Le Quotidien du 15 novembre 2024 : Droit pénal fiscal

[Brèves] Cumul des sanctions pénales et fiscales : contrôle opéré par la Cour de cassation sur la mise en œuvre des réserves constitutionnelles

Réf. : Cass. crim., 16 octobre 2024, n° 23-83.009, F-D N° Lexbase : A28866BI

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N0910B34

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par Marie-Claire Sgarra

le 14 Novembre 2024

En vertu de l'une des réserves d'interprétation énoncées par le Conseil constitutionnel selon laquelle, si l'éventualité que deux procédures, pénale et fiscale, pour des faits de fraude fiscale soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, lorsque le prévenu justifie avoir fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale définitivement prononcée pour les mêmes faits, le juge pénal est tenu de veiller au respect de l'exigence de proportionnalité s'il prononce une peine de même nature.

Faits. L'administration fiscale a déposé plainte le 15 novembre 2018 auprès du procureur de la République contre M. Y, sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales en date du 2 juillet 2018, pour fraude fiscale portant sur des déclarations de revenus minorées pour les années 2013 à 2015.

Procédure. M. [Y] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel. Le tribunal correctionnel a débouté le prévenu de ses exceptions de nullité de la citation et de la poursuite et de sa demande de sursis à statuer, a rejeté le moyen de prescription, a requalifié les faits de fraude fiscale par non-déclaration de boni de distribution en faits de fraude fiscale par non-déclaration de revenus de capital mobilier distribués par une personne morale, a relaxé le prévenu des faits de fraude fiscale par non-déclaration de salaires et du bénéfice d'une vente immobilière, l'a déclaré coupable du surplus, et condamné à neuf mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d'amende.

M. [Y], le ministère public et l'administration fiscale ont relevé appel de cette décision.

Rappel. Le Conseil constitutionnel admet le cumul des sanctions fiscales et des sanctions pénales sous trois réserves d'interprétation, notamment le fait que le contribuable soit déchargé de l'impôt par une décision devenue définitive et portant sur des motifs de fond par les juridictions administratives. La Cour de cassation refuse d'appliquer cette réserve d'interprétation qui ne concerne que la dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et non l'omission de souscrire des déclarations. De plus, le requérant avait été déchargé de l'impôt sur le revenu par la cour administrative d'appel de Paris alors que la condamnation pénale a été prononcée en matière d'impôt sur les sociétés (Cons. const., décision n° 2016-545 QPC N° Lexbase : A0909RU9 et n° 2016-546 QPC N° Lexbase : A0910RUA, du 24 juin 2016).

Pour aller plus loin :

  • v. B. Ricou, Actualité du cumul de sanctions pénales et fiscales : des divergences aux convergences, Lexbase Fiscal, février 2019, n° 774 N° Lexbase : N7870BXR ;
  • v. É. Clément, Les cumuls des sanctions pénales et fiscales, Lexbase Fiscal, septembre 2022, n° 917 N° Lexbase : N2605BZI.

 

Solution de la Chambre criminelle. « En vertu de l'une des réserves d'interprétation susvisées selon laquelle, si l'éventualité que deux procédures, pénale et fiscale, pour des faits de fraude fiscale soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, lorsque le prévenu justifie avoir fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale définitivement prononcée pour les mêmes faits, le juge pénal est tenu de veiller au respect de l'exigence de proportionnalité s'il prononce une peine de même nature ».

Pour condamner le prévenu au paiement d'une amende pour des faits de fraude fiscale pour lesquels il avait déjà fait l'objet de sanctions fiscales définitives, l'arrêt attaqué énonce que les faits sont graves par leur ampleur, leur répétition sur plusieurs exercices fiscaux, l'atteinte portée à l'ordre public économique et à l'égalité devant la charge fiscale.

Les juges précisent que la nature des faits visant à masquer de confortables ressources pour échapper à l'imposition justifie une sanction pécuniaire.

Ils ajoutent que la peine d'amende de 30 000 euros prononcée par le tribunal correctionnel est adaptée et proportionnée aux ressources et aux charges du prévenu.

En se déterminant ainsi, sans s'assurer que le montant cumulé des sanctions pénales et fiscales ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, la cour d'appel a insuffisamment justifié sa décision.

L’arrêt de la cour d’appel de Lyon est cassé et annulé.

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