La lettre juridique n°566 du 10 avril 2014 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Avril 2014

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Entreprises en difficulté"

le 10 Avril 2014

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, Directeur scientifique de l’Ouvrage "Entreprises en difficulté",retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, l'auteur a choisi de s'arrêter, tout d'abord, sur un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 mars 2014, promis aux honneurs du Bulletin, qui pose comme principe que les dispositions de l'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce ne permettent pas de déroger à la clause du contrat de crédit-bail fixant la durée de location à l'expiration de laquelle le preneur a la faculté d'exercer l'option d'achat (Cass. com., 18 mars 2014, n° 12-27.297, FS-P+B). Le Professeur Le Corre revient, ensuite, sur l'inconstitutionnalité des saisines d'offices à travers les deux dernières décisions du Conseil constitutionnel rendues sur cette question le 7 mars 2014 (Cons. const., 7 mars 2014, deux décisions, n° 2013-368 QPC et décision n° 2013-372 QPC).

On se souvient -du moins les plus anciens d'entre nous et au surplus dotés d'une bonne mémoire-, que la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L4126BMR) était restée muette sur la question de levée d'option d'achat d'un contrat de crédit arrivant à terme pendant la procédure collective. La problématique est la suivante. Pour lever l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail, en application des clauses de style de ce type de conventions, toutes les obligations du crédit-preneur doivent être exécutées. Mais, si des loyers sont restés impayés avant le jugement d'ouverture, voire une fraction de loyer -celui à cheval entre une période antérieure et une période postérieure au jugement d'ouverture-, il faut les payer. Oui, mais voilà ! Ces loyers, qui correspondent à une jouissance procurée avant le jugement d'ouverture, font naître des créances antérieures, que le législateur interdit au débiteur de payer, à peine de nullité des paiements et même de sanctions pénales. Tout apparaît dès lors bloqué.

Pour sortir de cette impasse, la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475 N° Lexbase : L9127AG7) est intervenue pour régler deux questions : celle de levée d'option d'achat du crédit-bail pendant l'exécution d'un plan de continuation et celle de cette même levée pendant l'exécution d'un plan de cession. En revanche, la loi était restée muette sur la levée d'option d'achat en période d'observation et en phase de liquidation judiciaire. Un arrêt remarqué, rendu sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, dans la rédaction que lui avait donnée la loi du 10 juin 1994, avait énoncé que "la faculté prévue à l'article L. 621-122, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L6974AI7), d'interprétation stricte en ce qu'il déroge à l'interdiction de payer les créances antérieures au jugement d'ouverture, ne permet pas de s'opposer à la restitution du bien, objet d'un contrat de crédit-bail, en payant les échéances antérieures au jugement d'ouverture restées impayées" (1). Ainsi, apparaissait-il impossible à un liquidateur de lever l'option d'achat faute de pouvoir être autorisé par le juge-commissaire à payer une créance antérieure à cette fin. En somme, avait été posé le caractère strict des exceptions à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures.

L'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT), à l'invitation très claire de la doctrine (2), avait apporté une nouvelle exception à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures, non seulement en période d'observation, mais encore, en situation de liquidation judiciaire. L'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L3500ICM) prévoit que le juge-commissaire peut autoriser le liquidateur ou l'administrateur, lorsqu'il en a été désigné, à payer des créances antérieures au jugement "lorsque le paiement à intervenir est d'un montant inférieur à la valeur vénale du bien objet du contrat, pour lever l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail". C'est le texte qui nous intéresse pour comprendre la solution ici adoptée par la Cour de cassation.

En l'espèce, le liquidateur d'un crédit-preneur avait été mis en demeure d'avoir à opter sur la continuation du contrat de crédit-bail. Il avait répondu dans le délai légal qu'il souhaitait lever l'option d'achat du contrat. Il entendait ainsi faire échec à la demande en restitution du crédit-bailleur, en se fondant sur l'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce, malgré les stipulations du contrat de crédit-bail, prévoyant une possibilité de lever l'option d'achat au terme du contrat.

