adoption : première étape, Lexbase Hebdo n° 505 du 15 novembre 2012 - édition privée (N° Lexbase : N4458BTB).
(3) Nos obs., Congés et prime de mariage exclus pour les salariés Pacsés : la qualification de discrimination liée à l'orientation sexuelle est renvoyée devant la CJUE (Cass. soc., 23 mai 2012, n° 10-18.341, FS-P+B N° Lexbase : A4139MUT), Lexbase Hebdo n° 488 du 7 juin 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2259BTT)
(4) LSQ, n° 5 du 8 janvier 2014 ; JSL, n° 359 du 6 février 2014 ; S. Laulom, L'interdiction des discriminations dans l'emploi, SSL, n° 1640 Supplément du 21 juillet 2014 ; LSE, n° 343 du 26 décembre 2013.
(5) Ch. Willmann, Le droit de la protection sociale, dans la tourmente des nouvelles conjugalités et des mutations de la famille, préc..
(6) CJUE, 13 septembre 2011, aff. C-447/09 (N° Lexbase : A7249HXR).
(7) CJUE, 1er avril 2008, aff. C-267/06 (N° Lexbase : A7276D7M), Rec. p. I 1757, points 67 à 69.
(8) Nos obs., Congé parental et genre : comment la Cour européenne des droits de l'Homme qualifie et sanctionne une discrimination (CEDH, 2 octobre 2012, req. n° 33411/05 (N° Lexbase : A6780ITB), Lexbase Hebdo n° 504 du 8 novembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N4327BTG).
(9) Nos obs., Le congé de paternité peut être refusé à la compagne homosexuelle de la mère, Lexbase Hebdo n° 388 du 25 mars 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6159BNG).
(10) Loi n° 78-2 du 2 janvier 1978 (préc.).
(11) Ch. Willmann, Le droit de la protection sociale, dans la tourmente des nouvelles conjugalités et des mutations de la famille, préc..
(12) Cass. soc., 11 juilllet 1989, préc. ; JCP éd. G, 1990, II, 21553, note Meunier ; D., 1990, n° 582, note Ph. Malaurie ; conclusions de l'avocat général M. Dorwling Carter, Gaz Pal. 13 avril 1990 ; rapport de la Cour de cassation, 1989, p. 85 ; F. Taquet, Homosexualité et droit social, SSL, n° 905 du 19 octobre 1998, préc. ; M. Harichaux, La vie en commun de deux homosexuels n'est pas une "vie maritale", et ne peut donner la qualité d'ayant droit au regard de la sécurité sociale, RDSS, 1990 p. 116.
(13) Cf. CEDH, 22 juillet 2010, req. n° 18984/02, AJ Famille, 2010 p. 395 (arrêt en anglais et en serbe, mais non traduit en français) ; ainsi qu'une autorisation exceptionnelle d'absence de 3 jours pour chaque naissance survenue à son foyer ou pour l'arrivée d'un enfant placé en vue de son adoption ; 1 jour pour le mariage d'un enfant ou pour le décès du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d'un frère ou d'une soeur.
(14) Publication du Rapport de la Halde stigmatisant la discrimination résultant des articles L. 38 et suivants du Code des pensions civiles et militaires de retraite entre conjoints et partenaires pacsés en matière de pension de réversion, Lexbase Hebdo n° 390 du 8 avril 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N7344BNC).
(15) Communiqué du 23 février 2009, Dr. famille, 2009, alerte 28.
(16) COR, 6ème Rapport, décembre 2008, préc., p. 198.
(17) Cons. const., 29 juillet 2011, n° 2011-155 QPC (N° Lexbase : A5593HW3) ; AJ fam., 2011. 436, obs. W. Jean-Baptiste ; RTD Civ., 2011. 748, obs. J. Hauser ; Dr. fam., 2011. Comm. 143, obs. V. Larribau-Terneyre ; J. Siro, La limitation du bénéfice de la pension de réversion est conforme à la Constitution, Actualité Dalloz, 7 septembre 2011 ; A.-C. Foirry, Pacsés et concubins exclus du bénéfice de la pension de réversion : une interprétation controversée mais cohérente du principe d'égalité par le Conseil constitutionnel, Politeia, automne 2011, n° 20, p. 41-51 ; A. Devers, Le droit à pension de réversion du conjoint homosexuel, Droit de la famille, juillet-août 2013, n° 7-8, p. 28-29.

Décision

Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 10-18.341, FS-P+B (N° Lexbase : A4139MUT)

Cassation de CA Poitiers, 30 mars 2010 n° 09/02604 (N° Lexbase : A6581EUB)

Textes concernés : loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 (N° Lexbase : L7926IWH) ; Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), art. 2-§ 2-a ; C. trav., art. L. 1132-1 (N° Lexbase : L5203IZQ).

Mots-clés: prime ; congés ; bénéfice ; condition ; couples mariés ; exclusion ; couples Pacés homosexuels.

Lien base : (N° Lexbase : E5347EXC)

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