Le Quotidien du 20 septembre 2024 : Copropriété

[Brèves] Copropriété à deux : refus d’autoriser des travaux, abus d’égalité et autorisation judiciaire d’effectuer ces travaux

Réf. : Cass. civ. 3, 5 septembre 2024, n° 22-20.221, F-D N° Lexbase : A32405YN

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N0327B3I

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par Martine Dagneaux, Conseiller honoraire à la Cour de cassation

le 18 Septembre 2024

Dans une copropriété à deux, il y a abus d’égalité lorsque l’un d’entre eux fait prévaloir ses intérêts personnels au détriment de l’autre ;

Dès lors qu’il sollicite l’autorisation judiciaire d’effectuer des travaux, un copropriétaire n’est pas tenu d’exercer une action en annulation de la décision de l’assemblée générale refusant d’autoriser ces travaux.

Cet arrêt illustre les difficultés rencontrées par les copropriétaires dans une copropriété à deux que l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 N° Lexbase : Z955378U, qui a introduit dans la loi du 10 juillet 1965 les articles 41-13 N° Lexbase : L4218LXI à 41-23 contenant des dispositions particulières aux syndicats dont le nombre de voix est réparti entre deux copropriétaires, ne résoudra pas car, si elle fixe des règles permettant au copropriétaire majoritaire de prendre seul certaines décisions, elle ne traite pas du cas où, comme en l’espèce, il n’y a pas de copropriétaire majoritaire mais les voix sont réparties de façon égale entre les deux copropriétaires. En effet, la copropriété était composée de deux lots : le premier appartenant à M. Aa était constitué d’une maison d’habitation construite sur deux étages, le second appartenant à la SCI Avenir Immobilier III (la SCI Avenir) était constitué du droit de construire sur une partie du terrain et chacun des copropriétaires détenait 300 tantièmes sur les 600 composant la copropriété.

Le présent arrêt fait suite à une longue saga judiciaire ayant opposé les parties depuis 2005 tant devant les juridictions judiciaires (tribunal de grande instance devant lequel la SCI Avenir avait sollicité l’autorisation de travaux qui lui avait été refusée par l’assemblée générale, cour d’appel de Paris, Cour de cassation, cour d’appel de Paris à nouveau sur renvoi de cassation) que devant les juridictions administratives (tribunal administratif saisi de la question du refus de permis de construire sollicité par la SCI, cour d’appel administrative de Paris, Conseil d’État, puis après cassation à nouveau cour d’appel administrative de Paris).

À noter que le Conseil d’État a la même position que la Cour de cassation sur la question de la nécessité ou non pour le copropriétaire titulaire d’un droit à construire de solliciter une autorisation de l’assemblée générale pour procéder à cette construction. La Cour de cassation a en effet retenu à plusieurs reprises que le promoteur qui dispose, en application du règlement de copropriété, du droit de construire sur un lot transitoire, n’est pas tenu de solliciter l’autorisation de l'assemblée générale (Cass. civ. 3, 4 novembre 2010 n° 09-70.235, FS+P+B N° Lexbase : A5650GDM ; Cass. civ. 3, 8 juin 2011 n° 10-20.276, FS+P+B N° Lexbase : A4977HTI).

Chacun des deux copropriétaires avait formé pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 4, 2, 22 juin 2022, n° 21/15410 N° Lexbase : A629378L) : la SCI parce qu’elle reprochait à cette cour d’avoir limité l’indemnisation de son préjudice économique et M.Aa parce qu’il contestait sa condamnation au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier de la SCI.

Le pourvoi de M. Aa est l’occasion de revenir sur la question de l’abus d’égalité. Cette notion est surtout utilisée dans le contentieux des sociétés. Dans le contentieux de la copropriété, la Cour de cassation est plus souvent saisie de la question de l’abus de majorité.