La cour d'appel d'Orléans (CA Orléans, 11 octobre 2012, n° 12/00469 N° Lexbase : A2987IU8) avait accepté la prétention du liquidateur en considérant que "les clauses des deux contrats subordonnant l'exercice de l'option d'achat au préalable du respect de toutes les obligations incombant au locataire, dont celle d'un paiement intégral des loyers à bonne date, ne peuvent faire échec à ce texte d'ordre public [l'article L. 641-3, alinéa 2], et le juge-commissaire a autorisé à bon droit le liquidateur à exercer par anticipation l'option d'achat en réglant l'intégralité du solde restant dû au crédit-bailleur [...]".

Le crédit-bailleur reprochait à la cour d'appel d'avoir occulté la coordination qui lui semblait indispensable à faire entre la question de levée d'option en liquidation judiciaire et les règles de continuation des contrats en cours.

La question posée à la Cour de cassation était de savoir si le liquidateur pouvait lever l'option d'achat du contrat de crédit-bail en faisant totale abstraction des règles de la continuation des contrats en cours.

A cette question, la Cour de cassation va, au visa des articles L. 641-3, alinéa 2, et L. 641-11-1 (N° Lexbase : L3298IC7) du Code de commerce, et 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), répondre par la négative et casser l'arrêt de la cour d'appel, dans une décision qui se veut clairement de principe : "attendu que les dispositions du premier de ces textes ne permettent pas de déroger à la clause du contrat de crédit-bail fixant la durée de location à l'expiration de laquelle le preneur a la faculté d'exercer l'option d'achat".

L'alinéa 2 de l'article L. 641-3 du Code de commerce reprend, en liquidation judiciaire, deux exceptions à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures. En période d'observation, il existe une troisième exception : celle du paiement des créances antérieures pour obtenir le retour, dans le patrimoine du débiteur, de biens transférés dans un patrimoine fiduciaire (C. com., art. L. 622-7, II, al. 2 N° Lexbase : L3389ICI).

Plusieurs justifications ont conduit le législateur à réécrire, pour la liquidation judiciaire, les exceptions à l'interdiction du paiement des créances antérieures.

La première tient au fait que le législateur n'a pas voulu permettre de bloquer le jeu de la fiducie-sûreté en liquidation judiciaire en autorisant le paiement du bénéficiaire par le constituant. Il supprime donc en liquidation judiciaire cette troisième exception.

La seconde justification de la réécriture spécifique en liquidation judiciaire des exceptions à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures tient aux exigences du retrait du gage ou de la chose retenue et de la levée d'option d'achat du crédit-bail, qui ne sont pas les mêmes selon que l'on se trouve en période d'observation ou en liquidation judiciaire.

En période d'observation, le retrait du gage ou de la chose retenue doit être justifié par la poursuite d'activité. Cette exigence n'est pas posée en liquidation judiciaire, l'objectif de cette dernière n'étant pas orienté vers le sauvetage de l'entreprise et, par voie de conséquence, vers la poursuite de l'activité.

La même observation peut être faite en ce qui concerne la levée d'option d'achat, l'article L. 622-7, II, alinéa 2, du Code de commerce exigeant que le paiement destiné à permettre la levée d'option d'achat soit justifié par la poursuite de l'activité.

Mais, même si le législateur a cru bon de consacrer un texte particulier en liquidation judiciaire au retrait de la chose retenue ou gagée et à la levée d'option d'achat, la ratio legis de l'article L. 622-7, II, alinéa 2, et celle de l'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce est exactement la même : dans les deux cas, les textes ne peuvent être interprétés que comme des exceptions à la règle de l'interdiction des paiements. On comprend dès lors pourquoi le législateur a placé dans le même alinéa les deux hypothèses : celle du retrait du gage ou de la chose retenue contre paiement de la créance antérieure et celle de la levée d'option d'achat du crédit-bail rendue possible par l'autorisation que va donner le juge-commissaire au liquidateur de payer la créance antérieure.

