Réf. : Cass. com., 8 novembre 2023, n° 22-13.823, F-B N° Lexbase : A48371UP
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par Vincent Téchené
le 15 Novembre 2023
► Si la demande de restitution d'un bien, objet d'un contrat publié, fondée sur les articles L. 624-10 et R. 624-14 du Code de commerce, ne constitue qu'une faculté pour le propriétaire de ce bien, ce dernier, lorsque sa créance est par ailleurs garantie par un cautionnement, commet une faute, au sens de l'article 2314 du Code civil, si, en s'abstenant d'exercer l'action en restitution, il prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter.
Faits et procédure. Une société a, en qualité de crédit-preneur, conclu un contrat de crédit-bail, dont l'exécution a été garantie par les cautionnements solidaires de deux époux. Le crédit-preneur ayant été mis en liquidation judiciaire, le crédit-bailleur a assigné les cautions en paiement.
Les cautions ont alors opposé plusieurs arguments au crédit-bailleur dont l'exception de subrogation (C. civ., art. 2314 N° Lexbase : L1373HIP).
Sur renvoi après cassation (Cass. com., 10 mars 2021, n° 19-18.320, F-D N° Lexbase : A00994LA), la cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 4 janvier 2022, n° 21/02438 N° Lexbase : A38837HB) a rejeté l’ensemble des demandes des cautions. Concernant l’exception de subrogation, elle a notamment retenu qu'il est constant, au visa de l'article R. 624-14 du Code de commerce N° Lexbase : L0914HZU, que l'action en restitution, prévue à l'article L. 624-10 du même code N° Lexbase : L5569HDM, n'est qu'une simple faculté ouverte au propriétaire dispensé de faire connaître son droit de propriété et qu'elle n'est soumise à aucun délai.
Les cautions ont formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l'article 2314 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D, et des articles L. 624-10 et R. 624-14 du Code de commerce.
Pour rappel, selon l’article 2314 du Code civil la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.
Par ailleurs, l’article L. 624-10 du Code de commerce prévoit que le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité. Il peut réclamer la restitution de son bien dans des conditions fixées par l’article R. 624-14 du Code de commerce. Ce dernier précise alors que lorsque le contrat portant sur un bien a fait l'objet d'une publicité, le propriétaire de ce bien peut en demander la restitution par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur, s'il en a été désigné, ou, à défaut, au débiteur. Une copie de cette demande est adressée au mandataire judiciaire. À défaut d'accord dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande ou en cas de contestation, le juge-commissaire peut être saisi à la diligence du propriétaire afin qu'il soit statué sur les droits de ce dernier.
Pour la Haute juridiction, il en résulte que si la demande de restitution d'un bien, objet d'un contrat publié, fondée sur les articles L. 624-10 et R. 624-14 du Code de commerce ne constitue qu'une faculté pour le propriétaire de ce bien, ce dernier, lorsque sa créance est par ailleurs garantie par un cautionnement, commet une faute, au sens de l'article 2314 du Code civil, si, en s'abstenant d'exercer l'action en restitution, il prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter.
Par conséquent, la cour d’appel aurait dû rechercher si, en omettant de poursuivre la restitution du matériel, objet du contrat de crédit-bail, dans les conditions prévues à l'article R. 624-14 du Code de commerce, le créancier n'avait pas fait perdre aux cautions un droit qui pouvait leur profiter.
Observations. La Cour de cassation a déjà précisé que le créancier qui s’est réservé le droit de propriété sur un bien mis à disposition d’un emprunteur bénéficie d’un droit préférentiel lui conférant un avantage particulier, c’est-à-dire un droit à restitution dans lequel la caution a vocation à être subrogée au sens de l’article 2314 du Code civil (Cass. com., 26 mai 1999, n° 96-14.371, publié au bulletin N° Lexbase : A0541A78). Elle a également retenu que le droit du créancier crédit-bailleur de revendiquer les biens loués au crédit-preneur constitue un droit préférentiel au sens de l’article 2314 du Code civil (Cass. com., 15 juin 2011, n° 10-13.537, F-D N° Lexbase : A7403HTD).
On notera qu'avec la réforme de septembre 2021, le bénéfice de subrogation se trouve toujours à l’article 2314 du Code civil N° Lexbase : L0178L84 (la numérotation demeure inchangée). La formulation du texte est simplement modernisée. Une nouveauté intéressante et importante mérite néanmoins d’être mise en avant : la caution ne pourra plus reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d’une sûreté (C. civ., art. 2314, al. 3). Enfin, la solution énoncée dans l'arrêt rapporté a vocation à s'appliquer avant comme après la réforme.
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