Lexbase Social n°573 du 5 juin 2014 : Rel. individuelles de travail

[Projet, proposition, rapport législatif] Une proposition de loi pour mieux encadrer les stages

Réf. : Proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, version du 14 mai 2014

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par Blanche de La Chevrelière, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 06 Juin 2014

Déposée le 14 janvier 2014 et adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 24 février 2014, la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires a été adoptée par le Sénat le 14 mai 2014. Alors que le recours au stage se généralise de plus en plus chez les jeunes dans l'enseignement secondaire ou supérieur afin d'acquérir une première expérience professionnelle et augmenter leurs chances de trouver un emploi, ce texte tend à encadrer le recours au stage afin de lutter contre la précarité et améliorer les droits des stagiaires. Les stages et périodes de formation en milieu professionnel constituent pour les jeunes des expériences qui leur permettent à la fois d'acquérir des compétences, de mettre en pratique leur formation et d'expérimenter leur projet professionnel afin de faire des choix dans leur orientation. La proposition de loi précise que "les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l'élève ou l'étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en oeuvre les acquis de sa formation en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'une certification et de favoriser son insertion professionnelle". Si un certain nombre de dispositions visant à encadrer les stages ont déjà été adoptées auparavant, notamment au travers de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, pour l'égalité des chances (N° Lexbase : L9534HHL) (1) ; la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie 2009 (N° Lexbase : L9345IET) (2), la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011, pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8283IQT) (3) ; la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013, relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (N° Lexbase : L4381IXK), dite loi "Cherpion", et enfin la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (N° Lexbase : L2496IZH) (4), la proposition de loi qui a été adoptée par le Sénat le 14 mai 2014 vise à aller encore plus loin et à davantage encadrer les règles applicables aux stagiaires, de manière à leur garantir une formation de qualité (I) en luttant contre les abus (II) tout en améliorant la lisibilité des dispositions relatives aux stages et en mettant en place un système de contrôle et de sanctions (III). I - Le développement d'une formation de qualité

A - Les améliorations relatives à la gratification et aux avantages perçus au titre du stage

Parmi les principales mesures apportées par ce nouveau texte, le montant minimal de la gratification est revalorisée, passant de 436,05 à 523,26 euros (soit 87,55 euros) et le seuil à partir duquel la gratification devient obligatoire est abaissé et passe de 2 à 1 mois, ce qui permettra de revaloriser le travail effectué au titre de la formation, qui si elle est formatrice pour l'étudiant n'en reste pas moins du travail produit pour le compte de l'organisme d'accueil. En outre, le montant de la gratification devra être fixe, quel que soit le nombre de jours ouvrés dans le mois et sera dû dès le premier jour du premier mois de la période de stage ou de formation en milieu professionnel. Par ailleurs, les gratifications versées aux stagiaires seront exonérées d'impôt sur le revenu, comme c'est déjà le cas pour les salaires perçus par les apprentis.

L'amendement voté par les députés prévoit également le droit pour les stagiaires d'accéder à la restauration collective, de bénéficier de titres restaurants prévus à l'article L. 3262-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8591IM7) ou encore de voir leur frais de transport pris en charge partiellement par l'organisme d'accueil tel que prévu à l'article L. 3261-2 (N° Lexbase : L2712ICG), dans les mêmes conditions que les salariés de l'organisme d'accueil.

Toutes ces mesures tendent à conférer au stagiaire les mêmes avantages que ceux dont peuvent bénéficier les salariés dans leur vie professionnelle, sans toutefois les assimiler à des salariés. Et ce n'est pas tout, la proposition de loi prévoit encore d'autres mesures qui confèrent au stagiaire certaines protections déjà prévues chez les salariés ainsi que d'autres, qui leur sont exclusives et qui permettent d'assurer leur santé et sécurité ainsi que davantage de souplesse dans leur formation.

B - Les mesures tendant à améliorer les conditions d'accueil et les droits des stagiaires

Afin d'améliorer les conditions d'accueil et les droits des stagiaires, le texte vient appliquer aux stagiaires les dispositions du Code du travail relatives aux autorisations d'absence en cas de grossesse, de paternité ou d'adoption (voir C. trav., L. 1225-16 N° Lexbase : L0882H9K à L. 1225-35, L. 1225-37 N° Lexbase : L0924H94 et L. 1225-46 N° Lexbase : L0944H9T) ainsi que les protections relatives aux durées maximales de présence et aux période de repos déjà prévues pour les salariés.

