Réf. : Cass. civ. 2, 9 novembre 2023, deux arrêts, n° 22-15.810 N° Lexbase : A14291X9 ; n° 21-25.582, F-B N° Lexbase : A14241XZ
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par Alexandra Martinez-Ohayon
le 14 Novembre 2023
► Par le biais de deux décisions rendues le 9 novembre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a apporté des clarifications dans le cadre d’une procédure de liquidation d’astreinte provisoire ; Dans un premier volet, elle vient confirmer sa position, énonçant que le juge statuant d’une demande en ce sens, doit, apprécier, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige (Cass. civ. 2, 9 novembre 2023, n° 21-25.582, F-B) ; Dans un second volet, elle énonce que si le juge peut vérifier d'office qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige, il lui appartient en ce cas de mettre les parties en mesure de s'expliquer sur ce moyen (Cass. civ. 2, 9 novembre 2023, n° 22-15.810, F-B).
Les faits. Dans la première affaire (n° 21-25.582), un litige opposait une société à ses voisins et à une société acquéreuse du bien immobilier de ces derniers. À la suite d’une décision de 2015, confirmée par un arrêt de 2017, il a été ordonné à la société voisine de rectifier les limites cadastrales sous astreinte. Les parties à l’acquisition ont intenté une action à l’encontre de la société et son mandataire judiciaire, pour non-respect de cette obligation, sollicitant la liquidation de l'astreinte et la fixation d'une astreinte définitive devant un juge de l'exécution.
Dans la seconde affaire (n° 22-15.810), une société immobilière a été condamnée par un juge des référés en octobre 2019 à retirer des éléments de bardage et à rétablir des équipements dans des locaux commerciaux loués à une autre société, sous astreinte provisoire. La propriétaire devait également fournir des documents relatifs aux loyers, également sous astreinte. La locataire a intenté une action en liquidation de ces astreintes, alléguant l'inexécution des obligations par la société propriétaire.
La procédure. Dans le premier cas (n° 21-25.582), la cour d’appel (CA Nîmes, 6 octobre 2021, n° 21/00992) pour liquider l’astreinte provisoire à une certaine somme, retient qu'il n'y a pas lieu d'apprécier la proportionnalité du montant de l'astreinte liquidée.
Dans la seconde situation (n° 22-15.810), la cour d’appel (CA Lyon, 3 mars 2022, n° 21/05688) pour liquider à la somme de 1 000 euros l'astreinte mise à la charge de la société, l'arrêt relève qu'il appartient au juge de l'exécution d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée par l'astreinte liquidée au droit de propriété du débiteur, au regard du but légitime qu'elle poursuit. En l’espèce, la cour d’appel a constaté que l'obligation inexécutée ne portait que sur la remise de cinq avis trimestriels d'échéance et les quittances correspondant aux deux règlements intervenus, elle en déduit que la liquidation de l'astreinte à hauteur de 12 200 euros est manifestement disproportionnée au regard du but poursuivi et de l'absence de tout préjudice subi par la société.
Au regard de ces décisions, des pourvois sont formés.
Les pourvois. Dans la première affaire (n° 21-25.582), la demanderesse fait valoir que la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 131-4 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L5818IRW, interprété à la lumière de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L1625A29.
Dans le second cas (n° 22-15.810), la demanderesse fait valoir que la cour d’appel a violé le principe de la contradiction ensemble l’article 16 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1133H4Q.
En effet, comme le rappelle la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans chacune de ces décisions :
La solution. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, énonçant les solutions précitées, censure les raisonnements des cours d’appel.
Elle relève dans le premier cas (n° 21-25.582), qu’en statuant ainsi, en refusant d'examiner s'il existait un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel elle liquidait l'astreinte et l'enjeu du litige, alors qu'elle était saisie d'une demande en ce sens, la cour d'appel a violé le texte précité. D’autre part, dans le second cas (n° 22-15.810), qu’en statuant ainsi alors que, si le juge peut vérifier d'office qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il mesure de s'expliquer sur ce moyen, de sorte que la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle relevait d'office, a violé l’article 16 du Code de procédure civile.
La Haute juridiction casse et annule les arrêts, mais seulement en ce qu’elle liquide les astreintes et renvoie les affaires.
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