Mais dans les deux cas, il faut démontrer que le refus d’un copropriétaire de faire droit à la demande de l’autre copropriétaire est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou procède d’une volonté de faire prévaloir les intérêts personnels d’un copropriétaire au détriment de l’autre ou des autres copropriétaires (Cass. civ. 3, 17 décembre 2014 n° 13-25.134, FS+P+B N° Lexbase : A2771M87 ; Cass. civ. 3, 5 novembre 2015, n° 14-23.493, F-D N° Lexbase : A0328NW3 ; Cass. civ. 3, 9 juin 2016, n° 15-17.529, F-D N° Lexbase : A6997RSX ; Cass. civ. 3, 22 juin 2022, n° 21-17.07, F-D N° Lexbase : A373078N ; Cass. civ. 3, 25 mai 2023, n° 22-14.180, F-D N° Lexbase : A94009W3 ; Cass. civ. 3, 16 novembre 2023, n° 22-18.908, F-D N° Lexbase : A0261133).

L’arrêt est aussi l’occasion pour la Cour de cassation d’affirmer que point n’est besoin pour celui qui sollicite une autorisation judiciaire de travaux de demander en même temps l’annulation de la résolution qui a refusé cette autorisation. La Cour dit clairement que l’autorisation judiciaire requise sur le fondement de l’article 30 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L4837AHM se substitue à la décision de refus d’autorisation prise par l’assemblée générale.

Il est vrai que souvent le copropriétaire qui a essuyé un refus de l'assemblée générale va assigner le syndicat des copropriétaires à la fois en annulation de la résolution de refus et demande d’autorisation judiciaire d’exécuter les travaux. Mais en réalité ces deux procédures n’ont pas besoin d’être menées en même temps. La seule procédure utile pour obtenir l’autorisation recherchée est de demander celle-ci au tribunal. En effet l’annulation de la résolution de refus d’autorisation ne vaudra pas autorisation.

La procédure de demande d’autorisation est prévue à l'article 30, alinéa 4, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 : le copropriétaire dont le projet a été refusé par l'assemblée générale peut saisir le tribunal judiciaire d’une demande d’autorisation d’effectuer ces travaux, à condition toutefois que ceux-ci apportent une amélioration. Cet article ne vise que les travaux prévus à l'article 25 b. Ceux qui nécessitent une autorisation à la majorité prévue à l'article 26 ne peuvent être autorisés judiciairement (Cass. civ. 3, 3 juin 2014 n° 13-15.753, F-D N° Lexbase : A2817MQE ; Cass. civ. 3, 16 mars 2017, n° 15-28.784, F-D N° Lexbase : A2810UC3).

Ce texte confère un pouvoir important au tribunal, puisque sa décision va se substituer à celle de l'assemblée générale, alors que lorsqu’il annule une résolution, le tribunal ne prend pas la décision à la place des copropriétaires qui seront, éventuellement, amenés à délibérer à nouveau sur la question. Il y a peu d’exemple d’un tel pouvoir donné au tribunal dans le droit de la copropriété (pour de plus amples développements cf. M. Dagneaux, ETUDE : L’autorisation judiciaire de travaux, in Droit de la copropriété (dir. P.-E. Lagraulet), Lexbase N° Lexbase : E5061449).

Cette action n’a pas besoin d’être exercée dans le délai de deux mois prévu à l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (Cass. civ. 3, 16 décembre 2009, n° 09-12654, FS+P+B N° Lexbase : A0941EQW ; Cass. civ. 3, 29 mars 2011 n° 10-14.426, F-D N° Lexbase : A4020HMT), sauf si dans le même temps le copropriétaire demande l’annulation de la résolution qui a refusé les travaux, auquel cas ce délai de deux mois doit être respecté.

Pour aller plus loin :

  • cf. M. Dagneaux, ÉTUDE : L’autorisation judiciaire de travaux, in Droit de la copropriété (dir. P.-E. Lagraulet), Lexbase N° Lexbase : E5061449 ;
  • cf. M. Parmentier, ÉTUDE : Les petites copropriétés et les copropriétés à deux copropriétaires, in Droit de la copropriété (dir. P.-E. Lagraulet), Lexbase N° Lexbase : E75954DN

 

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