Nous avons ainsi résumé l'apport de l'ordonnance du 18 décembre 2008 en la matière, lorsqu'elle a introduit une novelle exception à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures : "la solution posée par la législation a directement pour objet de contrecarrer la solution de la Cour de cassation, refusant le droit de lever l'option d'achat d'un crédit-bail, lorsque des loyers antérieurs au jugement d'ouverture sont restés impayés, au motif de l'interdiction du paiement des créances antérieures, qui s'impose aux organes de la procédure, comme elle s'impose au débiteur" (3).

Ainsi, de toute évidence, l'alinéa 2 de l'article L. 641-3 du Code de commerce est un texte emportant dérogation à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures. Il est sans rapport aucun avec la règle de la continuation des contrats en cours, qu'il ne tient donc pas en échec, contrairement à la prétention du liquidateur.

Puisque l'article L. 641-3, alinéa 2, du Code de commerce ne présente aucun lien avec les règles de la continuation des contrats en cours, celles-ci ne peuvent se trouver contrariées par cette disposition.

La première conséquence de la combinaison des règles d'ordre public de la continuation des contrats et de celles relatives à la levée d'option d'achat du contrat de crédit-bail tient au nécessaire respect de l'article L. 641-11-1 du Code de commerce. En application du II de cette disposition, "le liquidateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur".

Le III du même article prévoit que le contrat est résilié de plein droit : "2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II". Cela signifie donc que le liquidateur, qui décide de continuer un contrat en cours, doit payer les loyers du crédit-bail selon les stipulations contractuelles, à défaut de quoi le contrat est résilié de plein droit.

En l'espèce, le liquidateur, mis en demeure d'avoir à opter sur la continuation du contrat, a, à l'intérieur du délai qui lui était imparti, répondu qu'il entendait lever l'option d'achat, ce qui, selon son analyse, vaut option tacite pour la continuation du contrat.

Le liquidateur ayant ainsi, selon sa propre analyse, opté pour la continuation du contrat, doit se soumettre aux règles de la continuation des contrats en cours.

Faute de l'avoir fait, il a encouru, au premier impayé, faute pour le cocontractant de lui avoir accordé de délais de paiement, la résiliation du contrat. Il ne peut donc prétendre ensuite lever l'option d'achat du contrat qui est résilié de plein droit.

En application du contrat de crédit-bail, la levée d'option d'achat ne peut intervenir qu'au terme du contrat. Le contrat ne prévoit aucune levée d'option d'achat anticipée.

Puisque le contrat en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective doit être continué selon les dispositions contractuelles, le locataire ne peut, pas plus qu'il ne l'aurait pu en dehors d'une procédure collective, lever l'option d'achat par anticipation.

Le liquidateur, qui représente le locataire, débiteur dessaisi, n'a pas plus de droit que lui.

Ainsi, il faut d'abord continuer le contrat en cours, dans le respect des conditions contractuelles, pour pouvoir parvenir au terme du contrat. La continuation du contrat est une condition de l'ouverture de la levée d'option d'achat. Au terme du contrat, et à cette date seulement, pourra se poser la question de la levée d'option d'achat pour le liquidateur, représentant le débiteur dessaisi, comme elle aurait pu se poser pour le locataire in bonis.

En application des règles de l'article L. 641-11-1 du Code de commerce, le contrat primitivement continué s'est ensuite trouvé résilié de plein droit, faute de paiement à bonne date des loyers correspondant à la jouissance procurée après le jugement d'ouverture.

La résiliation de plein droit du contrat, en vertu de l'article L. 641-11-1, III, 2° du Code de commerce, a empêché ce dernier d'arriver jusqu'à son terme. Par voie de conséquence, la possibilité de lever d'option d'achat, qui ne peut être manifestée qu'au terme du contrat, ne s'est pas ouverte au liquidateur.