A ce titre, la présence du stagiaire dans l'organisme d'accueil suit les règles applicables aux salariés de l'organisme pour ce qui a trait aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de présence, à la présence de nuit, au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés. Pour ce faire, l'organisme d'accueil est chargé d'établir, selon tous moyens, un décompte des durées de présence du stagiaire. La durée du ou des stages et de la ou des périodes de formation en milieu professionnel est appréciée en tenant compte de la présence effective du stagiaire dans l'organisme d'accueil. Pour les stages dont la durée est supérieure à deux mois, la convention de stage doit prévoir la possibilité de congés et d'autorisations d'absence au bénéfice du stagiaire au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage.

La proposition de loi prévoit également d'interdire l'affectation des stagiaires à des tâches dangereuses pour leur santé ou leur sécurité.

Les députés ont également souhaité développer les stages à l'étranger dans toutes les filières, notamment professionnelles et technologiques et voir annexée aux conventions de stage à l'internationales une fiche d'information présentant la réglementation du pays d'accueil sur les droits et devoirs du stagiaire afin de les prémunir contre tout éventuel abus sur place.

Enfin, la proposition de loi inclut également davantage de souplesse s'agissant de l'articulation du stage, afin de s'adapter aux besoins du jeune en formation. Dans le cas où le stagiaire interromprait sa période de formation en milieu professionnel ou son stage pour un motif lié à la maladie, à un accident, à la grossesse, à la paternité, à l'adoption ou, en accord avec l'établissement, en cas de non respect des stipulations pédagogiques de la convention ou en cas de rupture de la convention à l'initiative de l'organisme d'accueil, le texte prévoit la possibilité pour l'établissement d'enseignement supérieur ou le rectorat de valider la période de formation en milieu professionnel ou le stage, même s'il n'a pas atteint la durée prévue dans le cursus, ou de proposer au stagiaire une modalité alternative de validation de sa formation.

II - Un outil au service du cursus de formation

A - La priorité à l'insertion professionnelle des jeunes

La situation actuelle du marché est telle qu'aujourd'hui, certains jeunes ayant déjà terminé leur formation sont contraint d'accepter des stages, faute de trouver un premier emploi, qu'il s'agisse de difficultés liées à leur absence de réseau personnel ou familial, à leur méconnaissance du monde du travail ou encore de discriminations semblables à celles qui peuvent être identifiées en matière d'accès à l'emploi. Faute de trouver du travail, certains jeunes sont parfois obligés de multiplier les stages pendant plusieurs années, alors même qu'ils sont déjà diplômé, avant de décrocher un emploi souvent en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée. Cette recrudescence d'étudiants cherchant encore leur voie, en quête de premières expériences professionnelles avant de se lancer dans la vie professionnelle ou encore tout juste diplômés, constitue un vivier de recrutement qui n'est pas sans intéresser les entreprises. Seulement, ces entreprises recourent parfois abusivement à ces stagiaires, soit en les substituant à des salariés pour assurer certaines missions spécifiques, soit en leur imposant des conditions d'activités plus défavorables que celles exercées par les salariés (notamment en matière de durée de présence ou de période de repos). Ces périodes de stage, qui sont sensés enrichir un cursus de formation, peuvent alors très vite conduire à la précarisation des jeunes qui restent bloqués aux portes de la vie active.

C'est pour cela qu'il ressort des débats parlementaires que le stage doit demeurer un "outil au service de la formation" et non être détourné de sa vocation première en servant de "substitut à l'emploi". C'est dans ce contexte que la proposition de loi à mis l'accent sur la priorité d'assurer l'insertion professionnelle des jeunes. Il s'agit de trouver un juste équilibre entre le développement de ces périodes en entreprise, dans les cursus de formations, et l'encadrement qui doit accompagner ces périodes, de manière à ce qu'un maximum d'étudiants puisse y avoir accès sans pour autant être privés d'une formation pédagogique et être utilisés comme main d'oeuvre peu coûteuse. L'enjeu est de permettre à la fois aux jeunes de se former, tout en répondant aux besoins des entreprises, sans les dissuader de prendre des stagiaires.

B - Un meilleur encadrement du projet pédagogique pour lutter contre les abus

Afin de mettre en oeuvre un tel objectif, le texte prévoit qu'aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'organisme d'accueil ou encore pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié absent ou suspendu de son contrat de travail. Il s'agit de confier au stagiaire des tâches et des missions adaptées au projet pédagogique, définies par son établissement d'enseignement.