Il apparaît donc que le liquidateur ne peut résister à la demande en acquiescement de restitution formalisée par le crédit-bailleur. Au contraire, faute de possibilité de lever l'option d'achat, le liquidateur a l'obligation de restituer le matériel.

La Cour de cassation doit, au final, être totalement approuvée d'avoir refusé au liquidateur la faculté de lever l'option d'achat, dernier acte du contrat, faute pour lui de s'être soumis aux règles régissant la continuation du contrat de crédit-bail.

On se souvient que la Cour de cassation a jugé sérieuse la question de la constitutionnalité de la saisine d'office par le tribunal de commerce en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. La Cour de cassation a estimé que "la faculté pour une juridiction de se saisir elle-même en vue de l'ouverture d'une procédure collective peut apparaître contraire au droit du débiteur à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D), dès lors que le juge, en prenant l'initiative de l'introduction de l'instance, peut être perçu comme une partie". La disposition invoquée, a ajouté la Cour de cassation, "est susceptible de constituer une atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance, en ce qu'elle ne comporte pas, par elle-même, un mécanisme permettant d'assurer la pleine effectivité des droits du débiteur" (4).

Le Conseil constitutionnel a suivi cette position et a déclaré non conforme à la Constitution l'article L. 631-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L6249IUY), qui rend possible la saisine d'office du redressement judiciaire (5). Le Conseil a fondé son analyse sur le constat qu'aucune disposition ne fixe, en cas de saisine d'office aux fins d'ouverture du redressement judiciaire, les garanties légales ayant pour objet d'assurer qu'en se saisissant d'office, le tribunal ne préjuge pas sa position. Dès lors, les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ne sont pas respectées, et spécialement le principe d'impartialité.

On se doutait que la question de la constitutionnalité des saisines d'office ne s'arrêterait pas là. Et, effectivement, la Cour de cassation devait être saisie de la question de la constitutionnalité de la saisine d'office aux fins d'ouverture d'une liquidation judiciaire. Saisi d'une seconde question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a identiquement statué à propos des articles L. 621-2 (N° Lexbase : L6854AIP) et L. 622-1 (N° Lexbase : L6996AIX) du Code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 25 janvier 1985 modifiée par celle du 10 juin 1994, et applicable en Polynésie française (6). Une autre question prioritaire de constitutionnalité intéressant cette fois l'article L. 640-5 (N° Lexbase : L6774IZW), applicable en métropole a été transmise par la Cour de cassation (7). Elle a fait l'objet d'une décision du Conseil constitutionnel déclarant la disposition non-conforme à la Constitution (8).

L'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 (N° Lexbase : L7194IZH) devait ensuite logiquement reprendre la main.

L'article 49 de l'ordonnance du 12 mars 2014, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel ayant abrogé le texte autorisant la saisine d'office du tribunal aux fins d'ouverture d'un redressement judiciaire, modifie la rédaction de diverses dispositions régissant la saisine aux fins d'ouverture d'un redressement judiciaire, en supprimant de ces textes la saisine d'office.

Il modifie ainsi ;
- l'alinéa 2 de l'article L. 631-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L7313IZU), qui s'intéresse au cas du débiteur décédé ;
- supprime l'alinéa 2 de l'article L. 631-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L7314IZW), qui prévoit la saisine d'office du tribunal aux fins d'ouverture d'un redressement judiciaire, en cas d'échec de la conciliation, lorsqu'il résulte du rapport du conciliateur que le débiteur est en état de cessation des paiements.

L'article 49 de l'ordonnance du 12 mars 2014 crée un nouvel article L. 631-3-1 (N° Lexbase : L7264IZ3), qui a vocation à régir toutes ces hypothèses.

La saisine d'office est remplacée par une technique d'information du ministère public par le président du tribunal, lorsqu'il a été porté à sa connaissance, des éléments faisant apparaître que le débiteur est en état de cessation des paiements. Le second lui fait parvenir une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal. Le président du tribunal ne peut alors siéger, à peine de nullité du jugement, dans la formation de jugement, ni participer aux délibérés si le ministère public demande l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire à l'égard de ce débiteur.

Identiquement, l'article 60 de l'ordonnance du 12 mars 2014, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel ayant abrogé le texte autorisant la saisine d'office du tribunal aux fins d'ouverture d'un redressement judiciaire, modifie la rédaction de l'article L. 640-5, en supprimant du texte la possibilité de saisine d'office aux fins d'ouverture d'une liquidation judiciaire.

L'article 59 de l'ordonnance du 12 mars 2014 supprime l'alinéa 2 de l'article L. 640-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L4041HBB), qui prévoit la saisine d'office du tribunal aux fins d'ouverture d'une liquidation judiciaire, en cas d'échec de la conciliation, lorsqu'il constate que les conditions d'ouverture d'une liquidation sont réunies, à savoir, d'une part, que le débiteur est en état de cessation des paiements et que, d'autre part, son redressement est manifestement impossible.

L'article 58 de l'ordonnance du 12 mars 2014 modifie également l'alinéa 2 de l'article L. 640-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L7321IZ8), qui s'intéresse au cas du débiteur décédé, en supprimant dans ce texte la saisine d'office.

L'article 58 de l'ordonnance du 12 mars 2014 crée un nouvel article L. 640-3-1 (N° Lexbase : L7269IZA), qui a vocation à régir toutes ces hypothèses.

La saisine d'office aux fins de liquidation judiciaire est remplacée par une technique d'information du ministère public par le président du tribunal, lorsqu'il a été porté à sa connaissance, des éléments faisant apparaître que les conditions d'ouverture d'une liquidation judiciaire sont réunies -état de cessation des paiements et redressement judiciaire manifestement impossible-. Le président du tribunal lui fait parvenir une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal. Le président du tribunal ne peut alors siéger, à peine de nullité du jugement, dans la formation de jugement, ni participer aux délibérés si le ministère public demande l'ouverture d'une liquidation judiciaire à l'égard de ce débiteur.

Mais là ne s'arrêtent pas les problèmes. L'article L. 626-27, I, alinéa 2 du Code de commerce (N° Lexbase : L6775IZX) énonce que "le tribunal qui a arrêté le plan [...] peut en décider la résolution". Or la demande de résolution du plan peut, selon l'article L. 626-27, II, du Code, émaner du tribunal d'office. Le tribunal peut se saisir d'office aux fins de résolution du plan, non seulement dans l'hypothèse où le débiteur n'exécuterait pas ses engagements, mais encore dans le cas où le débiteur serait en état de cessation de paiements par suite d'un passif nouveau né après l'arrêté du plan de sauvegarde (9).

La constitutionnalité de la mesure a été discutée. Sans grande surprise, la Cour de cassation, après que le Conseil constitutionnel eut déclaré non conforme à la Constitution la saisine d'office aux fins d'ouverture d'une liquidation judiciaire a transmis une question prioritaire de constitutionnalité sur cette possibilité de saisine d'office aux fins de résolution du plan de sauvegarde ou de redressement et d'ouverture d'une nouvelle procédure (10). Sans surprise, l'inconstitutionnalité de cette saisine d'office a été affirmée (11).

Mais il importe ici d'observer que le législateur, à l'occasion de l'ordonnance du 12 mars 2014, n'a pas substitué à cette saisine d'office non-conforme à la Constitution, un autre mécanisme comparable à celui posé pour l'ouverture des redressements et des liquidations judiciaires. Gageons que le décret, qui nous est annoncé pour mai ou juin 2014, saura réparer la malfaçon. Ce devrait être possible, les questions de modalités procédurales relevant en effet, sans difficulté, du domaine réglementaire. Affaire à suivre.

Pour l'heure, on sait seulement que le tribunal ne pourra plus se saisir d'office aux fins de prononcer la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement. Les créanciers et surtout le commissaire à l'exécution du plan devront veiller au grain...