Dans cette volonté de renforcer la dimension pédagogique du stage, le texte précise les missions de l'établissement d'enseignement chargé de définir, en lien avec l'organisme d'accueil et le stagiaire, les compétences à acquérir ou développer pendant le stage, de manière à constituer un projet formateur qui soit dans l'intérêt du stagiaire. L'établissement d'enseignement aura à cet égard l'obligation de mettre le stagiaire en contact avec un organisme d'accueil proposant un stage, lorsque ce stage est obligatoire, pour l'obtention d'un diplôme, et que l'étudiant n'aura pas pu en trouver un dans les délais. Dès lors, l'étudiant ne pourra pas refuser le stage qui lui sera proposé, saufs conditions fixées par décret.

Afin de garantir au stagiaire un stage ou une formation conforme à ce projet, il est prévu, d'une part, qu'un enseignant référent au sein de l'établissement scolaire ou universitaire soit désigné pour appuyer l'élève ou l'étudiant dans sa recherche de période de formation en milieu professionnel, tout en s'assurant du bon déroulement du stage tout au long de celui-ci, et d'autre part, qu'un tuteur soit désigné au sein de l'organisme d'accueil de manière à accueillir et accompagner le stagiaire. Ce dernier est garant du respect des stipulations pédagogiques prévues à la convention.

Afin de lutter contre les abus et voir certains stages se transformer en pseudo-emploi à des conditions défavorables pour le stagiaire, le projet de loi prévoit plusieurs mesures d'encadrement. Le texte pose le principe d'un volume de formation minimum précisé dans chaque convention de stage afin que le stage soit obligatoirement intégré à une formation. Il prévoit, en outre, de renforcer la limitation de la durée des stages qui ne peuvent excéder six mois et de limiter le nombre de stagiaire dans l'entreprise proportionnellement à ses effectifs. Un décret pris en Conseil d'Etat viendra encadrer le nombre maximum de stagiaires pouvant être encadrés par un même tuteur. Selon Chaynesse Khirouni, député PS et rapporteur du texte, ce taux devrait être d'environ 10 %.

Outre ces mesures, l'entreprise a l'obligation d'inscrire les stagiaires dans un registre du personnel dans une section unique afin de mieux tracer leur présence, éviter toute confusion avec les salariés de l'entreprise et prévenir tout abus de travail dissimulé.

III - Une meilleure stabilité des règles applicables

A - Davantage de lisibilité grâce à la recodification des dispositions applicables aux stages

En créant un chapitre spécifique du Code de l'éducation (5), la proposition de loi procède à une recodification importante des dispositions applicables aux stages en vue d'assurer une meilleure stabilité des règles applicables. Un tel aménagement permet d'améliorer la lisibilité des règles relatives aux stages issues de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013, relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite loi "Cherpion", d'en renforcer les dispositions, et d'en clarifier le champ d'application qui s'étend de la formation initiale jusqu'aux stages effectués dans l'enseignement supérieur. Il s'agit de proposer une seule loi dont les mesures se retrouveront dans un seul Code, celui de l'éducation, afin de remplacer les lois et les décrets pris en la matière. Cette refonte a le privilège d'apporter davantage de clarté dans la lecture des règles applicables au stage et d'éviter un éparpillement néfaste des dispositions pouvant conduire à certaines contradictions.

B - Davantage de contrôle quant au respect de ces dispositions

Pour s'assurer du respect des dispositions prévues par la proposition de loi, un mécanisme de sanction est mis en place de façon à prévenir tout abus. En cas d'infraction aux dispositions exposées ci-dessus, les manquements sont passibles d'une amende administrative prononcée par l'autorité administrative dont le montant est d'au plus 2 000 euros par stagiaire concerné et d'au plus 4 000 euros en cas de réitération, dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de la première amende.

Par ailleurs, la proposition de loi prévoit une procédure, dont les conditions sont fixées par décret, par laquelle l'inspecteur du travail pourra, en cas d'éventuels manquements constatés, informer le stagiaire, l'établissement d'enseignement dont il relève ainsi que les institutions représentatives du personnel.


(1) La loi instaure notamment le principe de versement obligatoire d'une gratification pour tous les stages en entreprise d'une durée supérieure à deux mois consécutifs et l'obligation d'établir une convention de stage.
(2) Cette loi renforce la réglementation des stages en entreprise sur le terrain de la gratification minimale et du volet pédagogique.
(3) Cette loi instaure un délai de carence entre deux stages, limite la durée des stages, permet une meilleure prise en compte des derniers stages dans la durée de la période d'essai en cas d'embauche.
(4) La loi permet que les stages en entreprise de plus de deux mois puissent, le cas échéant, être retenus à hauteur de deux trimestres dans le calcul des droits à la retraite.
(5) C. éduc., chap. IV, intitulé "Stages et périodes de formation en milieu professionnel", comprenant les articles L. 124-1 à L. 124-20.

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