(1) Cass. com., 19 juin 2007, n° 06-15.447, FS-P+B (N° Lexbase : A8791DWI), Bull. civ. IV, n° 166 ; D., 2007, jur. 2363, note E. Le Corre-Broly ; D., 2007, AJ, 1878, obs. A. Lienhard ; Act. proc., coll., 2007/13, n° 151, note J. Vallansan ; nos obs, in La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 269 du 18 juillet 2007 - édition privée (N° Lexbase : N9341BBL).
(2) E. Le Corre-Broly, note préc. sous Cass. com., 19 juin 2007, n° 06-15.447, préc..
(3) Nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 7ème éd., 2013/2014, n° 633.22.
(4) Cass. QPC, 16 octobre 2012, n° 12-40.061, FS-D (N° Lexbase : A7201IUA), D., 2012, Actu 2446, note A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2012/18, comm. 266, note N. Fricéro.
(5) Cons. const., 7 décembre 2012, décision n° 2012-286 QPC (N° Lexbase : A4918IYS) D., 2012, Actu 2886, note A. Lienhard ; D., 2013, 338, note J.-L. Vallens ; Gaz. Pal., 18 janvier 2013, n° 18, p. 25, note N. Fricéro ; RTDCiv., 2013, 889, note Ph.Théry ; Act. proc. coll., 2013/1, comm. 1, note N. Fricéro ; JCP éd. E, 2013, 1048, note N. Fricéro ; Bull. Joly Entreprises en diff., janvier 2013, comm. 5, note T. Favario ; Gaz. Pal., 23 décembre 2012, p. 14, note Robert ; Rev. sociétés, 2013, 177, note Henry ; Dr. sociétés, 2013, comm. 35, note P. Legros ; Rev. proc. coll., janvier 2013, Etudes 2, note B. Saintourens ; Gaz. Pal., 8 mars 2013, n° 67, p. 29, note J. Théron ; LPA, 15 avril 2013, n° 75, p. 5, note Ph. Roussel Galle ; LPA, 7 mai 2013, n° 91, p. 11, note C. Tabourot-Hyest ; JCP éd. E, 2013, chron. 1216, n° 1, obs. Ph. Pétel ; Dr. et patr., septembre 2013, p. 50, n° 002, note M.-H. Monsérié-Bon, nos obs., La non-constitutionnalité de la saisine d'office Lexbase Hebdo n° 321 du 20 décembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N5001BTE). Adde F.-X. Lucas, Retour sur la navrante condamnation de la saisine d'office, Bull. Joly Entreprises en diff., janvier 2013, éditorial 17 ; Ch. Lebel, 3 questions ouverture d'un redressement judiciaire : saisine d'office contraire à la Constitution, JCP éd. E, 2013, Echos de la pratique 48 ; B. Rolland, L'inconstitutionnalité de la saisine d'office, Procédures, février 2013, études 3.
(6) Cons. const., 15 novembre 2013, décision n° 2013-352 QPC (N° Lexbase : A3196KP3), D., 2013, actu 2640, note A. Lienhard ; Leden, janvier 2014, comm.. 12, note T. Favario.
(7) Cass. QPC, 10 décembre 2013, n° 13-17.438, F-D (N° Lexbase : A0457KRD), Dr. sociétés, février 2014, comm. 35, obs. Legros.
(8) Cons. const., 7 mars 2014, décision n° 2013-368 QPC (N° Lexbase : A3292MGZ), D., 2014, actu 604, note A. Lienhard.
(9) Rapport Xavier de Roux, n° 2095, p. 314.
(10) Cass. QPC, 20 décembre 2013, n° 13-40.060, F-D (N° Lexbase : A7703KS4), Bull. Joly Entreprises en diff., mars 2014, 82, note N. Favario.
(11) Cons. const., 7 mars 2014, n° 2013-372 QPC, D., 2014, actu 605, note A. Lienhard.

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